Music of Vanuatu: Celebrations and Mysteries [CD album + ebook]

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MUSIQUES DU VANUATU Fêtes et mystères MUSIC OF VANUATU Celebrations and mysteries

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MUSIQUES DU VANUATUFêtes et mystères

MUSIC OF VANUATUCelebrations and mysteries

Nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué à ce projet par leur soutien et leurs conseils : nosfamilles et amis, et en particulier Éric Wittersheim, Cécile Kielar, Georges Cumbo, Sébastien Lacrampe, AndyPawley, Pierre Bois, François Picard, Marcel Melthérorong, Gaia Fisher, Jacob Kapere, Marcellin Abong,Ralph Regenvanu. Plus que tout, nous sommes redevables aux nombreuses familles du Vanuatu qui nousont accueillis avec tant d'hospitalité au cours de nos divers séjours dans l'archipel, ainsi que les musicienset poètes qui nous ont ouvert les portes de leur monde fascinant – et dont les noms sont cités dans le livret. Ce disque est dédié à leurs nombreux talents, individuels et collectifs.

Alexandre François et Monika Stern

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Répartition géographique des pièces musicalesGeographical distribution of the musical pieces

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MUSIQUES DU VANUATU | MUSIC OF VANUATUFêtes et mystères | Celebrations and mysteries

☉1. Guimbarde / Jew’s harp — West Gaua .............................................................................0’42”☉2. Jeux d'eau / Water games — West Gaua ..........................................................................1’31”

Danses pour une grande fête | Celebration in the village☉3. “Le Cyclône” / “The Hurricane” (leng) — West Gaua..........................................................1’35”☉4. Sowahavin, danse des femmes / A women’s dance — Central Pentecost........................1’46”☉5. Sawagoro — Ambae ..........................................................................................................1’19”☉6. Sawagoro de levée de deuil / End-of-mourning sawagoro — Maewo.............................2’27”☉7. Sawagoro longo — North Pentecost ..................................................................................1’24”☉8. Sawako de mariage / A wedding sawako — Central Pentecost........................................3’41”☉9. Jeu satirique des femmes / A women’s joke song (barate) — Central Pentecost ............0’39”☉10. Mirliton / Kazoo — Merelava..........................................................................................0’27”☉11. Bambous pilonnants / Bamboo stamping tubes (nombo) — Merelava .........................1’13”☉12. Sowahavin, danse des femmes / A women’s dance — Central Pentecost......................2’50”☉13. Ka, danse des hommes / A men’s dance — Central Pentecost.......................................2’23”☉14. Danse de mariage / A wedding dance (noyongyep) — Motalava ..................................2’34”☉15. Danse de mariage / A wedding dance (noyongyep) — Motalava ..................................1’02”☉16. Chant “Le Râle à Bandes” / “Rail bird” song (namapto) — Motalava .............................1’20”�Promenade en forêt | Walking in the bush☉17. Ensembles de sifflets gove (garçons) / Gove whistles (boys) — Maewo .......................1’19”☉18. Berceuse “Les échassiers” / Lullaby “The Tattlers” — Hiw, Torres ....................................1’03”☉19. Comptine / Rhyme “Tangorere” — North Pentecost.......................................................0’32”☉20. Jeu de feuille de manguier / Playing a mango leaf — West Gaua.................................0’26”☉21. Comptine / Rhyme “Tutubwau” — North Pentecost ......................................................0’32”☉22. Arc musical / Musical bow — Hiw, Torres.......................................................................0’56”☉23. Berceuse / Lullaby — South Pentecost ............................................................................1’09”

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Collection fondée par Françoise Gründ et dirigée par Pierre BoisEnregistrements (Vanuatu, 1997 à 2010), texte et photographies, Alexandre François (CNRS–LACITO,ANU) et Monika Stern (CNRS, AMU-CNRS-EHESS, CREDO). Illustration de couverture : masques desesprits dans la danse mag (Jōlap, Gaua) et carte, Alexandre François. Traduction anglaise, BrendaPrendergast François et Alexandre François. Prémastérisation, mise en page, Pierre Bois. Financements : Ministère Français de la Recherche (ACI Jeunes Chercheurs 2004-2007), LACITO, CREDO.© Conseil National Culturel du Vanuatu (VNCC) pour les œuvres enregistrées. © Alexandre Françoiset Monika Stern pour les enregistrements, textes et photos. 2013 Maison des Cultures du Monde.

INEDIT est une marque de la Maison des Cultures du Monde (fondateur Chérif Khaznadar – direction Arwad Esber).

Les chants titi, poèmes à danser | Titi songs: dancing to poetry☉24. Prélude aux chants titi / Prelude to titi songs (nawha yong) — Motalava.....................0’51”☉25. “Pluie” / “Rain” (nawha titi) — Motalava ........................................................................3’04”☉26. “En écorçant les cocos” / “Husking coconuts” (titi) — Vanua Lava ....................................1’45”☉27. “Fleur de liane” / “Liana flower” (nawha titi) — Motalava ...............................................3’04”☉28. “Le mégapode” / “Scrubfowl” (titi) — Vanua Lava............................................................0’59”☉29. “Volcan” / “Volcano” (nawha titi) — Motalava ................................................................3’15”

Hommage aux Grands Hommes | A tribute to Great Men☉30. Ensembles de sifflets gove (femmes) / Gove whistles (women) — Maewo ..................1’48”☉31. Passage de grades / Grade-taking ceremony (bilbilan) — South Pentecost ..................1’48”☉32. Passage de grades / Grade-taking ceremony (mantani) — North Pentecost ................0’58”☉33. Tambourinage pour un grand homme / Drumming for a great man – Motalava........0’21”☉34. Chant d'entrain pour un grand homme / A song for a great man – Motalava ............1’17”

Le grondement sourd des Ancêtres | The muffled roar of Ancestors☉35. Rhombe / Bullroarer — Merelava ...................................................................................1’05”☉36. Danse des Esprits / Dance of the Spirits (utmag) — Merelava ......................................1’07”☉37. Danse des Esprits / Dance of the Spirits (neqet) — Motalava........................................1’29”☉38. Chant des Esprits / Songs of the Spirits (newe-t) — Hiw, Torres.....................................1’16”☉39. Chant des Esprits / Songs of the Spirits (newe-t) — Lo, Torres.......................................4’32”☉40. Chant des Esprits / Songs of the Spirits (newe-t) — Lo, Torres.......................................6’47”☉41. Pleurs des Esprits / Cries of the Spirits (newertiang) — Merelava .................................4’37”

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Le Vanuatu : des trésors méconnusLes sociétés mélanésiennes du Vanuatu com-posent une mosaïque de langues et de cul-tures, qui se sont fortement diversifiées au grédu temps et de la géographie. Cette variété seconstate en particulier dans les arts musicaux– un ensemble de pratiques esthétiques etsociales remarquablement sophistiquées, etpourtant encore mal connues. Des musiquesmélanésiennes du Vanuatu, on connaissaitsurtout les enregistrements réalisés à Maewoet Ambae par Peter Crowe (1994), ou undisque de chants a cappella produit par leCentre Culturel du Vanuatu (Ammann 2000).Un récent ouvrage décrit les musiques enrelation avec le monde du secret et du surna-turel (Ammann 2012). Cependant, qu’ils’agisse du détail des instruments, des mélo-dies et des rythmes, ou encore des formes

poétiques et stylistiques employées dans leschants, le Vanuatu recèle des trésors qui méri-tent encore d’être découverts.

La diversité du VanuatuComme le suggère la carte, les pièces présen-tées ici proviennent de neuf îles différentes,couvrant les deux provinces de TORBA(Torrès–Banks) et de PENAMA (Pentecôte–Ambae–Maewo), dans la moitié nord dupays. Ce riche échantillon donnera une idéede la richesse musicale du Vanuatu dans sonensemble. Les sociétés du Vanuatu chérissent la diver-sité des formes culturelles et linguistiques :c’est ainsi que le pays détient le record mon-dial de densité linguistique, avec 106 languesdifférentes – sans compter les dialectes – pour240 000 habitants. Dans les seules provinces

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MUSIQUES DU VANUATUFêtes et mystères

Cet album rassemble les plus beaux enregistrements effectués par deux chercheurs de terrain, entre 1997 et2010. Le linguiste Alexandre François (Langues et Civilisations à Tradition Orale, CNRS ; Australian NationalUniversity) étudie les langues et littératures orales du Vanuatu, en particulier celles des îles Banks et Torrès aunord de l’archipel. L’ethnomusicologue Monika Stern (Centre de Recherche et de Documentation sur l’Océanie)explore les pratiques sociales et musicales du nord du Vanuatu. Les deux chercheurs ont parcouru l’archipel tan-tôt séparément, tantôt ensemble, et ont uni leurs efforts dans un projet de recherche intitulé Rythmes à danser,poèmes à chanter en Mélanésie : Esthétique, transmission et impact social des arts musicaux au Vanuatu. Ce projeta notamment donné naissance à un film documentaire réalisé par Éric Wittersheim, Le Salaire du Poète, qui s’estvu décerner le prix Bartók 2009 de la Société Française d’Ethnomusicologie. Si ce film est centré sur l’île deMotalava, la présente anthologie musicale couvre une aire bien plus large.

TORBA et PENAMA représentées ici, oncompte pas moins de 26 langues, et autant demicrocommunautés distinctes. La diversitédes formes musicales est à la mesure de cettevariété linguistique : c’est ainsi que certainsgenres musicaux, certaines danses, certainsinstruments, seront connus dans un village,et inconnus ailleurs. Ceci étant dit, ces micro-différences se détachent sur un fond culturelpartagé. Du fait des origines communes maisaussi de longues traditions d’échanges écono-miques et culturels, on trouve de nombreusessimilarités d’une île à l’autre. Outre la variété géographique des tradi-tions, la présente sélection met l’accent surla diversité des genres, des instruments,des formes musicales ou poétiques. Endonnant priorité aux enregistrements ensituation, notre intention est de replacerles formes musicales dans leur contextesocial et anthropologique. Au fil de sonécoute, l’auditeur évolue d’un village àl’autre, changeant d’univers et d’atmo-sphères au cours d’un parcours esthétiqueautant que culturel.Ce livret propose d’accompagner le lecteurdans ce voyage musical. Après avoir évoquéla place de la musique dans les sociétés duVanuatu, nous présenterons leurs instru-ments de musique et décrypterons l’art de lapoésie chantée. Enfin, l’auditeur pourrasuivre le déroulé de l’album et le détail des41 pièces à la découverte de l’univers musicalde l’archipel.

L’océan, le village, la forêtLe Vanuatu a été peuplé il y a environ 3200ans, lorsque les navigateurs de la civilisationLapita, venus du nord-ouest sur leurs largespirogues, colonisèrent la Mélanésie insulaire– depuis les îles Salomon jusqu’à la Nouvelle-Calédonie et Fidji. Les premières populationsse sont sédentarisées dans les diverses îles del’archipel, la plupart volcaniques et fertiles,pour y cultiver la terre – non sans préserverun lien étroit avec la mer. L’unité socialeimmédiate devint le village ou hameau, par-fois perché dans les hauteurs de l’île, le plussouvent installé sur la côte. Ainsi se définit le paysage typique des socié-tés du Vanuatu. Quelques dizaines de mai-sons familiales aux murs de bambou et auxtoits de feuilles, formant cercle autour de laplace centrale du village – agora des ren-contres, haut-lieu des festivités. À quelques

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Un village côtier (Yugemëne, Hiw, Torres) © AF

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mètres en aval, la plage de sable, le récif decorail, le lagon puis l’océan – lieu des res-sources marines, mais aussi carrefourd’échanges entre les îles, horizon d’où vien-dront les rencontres futures. Enfin, de l’autre côté du village, en remon-tant la pente vers l’intérieur des terres,s’ouvre le monde ambigu de la forêt. La forêt, c’est d’abord le chemin familier versles jardins d’ignames ou de taros, que l’onfréquente depuis l’enfance, et dont leslimites précises se transmettent de généra-tion en génération. C’est le lieu des res-sources végétales que l’on connaît bien : lesfruits que l’on apprécie ; le bois de chauffepour le feu ; les troncs solides dont on fait lespirogues ou les poutres ; les bambous quideviendront chevrons du toit, bouteillesd’eau ou lames affilées ; mais aussi lesdiverses feuilles qui recouvriront la maison,envelopperont la nourriture dans le four àpierres, ou deviendront, tressées, la natte dela chambre. On le verra, ce sont ces mêmesvégétaux qui se transformeront en instru-ments de musique : d’une feuille on fera desguimbardes ou des rhombes ; des fruitsséchés deviendront sonnailles ; telle épaisseracine deviendra planche à percussion ; lestroncs solides seront taillés en massifs tam-bours à fente ; le tronc du sagoutier sera lecorps d’un tambour à membrane ; et desbambous de toutes tailles deviendront tam-bours à fente, tubes pilonnants, flûtes ou sif-flets… Le son de tous ces instruments, ce

sont les voix de la forêt qui résonnent jus-qu’au village.Mais que l’on s’y aventure à des heures tar-dives, et soudain ces forêts sombres et pen-tues se font l’entrée d’un monde mal connuet inquiétant, dédale végétal où l’on s’égarevite, paysage hanté par les Esprits desAncêtres. Les histoires qu’on raconte et lespoèmes qu’on chante évoquent ces momentsde solitude dans toute leur ambivalence :plaisir de la promenade, auguste respect pourles forces de la nature – mais aussi frayeurdevant l’inconnu, désir impérieux de rentrerau village parmi les siens.

La musique et la coutumeDepuis près de deux siècles, les insulaires duVanuatu ont eu l’occasion de connaître lemonde occidental. Le nord de l’archipel a étéchristianisé par les missionnaires anglicans ;catholiques, presbytériens et autres Églises sesont partagé les îles plus au sud. À travers lesvisites des navires venus d’Australie ou deNouvelle-Calédonie, et plus tard à travers lesinstitutions du Condominium franco-britan-nique des Nouvelles-Hébrides – l’ancien nomdu Vanuatu – les populations ont été expo-sées à l’anglais et au français, les deux seuleslangues encore aujourd’hui enseignées dansles écoles. Aux langues coloniales, est venus’ajouter le bislama – au départ un pidgin àbase d’anglais dont l’usage s’est généralisé aucours du XXe siècle, et qui sert de lingua francadans tout l’archipel. Devenu désormais

langue officielle du pays, le bislama prend lepas sur les langues vernaculaires, notammenten milieu urbain.Ces deux siècles ont donné lieu à de nou-veaux paysages sonores. Les chœurs deséglises anglicanes ont introduit des polypho-nies vocales qui n’existaient pas auparavant,et auxquelles les niVanuatu ont pris goût.Les périodes de labeur sur les plantationsaustraliennes du Queensland, à la fin du XIXe

siècle, permirent à certains d’entendre desensembles de guitares et autres cordophones.Cette découverte de nouveaux sons, accen-tuée plus tard par la rencontredes soldats américains pendantla guerre du Pacifique, allaitdonner naissance aux ensem -bles “string band” qui sont deve-nus si populaires au Vanuatu.Enfin, les vingt dernièresannées ont vu se développerl’industrie du disque. Pour lesjeunes générations des villes, lepaysage musical est désormaislargement dominé par le reggae– et dans une moindre mesure,par le hip-hop, la dance music,le R&B. Malgré ces tendances nouvelles, les formesmusicales héritées continuent de s’épanouirdans la plupart des îles de l’archipel.Dépourvues d’électricité, les zones rurales duVanuatu n’écoutent guère la radio. Jusqu’àl’introduction récente, à la fin des années

2000, des téléphones portables, ces régionsétaient demeurées largement à l’écart desmusiques de la ville. Ainsi, dans la plupartdes villages de l’archipel, on pratique surtouttrois genres : chants d’église ; chansons stringband ; et tout le reste, que l’on regroupe dansune vaste catégorie dite “musiques d’ici” ou“de chez nous” – par contraste avec celles quiviennent de loin. En bislama, on parlera sou-vent de kastom tanis, littéralement “dansescoutumières”, ou kastom singsing “chantscoutumiers”. Dans l’ensemble, les deux univers musicaux

se côtoient sans trop se mêler.Ainsi les guitares, pourtantcommunément jouées à l’égliseou en string band, n’intervien-dront jamais dans une dansedite coutumière. Le contrasteest également linguistique :alors que les chants religieux oude string band seront souventchantés en bislama ou enanglais, ceux de la coutume,quel que soit leur genre, seronttoujours chantés en languelocale, voire dans un registrepoétique archaïque. Les styles

propres aux musiques anciennes conserventleur identité propre y compris dans les com-positions contemporaines : ainsi, lorsqu’unnouveau chant coutumier est créé – commenous l’avons observé en 2005, à Motalava – ilsera composé dans la langue des ancêtres.

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Soirée string band au village(Jōlap, Gaua) © AF

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Ce contraste entre musiques “locales” etmusiques ressenties comme exogènes peutsurprendre, lorsque l’on connaît la circula-tion constante des formes musicales entrecommunautés, qui souvent voyagent d’uneîle à l’autre de l’archipel. En d’autres termes,les musiques “d’ici”, que l’on assigne à la“coutume”, sont souvent déjà des musiquesd’ailleurs, arrivées un jour par la mer. Malgrécela, un contraste subsiste dans les percep-tions, entre une musique de la “coutume” etdes formes qui n’y appartiendront jamaisvraiment (string band, chants d’église). Il estpossible qu’un élément clef puisse expliquercette dichotomie entre ces deux catégories demusique : la capacité des insulaires à en maî-triser toute la chaîne de production. Ainsi les musiques coutumières, quand bienmême elles circulent d’île en île, emploienttoujours des instruments et des techniquesque l’on sait entièrement reproduire à partirdes ressources locales : dans ces conditions, ilest aisé pour les insulaires de s’approprier desformes nouvelles, et d’enrichir leur répertoire

hérité. En revanche, les musiques d’origineeuropéenne impliquent souvent l’usage dematériaux (métal, plastique…) et d’instru-ments venus d’ailleurs, que l’on ne saura pastoujours recréer localement.Le présent disque reprend à son compte lesperceptions des praticiens eux-mêmes, et seconcentre donc sur la catégorie des musiquesdécrites comme locales ou coutumières. Parmanque de place, nous n’incluons donc pasici les chœurs d’église, chants string band,chansons reggae, qui tous mériteraient desdisques à part entière.En dépit des contrastes dans les représenta-tions, on observe parfois de subtilesinfluences entre les styles : ainsi, dans lapièce ☉12, une danse sowahavin laisseentendre le début d’une polyphonie, peut-être sous l’influence des chœurs d’église. Parailleurs, certaines formes de métissage musi-cal s’observent dans les contextes urbains, oùdes chants du répertoire traditionnel serontparfois repris avec des arrangements stringband ou reggae (Stern 2000, 2007).

Fêtes à Bunlap (Sud Pentecôte) © MS

Les voix et gestes des AncêtresAu Vanuatu, les arts musicaux constituentnon seulement une passerelle entre le pré-sent et le passé, mais aussi, par extension, unlien entre les vivants et les morts, entre leshumains et les esprits. Cette dimensionapparaîtra dans l’analyse de la poésie chan-tée, dans ses aspects aussi bien linguistiquesque stylistiques. Mais la même idée seretrouve en bien d’autres points de l’universmusical de cette région.En dépit de la christianisation, la figure desesprits ancestraux continue d’occuper uneplace centrale dans le paysage spirituel etculturel du Vanuatu (François 2013). C’estparticulièrement vrai des arts musicaux,dont bien des indices rappellent l’originesacrée. Ainsi, la langue poétique est appelée“langue des esprits”, “langue des dieux”, ou“langue de Qet” (du nom du créateurmythique des îles Banks). De même, c’estvers les esprits que se tourne le poète quandil recherche l’inspiration lors d’une nouvellecomposition : en avalant la sève de feuillesaux pouvoirs magiques, il pourra entrer encommunication, la nuit, ou lors d’une pro-menade solitaire, avec les esprits desancêtres, afin qu’ils lui soufflent les parolesou la mélodie d’un nouveau chant. Plusieurs mythes – eux-mêmes d’une grandevaleur anthropologique et littéraire – relatentcomment telle ou telle danse, tel ou tel ins-trument de musique, furent jadis enseignésaux hommes par les esprits ancestraux. À Hiw,

on raconte ainsi qu’un enfant, laissé seul auvillage par les adultes partis aux champs, reçutla visite régulière d’un esprit qui lui enseignaen secret les chants et danses du genre newēt[☉38–40]. Un mythe très similaire à Motalavaexplique l’origine du nawha titi. À Pentecôte,Maewo et Ambae, on narre comment la dansesawagoro fut un jour volée aux esprits par leshommes. D’autres légendes semblables seracontent à Gaua, Vanua Lava, ou Toga, rap-pelant toujours le lien indéfectible entre lamusique et les Ancêtres. Enfin, s’il est un contexte où la musique for-malise encore le lien entre les vivants et lesmorts, c’est celui des sociétés secrètes(Vienne 1984, 1996). C’est là que, retirésdans la forêt, les garçons d’une même classed’âge se retrouvent entre eux, sous l’égided’une divinité tutélaire, et apprennent deleurs aînés divers chants, danses et instru-

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L'esprit de l'Oursin, danse neqet (Lahlap, Motalava) © AF

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ments réservés aux seuls initiés. À la fin de lapériode de réclusion, ces jeunes gens vien-dront danser sur la place du village, la têtecouverte de coiffes et masques sacrés corres-pondant à leur rang d’initiation. Qu’ils’agisse des formes et couleurs de cesmasques, des paroles chantées, des rythmesou du pas de danse, chaque aspect de cescérémonies viendra rappeler au profane lapuissance des liens entre le monde deshumains et l’au delà.

Musique et sociétés à gradesLa dimension sacrée se retrouve égalementdans le système politique de la chefferie, étroi-tement lié au monde des esprits. Sur les troisîles Pentecôte-Ambae-Maewo – comme àMalakula ou Ambrym, plus au sud – les gradeshiérarchiques régissent encore aujourd’hui lasociété, et tout homme se doit de participer àcette compétition politico- économique. Dès son enfance, un garçon est introduitdans la hiérarchie des grades lors d’unepetite cérémonie où il acquiert son premiergrade. Ces premières étapes dans la hiérar-chie des honneurs, dans la mesure où ellesconcernent quasiment tous les garçons,n’impliquent pas de danses ou de musiquesparticulières. Mais plus le grade est élevé etprestigieux, plus les cérémonies de passages’enrichiront en danses, chants et rythmestambourinés. Nous avons entendu certainsde ces rythmes lors de cérémonies de prisesde grade à Pentecôte [☉31–32].

