Les classes moyennes actuelles ont-elles encore une identité de classe? Le cas chilien
Congrès de l’AFS, jeudi 7 juillet 2011 RT5: Transformations du salariat, classes
moyennes, consommation et appartenances de classe
Emmanuelle BarozetDépartement de Sociologie, Université du
ChileDirectrice Projet Inégalités
Cette présentation repose sur :
• 8 groupes focaux réalisés dans le cadre du projet Fondecyt 1060225 (Que signifie appartenir aujourd’hui à la classe moyenne?: structures, identités et représentations au sein de la stratification sociale chilienne) entre 2006 et 2007
• Enquête Nationale de Stratification Sociale appliquée en 2009 au Chili, dans le cadre du Projet Inégalités (www.desiguadades.cl), financé par la Commission Chilienne de Recherche Scientifique et Technique et qui regroupe 3 universités chiliennes et le Centre d’Études sur les Femmes; équipe de 9 chercheurs (sociologues, économistes, anthropologues) ; 2009-2012
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Les différents modules de l’enquête :• Section 1: identification sociale
et territoriale• Section 2: religion et voyages• Section 3: travail• Section 4: patrimoine• Section 5: éducation• Section 6: mobilité sociale• Section 7: capital social• Section 8: opinions et
participation politique• Section 9: valeurs• Section 10: démographie familiale
et personnelle• Section 11: logement (fiche
famille)• Section 12: revenus (fiche
famille)3
L’échantillon comprend 3.365 foyers, avec une erreur maximale de 1,6% au niveau national – sur la base d’une variation maximale - et un niveau de confiance de 95%. Pour la Région Métropolitaine , cette erreur est de 4% et pour chacune des autres régions, elle varie autour d’une moyenne de 7,2%. L’échantillon comprend 6.153 personnes, avec une erreur maximale de 1,3% au niveau national – sur la base d’une variation maximale - et un niveau de confiance de 95%. Pour la Région Métropolitaine , cette erreur est de 3,6% et pour chacune des autres régions, elle varie autour d’une moyenne de 5,7%.
Le but de cette enquête consiste à produire des données sur la manière dont se structure la société chilienne aujourd’hui, en utilisant à la fois des variables classiques et des variables non conventionnelles. L’entreprise Statcom a appliqué l’enquête sur une période de 10 semaines, entre le 29 mai et le 9 août 2009, en entretien direct avec les personnes enquêtées, dans les 15 régions du Chili. Il s’agit d’un échantillonnage probabiliste à plusieurs phases.
Agenda de recherche Proyecto Desigualdades
• Échelles et instruments de mesure de la stratification
• Anciennes et nouvelles clases moyennes• Importance des territoires• Genre et marché du travail• Communautés d’intérêt et capital social• Politiques publiques et de redistribution• Mobilité sociale et reproduction des inégalités
• Élites : production et reproduction.
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Classes moyennes, culture et identité
• Apport de Weber• Bourdieu• Lamont • Apports britanniques (Savage, Crompton, Skeggs)
• Apport locaux (Bengoa, Salazar et Pinto, Lomnitz, Méndez) et du Cône Sud en général (Kessler)
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Au Chili• Peu d’études après le retour à la démocratie :
focalisation sur la pauvreté (et les concepts voisins : exclusion, marginalisation, etc.); comparaison avec l’Argentine et l’Uruguay où il existe une tradition sociologique d’étude des classes moyennes.