Si la musique tient un rôle essentiel dansces cérémonies, c’est aussi parce que cer-tains grades impliquent l’accès à une sortede “droit coutumier” sur un rythme musicalspécifique. Ce rythme fait partie intégrantedes attributs propres à ce grade, au mêmetitre que certaines parures – comme lescanines de cochons recourbées [photo p.15]– certaines feuilles de plantes sacrées, pein-tures corporelles, ou motifs dessinés sur leshabits de nattes. Une partie importante desformes musicales au Vanuatu est ainsi pla-cée sous le sceau du secret et de la propriétéexclusive de certains hommes, en vertu deleurs liens privilégiés avec le monde desAncêtres. Certains chants, danses, instru-ments, rythmes ou mélodies seront ainsiinterdits d’accès aux enfants, aux femmes,et à tous ceux qui n’en auront pas acquis lesdroits.En somme, les musiques du Vanuatu sontfortement associées, dans les esprits, aumonde ancien de la “coutume” – et ce,quand bien même elles se renouvellentcontinuellement par des rencontres et descréations. Ce lien avec le monde de l’antiquese manifeste de diverses manières, que nousallons décrire tour à tour. D’abord, les tech-niques matérielles perpétuent l’emploiexclusif de matériaux naturels, autant pourl’élaboration des instruments euxmêmes quepour les costumes et masques de danses quel’on confectionnera pour les grandes occa-sions. Par ailleurs, le lien entre musiques

coutumières et temps anciens apparaît nette-ment dans la forme poétique des chants – àtravers l’emploi d’une langue poétiquearchaïsante, et l’évocation permanente, dansles textes, du monde rêvé d’autrefois.

Les instrumentsLes instruments employés dans la musiquedite “traditionnelle” proviennent tous del’environnement naturel proche des musi-ciens – de la forêt ou de la mer. L’océan fournit surtout la conque marine,que l’on souffle pour appeler les foules oulancer un signal. Par ailleurs, on signale àUreparapara l’existence de sonnailles dechevilles fabriquées en piquants d’oursinscrayons. Mis à part ces cas rares, les autresinstruments employés dans la musiquecoutumière sont quasiment tous d’originevégétale.On peut distinguer trois types d’instru-ments. D’une part, les instruments demusique proprement dits, dont l’usage estcodifié, et qui sont joués dans le but d’ac-compagner le chant ou la danse. D’autrepart, des objets ludiques ou fonctionnelsemployés occasionnellement, exploités parjeu pour leur vertu sonore, mais indépen-damment de toute performance chantée oudansée. Enfin, nous verrons que certains ins-truments revêtent des fonctions paramusi-cales, signalétiques ou mimétiques.Suivant la classification Hornbostel-Sachs,on distinguera entre les idiophones (de loin

les plus nombreux), les cordophones, lesaérophones et les membranophones.

Les idiophonesLa planche à percussionUn idiophone assez répandu au Vanuatu,notamment dans les îles du nord, est laplanche à percussion. Après avoir creusédans la terre une petite fosse d’environ 50cm de diamètre et 20 cm de profondeur – elleservira de résonateur – on pose dessus unmorceau de bois assez massif, plus ou moinsplat. Traditionnellement, cette planche estissue d’une racine-contrefort, plate et large,de certains arbres ; de nos jours, on peut ysubstituer n’importe quelle planche de bois. Trois à douze musiciens se tiennent deboutautour de cette planche. Chacun est munid’un ou deux bâtons plutôt légers, longs de0,90 à 1,80 m, soit en bambou soit en bois

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Planche à percussion tiyit rërë (Hiw, Torres) © AF

– parfois une pagaie fera l’affaire. Lors de ladanse, ces musiciens frappent la planche enrythme, produisant des sons sourds. Legroupe se maintient synchronisé en se calantsur un leader ; c’est lui qui décide de la pro-gression du rythme, ou du moment où lechant se termine.Dans les îles Banks, la planche à percussionest l’élément central des moments musicaux –y compris au sens littéral, puisque son empla-cement, au milieu de la place du village,constitue le point central autour duquel sedéploieront les cercles des musiciens et dan-seurs. Pièce principale de l’orchestre appelénawha en langue de Motalava, cette plancheaccompagne les danses villageoises [☉14–16]ou les poèmes chantés titi [☉25–29]. Aux îlesTorrès, l’instrument fournit l’ostinato princi-pal des chants newēt [☉38–40].Le nom de l’instrument diffère considérable-ment d’une langue à l’autre : ne tiyit rërë (lit-téralement “racine d’arbre”) en hiw ; ne vënmēlepup (“planche épaisse”) en lo-toga desîles Torrès ; ntaqap en löyöp d’Ureparapara ;naqyēn malbuy (“épaisse massue”) en mwot-lap ; lalöbur en vurës de Vanua Lava ; diov endorig de Gaua ; mēpli ra en lakon, etc. Leslangues ont également des noms pour lesbâtons qui frappent le rythme sur la planche– généralement le même terme que “bam-bou”, même lorsque d’autres bois sontemployés. Enfin, les langues possèdent des termestechniques pour les actions liées à cet ins-

trument. Ainsi elles ont un terme spécifiquepour désigner, dans le groupe de percussio-nistes, celui qui mène le jeu et que les autressuivent (en mwotlap : avus, en dorig :rankrēbō). Elles ont au moins un verbe pourl’acte de battre la planche (hër en lo-toga,didi en mwotlap, etc.) – souvent le mêmeverbe que “pilonner” utilisé en cuisine. Lalangue hiw ne possède pas moins de quatreverbes – deux synonymes (sor et yop) pour lesens général, et deux termes plus précis,employés dans le genre newēt : puye “battrela planche en marquant un temps sur deux”et rug “battre la planche en marquant troistemps sur quatre”. La précision de cestermes techniques démontre, s’il le fallait,l’existence locale d’une “théorie musicale”(cf. Zemp 1979).

Le grand tambour à fenteL’idiophone le plus imposant, à la fois par sesdimensions et son prestige social, est un largetambour de bois, creusé dans le tronc d’unarbre, et pourvu d’une fente longitudinale. On trouve un type analogue de tambour,sculpté et joué en position verticale, dans lesîles du centre du Vanuatu – sa célébrité en ad’ailleurs fait un emblème national. Dans lesîles Banks en revanche, ainsi qu’à Maewo,Ambae et le nord-centre de Pentecôte, lemême tambour se présente à l’horizontale,posé à même le sol.Le grand tambour est souvent joué par plu-sieurs musiciens, produisant une polyrythmie.

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Dans la majeure partie de l’archipel, cet ins-trument sera ainsi joué dans une formation deplusieurs tambours (Crowe 1996), chacunjoué par un seul musicien. Aux îles Banks enrevanche, plusieurs musiciens frappent lemême tambour – lequel suffit, à lui seul, àproduire une polyrythmie [photo ci-contre].Dans les îles de Motalava et de Gaua, celourd tronc évidé fait environ 1,40 m de longpour un diamètre de 45 cm. Posé au sol, il estjoué par trois musiciens assis. Celui dumilieu percute le centre du tambour à l’aided’épais pétioles de palmes de cocotier, pro-duisant les basses (bōl en langue mwotlap de

Cérémonie de passage de grade à Bunlap (Sud Pentecôte) © MS

Tambour à fente nokoy (Motalava) © AF

Motalava, tēn en lakon) ; les deux musiciensqui l’encadrent jouent avec des bâtons durset légers, produisant un son à la fois plusaigu et plus intense (beleg en mwotlap, vuhen lakon). Le principe du jeu est polyryth-mique : chaque musicien frappe un ostinatorythmique différent. Dans les îles Pentecôte-Ambae-Maewo, letambour à fente a préservé son lien originelavec les sociétés à grades, une institution quis’y est maintenue vivace jusqu’à nos jours.Parmi ces attributs rituels liés à certainsgrades, figurent précisément certainsrythmes tambourinés : ces derniers sont tou-jours interprétés sur des ensembles de plu-sieurs tambours de bois de différentes tailles[cf. photo page précédente]. Dans les îlesBanks, l’instrument s’est raréfié, mais on lesort pour les grandes occasions. C’est ainsique le nokoy de Motalava fut joué, endécembre 1997, pour le mariage du fils del’évêque anglican [☉33–34]. Au contraire de la planche à percussion, lenom du grand tambour à fente se ressembledans la plupart des langues du nord : hiw nekōr, löyöp nkoy, mwotlap nokoy, lemerig kër,mwesen wokor, mota kore, dorig wakor-dun,lakon kee etc.

Les petits tambours à fenteBeaucoup plus commun est le tambour àfente individuel. Mesurant entre 20 et 80 cm,il est fabriqué soit en bambou [photo], soiten bois taillé [photo p.46].

Léger, il sera tenu d’une main par le musi-cien, qui le frappe d’un bâton tenu del’autre main [photo p.35]. D’autres fois, letambour est joué à l’aide de deux bâtons, etpour cela il est stabilisé de diverses façons :posé au sol et maintenu avec les pieds ; tenupar une seconde personne ; ou encore fixéen hauteur sur des supports verticaux. Trèsrépandu, ce tambour s’entend dans plu-sieurs pièces du disque : ☉4, ☉11–16 ;☉25–29, ☉36–40.Dans les langues du nord du Vanuatu, cepetit tambour à fente est toujours distinguéde son grand frère, le grand tambour àfente taillé dans un tronc d’arbre. Parexemple, la langue lakon (ouest Gaua)désigne le grand tambour comme kee, et lepetit comme qalē laklake (littéralement“entrenœud-de-bambou à danser”).

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Tambour à fente en bambou (Motalava) © AF

Les tubes pilonnantsEn général, la planche à percussion est frap-pée à l’aide de bambous : dans de nom-breuses langues, les longs bâtons de percus-sion sont d’ailleurs simplement nommés“bambous”. Parfois, on se permet d’y substi-tuer de simples bâtons de bois puisque lecorps qui vibre est la planche que l’on frappe.Mais en l’absence de la planche à percussion,

c’est le tube lui-même qui vibre lorsqu’on lefrappe sur le sol : ce dernier est alors néces-sairement fait de bambou, et l’on parle debambou pilonnant. Ces derniers sont com-muns en Océanie, observés en Nouvelle-Calédonie ou aux îles Salomon. Dans la petite île de Merelava, un genremusical met en jeu des bambous pilonnants,le nombo (’bambou’ en langue locale). Six

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Bambous pilonnants dans la danse nombo (Merelava) © MS

femmes assises, tenant dans chaque main uncourt tube de bambou, frappent le sol touten chantant [☉11]. Un autre type de tubes pilonnants existe àPentecôte. De dimensions plus longues, etjoués en plus grand nombre qu’à Merelava,ces bambous fournissent les basses lors decertaines performances – comme dans lesowahavin ☉12.

Autres idiophones en bambouPlus au sud à Pentecôte, ce végétal providen-tiel présente encore d’autres usages musi-caux, parfois originaux.

Bambous fendus entrechoqués Il s’agit de bambous d’environ 1 m de lon-gueur, fendus tout autour de leur corps. Lesdanseurs se mettent par deux et entrecho-quent leurs instruments, comme des armes,par leurs moitiés fendues.

Tambour de bambous en faisceauUn autre usage musical du bambou àPentecôte met en jeu des bambous longs deplus de 2 m et regroupés en un grand fagot.L’instrument est maintenu en hauteur pardeux hommes, debout à chaque extrémité,tandis que quatre musiciens – deux dechaque côté – le frappent avec des bâtons debois. La sonorité particulière de cet instru-ment, que l’on peut entendre en ☉32, mêlele choc des bâtons sur les bambous et lesentrechocs entre les bambous eux-mêmes.

Les sonnaillesConnues dans tout l’archipel du Vanuatu etau-delà, les sonnailles sont fabriquées à partirdes fruits d’un végétal, Pangium edule, sortede noix dont les coques sont vidées puisséchées au soleil, avant d’être tressées engrappes. La particularité de cet instrument estd’être normalement joué non par les musi-ciens, mais par les danseurs : les sonnaillessont attachées à leurs chevilles, et s’entrecho-

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Sonnailles de chevilles dans la danse neqet (Lahlap,Motalava) © AF

quent à chacun de leurs pas. Ces sonnaillessont utilisées dans la plupart des danses mas-culines des îles Pentecôte-Ambae-Maewo[☉13], ainsi que dans la danse des femmesdite sowahavin [☉4, ☉12]. Elles sont égale-ment très présentes dans les îles Banks, enparticulier lors des danses masquées effec-tuées par les jeunes initiés – que ce soit ladanse des adolescents dite utmag à Merelava[☉36] ou le neqet de Motalava [☉37], dansespectaculaire interprétée par les jeuneshommes [cf. photo page précédente]. Aucours de toutes ces danses, l’entrechoc desnoix sèches accompagne les coups secs despetits tambours à fente et les cris des chan-teurs solistes, dans un paysage sonore trèscaractéristique.Un autre emploi original de ces mêmes son-nailles consiste à en réunir quelques-unesdans un sac de toile, que l’on secoue à lamain, donnant un son qui rappelle les mara-cas. Cette sorte de hochet-sonnailles peuts’entendre à Motalava, dans l’ensemblemusical nawha titi [☉24–25; 27; 29]. C’est leseul cas où les sonnailles sont intégrées àl’ensemble des instruments joués par lesmusiciens.Le nom des sonnailles dans les langues estassez homogène : hiw ne verak, löyöp nvayan,mwotlap nowopyak, vurës wōviriak, lakonväräk, maewo varage, raga vage, etc., pro-viennent tous du même radical *vaRage quidésigne la plante dans laquelle l’instrumentest fabriqué.

Les cordophonesJusqu’à présent, aucun cordophone n’avaitété signalé au Vanuatu – à l’exception d’untrès rare arc musical à résonateur buccal quel’ethnologue Speiser observa vers 1910 àAmbrym. Alors qu’on le croyait désormaisdisparu, nos enquêtes nous ont permis deconstater que l’instrument était toujours enusage à Ambrym. Mieux encore, nous avonsdécouvert l’existence d’un arc musical sem-blable quoique de plus grande taille [photop.50], dans l’île de Hiw tout au nord de l’ar-chipel [☉22]. Le musicien, un homme de 86ans du nom d’Edward Pilis, a conscienced’être le dernier homme de son île à savoirfabriquer et jouer de cet instrument rarissimeau Vanuatu. Cette rareté des cordophones dans lamusique coutumière contraste vivement avecleur usage quotidien dans des répertoiresmusicaux de création récente. En effet, leschœurs d’église d’une part, et les chansonsdites string band d’autre part, font amplementusage de guitares, ukulélés ou contrebassines(bush bass). Pourtant, dans toutes les îles quenous avons visitées, cette forte présence descordophones dans la musique populairemoderne est demeurée étrangère à la musiquecoutumière. L’arc musical est ainsi le seul cor-dophone qui figure dans cet album.

Les aérophonesLes aérophones sont également rares, de nosjours, au Vanuatu. Si l’on s’en tient aux ins-

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truments reconnus localement comme tels, ilsemble que les seuls aérophones connus dansla région aient été des flûtes en bambou, sousdiverses formes décrites minutieusement parAmmann (2012). Ces flûtes sont mention-nées essentiellement dans des témoignagesdes premiers ethnologues du début du XXe

siècle (Speiser 1923). Quelques longues flûtesont été observées dans l’île de Pentecôte dansles années 1970 (Crowe 1996, Huffmann1996). Si en ville, dans les magasins pour tou-ristes on trouve toujours des flûtes d’Ambrym– toujours plus ou moins le même modèle deflûte droite ou oblique à encoche en V avecdeux trous de jeu – cet instrument a désor-mais quasiment disparu de la tradition danstout le nord de l’archipel. On raconte qu’unhomme en jouerait encore en secret, dans lecentre de Maewo. Malgré cette quasi dispari-

tion, nombreux sont ceux qui relatent l’exis-tence ancienne de flûtes en bambou deformes diverses dans différentes îles de l’ar-chipel – non seulement à Tanna ou Ambrym,où elles sont jouées encore aujourd’hui, maiségalement dans les îles Pentecôte–Ambae–Maewo. Edgar Hinge, l’un des derniershommes qui sachent encore fabriquer desflûtes à Pentecôte, reconstitue huit types deflûtes différents. À chaque type correspon-dait, autrefois, un répertoire spécifique :chants d’amour, de prestige, de magie… Nos enquêtes menées aux îles Torrès ont éga-lement fait resurgir le souvenir d’une flûte dePan, instrument répandu également dans lesîles Salomon voisines (Zemp 1994), maisrarement évoqué au nord du Vanuatu (cf.Ammann 2012). Ici encore, cette petite flûteà plusieurs tuyaux de bambou n’existe qu’àl’état de souvenir, le dernier exemplaireattesté remontant à plusieurs décennies.Cependant, l’existence de noms locaux spé-cifiques pour la flûte de Pan (tokak en languehiw ; n’o ravtepōr en langue lo-toga, littér.“bambou ténu”) tend à confirmer son exis-tence à une époque ancienne.Enfin, l’île de Maewo présente un type uniquede sifflet, appelé gove. Fabriqué en bambou etlong d’environ 15 cm, chaque sifflet possèdeune seule hauteur de son. Ainsi, l’exécutiond’une mélodie requiert un ensemble de sif-flets, joués par deux groupes de musiciens quise répondent : le premier groupe siffle etchante alternativement, l’autre groupe leur

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Esta Rotili jouant du sifflet gove (Maewo) © MS

répond uniquement en sifflant. Les musicienssont tantôt des enfants [☉17], tantôt desfemmes [☉30], pour des raisons qu’on verra.Ce type d’interprétation met en jeu plusieurstechniques musicales simultanées : toutd’abord un hoquet, puisque les deux groupesalternent des événements sonores de courtedurée, en formant un son constant ; un osti-nato, créé par la répétition d’une même for-mule mélodico-rythmique ; enfin, l’alter-nance du souffle dans un instrument et duchant sur une syllabe. D’autres aérophones existent au Vanuatu,mais ont un statut périphérique, et ne sontpas considérés par les praticiens comme desinstruments de musique. Ainsi, la conquemarine est connue partout dans l’archipel,mais elle n’accompagne jamais le chant ou ladanse : elle n’a qu’une fonction signalétique.Par ailleurs, si le petit rhombe en feuille decocotier [☉35], fait également partie desaérophones, il sera considéré comme unsimple jeu d’enfant, dépourvu du prestiged’un véritable instrument. À l’inverse, il estpossible que de plus grands rhombes existentdans la région, mais si c’est le cas ils font par-tie des instruments secrets, réservés aux ini-tiés – nous ne pouvons donc rien en dire.

Les membranophones Les instruments à membrane sont égalementtrès rares au Vanuatu. Lors de nosrecherches, nous en avons cependantobservé deux spécimens.

D’une part, sur l’île de Maewo, un tambour àmembrane existe encore, mais sa fabricationn’est connue que de quelques individus. Cetambour se nomme taḡura, c’est-à-dire“sagoutier”, du nom du bois dans lequel il estfabriqué. Instrument tabou, il est utilisé lorsd’une cérémonie exceptionnelle, Ḡwatu taBaruḡu, à l’issue de laquelle il doit être détruit. Le nord des îles Banks possède également untambour à membrane fabriqué dans unsagoutier. Après avoir évidé le tronc de sapulpe, on obtient un fût d’environ 1,40 m delong et 40 cm de diamètre. On en recouvre

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Tambour à membrane natmat-woh (Motalava) © AF

l’extrémité avec des feuilles de sagoutier tres-sées, tendues et fixées en plusieurs couches,recouvertes à leur tour d’une natte de panda-nus. Planté en terre, le tambour se dresse àenviron 1 m du sol pour être joué. D’usage restreint, ce tambour est joué, enconjonction avec d’autres instruments,exclusivement dans un ensemble musicalprécis – le genre titi [p.51]. Frappé de coupsréguliers des poings ou des paumes, ce tam-bour fournit, avec la planche à percussion, laligne des basses [☉24–25; 27; 29]. Dans lestrois îles où il est connu, l’instrument senomme littéralement “les coups de poingsdes Esprits” (natmat-woh en mwotlap, nta-mat-wos en löyöp, timiat-wos en vurës, ’ama-wos en vera’a et lemerig), assignant ainsi uneorigine surnaturelle aux échos sourds de cetambour.

Le corps des danseursAu rang des instruments musicaux, on peutégalement compter les claquements demains et de pieds, dont les vibrations, durantles performances, contribuent au paysagesonore. Cette dimension est particulière-ment bien représentée dans ce disque, oùl’on a privilégié les enregistrements en situa-tion : les cris et les gestes des danseurs yimportent autant que la performance musi-cale elle-même. Plusieurs enregistrements de danses fontainsi entendre des bruits de pas au fil de lamusique. Ceux-ci trouvent toute leur impor-

tance lors des chants a cappella : ainsi, legenre leng de Gaua [☉3], chanté sans instru-ments, donne toute sa place aux pas rythmésdes danseuses [photo p.40]. D’autres fois, lesdanseurs soulignent leurs pas à l’aide dessonnailles de chevilles, comme dans le sowa-havin de Pentecôte [☉4] ou le neqet deMotalava [☉37].Mais s’il est un genre qui met le mieux enscène le potentiel musical du corps humain,c’est bien le sawagoro [☉5–6, ☉8]. Qu’il s’ap-pelle sawagoro ou sawako, ce répertoirepropre aux îles Pentecôte-Ambae-Maewo secaractérise par l’absence de tout instrumentmusical autre que la voix, les mains et lespieds des danseurs. Tandis que les pieds frap-pent le sol sur les temps forts, les mains cla-quent à contretemps, et le tout forme un ins-trument collectif relativement riche.

Quelques jeux sonoresL’environnement du Vanuatu n’est toujoursapprivoisé qu’à demi, et se prête aux explo-rations. Au cours d’une chasse en forêt,d’une expédition aux jardins de brousse, oud’une partie de pêche, se font entendre lesmille sons du monde – échos des vagues,chants des perruches, bruissement desfeuillages… Ces sensations sonores sontd’ailleurs volontiers évoquées, nous le ver-rons, dans la poésie chantée. C’est donc toutnaturellement qu’enfants et adultes trouve-ront autour d’eux prétexte à des jeuxsonores.

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Les femmes de la côte ouest de Gaua, au vil-lage de Jōlap, s’adonnent ainsi à des jeuxd’eau [☉2]. Un groupe de cinq ou sixfemmes est disposé en ligne ou en cercle,dans la mer ou l’embouchure d’une rivière,avec de l’eau jusqu’à la taille [photo p.39].Au signal de la meneuse, elles giflent la sur-face de l’eau simultanément ou en décalage –d’un rythme tantôt vif et léger, tantôt lourdet plus lent. D’autres jeux sonores sont présents dans l’al-bum, la plupart faits de feuilles ou de végé-taux. Parfois, on frappe simplement unefeuille séchée contre la main [☉20]. ÀMerelava, un arbuste côtier fournit aux pro-meneurs une feuille que l’on fend et faitvibrer sur les lèvres, tel un mirliton [☉10]. ÀMotalava, les enfants aiment à fabriquer desappeaux ou sifflets à l’aide d’une jeunefeuille de cocotier. À Gaua, la même feuillemunie de sa tige se transformera en guim-barde [☉1] ; on en fait vibrer la tige contre lacavité buccale utilisée comme résonateur[photo], suivant le même principe que l’arcmusical [☉22]. D’autres fois encore, la feuillese fait rhombe, que l’on fait tournoyer enl’air [☉35].Malgré leur beauté parfois envoûtante, cesinstruments reçoivent une place secondairedans la perception des interprètes euxmêmes.Tout comme les jeux d’eau, ces objets ne sontutilisés que pour se divertir : ce sont desimples jeux sonores, dépourvus du prestigedévolu aux “véritables” instruments.

Fonction signalétiqueOutre leur valeur musicale, certains instru-ments revêtent parfois une fonction symbo-lique ou signalétique. Ainsi, les sifflets govede Maewo font office de signal, en périoded’initiation des hommes. Lorsqu’un groupede non-initiés – enfants [☉17] ou femmes[☉30] – marche dans la forêt, il risque des’approcher de l’enclos sacré des initiations,dont l’emplacement exact leur est inconnu.Ces non-initiés jouent alors de leurs siffletsafin de signaler leur présence aux hommesdont la vue leur est strictement interdite.La fonction d’alerte est aussi dévolue à la

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Susi Rosur jouant de la guimbarde (Jōlap, Gaua) © MS

conque marine (Charonia tritonis). On la faitsonner comme une trompe pour signaler unévénement d’importance à la population –par exemple, convoquer tout un village àune festivité ou une prière, ou annoncer ledécès d’un grand chef. Autrefois, ce dernierrôle était également rempli par l’usage dugrand tambour à fente, dont la puissancesonore était exploitée pour diffuser de tellesnouvelles à toute une région. Cette pratiquesemble encore en usage à Pentecôte, Ambae,Maewo et Malakula (Ammann 2012), et sub-siste à l’état de souvenir sur la côte ouest deGaua. Ainsi, dans le village de Jōlap, on rap-porte qu’un certain rythme tambourinésignifiait Too maranaga ēn mät! “Le chef estdécédé !” Ce procédé rappelle les “langagestambourinés” observés dans certaines socié-tés de Centrafrique (Arom & Cloarec-Heiss1976) ou des îles Salomon (Zemp &Kaufmann 1969).

Fonction mimétiqueLe décès d’une personne importante occa-sionne parfois une toute autre forme de son.Au sud des îles Torrès, ce type d’événement,nommé tëmrega, se produit cinq jours aprèsle décès de la personne ; il prend la formed’un phénomène sonore étrange et impres-sionnant, que l’on décrit volontiers commela “voix des Morts”. Il s’agit d’un son sacré,que tous les villageois peuvent entendre,mais dont seuls les hommes initiés sontautorisés à connaître les secrets.

L’île de Merelava, au sud des Banks, connaîtune semblable cérémonie funèbre, nomméeNewertiang “Pleurs des Esprits” [☉41]. Bienque nous ayons été autorisés à enregistrercet événement sonore, nous avons respectéle tabou qui l’entoure, et n’avons pasexploré la nature des instruments utilisés.Tout au plus savons-nous que le phénomènesonore ainsi produit se décline en plusieurscouches de sons superposés, mettant en jeusoit des aérophones, soit des idiophonesfrottés (cf. Codrington 1891 : 79). Il enrésulte un paysage sonore particulièrementinquiétant, semblant venir tout droit dumonde des Morts.

Formes musicalesRythmes et mélodiesLa plupart des instruments que nous avonsvus ne se prêtent guère aux variations mélo-diques : qu’il s’agisse de percussions, detambours à membrane, de sonnailles, de sif-flets ou de frappements de mains, leurcontribution musicale se réduit souvent àune seule hauteur de son. Leur principalapport est le timbre particulier des maté-riaux employés, ainsi que leur fort potentielen termes de jeu rythmique. La famille des danses sawagoro se caractérisepar l’absence d’instruments proprementdits, et une alternance rythmique originale :des frappements de pieds sur les tempsforts, des claquements de mains à contre-temps [☉5–6, ☉8].

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Les ensembles de percussion sont souventpolyrythmiques. Ainsi, les ensembles detambours à fente joués à Pentecôte, Ambae etMaewo produisent des ostinatos à plusieursvoix ; dans les îles Banks, cette polyrythmieest réalisée sur un seul tambour [☉33–34].L’orchestre titi [☉25] combine également lesrythmes distincts de plusieurs instruments :planche à percussion, tambours à fente, tam-bour à membrane, sonnailles.En l’absence d’instrument mélodiquecomme les flûtes à trous, la mélodie n’estgénéralement apportée que par le chant.

Le chantMême si certains morceaux peuvent être pure-ment instrumentaux, la plupart implique unchant. Certains genres, comme les berceuses[☉18, ☉23], les comptines [☉19, ☉21] ou lesodes de prestige, sont normalement interpré-tés a cappella. Mais le plus souvent, la desti-nation ultime d’un chant est de s’intégrer àune performance instrumentale, générale-ment en association avec des danses. Celan’empêche pas que ces mêmes chants soientparfois interprétés à voix nue [☉26, 28], tan-tôt lors de séances d’apprentissage et de répé-tition, tantôt lors de moments récréatifs.Dans certaines situations, un chant donnéne sera interprété que par une seule per-sonne – soit un individu isolé, soit un solistedans un groupe. D’autres fois, un chantprend une forme chorale, lorsqu’un grouped’individus – coïncidant parfois avec les

musiciens ou les danseurs – chante le mêmepoème simultanément. La polyphonie étantrare, la principale technique en usage est lechant à l’unisson (homophonie). C’est le cas,en particulier, lors des “odes de prestige”chantées devant une personnalité impor-tante : lors de leur cérémonie d’inaugura-tion, ces chants sont interprétés a cappellapar un chœur d’une trentaine d’individus(Wittersheim 2009). Mais le cas le plus fréquent au nord duVanuatu est sans doute la forme responso-riale, impliquant l’alternance d’un chanteur

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Tatley Sekson interprète une ode de prestige (Toglag,Motalava) © AF

soliste et d’un chœur. On peut le constateravec le leng des femmes de Gaua [☉3], lesowahavin [☉4, 12] et le sawagoro dePentecôte, les chants nawha titi à Motalava[☉25, 27, 29], etc.Le style newēt pratiqué aux îles Torrès[☉38–40] met en jeu une technique de chantparticulière, sorte de “hoquet” vocal – simi-laire aux sifflets gove de Maewo [☉17, 30].

Lors d’un chant newēt, deux groupes chan-tent et se répondent en alternance : “O ho,Ohé o – O ho, Ohé o”… En parallèle, etd’une voix beaucoup plus basse, un solisteentonne un chant secret, à peine audible.C’est ainsi que le chant mélodieux du solistenewēt se trouve recouvert par les cris hale-tants des musiciens [☉40] – ébauche d’uneforme polyphonique, rare dans cette région. Enfin, un cas particulier est celui des dansesutmag de Merelava [☉36] et neqet deMotalava [☉37]. Parce que la connaissancede ces danses masquées est réservée aux seulshommes des sociétés secrètes, il est exclu queles non-initiés puissent entendre les parolesdes chants. Ces derniers existent pourtant belet bien, mais du fait de leur caractère tabou,ils ne sont pas interprétés à haute voix. Ilssont chantés mentalement par les danseurs,comme un aide-mémoire intérieur destiné àrégler leur chorégraphie silencieuse.

Échelles et mélodieComme beaucoup de musiques dans lemonde, les mélodies du Vanuatu n’ont pasde hauteur absolue. Ce que le musicologueobserve est avant tout la relation entre lesdifférents sons, en particulier les intervalles.Or, l’analyse de nos enregistrements révèleque les mélodies présentent une grandediversité, malgré un faible nombre de noteset d’intervalles. Cette diversité s’expliqueavant tout par le grand nombre des échellesutilisées.

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Peretin Wokmagëne chantant le newēt (Lo, Torres) © AF

L’ensemble des musiques que nous avonsanalysées sont fondées sur un système pen-tatonique anhémitonique, souvent définicomme composé d’échelles de cinq notessans demi-ton [☉5–6, ☉7, ☉13, ☉21].Cependant, en réalité l’étendue d’uneéchelle pentatonique peut se révéler beau-coup plus importante – à travers la juxtapo-sition des échelles, le rajout de notes de pas-sages… – ou au contraire, moins étendue paromission de certain degrés. L’échelle peutégalement inclure des demi-tons par ajoutd’ornements ou substitution des degrés. Lesystème scalaire du Vanuatu comporte uneincroyable richesse des échelles, allant deschaînes de tierces [☉8, ☉19] jusqu’auxéchelles hémitoniques dans lesquelles l’in-tervalle de demi-ton fait partie de la struc-ture mélodique [☉10–11, ☉25]. En ce qui concerne les intervalles, ils demeu-rent la plupart du temps conjoints à l’inté-rieur d’une échelle donnée : ainsi, dans uneéchelle de type do, ré, mi, sol, la, l’intervallemi–sol est un intervalle conjoint, car le fan’existe pas dans l’échelle utilisée. La diver-sité des possibilités explique le grand nombrede combinaisons et de mélodies observées.

Les genres musicauxLes îles du Vanuatu ont toujours entretenuentre elles, de proche en proche, des rela-tions économiques, culturelles et matrimo-niales. Elles constituent ainsi des réseauxsociaux entrelacés où se sont échangés, au fil

des générations, nombre de formes linguis-tiques, mythologiques, musicales, que l’onretrouve d’une île à l’autre. En ce quiconcerne la musique, on observe parexemple la récurrence de certains chants par-ticuliers, certaines mélodies, qui se transmet-tent de village en village et d’île en île, avectoujours assez de nuances dans le détail pouracquérir un ancrage local. Ce ne sont passeulement des pièces individuelles que l’onpartage, mais parfois des genres musicaux,dans toute leur complexité formelle.Ces genres combinent un ensemble déter-miné d’instruments avec un répertoire pré-cis de rythmes et de mélodies. Les genresmusicaux sont distincts des genres poé-tiques, lesquels sont déterminés par laforme du texte lui-même. Cependant desliens existent : ainsi, sur la côte ouest deGaua, un poème du genre sārsērbō sera nor-malement associé au genre musical leng. Telou tel genre musical sera associé à certainspas de danses, et à certaines catégories d’in-terprètes (hommes, femmes, jeunes ini-tiés…). Par exemple, le leng est une danse defemmes, jouée notamment lors desmariages, qui met en œuvre une soliste, unecrieuse et des danseuses [☉3]. Chaque communauté possède une bonnequinzaine de genres musicaux variés. ÀMotalava, par exemple, on trouve les genresnoyongyep [☉14–15], namapto [☉16],nalangvēn, nawha titi [☉24–29], turbal[☉33–34], namag, neme, neqet [☉37]… La

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plupart de ces genres se retrouvent, sous desformes et des noms légèrement différents,dans les autres îles du groupe Banks ; plus ons’éloigne de cette région, vers le nord ou ausud, plus les répertoires seront différents.Cet album met l’accent sur la diversité desformes musicales, du point de vue à la foisgéographique et esthétique. On découvriraainsi le newēt des îles Torrès ; les genres leng,nombo, newertiang, mag, qat, noyongyep,namapto, turbal, ainsi que les chants titi auxîles Banks ; et plus au sud, les genres sawa-goro, sowahavin, ka, baraté, gove, bilbilan, etmantani dans la province Penama. Ces genresmusicaux seront présentés en détail dans ladescription des pièces, à la fin de ce livret.On ne cite ici que les genres proprementdits, qui sont dotés d’un nom précis et derègles spécifiques. Mais cet album inclutégalement d’autres activités musicalesdotées localement d’un prestige secondaire,car dépourvues de nom et de statut particu-lier : c’est le cas notamment des jeuxsonores (jeux d’eau, guimbarde, mirliton,rhombe, arc musical), ou des berceuses etcomptines enfantines… Quel que soit leplaisir qu’on y trouve, ces pratiques sontperçues par leurs interprètes comme pure-ment ludiques, extérieures au système desgenres musicaux proprement dits.

L’art de la poésie chantéeLes chants ne sont pas que musique : ce sontégalement des poèmes. Et de fait, au

Vanuatu, il n’est de poème que chanté. Lelinguiste de notre projet a ainsi pu découvrirun domaine qui n’avait jamais été exploréjusqu’à présent : la poésie orale du Vanuatu.

La langue des chantsLes chants coutumiers présentent tous unecaractéristique linguistique importante : ilssont composés dans une langue poétiquespécifique, distincte de la langue parlée. Ce“dialecte des chants”, différent d’un endroità l’autre, ne correspond à aucune langueréellement parlée ; il s’agit plutôt d’unregistre littéraire, réservé à la poésie savante.Dans certaines îles, comme à Gaua ou auxTorrès, les chants ne diffèrent de la langueparlée que de manière limitée, par l’emploid’un vocabulaire littéraire, ou par quelqueslicences poétiques – juste assez pour faireentendre un “accent” poétique, mais pas suf-fisamment pour faire obstacle à la compré-hension. Dans d’autres îles, en revanche, ladifférence est si radicale que le sens de cou-plets entiers, voire du chant dans sonensemble, en devient méconnaissable pour leprofane. C’est le cas à Motalava, où la distanceest suffisamment marquée pour qu’il soit pos-sible d’y voir véritablement une langue à part.Qu’il s’agisse de chants à danser, de com-plaintes anciennes, de vers chantés au milieud’un conte, voire de comptines pour enfants,le sens de ces chants ne se dévoile qu’à moi-tié au commun des mortels, et demeureenveloppé de mystère. Seuls quelques

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hommes ou femmes, parmi les plus âgés etles plus cultivés, seront capables de déchif-frer un poème en entier. Quant à la connais-sance suprême, celle qui permet de composerun chant dans cette langue poétique, elle estréservée aux très rares poètes de l’île. Euxseuls ont reçu de leurs aînés ce long ensei-gnement, celui qui fait connaître à l’apprentipoète les secrets de la langue poétique et del’art de la composition. Bien connaître la langue des chants requiertà la fois une érudition linguistique et unevaste culture littéraire, à même d’offrir aupoète les tournures et métaphores les plusappropriées à son sujet. L’artiste qui composele texte poétique est toujours aussi celui quien choisit la mélodie, et un bon poète se doitde connaître la grande variété des genres dechants propres à son répertoire.Ce talent est conçu comme un don desEsprits, véritable pouvoir magique (mana)susceptible d’offrir l’inspiration et la réussiteartistique. Il s’agit d’un savoir complexe,transmis de génération en génération par lemaître poète au disciple qu’il aura choisi.Cette transmission s’effectue au cours d’en-tretiens, largement secrets d’ailleurs, unissantl’enseignement proprement dit à des rituelsmagiques. Les sociétés secrètes, réservées auxseuls hommes initiés, sont parfois le lieud’une telle transmission. D’un poète nou-veau, on dira qu’il “s’est oint le corps avec letalent poétique”, et qu’il est désormais “clair-voyant dans la langue des chants”.

Un voyage dans le temps et l’espaceLes noms que reçoit cette langue des chantsévoquent ses liens avec l’univers du mythe.On l’appelle “la langue d’autrefois”, ou par-fois plus explicitement même, “la langue desEsprits” ou “la langue de Qet” – du nom dudémiurge qui créa le monde, au temps dumythe. Ainsi, la langue si particulière de lapoésie chantée est perçue comme l’émanationlointaine des Ancêtres fondateurs, des dieuxprimordiaux, des Esprits. Ce lien spirituel avecle monde des Ancêtres se fait sentir non seu-lement dans les thèmes évoqués dans leschants, mais aussi dans la forme même desmots. En effet, la langue poétique développeun goût particulier pour l’antique. On aimeles tournures anciennes, les archaïsmes gram-maticaux, le vocabulaire d’autrefois ou mêmeles sons que la langue moderne a perdus, etqui ne subsistent que dans les chants. Onaime aussi à y mêler les mots des langues voi-sines, créant ainsi des chants où s’entremêlentles paroles diverses de tout un archipel. AinsiHomère, dans ses épopées, mêlait-il les sono-rités de plusieurs dialectes des îles grecques.En combinant sonorités anciennes etemprunts aux idiomes voisins, les languespoétiques du nord Vanuatu révèlent les deuxfacettes principales de leur esthétique : goûtpour l’archaïsme et goût pour l’exotisme. Cedouble voyage dans le temps et l’espace créeune rupture radicale entre la langue poétiqueet la prose du quotidien – rupture propice àla rêverie et à l’expérience esthétique.

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Parfois opaques aux chanteurs eux-mêmes,les textes poétiques ne se dévoilent qu’à l’is-sue d’un patient travail d’exégèse. Outre larareté des mots, les vers sont également ren-dus ardus du fait de métaphores et autrestropes souvent énigmatiques, que le com-mun des mortels aura parfois du mal à inter-préter. Et cependant, pour peu qu’on lève levoile sur le sens caché des poèmes, c’est toutun univers nouveau qui s’ouvre alors.

Un univers de poésieAutant par son phrasé que par ses méta-phores, par son vocabulaire que par sesthèmes, la poésie chantée possède son esthé-tique propre, distincte à la fois de celle desrécits en prose (contes, mythes) et de celle deschansons modernes, lesquelles sont associéesà des thèmes, des langues et des instrumentsd’aujourd’hui. Malgré la variété stylistique etthématique des divers genres de chants, il estpossible de percevoir une forme d’unité esthé-tique qui traverserait l’ensemble des styles, etleur donnerait cette coloration générale quiles caractérise. Qu’il s’agisse d’une comptinepour enfants, d’un ancien chant de guerre,d’une ode de prestige adressée à un grandchef, ou encore d’une complainte amoureusedevenue chant de danse, tous ces genres litté-raires semblent avoir en commun, en fili-grane, un même rapport au temps et à l’es-pace, une même perception du monde. Si cette esthétique du chant devait êtreesquissée en quelques mots, on pourrait y

voir au moins trois ingrédients essentiels : lanostalgie pour le monde d’autrefois et pourla noblesse des Anciens ; la fascination pourles forces naturelles et les sensations qu’ellesprocurent ; la sensibilité aux émotions ducœur.

La nostalgie d’un monde perduLa poésie chantée s’efforce constamment detransfigurer la réalité prosaïque d’ici-bas– celle que nous avons sous les yeux – en ununivers onirique et légendaire, habillé d’unvoile de mystère, où l’imaginaire se plaît àvagabonder. Ainsi, dans les chants, les per-sonnages “volent” (sal) plutôt que de mar-cher, et ne sont parfois évoqués que commedes “voix” qui “retentissent”. Bien souvent, cette transfiguration du réelpar la poésie fait appel à des référents venusdu passé. Les personnages que l’on croisedans l’univers des chants ne ressemblent pasaux hommes réels du monde d’aujourd’hui.Ils en représentent plutôt une image idéali-sée, créatures oniriques évoluant dans unmonde ancien, utopique, légendaire. Ils sem-blent nus, ou simplement vêtus de feuilles.Ils ne consomment que les biens connus auxtemps anciens – igname, taro, kava. Vivantde leurs plantations, de la chasse et de lapêche, ils évoluent dans une île édénique, oùla seule structure sociale est celle des cheffe-ries de jadis, et les seules divinités connuessont les héros mythologiques ou les Espritsdes Ancêtres.

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Nombre de chants mettent en scène deschefs d’autrefois, dotés de pouvoirsmagiques et de feuilles sacrées, les bicepsornés de prestigieux bracelets en canines decochons. Ce monde de la “coutume”antique est d’ailleurs cohérent avec lesaspects archaïsants de la langue poétiqueelle-même, qu’il s’agisse de ses sonorités oude son choix de termes littéraires. Ainsi, lesmots “homme” et “femme”, trop pro-saïques, sont remplacés dans les chants pardes termes rares et anciens, référant origi-nellement aux hommes de haut rang et àleurs épouses – comme si les hommesétaient tous des “sires” (wegut) et les femmesdes “dames” (mōter). De même, les maisonsdeviennent des “palais” (gemel), et larichesse se célèbre en cochons, en cordonsde coquillages ou en nattes.Le chant suivant, dédié par le poète au digni-taire qui le lui a commandé, n’omet aucundétail de l’apparat du Grand Homme dans lasociété ancienne : bracelets d’ivoire encanines de cochon recourbées, symboles degrand prestige et de richesse, si nombreuxqu’ils cliquettent sur ses biceps ; piédestal enpierres ; monnaie de coquillages :

Debout, tu m’écoutesle cliquetis du pouvoir retentit le long de ton brasoui tu fais cliqueter tes bracelets d’ivoireoui tu fais résonner les pierres de ton piédestalta voix est venue jusqu’à moi

la foule est unie pour te voirces mots te conduiront à la monnaie sacrée

[Ode de prestige, Motalava]

Ici, la poésie chantée joue le rôle de monu-ment – que les poètes de Motalava désignentcomme namawlōn “mémorial”. À travers cechant, le commanditaire du poème se trouvecommémoré pour la postérité, tel un princeflorentin sublimé par un héroïque portrait.

La fascination pour la natureMaints poèmes chantent les éléments natu-rels, avec une attention redoublée lorsqueceux-ci sont déchaînés : déluges, raz-de-marée, cyclônes, volcans en éruption, offrentpar excellence des thèmes pour le chant. Certaines de ces évocations littéraires fontparfois référence à des événements histo-riques réels, dont le poète fut lui-mêmetémoin : ainsi, le poème Le cyclône, entenduà Gaua en 2003, aurait été composé après letyphon Wendy qui frappa la région en 1972 ;on peut en lire le poème dans l’analyse de lapièce ☉3. Autre exemple, le chant Tremble laterre, recueilli à Hiw en 2007, relate unséisme mémorable qui eut lieu en 1997 :

C’était la nuit noire dans l’îleÉtendu j’étais sur mon litAu loin je sens soudain la terre qui vrombitGrondements sourds partout sur l’îlegrondements sourds autour de l’île (…)

[Tremble la Terre, newēt, Hiw]

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Dans cette société de tradition orale, la poé-sie chantée joue encore ici son rôle de“mémorial”. Car seul ce chant permettra detransmettre, d’une génération à l’autre, lesouvenir d’événements si mémorables.D’autres fois, le chant célèbre les élémentspour euxmêmes, telle une ode intemporelleaux pouvoirs de la nature.