• Hégémonie de l’économie et des études sur les inégalités de revenus
• Sujet peu “politique” jusqu’au milieu des années 2000 quand réapparait la question de l’identité et du vote des “nouvelles classes moyennes”
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Intérêt comparatif• Le destin des classes moyennes dans un
régime néolibéral “mûr”• Les classes moyennes dans un pays émergent
avec des bas revenus et de fortes inégalités (médiane revenus 750 euros; moyenne 860 euros)
• Transformation des identités dans un contexte d’individualisation
1920-1970 : une classe moyenne homogène et
corportariste• Développement à partir des années 1920 sous la tutelle de
l’État pour l’administration des services et des entreprises publiques (propre au Cône sud), mais avec une hypertrophie de la fonction publique, dans le cadre d’un capitalisme dépendant
• Milieu urbain (exode rural) , avec accès à l’éducation secondaire
• Représente environ 30% de la société chilienne dans les années 1960
• Possède une forte identité de classe (avantages liés à l’emploi public, prébendes, échange de faveurs, partis de centre), qui sera partie prenante de l’ordre symbolique dominant (projet politique des années 1930 et 1940)
• Forte différenciation symbolique par rapport aux secteurs populaires
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1970-1990 : l’explosion sous l’effet du néolibéralisme• Phénomène connu en Europe (Crompton), mais plus
accentué• Brutale réduction ou privatisation du secteur public sous la dictature (1973-1990)
• Reconversion dans la précarité pour la classe moyenne traditionnelle; tertiarisation (économie des services ou de la finance)
• Perte de domination symbolique et marginalisation par rapport au projet politique de la dictature
• Émergence d’un groupe de professions indépendantes et non protégées
• Multiplicité des formes de différenciation sociale
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1990-2011 : consolidation de nouveaux groupes de classes
moyennes• Développement de l’éducation supérieure et technique
• Croissance économique soutenue des années 1990 et 2000 (5% annuel)
• Consolidation du secteur privé• Demandes de redistribution sociale au sein des classes moyennes et nouvelles expressions collectives « contentieuses »
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Auto-perception : tous au “centre”
• 80% des Chiliens se considèrent de classe moyenne en 2001, et 70% en 2009
• Mais les différentes formes de mesures indiquent en 22% et 45% de classes moyennes
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Structure de classes au Chile, sur la base du schéma de Goldthorpe et Erickson, 1992). Source : ENES 2009,
Proyecto Desigualdades, N = 2858
Classes aisées
Classes moyennes
Classes populaires
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Niveau socioéconomique (capacité de consommation) (classification de l’Association Internationale de
Marketing)Source : ENES 2009, Proyecto Desigualdades, N = 6153
Classes aisées
Classes moyennes
Classes populaires
Trois grands groupes qui conforment aujourd’hui les
classes moyennes• Les survivants de la classe moyenne traditionnelle : bureaucratie publique, enseignants, personnels de santé
• Les nouveaux groupes issus des secteurs populaires du fait de la croissance économique : vendeurs (centre commerciaux, assurances), employés du secteur privé
• Les “gagnants” du modèle néolibéral (professions libérales, diplômés, techniciens du secteur primaire et du tertiaire)
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Des identités “néolibérales”
• Identités de moins en moins exprimées de manière collective; avec des discours plus complexes; identités mobiles et individualisées
• Culture de l’effort individuel (la “lutte des places”), mais avec ambivalence quant à l’authenticité (lien aux origines)
• Identification sociale par l’intermédiaire de la consommation
• Absence de référence collective ou de référence au public dans certains groupes de classes moyennes (en particulier les “nouvelles” classes moyennes”)
• Lien à l’État : survivance d’un “savoir de classe”, reconverti en demande de protection publique, mais pas n’importe laquelle
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Avec la pérennité de certaines
identifications et pratiques• Survivance des solidarités organiques
différenciatrices des secteurs populaires• Hyper valorisation de l’éducation (souvent dispensée par le privé)
• Idée de communauté perdue articulée autour du “quartier” de l’enfance pour la classe moyenne traditionnelle
• La critique de l’”autre” (classe moyenne fast food), de ceux qui “aspirent” à une mobilité ascendante et rapide; critique du consumérisme et de l’individualisme (négation discursive mais acceptation dans les pratiques), discours agonique
• Exigence d’ « authenticité » vis-à-vis des origines : limites du processus d’individualisation
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Analyse de données en cours et nouvelles phases de recherche
• Identités en fonction des parcours familiaux de mobilité sociale
• Application (août 2011) du “jeu” de Boltanski et Thévenot (1991) pour mieux comprendre les formes de classification au sein des classes moyennes et les justifications de ces dernières.
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Projet Inégalitéswww.desigualdades.cl
Congrès de l’AFS, jeudi 7 juillet 2011 RT5: Transformations du salariat, classes
moyennes, consommation et appartenances de classe
Emmanuelle BarozetDépartement de Sociologie, Université du
ChileDirectrice Projet Inégalités
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