Étendu, j’écoute, attentifà l’affût des moindres échosj’écoute le fracas des flotssur les rivages de l’îlotIls se brisent sur le récifpuis ils refluent vers l’océanQuand s’élance la mer à l’assaut des rochersson écho retentit sur toute la contrée

[Le Fracas des Brisants, Motalava]

Cette célébration de la nature est typique dugenre poétique titi [cf. p.51]. Ces poèmescourts, constitués de quelques vers à peine,évoquent de manière efficace et concise laforce et la beauté des éléments. Ainsi, le brefchant intitulé Cascade :

Cascade et vapeurs de feuo é a è o è — o é o a é a èTrombes d’eau jaillissant du volcanO é o é — a é o è o é — ooo

[Cascade, nawha titi, Motalava]

On peut lire ainsi les paroles des poèmesPluie [☉25], ou Volcan [☉29]. Au passage, onnotera la présence, dans plusieurs de cespoèmes, d’un même composé verbal sol dun,littéralement “s’écouler retentir” dans lalangue poétique. Sans équivalent dans lalangue parlée, cette expression constitue uncliché poétique dans la langue des chants deMotalava : elle saisit le contraste entre lanormalité d’un liquide qui coule (sol “s’écou-ler”), et la surprise suscitée par un soudainbruit de choc (dun “retentir”). Dans le poèmeLe Fracas des Brisants cité plus haut, sol duntraduit la force des vagues qui viennent se

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La grande cascade de Gaua © AF

briser bruyamment sur le récif. Dans Volcan[☉29], le même terme évoque la lave qui“coule” et qui “claque” en refroidissant sou-dain au contact de la mer. Ailleurs encore, lecomposé rendra la force de la pluie battante[☉25], ou la puissance d’un torrent. Il nes’agit là que d’un exemple, parmi d’autres,de la manière dont la tradition littéraire dunord du Vanuatu réactive certains motifspoétiques d’un chant à l’autre, à travers uncomposé verbal qui n’existe que dans leschants.La nature est évoquée non seulement dansses manifestations les plus dramatiques –séisme, éruptions, torrents – mais aussi dansses charmes les plus subtils. Le poème Fleurde Liane [☉27] célèbre le parfum d’une fleur.Nombre de chants sont consacrés à desoiseaux – hirondelle, héron, albatros ; ainsiLe Râle à Bandes [☉16] ; Les Échassiers [☉18] ;Le Mégapode [☉28].

Des sensations aux sentimentsLes charmes et pouvoirs de la nature sontmoins évoqués pour eux-mêmes, que pourles sensations – visuelles, tactiles, olfactives,sonores – qu’ils procurent au sujet. Leschants abondent en évocations sensorielles :le reflet du soleil dans une goutte d’eau, unparfum enivrant, un tremblement, unepierre lourde, des claquements, échos, gron-dements sourds, ou bruissements dans lefeuillage. Souvent, ces sensations physiquesse muent en sentiments : le plus souvent à la

première personne, la poésie devient alorslyrique, centrée autour de la figure du poètelui-même. L’évocation d’un paysage s’entre-lacera étroitement aux mouvements del’âme, sa joie ou sa mélancolie.Le cyclône [☉3] mêle ainsi étroitement la des-cription de l’ouragan lui-même avec l’expres-sion des sentiments de l’âme – la consterna-tion générale devant les dégâts du cyclône(cf. texte du chant à la plage ☉3). Aux îles Torrès, on garde la mémoire de vio-lents conflits ancestraux qui opposaient lesvillages rivaux, et du lourd tribut qu’ilsimposaient aux familles. Un chant newēt rap-pelle l’époque, vers la fin du XIXe siècle, où levillage de Liqal lança l’assaut sur le territoirede Litew. Comparant la guerre à la force d’unséisme, le poème résonne également commeun thrène pour les morts :

Comme si la terre avait tremblénous voici tout bouleversésils nous ont défiés nous nous sommes dressés(…) Ô jeunes gensbraves coqs trépassésdéfunts à travers la contréedéfunts au pied du mont Ghütodéfunts sur le plateau Litoghdéfunts jusqu'au mont Lémorodéfunts, disparus à jamais !(…) On n’entend qu’un échoc'est celui des sanglotsO wé a é

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La flèche empoisonnée s'en retourne toujours avec les Trépassés

[Thrène aux guerriers défunts, newēt, Toga, Torres]

Dans un style plus intime, un poème deGaua déplore le décès d’une mère aimée.L’océan symbolise la mort, qui sépare lesêtres chers :

Et je contemple l’océances flots qui viennent au lagonÔ mère ces flots nous séparentton souvenir ne survivraque dans ce chant

[Complainte pour une mère défunte, leng, Gaua]

Certains poèmes sentimentaux sont perçuscomme autobiographiques – même lorsquel’identité de leur auteur originel est aujour-d’hui tombée dans l'oubli. C'est le cas, parexemple, de cette complainte d’un amourmalheureux :

J’ai l’impression d’être de tropje me sens seul, je suis de tropJe suis pourtant venu te voir !(…) Et toi ma belle, tu m’as mentides présents que tu m’offrirais(…) Mais avec ces mots, je te jette un sortqui te saisira le cœuraussi longtemps que tu refuseras de passer la nuit avec moi

[Rendez-vous manqué, Motalava]

Tantôt fier, tantôt nostalgique, admiratif outriste, ou fasciné par une puissance qui ledépasse, l’auteur premier d’un chant survitau travers des émotions qui s’y expriment. Etlorsque son nom a été oublié au gré des géné-rations, il se trouve réincarné, pour ainsidire, dans les voix qui l’interprètent aujour-d’hui.Les trois dimensions constitutives du chantdessinent, au bout du compte, un seul etmême sillon. Sous ses diverses formes, lapoésie s’évertue à célébrer, inlassablement, labeauté mystérieuse d’un monde éternel,intemporel, soustrait aux aléas et aux trivia-lités d’un présent incertain. Quelques syl-labes entonnées dans la langue des chants, etvoici soudain l’esprit transporté dans un âged’or mythique, où la noblesse et l’élégancedes Anciens n’ont d’égal que la beauté deséléments et la force des sentiments. Dans cemonde idéal, on se plaît à errer, les yeux fer-més, attentif à ses sensations et aux millemouvements du cœur. Cette esthétique-là esttoute romantique.

Un parcours musicalLes pièces musicales présentées dans cedisque tentent de restituer les diverses atmo-sphères qui accompagnent les individus toutau long de leur vie. Loin d’être laissé auhasard, l’ordre dans lequel ces pièces se pré-sentent dessine un parcours esthétique etmusical qui mime le passage entre les diffé-rents lieux de vie.

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Les deux premières pièces esquissent un pay-sage. On traverse la forêt au son d’une guim-barde solitaire, auquel répondent les lointainshululements d’un hibou [☉1]. Une fois sur lacôte, à l’embouchure de la rivière, les femmesde Jōlap claquent l’eau de leurs mains [☉2].

Danses pour une grande fêteUne fois remontées au village, elles entonne-ront le chant du Cyclône, en frappant le sol deleurs pas. Voilà qui ouvre la séquence desréjouissances villageoises – ces moments col-lectifs aux accents joyeux qui marquent les

grands jours de fête pour la communauté.Qu’il s’agisse de mariages [☉5, ☉7–9,☉14–16], de cérémonies pour lever le deuil[☉6] ou encore d’autres festivités, cesmoments de chants et de danses sont l’occa-sion pour le village de se retrouver ensemblesur la grand-place, et de célébrer lesmoments heureux. Ce n’est pas un hasard si,dans les langues des îles Banks, le terme lak-lak “danser” est de la même racine que lemot malaklak “se réjouir, être heureux”.Conformément à une division sexuelle dutravail relativement marquée au Vanuatu,

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Danse des femmes rurumbë (Hiw, Torres) © AF

ces chants et danses de village sont souventinterprétés par des groupes de même sexe :soit des femmes [☉3–4, ☉7, ☉9, ☉11–12],soit des hommes [☉5–6, ☉8, ☉13–16]. Cecidit, le public est toujours mixte, et il estmême fréquent que femmes et enfants se joi-gnent à certaines danses en formant unsecond cercle autour des musiciens et dan-seurs masculins : c’est le cas, en particulier,des genres noyongyep et namapto deMotalava, ou du sawagoro de Pentecôte,Ambae ou Maewo.

Promenade en brousseAu lendemain de la fête, le disque se poursuitpar une séquence plus calme [☉17–23] : unde ces moments de marche en forêt, alors queles enfants accompagnent leur mère au jar-din. On entend d’abord les sifflets gove deMaewo [☉17] : ces petits appeaux de bambouà une seule note sont joués par un ensemblede femmes ou de jeunes garçons non initiés,lorsqu’ils se promènent en forêt, afin designaler leur présence aux hommes initiésdont la vue leur est strictement interdite. La mère doit cultiver la terre : elle tented’endormir son plus jeune enfant en luichantant une berceuse [☉18, ☉23] – tandisque, non loin de là, les autres enfantss’adonnent à des jeux en chantant descomptines [☉19, ☉21], ou en jouant avecune feuille [☉20]. Resté au village, un vieilhomme se prélasse sur le pas de sa porte, enjouant de son arc musical [☉22].

Les chants titi : des poèmes à danserLes pièces suivantes sont l’occasion deretourner sur la place du village, et écouterl’orchestre nawha titi de Motalava interpré-ter des chants titi. D’une certaine manière,on reste dans l’esprit de la promenade : eneffet, les chants qui accompagnent ce genremusical sont presque toujours de courtspoèmes évoquant les forces de la nature et labeauté du monde – qu’il s’agisse d’une ode àla pluie [☉25], à la forêt [☉27], ou à la puis-sance des volcans [☉29]. L’île de VanuaLava, qui revendique la paternité de ce genremusical, est représentée par deux titi chantésa cappella [☉26, ☉28].

Hommage aux Grands HommesAu monde profane des villageois, ouvert auxhommes et femmes de tous les âges, s’op-pose désormais celui des chefs et hommesd’importance – ceux qu’on appelle les“Grands Hommes”, investis d’un prestige etd’un statut à part. La frontière entre les deuxmondes est ici symbolisée par les sifflets deMaewo, cette fois joués par les femmes[☉30] : c’est la dernière fois qu’on les enten-dra dans le disque, alors qu’elles cèdent laplace au monde auguste et quasi sacré deshommes initiés.C’est alors que commencent les cérémoniesde prise de grade, ces journées solennelles oùquelques hommes, ayant fait montre derichesses en sacrifiant force cochons, sontpubliquement investis d’un rang supérieur

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parmi les dix ou douze que compte la hiérar-chie politique traditionnelle. Ce système derangs, parfois connu sous le nom de suqe, estencore très vivace au centre-nord Vanuatu.Ainsi, il mobilise beaucoup les énergies dansl’île de Pentecôte – sous le nom de bolololipour la région nord de l’île [☉32], leleutanpour le centre, warsangul dans le sud [☉31]. En revanche, dans les îles Banks, cette tradi-tion a périclité au cours du XXe siècle, et lesanciennes cérémonies de danses surviventsurtout dans les mémoires et dans les contes.Cependant, à Motalava on a gardé de l’an-cienne époque le tambour à fente nokoy, quel’on ressort pour les grandes occasions impli-quant des personnalités importantes –comme ici [☉33–34] pour célébrer les nocesdu fils de l’évêque anglican.

Le grondement sourd des AncêtresLa figure des Grands Hommes et des initiésnous conduit tout naturellement vers l’uni-vers mystérieux des esprits des ancêtres. Mi-hommes mi-démons, les esprits sont pré-sents dans tous les aspects de la sociétéancienne (François 2013).Les ancêtres et les morts vivent autour denous, et nous guident dans nos vies desimples mortels. Seuls les initiés ont accès àleur monde, à leurs secrets, à leur langage.Certains hommes aux pouvoirs surnaturels– guérisseurs, devins, chamanes – peuventmême les voir dans leur monde (le Panoi) etinteragir avec eux. Ces sorciers reviennentalors dans le monde des vivants (le Marama)pour exhiber les mystérieuses beautés qu’ilsauront découvertes.

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Stèles des esprits dule dans la forêt (Toga, Torres) © AF

LES PIÈCES

Annoncée par le bourdonnement d’unrhombe [☉35], la partie finale de l’albumpermet de découvrir les voix étranges venuesde l’au-delà. Parfois, les morts eux-mêmes,dans leurs plus beaux atours, entrent sur laplace de danse, où résonnent leurs cris etleurs sourds grondements d’outre-tombe. Lesdeux principales danses masquées des îlesBanks sont représentées : le mag (dans sa ver-sion de Merelava dite utmag [☉36]) et le qat(dans sa version de Motalava dite neqet

[☉37]). On y entend les piétinements, lessursauts, les cris aigus des ancêtres venusparader sur la place. Puis ce sont les chantsdu newēt des îles Torrès qui nous fontentendre les voix rauques et puissantes deshommes initiés, assez intenses pour couvrirla mélodie d’un chant secret [☉38–40].Enfin, ce voyage esthétique et musicals’achève sur une pièce bien étrange – lelamento criard et inquiétant des morts reve-nus un temps parmi les hommes [☉41].

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☉1. Guimbarde

MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) Susi Rosur guimbarde

La guimbarde est un instrument purementludique, fabriqué à partir d’une feuille decocotier et de sa tige. Une foliole est déta-chée de la palme et ajustée de manière àmesurer une dizaine de centimètres. On lapose contre la bouche, le dessous de la feuilletourné vers l’extérieur, tout en posant dessusune fine tige d’une feuille de cocotier, un peuplus longue que la foliole. Cette tige est pin-cée avec un doigt [photo p.23] et la bouchesert de caisse de résonance. L’instrument n’apas de nom spécifique en langue locale, ondit simplement qu’on joue avec une feuille.Le terme susap, parfois entendu, est unemprunt récent au nom anglais de la guim-barde, jew’s harp.

L’interprète Susi Rosur joue ici une berceuseen version instrumentale. Tout en jouant,elle modifie la forme de sa bouche en suivantles paroles de la berceuse qu’elle prononcedans sa tête.

☉2. Jeux d’eau

AF – 17.8.2003 – Qtevut (Gaua) Matauli Rowon, Flore Rovan, Wini Rovalēs, Sera

Frenda, Seli Rovalēs, Melin Rotal mains, eau

Il s’agit d’un jeu rythmique que les femmeseffectuent dans l’eau – mer ou rivière –debout jusqu’à la taille. Aucun objet n’estutilisé : tous les sons résultent uniquementdes diverses manières dont les mains et lesbras nus viennent frapper l’eau. Chaquephrase rythmique est une combinaison dedifférentes frappes, qui ont un nom bien pré-cis en langue lakon de la côte ouest. Ainsi la

main peut venir “caresser” (häräv) la surfacede l’eau, la “gifler” (wes), ou encore la “cla-quer d’un coup sec” (vuh tēqēl). On peut pro-duire un son léger en enfonçant dans l’eaujuste deux doigts (gisgis), ou au contraire unson sourd en y plongeant soudain ses deuxpoings (wej). Le cri (puow) poussé par lameneuse donne le signal qu’on arrive à la fin

d’une séquence. Une séquence peut êtrejouée deux fois : la première ensemble, laseconde en deux groupes décalés – tel uncanon – donnant lieu à une polyrythmie àdeux voix : c’est le cas ici pour les séquences2 et 3. Désignés sous le nom de wespang sur la côteouest de Gaua, les jeux d’eau n’ont rien de

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Jeux d’eau dans la rivière (Qtevut, Gaua) © AF

cérémoniel, et n’ont pas le prestige desmusiques coutumières. Selon MatauliRowon, cette activité n’est qu’un divertisse-ment qu’elle aurait elle-même (ré)inventé unjour de 1983, alors qu’elle lavait le linge dansla rivière. Elle s’inspirait d’une pratique simi-laire (ëtëtung en langue mwerlap) qu’elleavait observée lors de son enfance dans sonîle natale de Merelava. Malgré leur caractère profane aux yeux de lacommunauté, ces jeux d'eau du sud des îlesBanks suscitent un certain engouement auprèsdu public étranger. Depuis quelques années,un groupe de femmes de Gaua et Merelava ontété invitées à se produire non seulement à lacapitale Port-Vila, mais également dans desfestivals internationaux (Australie, Malaisie,Espagne). Plus ils sont populaires, plus ces jeuxd'eau gagnent en sophistication formelle. Lestyle se développe, et de nouvelles piècesmusicales se créent chaque année. S’il s’agitd’une “tradition” comme on le dit parfois,dans la plupart des îles c’est une tradition qui(re)naît et se cristallise sous nos yeux.

DANSES POUR UNE GRANDE FÊTE

☉3. Leng : “Le Cyclône”

AF – 15.8.2003 – Jōlap (Gaua) Susi Rosur + femmes de Jōlap chant, cri, sifflements, pieds

Dans toutes les îles Banks, la danse leng estassociée aux femmes. Dans la variantenalangvēn de Motalava, les danses sont exé-

cutées par les femmes, tandis que les chantset instruments restent du ressort deshommes. À Gaua en revanche, l’événementleng est entièrement féminin, pour le chantcomme pour la danse. La performance enregistrée ici ne met en jeuaucun instrument. Un long couplet, entonné(ähäh) a cappella par une chanteuse soliste,est “soutenu” (tam) par le chœur des dan-seuses, puis s’achève sur un long cri aigu(puow) lancé par la crieuse. À ce signal(1’08”), les danseuses entament le pas dit räs,typique de la danse leng : semblant courir surplace, chaque danseuse projette ses pieds enarrière, combinant le choc sourd de ses passur le sable avec d’énergiques sifflements(wasul) [photo ci-dessous]. La danse fréné-tique s’achève en un vaste cri de joie “I yo yoyo!”, avant la dispersion finale.Le chant est un poème du genre sārsērbō com-posé par Jonathan Wevalēs, le père de lasoliste Susi Rosur. Il célèbre la puissance du

© AF

cyclône Wendy, qui frappa l’archipel le3 février 1972. Chanté en olrat, une langueancienne aujourd’hui quasi éteinte, le poèmemêle des éléments épiques et élégiaques :

Un ouragan ravage le payset nous sentons nos os trembleret la tristesse m’envahit pour mes enfants(…) Il est monté tout droit jusqu'au sommetdu grand volcanpuis il s'échappe vers les terrestiraillant, renversant la contréeMais le voici qui dans sa fuite s’éparpille dans les nuéesau passage il s’accroche aux squelettes des mortsdans les Enfers de Weresurpuis descend sur le Lac au pied du mont VolcanTout est bouleversétout est bouleversé à travers la contrée(…) Le chagrin nous prend tous en ce mondeCet ouragan ce sont des pluies jusqu'à la nuitet la foudre soudain éclate dans les cieuxL’océan furieux résonne et se fracasse contre les terresle sol est pris de tremblementsses secousses nous surprennent tous C'est notre pays qui s'écrouleécroulements au loin qui déjà se rapprochent (…)

[Le Cyclône, sārsērbō, Jōlap, Gaua]

☉4. Sowahavin : danse des femmes

MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecôte) femmes de Laiwori chant, petit tambour à fente en bambou,

sonnailles

Le sowahavin est une danse des femmes ducentre de l’île de Pentecôte (havin :“femme”), impliquant de nombreuses dan-seuses. Cette danse donne lieu à des repré-sentations publiques lors d’événementsimportants : cérémonie de prise de graded’un homme, inauguration d’une nouvellemaison des hommes (nakamal) ou d’uneéglise, visite d’un homme politique, ordina-tion d’un prêtre, communion des enfants,festivals. Le chant du sowahavin prend toujours lamême forme responsoriale, entre une femmesoliste et le chœur des autres femmes. Lesinstruments qui accompagnent cette dansesont deux tambours à fente en bambou queles deux meneuses de la danse tiennent à lamain, ainsi que des sonnailles que les dan-seuses portent aux chevilles. On emploieparfois également de grands bambous pilon-nants [☉12]. Vêtue d’une natte rouge en guise de jupe,chaque danseuse avance en rythme, tenant àla main un long bâton supportant une sculp-ture taillée pour l’occasion, et représentantbateau, avion, poisson ou autre. Les dan-seuses forment deux ou plusieurs files quiserpentent, se croisent, se mêlent et se recroi-sent sur la place de danse. Les cris que l’on

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entend sont les encouragements deshommes qui dansent autour des danseuses,levant les bras en signe de contentement.

Le sawagoroLe sawagoro est un genre commun aux îles dePentecôte, Ambae et Maewo, qui composentla province de Penama. Connue localementsous les noms de sawagoro, savwagoro ousawako, cette forme musicale a toujours cir-culé entre ces trois îles, dans le cadre deséchanges sociaux (mariage, économie) et cul-turels (contes, chants, danses) qui les unis-sent. Ainsi, on retrouve souvent les mêmespièces sawagoro d’une île à l’autre, moyen-nant parfois quelques changements dans le

texte, l’interprétation ou la mélodie. Leschants sont en constante recréation, et leslangues poétiques peuvent se mélanger, lescontextes de danses s’adapter, les élémentss’emprunter.Le sawagoro est une danse de réjouissances.Dans les îles d’Ambae et Pentecôte, il estinterprété lors des cérémonies du mariage[☉5, ☉8], ou de prise de grade. À Maewo, ilsert à clore la période du deuil [☉6]. Parailleurs, une variante nommée sawagorolongo [☉7] au nord de Pentecôte est interpré-tée exclusivement par les femmes. Une séance de sawagoro commence générale-ment à la tombée de la nuit, et continue jus-qu’au lever du soleil. Durant toutes cesheures, un même chant ne peut être inter-prété qu’une seule fois – c’est dire si le réper-toire est riche. La caractéristique centrale dusawagoro est son absence de tout instrument.Le chant, exécuté a cappella, est accompagnépar des frappements de pieds sur le sol sur lestemps, et des mains à contretemps. Il enrésulte des performances particulièrementrythmiques et entraînantes. Au milieu de la danse, un groupe d’hommesinitiés, connaisseurs des chants, forme unpetit cercle tourné vers l’intérieur. Chaquechant a une forme responsoriale : deuxsolistes interprètent les couplets alternative-ment, tandis que les autres participants leurrépondent en chœur lors des refrains. Un cridonne le signe de la fin d’un chant, avantqu’un autre cri ne donne le départ du chant

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Vaena, Lesanti, Ruth en tenue de danse (Barunguringi, Maewo) © MS

suivant. Quant au cercle extérieur, il estouvert à tous – en particulier aux jeunesgens, garçons et filles, qui veulent se joindreà la danse. La foule des danseurs est parfois sidense qu’elle masque le petit groupe dechanteurs en son centre. Les sujets des chants sont variés. Il peuts’agir de références mythologiques narrantles hauts-faits de Tagaro, le héros communaux trois îles ; de faits historiques évoquantun cyclône ou une éruption volcanique ; ouencore d’évocations de la nature – faune,flore – ou de la vie au village. Il arrive que

les paroles d’un chant soient en partieimprovisées, en rapport avec le couple desmariés.

☉5. Sawagoro de mariage

MS – 3.5.2005 – Longana (Ambae) hommes de la région de Longana mains, pieds, chant

☉6. Sawagoro de levée de deuil

MS – 3.6.2005 – Umulongo (Maewo) hommes de Kerebei mains, pieds, chant

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Soirée sawagoro au village (Umulongo, Maewo) © MS

☉7. Sawagoro longo

MS – 12.10.2000 – Asaola (Pentecôte) Nelly Mundoro + femmes de Loltong mains, pieds, chant

En principe, la danse sawagoro est interprétéepar les hommes : les femmes n’y participentqu’en dansant autour des chanteurs.Cependant, il existe dans le nord dePentecôte une variante du sawagoro réservéeaux femmes : le sawagoro longo. Le longo estun plat culinaire à base de tubercules,échangé et consommé en particulier lors desmariages. Lors d’une séance de sawagorolongo, les chanteuses doivent interpréter lepremier chant debout sur les feuilles danslesquelles avait cuit ce longo. Ces feuillesdoivent être déchirées en signe du départ dela jeune fille loin de sa famille. Tout comme sa variante masculine, la dansesawagoro longo n’utilise pas d’instruments.Cependant, l’accompagnement rythmiquene forme pas de contretemps comme c’est lecas de la danse des hommes : les femmesdansent sur place en frappant des pieds etdes mains en même temps. La danse durequelques heures au début de la soirée, avantque les femmes n’aillent rejoindre leshommes pour la grande danse sawagoro.

☉8. Sawako de mariage

MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecôte) hommes de la côte est de Pentecôte mains, pieds, chant

Ce genre est appelé sawako dans la langue du

centre Pentecôte ; c’est l’équivalent exact dusawagoro qu’on trouve ailleurs.

☉9. Baraté : jeu satirique des femmes

MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecôte) femmes du centre-est de Pentecôte mains, pieds, chant

Au centre de l’île de Pentecôte, le mariagedonne lieu à une grande fête ponctuée par denombreuses danses. Les jeux chantés baratéen font partie, et forment un répertoire exclu-sivement féminin. À l’issue de la cérémonied’échanges de présents entre les deux famillesconcernées par le mariage, les femmes se lan-cent dans des jeux satiriques. Le groupe des“tantines” du garçon – déguisées en hommes– et celles de la fille – gardant les habits defemmes – se taquinent et plaisantent, en imi-tant symboliquement l’acte sexuel. À traversces joyeuses boutades, elles encouragent lafuture fertilité du jeune couple.Ces plaisanteries sont accompagnées par deschants et danses en chorégraphie libre. Aprèsquelques chants dans le village de la fille oùs’est effectué l’échange des offrandes, tout lemonde se rend au village du garçon. Lesfemmes cheminent tout en dansant et chan-tant, les rires retentissent, accompagnés desifflements, et de frappements des pieds et demains. Ces jeux chantés durent toute ladurée de la marche jusqu’au village, puiscontinuent dans une maison des femmesspécialement préparée à cette occasion. Danscette maison sont installées les femmes de la

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famille de la mariée : elles recevront la visitede nombreuses femmes du côté du marié,venues leur apporter nourriture et présents.

☉10. Mirliton

MS – 17.7.2005 – Tesmet-Lëwëtnēk (Merelava) Janet Philip mirliton en feuille

Le mirliton est produit avec une petite feuillede metetagar, petit arbuste qui pousse sur lesrochers aux bords de la mer. Une ouvertureest faite dans la feuille mais sans la percercomplètement : une petite membrane trans-parente doit y rester. La feuille est ensuiteposée contre la bouche et vibre pendant lechant. Il s’agit d’un jeu auquel les gens deMerelava s’adonnent quand ils se promènentou se reposent au bord de mer. On peutinterpréter n’importe quel chant. Ici, lemême chant se retrouve sur la plage sui-vante, dans le contexte de la danse nombo.

☉11. Nombo : bambous pilonnants

MS – 24.7.2005 – Tesmet (Merelava) Janet Philip + Mot Helen + femmes de Tesmet grand tambour à fente (wokor lap), petit

tambour de bambou (wokor wirig), tubes pilonnants (nombo)

Le nombo est l’une des deux danses desfemmes au village de Tesmet, le plus grandvillage de l’île de Merelava. Elle fut créée parun petit groupe de femmes mené par JanetPhilip, pour un festival local en septembre2002. Depuis ce festival, les femmes repren-

nent cette danse pour différentes grandesoccasions. Les chants interprétés peuventêtre anciens, ou composés spécialement pourla danse nombo [cf. photo p.17]. Les hommes encouragent les femmes endansant et en poussant des cris autour desmusiciennes. Afin d’accompagner cettedanse, le droit d’utiliser un tambour à fente– généralement réservé aux seuls hommes –aurait été “racheté” à une femme deMotalava vivant à Merelava, laquelle l’avaitelle-même acquis auparavant auprès deshommes de Motalava.

☉12. Sowahavin : danse des femmes

MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecôte) femmes de Melsisi tambours de bambou, tubes pilonnants,

sonnailles

Pour la présentation du sowahavin, voir ☉4. Ici, on entend au loin les sonorités basses desbambous pilonnants. Par ailleurs, on perçoitdans le refrain une tentative de chant poly-phonique, contrastant avec les musiques tra-ditionnelles du Vanuatu qui sont normale-ment monodiques. Il s’agit peut-être icid’une innovation due à l’influence deschants chrétiens, souvent polyphoniques, etfort appréciés des femmes de la région.

☉13. Ka : danse des hommes

MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecôte) hommes du centre Pentecôte grand tambour en bambou, sonnailles

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La danse ka est en quelquesorte l’équivalent masculin dela danse sowahavin [☉4, 12].De forme responsoriale entreun soliste et un chœur, ellecomporte une chorégraphiede groupe dont les déplace-ments sont travaillés collecti-vement. Le chanteur solistefrappe un grand tambour àfente en bambou appuyécontre la terre verticalement ;les danseurs portent tous dessonnailles de cheville. Parfois,les danses sont entrecoupéespar des représentations depetites scènes humoristiques.

☉14. & 15 Noyongyep : danse de mariage

AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) Richard Woris, Masten Malkikyak, hommes de

Toglag planche à percussion (naqyēn malbuy), petits

tambours à fente (nēvētōy), voix

Étymologiquement, noyongyep en mwotlapsignifiait “entendre le soir” : ce genre de chantétait destiné à passer de longues soirées defêtes, voire toute la nuit jusqu’à l’aube, à l’ins-tar du sawagoro plus au sud. De nos jours, lenoyongyep s’est intégré au répertoire des dansesque l’on joue en plein jour, lors des diversesfêtes villageoises. Ces deux enregistrements,ainsi que le namapto qui suit, ont eu lieu lorsd’une fête de mariage au village de Toglag.

La journée des noces commence avec la céré-monie religieuse à l’église, et sera suivie,dans l’après-midi, de l’échange coutumierdes présents (nattes, noix de coco, plats,sommes d’argent) entre les familles concer-nées. Ces instants solennels sont précédés etsuivis de moments plus légers de réjouis-sances collectives, ponctuées par la musique– danses “coutume” l’après-midi, chansonsstring band le soir. Le matin à l’église, les mariés sont vêtus àl’occidentale – costume cravate pour l’un,robe blanche et voile pour l’autre. À peineces derniers sortent-ils de l’église pour gagnerla place du village, que les percussions

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Danse noyongyep pour un mariage © AF

résonnent pour la danse. Le petit groupe desmusiciens et chanteurs, debout autour de laplanche à percussion et des tambours, estvite cerné d’une file de danseurs. Ce sontd’abord les jeunes mariés, entourés de leursfamilles respectives, qui évoluent en cercleautour des musiciens. Petit à petit, d’autresvillageois de tous horizons et de tous âges sejoignent à la danse, venant grossir le cercle.On avance droit, sans se toucher, marchant àpetits pas, suivant le rythme des tambours.Parfois plusieurs lignées se forment, évoluentet se croisent à travers la grand-place. Leshommes initiés forment leur propre file, etmarquent leur statut particulier en brandis-sant une palme de Cycas, symbole des chef-feries d’autrefois ; les petits garçons les imi-tent avec des branches d’arbres quelconques.Quand la place est remplie de danseurs, lerythme des percussions soudain s’accélère(on l’entend bien dans la pièce ☉15, à partirde 0’44”). Pressant soudain le pas, les dan-seurs tournent sur place tout en frappant lesol de leurs talons, dans une frénésie dedanse et de joie partagée par tous.

☉16. Namapto : “Le Râle à Bandes”

AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) Richard Woris, Masten Malkikyak, hommes de

Toglag planche à percussion (naqyēn malbuy), petits

tambours à fente (nēvētōy), voix

Le namapto désigne un genre de danse et demusique festif, ouvert à tous, similaire au

noyongyep des pièces précédentes ; d’ailleurs,les deux genres se mêlent souvent lors de lamême fête de mariage, donnant lieu auxmêmes danses collectives. Le chant ici interprété appartient au genrepoétique namaleng, et célèbre l’oiseau bēlag –le râle à bandes (Gallirallus philippensis), unesorte de poule sauvage au plumage zébré. Lepoème évoque la démarche caractéristiquedu volatile à longues pattes, qui enjambe leruisseau pour échapper au chasseur.

PROMENADE EN FORÊT

☉17. Ensembles de sifflets gove (garçons)

MS – 12.6.2005 – Gaiovo (Maewo) jeunes garçons de la région de Gaiovo ensemble de sifflets gove

Dans le cadre des préparatifs pour la grandecérémonie de prise de grade Ḡwatu ta Baruḡu,les jeunes postulants entrent pour plusieurssemaines en réclusion dans la forêt. Durantcette période, il leur est strictement interditd’être vus par les non-initiés (femmes,enfants…) – sous peine de châtiment pouvantaller jusqu’à la mort. En conséquence, chaquefois qu’un groupe de non-initiés se déplacedurant cette période, ils doivent impérative-ment prévenir de leur présence. Ne sachantpas où se tient le lieu secret de l’initiation, ilsdoivent se tenir prêts à tout moment à se faireconnaître. Cette nécessité sociale a donnénaissance à un genre musical particulier : lesensembles de sifflets en hoquet.

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Le groupe des non-initiés utilise des petitssifflets de bambou, sans trou, nommés goveen langue sungwadaga. Long d’une quin-zaine de cm avec 2 cm de diamètre [photop.20), l’instrument se termine par un nœudnaturel. Comme il ne produit qu’une seulehauteur de son, il est normalement joué enensemble d’au moins deux sifflets, voiredavantage, répartis en deux groupes. L’undes groupes alterne entre deux actions : sif-fler, puis chanter la syllabe gov (du mot gove“souffler”). L’autre groupe leur répond uni-quement en sifflant – une action nomméesoro “répondre”. Il s’agit d’une techniquedite de hoquet : les deux groupes alternentsur des événements sonores de courte duréeen formant un son constant, en même tempsqu’ils répètent une même formule mélo-dique et rythmique formant un ostinato.

☉18. Berceuse “Les échassiers”

AF – 5.8.2007 – Yögevigemëne (Hiw) Grace Delight Söryay voix

Cette berceuse de Hiw a été enregistrée tandisque Grace Delight tentait – avec succès – d’en-dormir son petit-fils en pleurs. Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti rōw na pēTapana ë / R

-ōw turog metir ne / Turog metir na ë

rōw turog metir na ë / R-ōw turog metir ne

Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti rōw na pēTapana ë / R

-ōw tuyun ne tuqe / Tuyun ne tuqe ë /

R-ōw tuyun ne tuqe.

Intitulé Ne tiriwriw “Les échassiers”, le poèmeévoque un oiseau maritime connu sous lenom de Chevalier errant (Heteroscelus inca-nus). Cet échassier aux longues pattes vit engroupe, sur les rochers marins, face à l’océan. La berceuse représente justement l’oiseaudebout sur les rochers, face à l’horizon, fati-gué par le vent marin, fermant les yeux telun enfant qui s’endort.

Oh mes oiseaux de la côte EstVous voilà rassemblés devant la baie de HiwPerchés sur les rochers mais déjà vous dormezEndormis et perchés, perchés et endormisLà-bas sur les rochers, endormis et perchésOh mes oiseaux de la côte EstVous voilà rassemblés devant la baie de HiwDebout sur les rochers vous scrutez l’horizonVous scrutez l’horizonVous scrutez l’horizon debout sur les rochers.

[Les échassiers, berceuse, Hiw]

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Grace Delight Söryay et son petit-fils (Hiw, Torres) © AF

☉19. Comptine “Tangorere”

MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecôte) Rosalie Sani + Betula Haviha voix

Cette comptine de Pentecôte s’intituleTangorere, du mot tango qui signifie “tou-cher” en langue raga. Il s’agit d’un jeu d’en-fants, une sorte de colin-maillard. On formeune ronde autour d’un enfant ; tous les par-ticipants doivent avoir les yeux fermés. Unefois que tous ont chanté la comptine, l’en-fant au milieu du cercle doit garder les yeuxfermés, et chercher à toucher les enfants. Lepremier qui sera touché devra à son tour seplacer au milieu lors du prochain tour.Du point de vue scalaire, il s’agit ici d’un chantcomposé de quatre notes formant une chaînede tierces – comme c’est souvent le cas pour leschants enfantins du nord du Vanuatu.

☉20. Jeu de feuille de manguier

MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) Susi Rosur feuille de manguier

Ce jeu rythmique emploie une simple feuillede manguier séchée, trouvée dans la forêt.Après l’avoir coupée jusqu’à la moitié, on latient dans une main, et la tapote de l’autremain.

☉21. Comptine “Tutubwau”

MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecôte) Rosalie Sani + Betula Haviha voix

Cette comptine enfantine à la mélodie pen-tatonique s’appelle Tutubwau, littéralement“Pique-genou”. Les enfants sont assis enrang, les jambes étendues devant eux. L’undes enfants chante, tout en touchant un parun les genoux de ses amis. L’enfant sur quitombe la dernière syllabe de la comptine doitplier les genoux. Le jeu continue ainsi jus-qu’à ce qu’un seul genou reste en jeu. Ensuite, les enfants mettent un peu de salivesur leurs genoux puis se lèvent un par un.Tout le monde écoute alors si l’on entend uncraquement des os. Si oui, cela veut dire quela personne se mariera plus tard avec quel-qu’un de plus jeune ; mais s’il n’y a aucunbruit, c’est alors le moins bon présage d’unfutur conjoint plus âgé. Ce jeu donne lieu àbeaucoup de rires et de plaisanteries.

☉22. Arc musical

MS – 4.9.2010 – Yaqane (Hiw) Edward Pilis arc musical (gövgöv)

Dans l’île de Hiw, la plus septentrionale del’archipel, seul un homme âgé, Edward Pilisdu village de Yaqane, a préservé la mémoirede cet instrument, que lui avaient transmisles anciens dans les années 1930. Nomméne gövgöv en langue hiw, l’arc musical àrésonateur buccal est réalisé avec un arc enbois d’hibiscus ou de bourao, et mesureplus d’1 m. Une longue fibre végétale enbourao constitue la corde, partie vibrantede ce cordophone.

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Tenant l’arc d’une main, le joueur en poseune extrémité sur sa bouche entrouverte. Del’autre main, il tient une baguette fine etsouple – la nervure centrale d’une feuille decocotier. Il en frappe la corde de l’arc sur unepulsation irrégulière, au fil d’une chanson(ne putput) qu’il fredonne mentalement. Lacorde résonne alors en un ostinato languideet envoûtant. Comme pour la plupart des

arcs musicaux et des guimbardes [☉1], c’estla cavité buccale qui sert de résonateur ; etc’est en en modifiant la forme que le musi-cien fait varier les harmoniques et formeainsi la mélodie. Selon Edward Pilis, cet ins-trument était autrefois joué dans la maisondes hommes (le nakamal). Aujourd’hui, il estle dernier à savoir en jouer, pour sedétendre, dans l’intimité du soir.

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Edward Pilis jouant de l’arc musical (Yaqane, Hiw, Torres) © MS

☉23. Berceuse

MS – 1.10.2000 – Bunlap (Pentecôte) une jeune femme de Bunlap voix

Cette berceuse, qui suit un ordre refrain-cou-plet (RC1RC2), est composée essentiellementsur une chaîne de tierces, à laquelle se greffe,au début du refrain, une ornementationcomposée de trois notes séparées par unintervalle d’un ton (comparable au pycnondes systèmes pentatoniques). Les chaînes detierces sont fréquemment utilisées dans cetterégion du Vanuatu, notamment pour lerépertoire des enfants. La mélodie est totale-ment conjointe à l’intérieur de l’échelle uti-lisée, c’est-à-dire qu’elle n’effectue jamais desauts d’intervalles.

LES CHANTS TITI, POÈMES À DANSER

Les trois îles du nord des Banks ont en com-mun un genre musical nommé titi : plus pré-cisément, elne titi au sud de Vanua Lava,sēwēes’i’i à l’ouest de la même île, nawha titià Motalava, nsawa jiji à Ureparapara. Leschants titi, un temps délaissés à Motalava,sont revenus en vogue dans les années 2000,lorsqu’un groupe de jeunes gens du villagede Toglag, autour du chef Ken Freza, enreprit le flambeau.Ce genre musical met d’abord en jeu unensemble précis d’instruments : planche à per-cussion, tambours à fente individuels, maissurtout le rare tambour à membrane, ainsi que

des sonnailles exceptionnellement secouéesdans un sac. L’autre caractéristique du genreest sa forme poétique : au contraire d’autreschants parfois longs et complexes, les chantstiti sont toujours des poèmes brefs de trois à sixvers, que le soliste et le chœur répètent à l’in-fini. Chaque poème forme une sorte de haiku,capable d’évoquer en quelques mots toute uneatmosphère – la force d’un cyclône ou d’unséisme, la beauté d’un paysage, la mélancolied’une promenade. Parce que ces poèmes sontappréciés pour eux-mêmes, il n’est pas rare deles entendre chantés a cappella, en dehors detoute performance dansée [☉26, ☉28].Une séance titi se déroulera lors d’une fêteimportante, comme un mariage, ou la fêtedu Nouvel An, où chaque village de l’île vajouer dans un village voisin. La session com-mence toujours par une pièce d’ouverture ouprélude [☉24]. Sa forme est minimale, puis-qu’on n’entend que les percussions de bois,et la voix d’un chanteur soliste, afin de semettre en rythme. Puis commence la sériedes chants titi. Un tambour de bambou joueun rythme, d’abord seul, puis rejoint par laplanche à percussions, ainsi que le tambourà membrane et le sac à sonnailles. Le cres-cendo culmine lorsque le soliste entre enscène, et entonne un poème. À la seconderépétition du couplet, il lance un cri “O– é–,o– é–”, signal pour que le chœur des musi-ciens le rejoignent [☉25, ☉27]. Commence alors une longue alternance,sous forme responsoriale, entre le soliste et

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les autres musiciens. C’est à ce moment quel’orchestre titi donne sa pleine puissance, àtravers tous ses instruments et toutes sesvoix. D’ailleurs, le terme titi lui-même trou-verait précisément son origine dans cetteforme responsoriale – à partir d’un ancienverbe ti ou titi “répondre”. Cette alternancedu soliste et du chœur obéit à des schémasassez réguliers, que l’on entend bien dans ledisque, et que nous analyserons dans la des-cription des pièces.

Dans chaque pièce titi, il y a toujours un ins-tant fugace où les instruments entrent sou-dain en suspens (yak en mwotlap), avant dereprendre de plus belle : on l’entend à 0’56”,1’39” et 2’35” dans le chant de la Pluie [☉25],à 1’26” et 2’26” dans Fleur de Liane [☉27], à1’04” et 2’46” dans Volcan [☉29]. Cette tech-nique renforce l’effet de cohésion et de puis-sance du groupe. Les musiciens forment un petit cercle au centrede la place de danse. Les danseurs, hommes etfemmes, les entourent, sous la forme d’une filequi serpente autour de la place.Le genre titi joue un rôle si important queson origine fait l’objet de plus d’un mythe.Dans l’île de Motalava, on attribue l’originedu nawha titi à la rencontre d’un enfantavec les esprits. Mais c’est dans la traditionde Vera’a, à Vanua Lava, que l’on trouve lesmythes les plus élaborés – confirmant l’hy-pothèse que le genre musical trouve sonorigine dans les hameaux de Lemerig, aunord-ouest de l’île. Le mythe, narré par EliField, raconte qu’un chef de haut rangdonna un jour à une femme un rendez-vous amoureux auprès de la grande cascadede Lemerig. Lors d’une interminableattente, vexé d’avoir été oublié, l’hommetrépigna sur le sol, en harmonie avec lebruit puissant de la chute d’eau frappantles troncs de sagoutier (cet arbre dont estfait le tambour à membrane). Faisant cli-queter les nombreux bracelets honorifiquesalignés le long de ses bras – précurseurs des

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Le tambour à membrane lors d’une séance de nawha titi(Toglag, Motalava) © MS

futures sonnailles – il entonna un chanténergique. Ce fut le premier chant titi, nédu désir amoureux en même temps que dela fascination face au spectacle des forcesde la nature.

☉24. Prélude aux chants titi

AF – 4.7.2003 – Toglag (Motalava) Serel Qalqit + hommes de Toglag planche à percussion (naqyēn malbuy), petit

tambour à fente (nēvētōy), voix

Une séance de nawha titi doit commencerpar un prélude, dit en mwotlap nawha yon

“musique de respect”. Ce morceau ne mobi-lise qu’une partie des instruments de l’or-chestre nawha titi : planche à percussion etpetit tambour – mais ni sonnailles, ni tam-bour à membrane. Le chant est solo, et neprend pas la forme responsoriale si typiquedu nawha titi proprement dit. Après ce pré-lude, la série de chants titi peut véritable-ment commencer.

☉25. Nawha titi : “Pluie”

AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Ken Freza + hommes de Toglag planche à percussion (naqyēn malbuy), petits

tambours à fente (nēvētōy), tambour à membrane(natmatwoh), sac à sonnailles (nowopyak), voix

Ce chant titi est celui de la pluie – une pluiespectaculaire, comme en connaissent cesrégions tropicales. Le poète, abrité sous sontoit, traduit la puissance de l’averse à traversses impressions sensorielles :

La pluie résonne dans les boisLa pluie crépite sur mon toitGoutte à goutte elle choit sur le toit de chez moiDru dru tombe la pluie en creusant mille trouso è o o èOh oui la pluie

[Pluie, chant titi, Motalava]

Voici le texte original du poème, dans lalangue des chants :

<a> ne wen ē rōl me ē le mot ee sol dun ē ēn wen ētir e tir bē kēle ēm e

<b> wen me ser gil gil e<c> o– ē ō, o– e<d> io ēn wen ē

Musicalement, cette pièce est typique de lastructure titi décrite plus haut. Les instrumentsentrent les uns après les autres, suivant un sai-sissant crescendo instrumental. Le chant com-mence par un soliste, qui lance ensuite unsignal (à 0’54”) au chœur des chanteurs pourqu’ils entament leur partie. Conformémentaux canons du genre titi, l’interprétation de cepoème implique des répétitions, suivant unschéma responsorial entre le soliste et lechœur, d’un bout à l’autre du chant.Si l’on donne à chaque partie du poème descodes a b c d, et qu’on note par une minus-cule les vers chantés par le soliste et par unemajuscule ceux chantés par le chœur, l’inter-prétation enregistrée ici présente la structure

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suivante : { a b a b c || B c B c B d B d B d B dB d B d B c B || A B A B c B c B d B d B d B cB || A B A B }. Le signe ‘||’ symbolise les ins-tants (à 0’56“, 1’39” et 2’35”) où les instru-ments s’interrompent brièvement (yak)avant de recommencer.

☉26. Sēwēes’i’i : “En écorçant les cocos”

AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) Harold Tomson voix

Ce chant titi de Vanua Lava fait allusion àl’écorçage de noix de coco – une activitéquotidienne liée à la cuisine, et réalisée enempalant les noix de coco sur un solide pieutaillé en pointe.

En écorçant les cocosTu en as cent? moi j’en ai cent !Alors, madame la veuve?Alors alors, madame la veuve?

[En écorçant les cocos, chant titi, Vanua Lava]

Le poème est à double lecture. En appa-rence, il ne s’agit que d’une innocente com-pétition physique entre deux hommesquant au nombre de cocos qu’ils peuventécorcer (“Tu en as cent ? moi j’en ai cent !”).En réalité, les initiés qui savent déchiffrer lalangue des poèmes, et qui sont familiers deces jeux sémantiques, comprennent qu’ils’agit d’une chanson paillarde. Dans le der-nier vers, le chanteur se tourne vers unejolie veuve qu’il fréquente en secret, et, facé-tieux, la prend à témoin de ses propresexploits.

☉27. Nawha titi : “Fleur de liane”

AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Ken Freza + hommes de Toglag planche à percussion (naqyēn malbuy), petits

tambours à fente (nēvētōy), tambour à membrane(natmatwoh), sac à sonnailles (nowopyak), voix

Fidèle à la dominante sensorielle de la poésietiti, ce chant célèbre le parfum particulierd’une liane géante, unissant ainsi le mondede la forêt et celui de la mer.

Les fleurs de la grand’ lianeexhalent leur parfumexhalent leur parfumQuelle est cette senteur ?On dirait le parfum des coquillages, en merO é o o o èa è a è a è ooo

[Fleur de Liane, chant titi, Motalava]

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L’écorçage de noix de coco © AF

On peut découper le poème en cinq unitésphrastiques :<a> Tewes gaverur ē ge bōnbōn ē<b> ge bōn (ē) bōn e<c> bōne sav e? bōne ses row ē la ē<d> o– ē ō, o– e<e> a e a e a e — ooo

Si l’on reprend le type de notation proposéeen ☉25, on obtient la structure { a b a b c ca b d || A d A b A b A b A b A b A d A B || CC A B C C A d A d A b A b A b A b A d A B ||C C A B C C A E }.

☉28. Sēwēes’i’i : “Le mégapode”

AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) Harold Tomson voix

Ce chant titi de Vanua Lava célèbre l’oiseaumégapode (Megapodius freycinet) qui vit dansla forêt.

Bruissement dans les feuilles : qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est ?Mais c’est le mégapode qui caquette et qui creuseIl gratte et gratte encore en haut de la montagne

[Le mégapode, chant titi, Vanua Lava]

Le poème consiste en trois distiques (a b c) : <a> Lēr lē nas dedero en sap men sap men?<b> wō mala ōlōl wō mala gil e rō e<c> Res e res le qesen tōw e

En l’absence de chœur, l’interprète soloHarold Tomson réalise spontanément lastructure suivante : { a / a b a b / c b c b / a ba b / c b c b / a b }.

☉29. Nawha titi : “Volcan”

AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Ken Freza + hommes de Toglag planche à percussion (naqyēn malbuy), petits

tambours à fente (nēvētōy), tambour à membrane(natmatwoh), sac à sonnailles (nowopyak), voix

Ce poème célèbre la puissance des volcans– en particulier le célèbre volcan actif de l’îled’Ambrym, au sud de Pentecôte. Une fois deplus, la force des éléments est évoquée à tra-vers son impact sur les sens.

La lave coule, la lave claque sur Ambrymen tournoyant autour de l'île elle engendre un nouveau paysen tournoyant c'est le volcan qui engendre un nouveau paysO o o o èÇa coule et ça claque sur les côtes d'Ambryma è a è a è — ooo

[Volcan, chant titi, Motalava]

En voici le texte original :<a> Ne vur e sol dun e Amērēm e<b> ie o e lē tan tin gōlgōl wē vōnō e<c> ne vur e tin gōlgōl wē vōnō e<d> o– ē ō, o– e<e> o e sol dun e Amērēm e la e<f> a e a e a e — ooo

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Une fois de plus, l’auditeur peut vouloir prê-ter attention à la structure de cette interpré-tation: { a b a b c c a b d || A d A E A E A e Ae A d A B C C A B C C e A E A E A E A d A BC C A B C C }. Par rapport aux autres exemples cités en ☉25et ☉27, on a ici une introduction plus longuedu soliste ; on entend d’ailleurs, en arrière-plan, les bavardages nonchalants des musi-ciens-choristes qui attendent leur tour dechanter. Mais une fois lancé dans le chant, lechœur prend plaisir à chanter autant sapropre partie que celle du soliste (d’où lesnombreuses majuscules dans la notation). Parrapport aux morceaux plus réguliers enten-dus ci-dessus, celui-ci prend quelques libertésavec la forme canonique – comme c’est sou-vent le cas dans les moments plus détendusque l’on partage à la fin d’une longue séancede danse, au coucher du soleil.

HOMMAGE AUX GRANDS HOMMES

☉30. Ensembles de sifflets gove (femmes)

MS – 10.6.2005 – Barunguringi (Maewo) Vaena Vanity, Lesanti Roling Viti, Ruth Vane,

Ruth Merelin, Rosenta Vay, Esta Rotili ensemble de sifflets gove

Cf. explications ☉17.

☉31. Bilbilan: Passage de grades

MS – 30.9.2000 – Bunlap (Pentecôte) hommes de la communauté Sa ensemble de tambours de bois, voix

Les cérémonies de passage de grades comp-taient parmi les plus importantes dans lecentre et le nord de l’archipel du Vanuatu.S’il est vrai qu’il n’est plus guère pratiquédans les îles Banks, le système des grades estresté central à la vie sociale d’autres îles duVanuatu – Ambrym, Malakula, Pentecôte,Ambae, Maewo. Quand un homme veut passer à un gradesupérieur, il se doit d’organiser une grandecérémonie à laquelle lui et sa famille devrontse préparer pendant plusieurs années. C’estque le passage de grade donne lieu à d’im-portants échanges de nourriture et de pré-sents. Souvent, une même fête concerneraplusieurs candidats. Ces cérémonies donnent toujours lieu à desdanses, accompagnées par des ensembles detambours de bois. Les rythmes correspon-dent parfois à des grades hiérarchiques pré-cis. Ainsi, le présent extrait fut enregistré lorsd’une grande cérémonie de passage de deuxhommes, pour les grades Arkon et Meleun– deux grades parmi les plus élevés de la hié-rarchie. La cérémonie, qui rassemblait denombreux habitants du sud de Pentecôte,avait lieu à Bunlap – une communauté quis’identifie elle-même comme régie par la“coutume”, et imperméable aux influencesétrangères. C’est d’ailleurs à Bunlap qu’a lieula célèbre cérémonie annuelle du saut du gol,au cours de laquelle de jeunes hommess’élancent du haut d’une immense tour debois, le pied seulement retenu par une liane.

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Dans cette danse nommée bilbilan, leshommes dansent en cercle autour des tam-bours, tandis que des femmes dansent autourd’eux, un peu plus loin, en criant et sifflant.L’esthétique de la musique rappelle lesdanses interprétées lors de la cérémonie dusaut du gol.

☉32. Mantani: Passage de grades

MS – 23.1.2002 – Loltong (Pentecôte) hommes de Loltong tambour de bambous en faisceau

Cette danse, du nom de mantani, accom-pagne également une cérémonie de passagede grades hiérarchiques – mais cette foisdans le nord de l’île de Pentecôte. Sa parti-cularité est d’être accompagnée par un ins-trument très rare – un tambour fait de bam-bous réunis en faisceau.On rassemble plusieurs bambous longs d’aumoins deux mètres ; ceux-ci sont tenus hori-zontalement par deux hommes à chaqueextrémité. Quatre hommes, répartis de partet d’autre des bambous, viennent frapper unostinato rythmique avec des bâtons. D’autreshommes dansent en tournant autour del’instrument, qui accompagne les chants deshommes.

☉33. Tambourinage pour un grand homme

AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis grand tambour à fente (nokoy)

☉34. Chant d’entrain pour un grand homme

AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis grand tambour à fente (nokoy)

Les grands tambours de bois du Vanuatusont associés au monde des “Grandshommes”, les augustes dignitaires des cheffe-ries. S’il est vrai que certaines îles préserventle lien avec les systèmes anciens à grades[photo], l’usage de ce tambour a évolué dansles îles comme Motalava, où l’ancien sys-tème politique a disparu. De nos jours, le grand tambour à fente, ditnokoy en langue mwotlap, accompagne nonles prises de grade, mais les moments impor-tants liés aux nouvelles figures de l’autorité:hommes politiques, personnalités de l’égliseanglicane, fêtes religieuses. Ainsi, lors del’anniversaire de l’église principale de l’île, cesont les coups sourds de ce grand tambourqui accompagneront l’eucharistie.En ces derniers jours de l’année 1997, onmarie le fils de l’évêque anglican des îlesBanks, le “grand homme” Charles Ling (àgauche sur la photo de la page suivante,tenant une palme symbole de prestige). C’estlà une occasion, pour les musiciens de l’île,de faire résonner le puissant nokoy. Tous lesparticipants – chanteurs, danseurs, musiciens– sont des hommes initiés, comme il se doit.Après le bref prélude ☉33 dit Turbal, la pièce☉34 combine la percussion du tambournokoy avec un chant d’entrain pour encoura-ger les danseurs. On entend bien quatre

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lignes vocales et instrumen-tales superposées: le chantprincipal (“E ale…”) ; les crisde joie des danseurs ; unrythme continu au temporapide (dit beleg en mwotlap)que jouent, à l’aide de finsbâtons de bois, les deux per-cussionistes assis aux deuxbouts du tambour ; enfin, unautre rythme, plus discon-tinu, et au son plus sourd(bōl) – celui du tambourinaireprincipal, assis au centre del’instrument.

LE GRONDEMENT SOURD DES ANCÊTRES

☉35. Rhombe

MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava) Philip Gan + Gresline + Colinette rhombe (naborbor)

Il s’agit ici de naborbor, un instrument de lafamille des rhombes – utilisé simplementpour se divertir. Pour fabriquer cet instru-ment, une foliole est détachée d’une palme decocotier ; on en ôte l’arête centrale afin de larendre souple, puis on la plie en deux dans lesens de la longueur. L’arête enlevée est ensuiteattachée en arc aux deux bouts de cette mêmefoliole. Enfin, on fixe à ce petit dispositif unelongue tige qui provient également d’une

feuille de cocotier ; c’est par cette tige quel’on tient le rhombe et lefait tournoyer au-dessusde sa tête. La double rotation del’instrument – au dessus dela tête et simultanémentau tour de son axe – pro-voque un bruit vrombis-sant assez sonore et grave.Dans cet enregistrement,on entend non pas unmais trois rhombes – letout produisant un effetparticulièrement puissant.

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Chanteurs et musiciens autour du grand tambour à fente nokoy(Avay, Motalava) © AF

Rhombe © AF

Les danses masquéesDeux danses des îles Banks sont réservées auxhommes ayant passé les rites d’initiation: lemag et le qat. La première est nommée nma en löyöp,namag en mwotlap, mago en mota, mag dansles langues de Vanua Lava et Gaua, namag etutmag à Merelava. Le terme est lié au verbemako “danser” des langues polynésiennes. Ils’agit d’une danse des garçons adolescents,qui débutent leur parcours initiatique. L’autre danse, assez ressemblante, est le qat(prononcé [kpwat]) – ou plus précisément:qat en mota, dorig et lakon, qet en vurës,neqet en mwotlap et en mwerlap. Ce nom esthistoriquement lié au nom de Qat ou Qet, ladivinité des origines (François 2013). Commele mag, le qat est réservé aux hommes initiés,mais d’un rang plus élevé. Les deux genres ont de nombreux pointscommuns. Dans les deux cas, les danseursportent des coiffes qu’ils auront fabriquéesdans l’enclos secret de l’initiation (Vienne1996). Ces coiffes, très travaillées et parfoisspectaculaires, sont souvent appelées“esprits” (mota tamate, mwotlap natmat,lakon maraw…) ; elles représentent des divi-nités, plantes, poissons [comme l’oursin,photo page 11 (qat)], oiseaux, objets parfoisinsolites – plat cuisiné [photo ci-contre],pirogue, avion…Dans l’île de Merelava, on distingue entredeux versions de cette danse. Le namag appar-tient aux jeunes initiés – souvent de jeunes

adolescents – et se danse sans masques. À l’in-verse, la forme dite utmag [☉36] est réservéeaux hommes adultes, qui ont acquis le droitde porter les coiffes sacrées.Une des différences entre mag et qat résidedans la chorégraphie. Dans le mag, les jeunesdanseurs progressent à l’unisson, souvent enfile indienne ou en cercle autour d’un musi-cien central, et coordonnent leurs gestes lesuns avec les autres. Le qat, en revanche, estune danse plus complexe, aux formes écla-tées, où les danseurs, dispersés sur la place dedanse, exécutent des pas de danse chacun àleur tour [photo p.18].Musicalement, le qat tout comme le mag nemettent en jeu que deux instruments : lepetit tambour à fente – joué par un musiciendebout au centre de la place – et les sonnaillesaux chevilles des danseurs.

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Coiffe de la danse mag, en forme de plat cuisiné (Jōlap,Gaua) © AF

Le chant mélodique y est rare: tout poèmelié à ces genres étant secret, ils ne peuventêtre chantés par les danseurs que silencieu-sement, en leur for intérieur. Si l’on entenddes voix, ce sont plutôt des cris – tantôtsignaux lancés par le tambourinaire (Hiy

sito!), tantôt grognements des ancêtres. C’estque les danseurs ainsi masqués représententles esprits des ancêtres, venus danser aumilieu du village. Les cris aigus et les gro-gnements sourds que l’on entend en ☉36(utmag de Merelava) et en ☉37 (neqet de

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Danse des esprits : le neqet (Lahlap, Motalava) © AF

Motalava) ne sont autres que lesvoix des morts eux-mêmes,venus hanter les vivants le tempsd’une danse. Les coups saccadésdes sonnailles, les ryth mes irré-guliers des bambous que l’onfrappe, les silences abrupts etinattendus, forment une atmo-sphère étrange et envoûtante, oùplane une sourde inquiétude.

☉36. Utmag : Danse des Esprits

MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava) hommes de la communauté de Tesmet tambour en bambou (wokor wirig),

sonnailles de cheville (nevereak), voix

Dans l’île de Merelava, si la danse namag estréservée aux débutants, sa variante utmag estle domaine des hommes initiés. Les coiffesdes danseurs, et leurs étranges grondements,rappellent à tous leur véritable nature: cesont les Esprits des Ancêtres, venus parmi lesmortels pour les impressionner. Selon les témoignages, la danse utmag étaitautrefois interprétée lors des cérémoniesfunéraires, ou à l’occasion des passages degrades. De nos jours, on danse l’utmag pourdiverses occasions – mariage, fêtes de Noël,fête de l’indépendance, et autres festivals.

☉37. Neqet: Danse des Esprits

AF – 25.12.2005 – Lahlap (Motalava) Fred Nixon + hommes initiés de Lahlap petits tambours à fente (nēvētōy),

sonnailles de cheville (nowopyak), voix

Cette représentation de la danse neqet (pro-noncée [nekpwet]) de Motalava – la versionlocale du genre qat – fut un événementimportant. Cette danse solennelle et particu-lièrement prestigieuse n’est donnée que trèsrarement. La fête chrétienne de Noël, et lagrande journée de danses coutumières qui luiest associée, était un contexte idéal. L’aspect le plus impressionnant de cette gran-diose cérémonie fut sans conteste le déploie-ment de majestueuses coiffes sacrées, nom-mées natmat “esprits des morts” [photo]. Enoutre, le neqet donne lieu à une chorégraphie

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Danse utmag des hommes initiés(Leqeal, Merelava) © MS

mystérieuse, au cours de laquelle les danseurs,dispersés sur la place, alternent momentsimmobiles et petits pas saccadés [photo p.18].Les coups nerveux sur les petits tambours debambou se combinent aux bruits des son-nailles, et aux cris des esprits – le tout dans unpaysage sonore original, dépourvu de mélodie,créant une atmosphère étrange et inquiétante.

Le genre newe-tLe genre souverain dans les îles Torrès est lenewēt [☉38–40]. En principe, il s’agit d’abordd’un style de poésie – illustré plus haut avec leschants Tremble la Terre (p.31) et Thrène aux guer-riers défunts (p.33). Par extension, le termenewēt désigne autant le poème lui-même que lestyle particulier de musique qui l’accompagne,voire tout l’événement festif qui l’entoure.L’élément central du genre newēt n’est pastant la danse que l’orchestre qui se tient aucentre de la place. Parfois, un petit kiosque defeuilles (veroqëtlēnwe en lo-toga) est réalisépour abriter les musiciens. Ces derniers, aunombre de sept ou huit, se tiennent deboutautour de la planche à percussion. Assis parterre derrière eux, deux tambourinaires frap-pent leur tambour de bambous pour lancer lesignal du début. Le meneur lance alors un cri“Hi– wa?” auquel les autres musiciens répon-dent en chœur “Hi wow !” – et de soudainfrapper leurs bambous sur la planche [☉39]. C’est alors que démarre un long ostinato col-lectif, à la fois vocal et instrumental. En mêmetemps qu’ils pilonnent la planche, les musi-

ciens chantent un hoquet “O ho, Ohé o – O ho,Ohé-o”… C’est dans cette atmosphère saisis-sante que le chanteur soliste entonne alorsson chant newēt à proprement parler. Sa mélo-die et son rythme semblent indépendants durythme principal, et se trouvent largementcouverts par ce dernier. Ce n’est pas tout à faitun hasard : la plupart des poèmes newēt sontdes chants secrets (toq “sacrés”), qui doiventdemeurer inaudibles à la foule des non-initiés– de peur que le chant, qui appartient auchanteur et à sa famille, ne lui soit volé. Dansla langue lo-toga, le verbe gupe “dissimuler”désigne la manière dont le chœur, à travers seshalètements sonores (“O ho, Ohé-o”), doit cou-vrir la voix du soliste.Le contexte privilégié pour exécuter le genrenewēt est le festival public (en lo-toga ne vetgë)associé à la prise de grades (ne huqe). Dans cecontexte précis, qui rappelle les danses magou qat des îles Banks voisines [☉36–37], cesont de jeunes initiés qui viennent danser enexhibant les coiffes rituelles (ne qegar) qu’ilsviennent de sculpter en secret. La fête peutdurer de cinq à dix jours, au cours desquels lenewēt bat son plein jour et nuit, jusqu’àl’aube du dernier jour. Ceci étant dit, le newēt est si populaire qu’ils’est en quelque sorte laïcisé, en devenantsynonyme de réjouissances collectives : on lejouera lors des mariages, des fêtes, des festi-vals. La fête nationale du 30 juillet [photo],qui célèbre l’indépendance du Vanuatudepuis 1980, est ainsi une occasion propice

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pour une soirée newēt – comme ce fut le caspour les pièces ☉39–40 de l’album.

☉38. Newe-t : Chant des Esprits

AF – 22.1.2006 – Hiw (Torres) Sisil Howard + garçons de Hiw planche à percussion (ne tiyit rërë),

tambour à fente (n’öre), voix

☉39. et 40. Newe-t : Chant des Esprits

AF – 30.7.2004 – Lungharegi, Lo (Torrès) Livai, Peretin Wokmagëne, Brian Mark planche à percussion (ne vën mēlepup),

tambour à fente (n’ere), voix

☉41. Newertiang : Pleurs des Esprits

MS – 25.7.2005 – Leqeal (Merelava) hommes de Leqeal instruments secrets

Au Vanuatu, les manifestations de deuilincluent des cérémonies au 5e et 10e jour sui-vant le décès de la personne. Dans la petiteîle de Merelava, la mort d’une personneimportante donne alors lieu à un événementspectaculaire : les “Pleurs des esprits”, nom-més Newertiang en mwerlap. Il arrive que cetévénement soit suivi d’une danse namag[☉36], laquelle est publique et se déroule surla place de danse ; mais le Newertiang lui-même a un statut très particulier, qui le dis-tingue de toutes les autres formes musicalesque l’on connaît.Ni chant ni danse, le Newertiang ne donnerien à voir. Pour le commun des mortels, il

s’agit d’un événement sonore, l’occasiond’entendre, dans l’obscurité de la nuit, lespuissants cris des morts et les pleurs desesprits. Ces gémissements stridents rappel-lent à quel point les revenants peuvent êtreinquiétants, et différents de nous – de quoiinspirer à tous crainte et respect pour lesancêtres.Bien sûr, seuls les hommes initiés ont accèsau monde des esprits, et au secret de leursmanifestations dans le monde des vivants.Eux seuls connaissent la véritable nature deces sons, les instruments et les gestes pour lesproduire ; nous n’en révélerons rien ici. Leshommes interprétant les Pleurs des esprits nedoivent être vus par personne : sitôt ques’annoncent les premiers sons, femmes etautres non-initiés doivent se précipiter versune maison ou un abri, sans attendre. L’enregistrement ☉41 présente une structuremarquée, faite d’un crescendo culminantvers 2’10”, suivi d’un long decrescendo.Plusieurs couches sonores se superposent.Parce que le Newertiang a lieu la nuit, onentend en continu le son des grillons.C’est sur ce fond sonore que viennent s’ajou-ter les cris des esprits. Les sons graves for-ment la voix de la “mère”, les sons aiguscelles des “enfants”. Les esprits repartentcomme ils sont arrivés : après un moment deforte présence, leurs pleurs finissent pars’évanouir dans le silence de la nuit.

ALEXANDRE FRANÇOIS & MONIKA STERN

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RÉFÉRENCES

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Le regard du Maraw, esprit de la danse mag / The eye of the Maraw, spirit of the mag dance (Jōlap, Gaua) – © AF

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Utmag, danse des initiés / dance of initiated men (Merelava) – © MS

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Une fête newēt / A newēt party (Yaqane, Hiw) – © AF

Page 68 : Danse du serpent de mer / Seasnake dance (Lahlap, Motalava) – © AF

Vanuatu’s unknown treasuresThe Melanesian societies of Vanuatu form amosaic of languages and cultures that havebecome quite different, from island toisland, over the course of history. Such adiversity is particularly conspicuous inmusical arts – through aesthetic and socialpractices which are highly sophisticated, yetstill go largely undocumented. To this day,Vanuatu’s Melanesian music has been acces-sible mostly through recordings by PeterCrowe (1994) in Maewo and Ambae, and arecord of a cappella songs produced by theVanuatu Cultural Centre (Ammann 2000). Arecent book describes the musical forms ofVanuatu with a special focus on the world ofsecrecy and the supernatural (Ammann2012). However, whether in the detail ofinstruments, melodies and rhythms, or the

poetic forms and styles used in the songsthemselves, Vanuatu still harbours treasuresworthy of being brought to light.

The diversity of VanuatuThe 41 pieces presented here encompassnine different islands, covering the two pro-vinces TORBA (Torres–Banks) and PENAMA(Pentecost–Ambae–Maewo), in the northernhalf of the country. This sample should pro-vide a fair idea of the wealth of the archipe-lago’s overall musical heritage.Vanuatu societies cherish the diversity oftheir cultures and languages. The countryholds the world record in terms of linguisticdensity, with 106 different languages – notcounting the dialects – for a population of240,000. No less than 26 languages are stillspoken in the TORBA and PENAMA pro-

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MUSIC OF VANUATUCelebrations and mysteries

This CD brings together the best recordings made by two field researchers between 1997 and 2010. AlexandreFrançois, linguist (Langues et Civilisations à Tradition Orale, CNRS; Australian National University), studies thelanguages and oral literature of Vanuatu, especially those of the Banks and Torres islands in the north of the archi-pelago. The ethnomusicologist Monika Stern (Centre de Recherche et de Documentation sur l’Océanie) exploresthe social and musical practices of northern Vanuatu. The two researchers have travelled across the archipelago,separately or together, and have combined their efforts in a research project entitled Rythmes à danser, poèmesà chanter en Mélanésie: Esthétique, transmission et impact social des arts musicaux au Vanuatu. This project gavebirth to a documentary produced by Éric Wittersheim, The Poet’s Salary, which was awarded the 2009 Bartókprize by the Société Française d’Ethnomusicologie. Whereas the film was centred on the island of Motalava, thepresent musical anthology covers a broader area.

vinces alone, and as many distinct micro-communities. The diversity of the musicalstyles is commensurate with this linguisticvariety: certain musical styles, certaindances, certain instruments, are sometimesknown to just one village, and unknownelsewhere. This being said, these microdiffe-rences stand out from a shared culturalbackground. Due to common origins as wellas to a long tradition of economic and cul-tural exchanges, numerous similarities arealso found from one island to another. The present selection of recordingsattempts to reflect the richness of Vanuatu’smusical arts. Besides geographical scope,emphasis has been put on the diversity ofgenres, instruments, musical or poeticstyles. By giving preference to live perfor-mances, we aim to place musical forms intheir social and anthropological context.From one piece to another, the listenermoves on from one village to another,changing from one universe and atmosphe-re to another, on a journey that is both aes-thetic and cultural.The present booklet aims to guide the liste-ner through this journey. After touchingupon the importance of music in the socie-ties of Vanuatu, we will describe their musi-cal instruments and decipher the art ofsong poetry. Listeners will be able to followthe album and its 41 recordings in detail asthey discover the musical universe of thearchipelago.

Ocean, village, forestVanuatu was first populated about 3200years ago, when the navigators of the Lapitacivilisation, sailing southeast on their largecanoes, colonised insular Melanesia – fromthe Solomon Islands to New Caledonia andFiji. The first people to settle on the archi-pelago’s islands, most of which are volcanicand fertile, cultivated the land – whilstmaintaining a strong link with the sea. Theimmediate social unit became the village orhamlet, sometimes perched high up in theisland’s hills, but most often set up alongthe coasts. This lay the foundation of the typical land-scape of Vanuatu societies. A few dozenfamily dwellings of bamboo walls and leafroofs, forming a circle around the centralvillage clearing – the agora for encounters,the focal point of festivities. A few yardsdownhill, a sandy beach, the coral reef, the

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A coastal village (Yugemëne, Hiw, Torres) © AF

lagoon and finally the ocean – the source ofmarine food, but also the hub of exchangebetween islands, the horizon from whencefuture encounters will be made. On the other side of the village, walkinguphill further inland, one enters the ambi-guous world of the forest. The forest is first and foremost the familiarroute to the gardens of yams and taros,known since early childhood, the preciselimits of which are transmitted downthrough the generations. This is where fami-liar plant resources are to be found: well-liked fruit; firewood; solid tree trunks formaking canoes or beams; bamboos that willbecome rafters, water bottles or sharpblades; but also various leaves that willcover the house, wrap food as it is baked instone ovens or be plaited into a mat for thebedroom. As we shall see, these same plantswill be transformed into musical instru-ments: a leaf will be made into a Jew’s harpor bullroarer; dried fruits will become anklerattles; a thick root may turn into a percus-sion board; solid logs will be hollowed andcarved into massive slit gongs; the trunk ofa sago tree will serve as the body of a headeddrum; and bamboos of all sizes will becomeslit drums, stamping tubes, bamboo flutes orwhistles… The sounds of all these instru-ments are the voices of the forest reachingout to the village.But should one venture into the dark slo-ping forests in the night hours, then one

enters into a whole new world, unknownand daunting, a green maze haunted byancestral spirits, where it is so easy to getlost. Stories and poems evoke those ambiva-lent solitary moments: pleasure of walkingthrough the woods, august respect for theforces of nature – but also fear of the un -known, with this sudden urge to returnhome to one’s village.

Music and customFor almost two centuries, Vanuatu islandershave been able to learn about the Westernworld. The northern part of the archipelagowas Christianised by Anglican missionaries;Catholics, Presbyterians and other churcheshave shared the islands further south. Withships visiting from Australia or NewCaledonia, and later through institutions ofthe Anglo-French Condominium, thepeople of the New Hebrides – the formername of Vanuatu – became familiar withboth English and French, the two languagesstill taught today in schools. To these colo-nial languages, they added Bislama – origi-nally an English-based pidgin which spreadquickly during the 20th century, and todayserves as a lingua franca throughout thearchipelago. Now an official language of thecountry, Bislama is taking over from the ver-nacular tongues, especially in urban areas.These last two centuries have given rise tonew musical landscapes. Anglican churchchoirs introduced vocal polyphony which

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was previously unknown, and is now widelyappreciated in Vanuatu churches. Thosewho were recruited to work on the sugarplantations of Queensland, at the end of the19th century, were able to hear guitars andother chordophones. This discovery of newsounds, later renewed with their exposure toAmerican soldiers during the war in thePacific, gave birth to “Stringbands” whichhave become so popular today in Vanuatu.In addition, the record industry has develo-ped over the last twenty years. For theyoung urban generations, music is now lar-gely dominated by reggae – andto a smaller extent, by hiphop,dance music, and R&B. In spite of these new trends,inherited musical styles still thri-ve in most of the islands. In theabsence of electricity, rural areasof Vanuatu seldom listen to theradio or commercial CD's. Untilmobile phone technology wasintroduced in the late 2000’s,they had remained largely cutoff from urban music. In most ofthe archipelago’s villages, threemain styles are in use today:church songs; string band songs; plus every-thing else, grouped into a vast category refer-red to as “local music” or “our music” – incontrast to music from afar. In Bislama, oneoften speaks of kastom tanis, literally “customdances”, or kastom singsing “custom songs”.

All in all, these two musical universescoexist without really mixing. Guitars com-monly played in churches or in string bandsnever participate in “custom dances”. Thecontrast is also found in the language: whe-reas religious or string band songs are oftenin Bislama or English, this is never the casewith customary songs: whatever the style,their lyrics are always composed in the localtongue, or sometimes even in an archaic,poetic language. These styles, typical ofancient music, preserve their distinctiveidentity even in contemporary creations: as

we observed in 2005 inMotalava, when a new kastomsong is born, it is always com-posed in the “language of theancestors”. This contrast between “local”music and music felt to be exo-genous, may sound surprising,given the constant circulationof musical styles among com-munities, which often travelfrom one island of the archipe-lago to another. In other words,music referred to as “fromhere”, associated with “cus-

tom”, are often musical styles coming fromsome other island across the seas. And yet,people will still draw a contrast between“custom” music and styles which will neverreally be part of custom (string band, churchsongs).

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A stringband session in the village (Jōlap, Gaua) © AF

A key element could possibly explain thisdichotomy between these two categories ofmusic: namely, the islanders’ capacity tocontrol the full chain of production.Customary music – even when it circulatesfrom one island to another, and is thus not“local” strictly speaking – will always involveinstruments and techniques that can be rea-dily reproduced from local resources; inthese conditions, it is easy for the islandersto learn new styles and enrich their inheritedrepertoire. By contrast, music of Europeanorigin often implies the use of materials(metal, plastic…) and foreign instrumentsthat can be harder to recreate locally.Taking on the perceptions of the musiciansthemselves, the present anthology will focus

on the category of music styles described aslocal or customary. Due to space limitations,it does not include church hymns, stringbands, or reggae songs, all of which wouldwarrant CDs of their own.In spite of the watertight categories presentin popular representations, subtle influencescan sometimes be unveiled between styles.For example, in recording ☉12, the begin-nings of polyphony can be heard in themiddle of a Sowahavin dance, no doubtinfluenced by church choirs. Also, certainforms of musical crossings can be observedin urban settings, as songs from the traditio-nal repertoire are occasionally adapted withstring band or reggae arrangements (Stern2000, 2007).

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Women and children during festivities in Bunlap (South Pentecost) © MS

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Voices and gestures of the AncestorsIn Vanuatu, musical arts form not only alink between past and present, but also, byextension, between the living and the dead,between humans and spirits. This dimen-sion will be apparent in our analysis of songpoetry, in both its linguistic and stylisticaspects. But the same notion can be obser-ved in many other aspects of the region’smusical experience.In spite of Christianization, ancestral spiritscontinue to play a central role in the spiri-tual and cultural landscape of Vanuatu(François 2013). This is especially true ofmusical arts, many aspects of which recalltheir sacred origin. The poetic language iscalled “language of the spirits”, “language ofthe gods”, or “language of Qet” (after thename of the mythical creator of the BanksIslands). Likewise, if a poet is in search ofinspiration when writing a new composi-tion, he will turn to the spirits: after swallo-wing the sap of leaves charged with magicpowers, he will communicate with the spi-rits of ancestors, at night or during a solita-ry walk, and wait to be inspired with thewords or the melody of a new song. Several myths, of great literary and anthro-pological significance, relate how a particu-lar dance, or a musical instrument, werelong ago transmitted to men by ancestralspirits. In Pentecost, Maewo and Ambae,one hears stories of how the sawagoro dance[☉5–8] was one day stolen from the spirits

by men. In Hiw, legend has it that a child,left alone in the village by adults going offto work in their gardens, was visited regular-ly by a spirit who secretly taught him songsand dances in the newēt style [☉38–40]. Avery similar myth in Motalava explains theorigin of the nawha titi [☉24–29]. Othersimilar stories are to be heard in Gaua,Vanua Lava, or Toga, reminding us of thestrong ties forever present between musicand spirits. One context in which music also formalisesthe bond between the living and the deadis that of secret societies (Vienne 1984,1996). Boys of a same age group gathertogether, somewhere in the forest, underthe aegis of a protective divinity, and learnfrom their elders a number of songs, dancesand instruments reserved to the initiated.At the end of this period of reclusion, these

The spirit of the Urchin, neqet dance (Lahlap, Motalava) © AF

young men come and dance on the villageground, their heads covered with sacredheaddresses or masks corresponding totheir initiation rank. Whether by theshapes and colours of these headdresses,the lyrics, rhythms or choreographies, eachaspect of these ceremonies remind the non-initiated of their powerful ties with theghosts of their ancestors.

Music and graded societiesThe sacred dimension is also present in thepolitical system of chiefdom, closely linkedto the world of spirits. On the three islandsPentecost-Ambae-Maewo – just as in Malakulaor Ambrym, further south – the rank systemstill rules society today, and everyone ismeant to take part in this political competi-tion. From his early years, a boy is introducedinto the system in a small ceremony wherehe acquires his first grade. The higher therank, the more the gradetaking ceremonieswill be enhanced with dancing, singing anddrumming. We recorded some of theserhythms in Pentecost during initiation cere-monies [☉31–32].If music plays such an essential role in theseceremonies, it is also because certain gradesimply access to a sort of “customary right”over a specific musical rhythm. This rhyth-mic pattern is an integral part of the attri-butes specific to this grade, along with cer-tain ornaments – such as curved pig tusks

[photo p.78] – certain leaves of sacredplants, patterns of body painting, or designson mat clothing. A fair proportion of musi-cal forms in Vanuatu are bound by the oathof secrecy and are the exclusive property ofa few men, by virtue of their privileged tieswith the world of the Ancestors. Somesongs, dances, instruments, rhythms ormelodies are therefore inaccessible to chil-dren or to women, or to any other personwho has not acquired the relevant rights.In sum, the people of Vanuatu stronglyassociate their heritage music with theancient world of “custom” – albeit one thatis constantly reinvented through encoun-ters and creations. This link with theancient world takes various forms, whichwe will now describe. To begin with, mate-rial techniques perpetuate the exclusive useof natural materials, as much for makingthe instruments themselves as for thedance costumes and masks made for specialoccasions. In addition, the link betweentraditional music and olden times appearsin the poetic form of the songs – anarchaic, cryptic language, constantly ridd-led with nostalgic references to the dreamworld of yesteryear.

InstrumentsAll instruments used in traditional musiccome from the natural environment sur-rounding the musicians: the forest or thesea.

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The ocean supplies the conch shell, which isblown to hail crowds or send out a signal.Also, the islanders of Ureparapara some-times create ankle rattles using the spines ofpencil sea urchins. Apart from these rareexamples, almost all other instruments usedin traditional music are of vegetal origin.Three types of instrument can be differen-tiated. Firstly, musical instruments proper,the use of which is codified, and which areplayed to accompany singing or dancing.Secondly, various objects which are not ins-truments, yet are occasionally exploited fortheir sound properties, for personal enter-tainment, independently of any sung ordanced performance. Lastly, we will see thatcertain instruments have paramusical,semiotic or mimetic functions.Following the Hornbostel–Sachs classifica-tion of musical instruments, we will distin-guish between idiophones (by far the mostcommon), chordophones, aerophones andmembranophones.

IdiophonesThe percussion boardAn idiophone widely used in Vanuatu, espe-cially in the northern islands, is the percus-sion board. A pit, approximately 50 cm indiameter and 20 cm deep, is dug out of theground, and will serve as a resonator; a fair-ly massive, flattish slab of wood is placedover it. Traditionally, this slab was cut out ofa broad, flat buttress root from certain trees;

nowadays, it can be made of almost anywooden plank. Between three and twelve musicians standaround the percussion board. Each oneholds one or two sticks which are light inweight, measure from 3 to 6 feet long, andare made out of bamboo or wood; some-times the paddle of a canoe does the job. Asthe dancing begins, the musicians hit theboard in rhythm, producing muffledsounds. The group remains synchronised byfollowing a leader, who decides how therhythm should progress, and when it’s timeto stop.In the Banks Islands, the percussion board isthe central piece of musical moments – quiteliterally in fact, since it is placed in themiddle of the village clearing, and forms thecentral point around which the circles ofmusicians and dancers evolve. A key element

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The percussion board tiyit rërë (Hiw, Torres) © AF

of the orchestra (called nawha in the lan-guage of Motalava), this instrument accom-panies village dances [☉14–16] or titi sungpoems [☉25–29]. In the Torres Islands, thepercussion board supplies the leading osti-nato of newēt songs [☉38–40].The name of the instrument differs conside-rably from one language to another: ne tiyitrërë (literally “tree root”) in Hiw; ne vën mēle-pup (“thick slab”) in Lo-Toga of the TorresIslands; ntaqap in Löyöp of Ureparapara;naqyēn malbuy (“thick club”) in Mwotlap ofMotalava; lalöbur in Vurës of Vanua Lava;diov in Dorig of Gaua; mēpli ra in Lakon, andso on. The languages also have names for the sticksused to beat the board (generally the sameterm as “bamboo”, even if other wood isused), as well as technical terms for specificactions associated with this instrument. Forinstance, the person leading a group of per-cussionists, followed by the others, has aspecial name (in Mwotlap: avus, in Dorig:rankrēbō). Each language has at least oneverb for striking the board (hër in Lo-Toga,didi in Mwotlap, etc.) – often the same verbas the cookery term “to pound”. The Hiwlanguage has no less than four verbs – twosynonyms (sor and yop) for the general mea-ning, and two more specific terms belongingto the newēt genre: puye “strike the boardmarking an accent every two beats” and rug“strike the board marking three accentsevery four beats”. The precision of these

technical terms illustrates, if need be, thelocal existence of a local “musical theory”(see Zemp 1979).

Large slit wooden gongBy far the most imposing idiophone, bothin terms of its dimensions and its socialprestige, is a large wooden drum, hollowedout from a tree trunk, and slit lengthwise. A similar type of carved drum is found inthe central islands of Vanuatu, where it isplayed in an upright position; its celebrityhas made it a national emblem. However, inthe Banks Islands, as well as in Maewo,Ambae and the north-central areas ofPentecost, the same drum is presented hori-zontally, laid directly on the ground.The large drum is often played by severalmusicians, producing a polyrhythm.Throughout most of the archipelago, itcomes in a group with a number of otherdrums (Crowe 1996), each played by a singlemusician. In the Banks Islands, by contrast,several musicians beat the same drum –which alone suffices to produce a poly-rhythm.In the islands of Motalava and Gaua, thisheavy hollowed tree trunk measures about5 feet long for a diameter of 18 inches. Placedon the ground, it is played by three seatedmusicians [photo at the top of p.78]. Theman in the middle hits the centre of thedrum with thick coconut palm petioles, pro-ducing the bass (bōl in the Mwotlap language

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of Motalava, tēn in Lakon); the two drummerseach side of him play with hard, lightweightsticks, producing a higher and more powerfulsound (beleg in Mwotlap, vuh in Lakon). Thepattern is thus polyrhythmic, with eachmusician striking a different ostinato. In the islands of Pentecost, Ambae andMaewo the slit gong has preserved its origi-nal tie with graded societies, an institutionstill very much alive today. Among the attri-butes associated with certain grades are pre-cisely certain drumming rhythms: these arealways played on a group of several woodendrums of varying sizes [photo below]. In the

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Grade-taking ceremony in Bunlap (South Pentecost) © MS

Slit gong nokoy (Motalava) © AF

Banks Islands, the instrument has become arare object, but it is brought out on impor-tant occasions. As an example, the nokoy inMotalava was played in December 1997 atthe wedding of the Anglican bishop’s son[☉33–34]. Unlike the percussion board, the namegiven to the large slit gong is very much thesame in most of the northern languages:Hiw ne kōr, Löyöp nkoy, Mwotlap nokoy,Lemerig kër, Mwesen wokor, Mota kore, Dorigwakor dun, Lakon kee, etc.

Small slit drumsMuch more common is the individual slitdrum. It measures between 8 and 31 inches,and is made either of bamboo [photo] or ofcarved wood [photo p.108]. When light enough, the drum is held in onehand by the musician, who strikes it with astick held in the other hand [photo p.98]. Atother times, the drum is played using twosticks, in which case it is stabilised invarious ways: placed on the ground and keptin position with the feet; held by a secondperson; or supported above the ground ver-tically. This widely used drum instrumentcan be heard in many of our recordings: ☉4,☉11–16; ☉25–29, ☉36–40.This little slit drum always has its own namein the languages of northern Vanuatu, todifferentiate it from its big brother, the largewooden slit drum. For example, the Lakonlanguage of west Gaua calls the large drum

kee, and the little one qalē laklake (literally“bamboo internode for dancing”).

Stamping tubesGenerally, the percussion board is struckwith bamboos: in many languages, the longpercussion tubes are indeed simply called“bamboos”. However, they are sometimesreplaced by simple wooden sticks, since thepart that vibrates is the struck board.In the absence of a board, the vibrating ele-ment is the tube itself as it strikes theground. In this case, the instrument isnecessarily made of bamboo; it is known asa bamboo stamping tube – a commonenough instrument in Oceania, particularlyin New Caledonia and the Solomon Islands. In the small island of Merelava, bamboostamping tubes are played in a special genre

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Bamboo slit drum (Motalava) © AF

called nombo (“bamboo” in the local langua-ge). Six women, squatting or sitting in acircle, hold a short bamboo tube in eachhand [photo], and strike the ground whilethey sing [☉11]. Another type exists inPentecost. Longer, and played in largernumbers than in Merelava, these bamboos

produce the bass sounds during certain per-formances – as in the sowahavin ☉12.

Other bamboo idiophonesFurther south in Pentecost, this providentialplant is put to musical use in quite originalways.

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Stamping tubes for nombo dance (Merelava) © MS

Bamboo slit clappers These are bamboos measuring roughly 3 feetin length, in which the shaft has been sliton all sides. Dancers, two by two, clank thesplit half of their instruments together, as iffighting with weapons.

Bundle bamboo drumAnother musical use of this plant inPentecost consists in taking several 6-feet-long bamboos, and tying them together intoa large bundle. The resulting instrument ismaintained above ground by two men stan-ding at each extremity, while four musicians– two on each side – strike it with woodensticks. The particular sound of this instru-ment, which can be heard in ☉32, minglesthe concussion of sticks on the bambooswith that of the bamboos together.

RattlesKnown throughout the Vanuatu archipelagoand beyond, rattles are made from the fruitof a specific plant: Pangium edule, a kind ofnut whose shell is emptied and dried in thesun, before being threaded in bunches.Unlike other instruments, rattles are normal-ly played by the dancers rather than by themusicians: attached to their ankles, thebunch of dried nutshells rattles togetherwith each step. These ankle rattles are usedin most men’s dances in the islands ofPentecost-Ambae-Maewo [☉13], as well as inthe women’s dance sowahavin [☉4, ☉12].

They are widely used in the Banks islands,especially in masked dancing performed byyoung initiates – whether the young men’sdance called utmag in Merelava [☉36] or thespectacular neqet dance [photo] in Motalava[☉37]. In all these dances, the concussion ofthe dried nuts together accompanies thesharp striking of the small slit drums and thevoices of the soloist singers, in a very cha-racteristic musical soundscape.

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Ankle rattles for neqet dance (Lahlap, Motalava) © AF

A rarer use of these same rattles is done byfilling them into a linen bag, which is thenshaken to produce a sound similar to that ofmaracas. This type of rattle bag can be heardon Motalava, as part of the nawha titiorchestra [☉24–25; 27; 29]. This is the onlyexample of rattles being part of a group ofinstruments played by musicians.The name for rattles in the different lan-guages is quite similar: Hiw ne verak, Löyöpnvayan, Mwotlap nowopyak, Vurës wōviriak,Lakon väräk, Maewo varage, Raga vage, etc.all stem from the same radical *vaRage,referring to the plant from which the ins-trument is made.

ChordophonesUntil now, no traditional chordophone hadever been observed in Vanuatu – except fora very rare musical bow observed by the eth-nologist Speiser around 1910 in Ambrym.While it was believed to have disappearedcompletely, our investigations were able toprove the instrument was still in use inAmbrym. Better, we discovered the existen-ce of a similar but larger musical bow [photop.111], in the island of Hiw in the far northof the archipelago [☉22]. The musician, aman of 86 named Edward Pilis, is aware thathe is the last islander to know how to makeand play this instrument – one that is fastdisappearing – in Vanuatu. The scarcity of chordophones in customarymusic vividly contrasts with their everyday

use in repertoires of modern-day musicalcompositions. Indeed, church “chorus”songs, and of course string band music, wide-ly use guitars, ukuleles or the “bush bass” (akind of single-stringed tea-chest bass). In allthe islands we visited, self-identified “kas-tom” music has remained mostly imper-vious to this strong presence of chordo-phones in popular modern music. The musi-cal bow is therefore the only chordophoneto appear in this album.

AerophonesAerophones are also rarely seen these daysin Vanuatu. Among what are locally consi-dered “proper” instruments, the only aero-phones found in the region were bambooflutes of various forms, described in greatdetail by Ammann (2012). These flutes arementioned essentially in the writings of thefirst ethnologists at the beginning of the20th century (Speiser 1923). A few longflutes were also observed in the Pentecostisland in the 1970s (Crowe 1996, Huffmann1996). Although one can still find Ambrymflutes in tourist shops in town – all more orless the same, a long, straight or obliquenotched-end flute with two finger holes –this instrument has almost stopped beingused in the northern part of the archipelago.It is said that a man plays it in secret, in themiddle of Maewo. Despite this virtualextinction, many people recall the formerexistence of bamboo flutes of various shapes

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in the different islands – not only in Tannaor Ambrym, where they are still played tothis day, but also in the Pentecost-Ambae-Maewo area. Edgar Hinge, one of the lastmen capable of making flutes in Pentecost,can make eight different types. In the oldendays, he explains that each type of flute hadits specific repertoire: one for love songs,one for songs of praise, another for witch-craft songs … Our investigations in the Torres islandsbrought back memories of panpipes, an ins-trument also widespread in the neighbou-ring Solomon Islands (Zemp 1994), but rare-ly mentioned in northern Vanuatu (cf.Ammann 2012). Here again, this small bam-boo panpipe only exists in stories, or in theaccounts of a few people who rememberseeing one several decades ago. However,

the fact that specific local names for pan-pipes exist (tokak in the language of Hiw; n’oravtepōr in Lo-Toga, literally “frail bamboo”)tends to confirm their existence in the past.The island of Maewo has a unique type ofwhistle, called gove. Made from bamboo andmeasuring approximately 6 inches [photo],each whistle only plays a single note.Performing a melody thus requires a set ofwhistles played by two groups of musiciansresponding to each other: the first groupwhistles and sings in alternation, and theother group responds by a whistle only. Themusicians are either children [☉17] orwomen [☉30], for reasons we will see later.This type of performance resorts to severalmusical techniques simultaneously: firstly, ahocket – as the two groups alternate short-lived sound effects, thereby forming aconstant melodic line; secondly, an ostinato– defined by the repetition of a particularmelodic-rhythmic pattern; thirdly, an alter-nation between blowing into the instru-ment and singing on a syllable. Finally, other aerophones exist in Vanuatu,but are marginal and not considered bypractitioners as true musical instruments.Thus, the sea conch is known throughoutthe archipelago, but never accompanies sin-ging or dancing: it only has a signallingfunction. Also, although the small coconutleaf bullroarer [☉35] qualifies as an aero-phone, it is merely considered as a child’stoy, devoid of the prestige of a true instru-

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Esta Rotili blowing a gove whistle (Maewo) © MS

ment. Conversely, it is possible that largerbullroarers exist in the region, but if this isso, they are considered secret instruments,reserved to the initiated – and cannot be fur-ther commented on here.

Membranophones Membrane instruments are also extremelyrare in Vanuatu. We did, however, observetwo specimens during our research. First, the island of Maewo still uses a headeddrum, but its manufacture is only known toa handful of individuals. This drum is calledtaḡura, or “sago tree”, after the name of thetree from which it is made. This instrumentis taboo, and used for an exceptional cere-mony, Ḡwatu ta Baruḡu, after which it mustbe destroyed. The northern part of the Banks islands alsouses a headed drum made out of a sago tree.Once the pulp has been hollowed out fromits trunk, one obtains a tubular shape ofabout 5 feet long and 16 inches in diameter.One end is covered with plaited sago leaves,stretched taut and fixed in several layers,covered in turn with a pandanus mat. Thedrum is planted in the soil, and playedabout 3 feet above the ground. This drum has a restricted use, but is playedin conjunction with other instruments,exclusively as part of a specific musicalensemble called titi [p.112]. Striking thisdrum regularly with the fist or palm pro-duces the bass line, along with the percus-

sion board [☉24–25; 27; 29]. In the threeislands where it is known, the instrument isliterally named “slamming of the Spirits”(natmat-woh in Mwotlap, ntamat-wos inLöyöp, timiat-wos in Vurës, ’ama-wos inVera’a and Lemerig), thus assigning a super-natural origin to the muffled echoes of thisdrum.

The dancers’ bodiesAmong sound-producing devices, one canalso mention the clapping of hands andfeet, the vibrations of which contribute to

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The natmat-woh single-headed drum (Motalava) © AF

the soundscape during performances. Thisdimension is particularly well represented inlive recordings, which are the focus of thisalbum: the shouts and gestures of the dan-cers are just as essential as the musicians’performance itself. Several recordings of dancing feature thesound of footsteps. These stand out particu-larly during a cappella singing: thus, the lengstyle in Gaua [☉3], performed without anyinstrument, emphasises the dancers’ rhyth-mic steps [photo p.102]. On other occasions,dancers accentuate their steps with anklerattles, like in sowahavin in Pentecost [☉4] orthe neqet in Motalava [☉37].But it is the sawagoro style [☉5–6, ☉8] thatshows the musical potential of the humanbody at its best. Whether it is called sawa-goro or sawako, this repertoire belonging tothe Pentecost-Ambae-Maewo islands ischaracterised by the absence of any musi-cal instrument apart from the humanvoice, and the hands and feet of the dan-cers. While the feet stamp on the groundon the beat, hands clap on the offbeat,altogether forming a relatively rich collec-tive instrument.

Sounds for entertainmentVanuatu islanders have only partially mas-tered their environment, and still see it asground for exploration. During a hunt inthe forest, an expedition into the bush gar-dens, or a fishing expedition, thousands of

sounds can be heard – echoes of the waves,cries of the lorikeets, rustling in theleaves… Such sound sensations are oftenevoked, as we will see, in song poetry. Insuch a context, children and adults willnaturally find around them excuses to playsound games.The women on the west coast of Gaua, inthe village of Jōlap, play water games [☉2].A group of five or six women stand in line orin a circle in the sea or the mouth of theriver, with water up to their waist [photop.101]. At the leader’s signal, they slap thesurface of the water simultaneously or alter-nately – to a rhythm either fast and light, orheavy and slow. Other sound games are present in thisalbum, most of which use leaves or plants.Sometimes, a dried leaf is simply slapped onto a hand [☉20]. In Merelava, a coastal shrubprovides walkers with a leaf that one splits intwo and vibrates between the lips, like akazoo [☉10]. In Motalava, children love tomake whistles or bird calls from a youngcoconut leaf. In Gaua, the same leaf turnsinto a Jew’s harp [☉1]: its stem is vibratedagainst the mouth, which serves as a resona-tor [photo next page] – following the sameprinciple as the musical bow [☉22]. In otherexamples, the leaf becomes a bullroarer thatis swirled up in the air [☉35].In spite of their sometimes bewitching beau-ty, these instruments are only given secon-dary status by the performers themselves.

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They are considered mere sound games,devoid of the prestige of “true” instruments.

Signalling functionIn addition to their musical value, certaininstruments sometimes have a symbolic orsignalling function. In Maewo, gove whistlesact as signals during men’s initiation per-iods. When a group of non-initiated – whether children [☉17] or women [☉30] –walk through the forest, they are likely toapproach the sacred initiation enclosure, theexact location of which is unknown to them.The non-initiated blow their whistles inorder to signal their presence to the hiddenmen, and make sure they remain in hiding.A similar signalling function is played bythe sea conch (Charonia tritonis). It is blownto signal an important event to the popu-lation – for example, to gather together anentire village to a celebration or prayer, orannounce the death of an important chief.Formerly, this latter role was also fulfilled bythe large slit gong, the powerful sound ofwhich was exploited to spread such news toa whole region. Such practice appears still tobe in use in Pentecost, Ambae, Maewo andMalakula (Ammann 2012), and remains as aremembrance on the west coast of Gaua.Some people in the village of Jōlap reportthat a specific drummed rhythm wouldmimic the intonation of the sentence Toomaranaga ēn mät! “The chief is dead!” Thisprocess recalls the “drum language” obser-

ved in certain societies of Central Africa(Arom & Cloarec-Heiss 1976) or of theSolomon Islands (Zemp & Kaufmann 1969).

Mimetic functionThe death of an important person some-times brings about quite a different type ofsound. In the southern Torres islands, thiskind of event, called tëmrega, happens fivedays after the death of the person; it takesthe form of a strange and impressive soundphenomenon, which people describe as the“voices of the Dead”. While this sacredsound can be heard by anyone, its secretsare known only to male initiates.

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Susi Rosur playing the Jew’s harp (Jōlap, Gaua) © MS

The island of Merelava, in the southernBanks, has a similar funeral ceremony, cal-led newertiang “Cries of the Spirits” [☉41].Although we were authorised to record theceremony, we respected the taboo surroun-ding it and therefore did not explore theexact nature of the instruments used. All weknow is that the sound phenomenon produ-ced is a series of overlapping layers ofsounds, using either aerophones or rubbedidiophones (cf. Codrington 1891:79). Theresult is a particularly awe-inspiring sound-scape, seemingly coming straight from theworld of the Dead.

Musical formsRhythms and melodiesMost of the instruments we have seen donot lend themselves to melodic variations:whether one considers percussion instru-ments, headed drums, rattles, whistles orhand clapping, their musical contribution isoften limited to a single pitch. Their valuelies in their particular timbre, as well as theirhigh potential in terms of rhythmic pat-terns. The family of sawagoro dances is characteri-sed by the absence of instruments per se,and by an original rhythmic alternation:foot tapping on the beat, handclapping off-beat [☉5–6, ☉8].Percussion groups are often polyrhythmic.Thus, slit drums played in Pentecost, Ambaeand Maewo produce multi-part ostinatos; in

the Banks islands, this polyrhythm is perfor-med using a single drum [☉33–34]. The titiorchestra [☉25] also combines distinctrhythms of several instruments: percussionboards, slit drums, headed drums, andrattles.In the absence of a melodic instrument suchas finger-hole flutes, the melody is generallyprovided solely by the singing.

SongsWhile certain pieces are purely instrumen-tal, most include singing. Some genres,such as lullabies [☉18, ☉23], nurseryrhymes [☉19, ☉21] or songs of praise, aregenerally performed a cappella. But morefrequently, a song is meant to take part inan instrumental performance, generally inassociation with dancing. While they aredesigned for such a musical performance, italso happens that the same songs are per-formed unaccompanied [☉26, 28], eitherduring learning sessions or at other leisuremoments.Some songs are sung by a single person –either an individual, or a soloist in a group.On other occasions, singing may take theform of a choir, where a whole group –often coinciding with the musicians ordancers – sings the same poem simulta-neously. Polyphony is quite rare, and themain technique in use is to sing in unison(homophony). This is particularly the casefor a “song of praise”: on the day of the

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inauguration ceremony that finally revealsit to the dignitary who commissioned it,the song is sung a cappella by a choir ofabout thirty people (Wittersheim 2009). But the most frequent form in northernVanuatu is no doubt the responsorial form,involving an alternation between a soloistsinger and a choir. This can be observedwith the leng of Gaua [☉3], the sowahavin[☉4, 12] and the sawagoro of Pentecost, orthe nawha titi songs of Motalava [☉25, 27,29], among others.The newēt style practiced in the TorresIslands [☉38–40] uses a specific singingtechnique, a kind of vocal “hocket” that isreminiscent of the technique we describedearlier for the gove whistles of Maewo[☉17, 30]. When singing a newēt song, twogroups sing and alternately respond to eachother: “O ho, Ohe o – O ho, Ohe o”…Simultaneously, and with a much lowervoice, a soloist bursts into a secret song,barely audible. This is how the melodysung by the newēt soloist ends up beingmuffled by the musicians’ panting cries[☉40] – the seeds of polyphony, rarelyfound in this region. Finally, a very unusual technique is theone found with utmag dances of Merelava[☉36] and neqet of Motalava [☉37].Because knowledge of these masked dancesis reserved solely to men belonging tosecret societies, non-initiated spectatorsare strictly forbidden from hearing the

words of the songs. These words do exist,but because of their taboo nature, theycannot be uttered out loud. Instead, thesong is mentally sung by the dancers, whouse it as an aid to synchronise their silentchoreography.

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Peretin Wokmagëne singing the newēt (Lo, Torres) © AF

Scales and melodyLike in many other musical traditions inthe world, melodies of Vanuatu do not havean absolute pitch. What the musicologistobserves is the relationship between the dif-ferent sounds, especially the intervals. If weanalyse our recordings, we find a largediversity of melodies, despite a small num-ber of notes and intervals. This diversitycan largely be accounted for by the highnumber of scales used.All the music we have analysed is based onan anhemitonic pentatonic system, which inprinciple consists of a five-degree scalewithout semitone interval [☉5–7, ☉13,☉21]. In fact, the internal structure of a pen-tatonic scale can be made more complex – byjuxtaposing scales, or adding passing notes –or indeed more simple, if certain degrees areomitted. Also, the scale can include semi-tones through the addition of ornaments, orthe substitution of degrees. Overall, the scalarsystem of Vanuatu shows an impressive weal-th of melodic scales, going from chains ofthirds [☉8, ☉19] to hemitonic scales inwhich the semitone interval forms integralpart of the melodic structure [☉10–11, ☉25].As for intervals, they are mostly conjunctwithin their particular scale. For example, ina scale such as C–D–E–G–A, the E–G intervalis a conjunct interval, because F does notexist in the scale used. The wide range ofpossibilities accounts for the large numberof combinations and melodies observed.

About musical genresThe islands of Vanuatu have always sustai-ned economic, cultural and matrimonialrelations with each other. They form entan-gled social networks through which a num-ber of linguistic, mythological and musicalforms have been exchanged over the gene-rations, and are today found in severalislands. With regard to music, one observesthe recurrence, for example, of certain spe-cific songs, certain melodies, passed onfrom village to village and from island toisland, with enough nuances in their detailfor them to acquire local anchorage. It isnot only individual pieces that are shared,but sometimes entire musical genres, withall their formal complexity.Each genre combines a specific ensemble ofinstruments with a precise repertoire ofrhythms and melodies. Musical genres aredistinct from poetic genres, which aredetermined by the form of the text itself.However, ties do exist between the twogenre systems. For example, on the westcoast of Gaua, a poem of the sārsērbō genreis normally associated with the musicalgenre called leng. A given musical genre willbe associated with certain dance steps, andwith certain categories of performers (men,women, young initiates…). Thus the lenggenre is a women’s dance, played especiallyat weddings, and which involves a soloist, acrier and a group of female dancers [☉3]. Each community has a repertoire of around

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fifteen distinct musical genres. Those onMotalava, for example, include: noyongyep[☉14–15], namapto [☉16], nalangvēn, nawhatiti [☉24–29], turbal [☉33–34], namag, neme,neqet [☉37]… Most of these are also to befound in the other islands of the Banksgroup, under slightly different names andforms. The further one travels from that area– either north or south, within Vanuatu –the more different the repertoires.The selection presented in this albumemphasises the diversity of musical genres,from both a geographical and aestheticstandpoint. We will discover the newēt songsof the Torres islands; the genres leng, nombo,newertiang, mag, qat, noyongyep, namapto,turbal, as well as the titi songs of the Banksislands; and further south, the sawagoro,sowahavin, ka, baraté, gove, bilbilan, andmantani genres in the province of PENAMA.These different styles will be presented indetail in the description of each piece, at theend of the booklet.Only those genres with a precise name andspecific rules are cited here. But this albumalso includes other musical activities locallyendowed with lower prestige, and lacking aspecific name or status: this is particularlythe case of sound games (water games, Jew’sharp, kazoo, bullroarer, musical bow), or lul-labies and nursery rhymes… These styles areconsidered by their performers as mere per-sonal entertainment, and lie outside the for-mal system of musical genres.

The art of song poetrySongs are not just music: they are alsopoems. In fact, there is no poetry inVanuatu that is not sung. The linguist in ourteam was able to explore a domain as yetundocumented: the oral poetry of Vanuatu.

The language of the songsTraditional songs all present an importantlinguistic characteristic: they are composedin a specific, poetic language distinct fromordinary speech. This “song dialect” differsfrom one island to another, and does notcorrespond to any actual spoken language;it is rather a literary register reserved forlearned poetry.In certain areas such as Gaua or the Torresislands, the gap between songs and normalspeech is only slight: it is characterised atmost by the choice of a literary vocabulary,or various forms of poetic licence – justenough to provide the lyrics with a poeticflavour, but without hindering comprehen-sion. In some islands, however, the differen-ce is so great that the meaning of entireverses, or even of the whole song, is incom-prehensible to the non-expert. This is thecase in Motalava, where the texts of songsare so cryptic they are perceived as a totallydistinct language.Whether the poem is a dancing song, alament, a verse sung in the middle of a nar-rative, or a children’s nursery rhyme, themeaning of a song in Motalava is only

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partly understood by the ordinary villager,and remains surrounded by mystery. Only ahandful of men and women, among theelders and the most knowledgeable, arecapable of deciphering a poem in full. Asfor the highest degree of knowledge, name-ly the ability to compose a song in this poe-tic register, this is reserved to the very fewpoets of the island. They alone, as fledglingpoets, were handed down from their elders,over many years of instruction, the veryspecial art of composing in the language ofpoetry. For a poet to master the language of songsrequires a sound linguistic erudition and asubstantial literary culture, enabling him tocompose the most appropriate turns ofphrase and metaphors. The artist who com-poses the poem is also the one who choosesthe melody: a good poet therefore needs toknow the wide range of genres that form histradition’s repertoire.This talent is seen as a gift of the Spirits, atrue magic power (mana) capable of provi-ding artistic inspiration and accomplish-ment. It is a complex knowledge, transmit-ted from generation to generation by themaster poet to the disciple of his choice.This transmission takes place during secretencounters, which associate actual tuitionwith magic rituals. Similar forms of instruc-tion are sometimes carried out amongsecret societies, reserved exclusively formale initiates. It is said of a new poet that

he has “anointed his body with poetictalent”, and that he is now “clairvoyant insong language”.

A journey into time and spaceThe names given to this song register recallits links with the universe of myth: it isreferred to as “the language of the past”,“the language of the Spirits”, or “the lan-guage of Qet” – after the name of the mythi-cal semi-god of the Banks islands who crea-ted the world. The very special words ofsong poetry are thus considered a distant

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Tatley Sekson during the launching of a song of praise(Toglag, Motalava) © AF

emanation of the founding Ancestors, theprimeval gods. This link with the world ofSpirits is not only perceptible in the themesof the songs, but also in the actual form ofthe words. The poetic language shows a pro-nounced taste for ancient times, usingarchaic turns of phrase and grammar,ancient vocabulary or even consonants thathave long disappeared from modern-dayconversation, yet still subsist in songs.Lyrics also mingle words from neighbouringlanguages. This is how a single song can har-bour words that hail from various islands inthe archipelago – in much the same way asHomer’s epics, whose verses would alwaysinterweave various Greek dialects.As they combine sounds from the past withwords borrowed from neighbouring islands,the poetic registers of northern Vanuatureveal the two main facets of their beauty: ataste for archaism as well as for exoticism.This twofold journey into time and spaceconstitutes a complete rupture between poe-tic style and everyday prose – a ruptureconducive to an aesthetic reverie. The lyrics of songs are often cryptic even tothe singers themselves, and are only revealedafter a thorough exploration into their mea-ning. In addition to the rarity of the words,the opacity of poems also lies in some unu-sual metaphors and other literary tropes,which most younger speakers will find enig-matic. But once unveiled, the hidden mea-ning of songs opens up a whole new universe.

A universe of poetryAs much for its phrasing as for its meta-phors, its vocabulary as much as its themes,song poetry has a beauty of its own, distinctboth from prose narratives (myths, tales,legends) and from modern “string band”songs, which are associated with the topics,languages and instruments. Even thoughthe styles and themes of various song genresdisplay internal diversity, it remains possibleto define some sort of aesthetic unity sharedacross the whole range of styles. A children’snursery rhyme, an old song of war, an odein honour of a great chief, or a love poemturned into a dance song – despite theirmany differences, all these literary genresappear to entertain the same relationship totime and space, the same underlying per-ception of the world. If one had to illustrate the aesthetics ofVanuatu’s song poetry in a few words, onecould think of three essential ingredients:nostalgia for yesteryear and for the nobilityof the Forefathers; fascination for naturalforces and the sensations they provoke; sen-sitivity to heartfelt emotions.

Nostalgia of a lost worldSong poetry constantly endeavours to trans-figure the prosaic reality of worldly matters –those before our eyes – into a dreamlike,legendary universe clouded in mystery,where fantasy wanders freely. Thus inpoems, human characters often “fly” (sal)

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rather than walk. Their bodily presence issometimes little more than a “voice” that“resounds”. Very often, this transfiguration of realitythrough poetry calls upon references fromthe past. The characters encountered in theuniverse of songs do not resemble the earth-ly men of today. Rather, they constitute afantasy version of ourselves, dreamlike sha-dows evolving in an ancient world, both uto-pian and legendary. They appear to benaked, or simply clad with leaves. They onlyeat and drink the plants of olden times –yam, taro, kava. Living off of their gardens,hunting and fishing, they sustain in a won-derland, in which the only social structure isthat of chiefdoms of times gone by, and theonly known deities are mythological heroesor ancestral spirits. A great number of songs feature chiefs fromthe past, endowed with magical powers andsacred leaves, their biceps adorned with pres-tigious armlets made from pigs’ tusks. Thisancient world is in fact coherent with thearchaistic aspects of the poetic language itself,whether through its sonorities or its literaryvocabulary. As an example, the words “man”and “woman”, too pedestrian, are replaced insongs by rare, ancient terms, referring origi-nally to high-ranked men (wegut) and women(mōter) – as if all men were “knights” and allwomen “dames”. Similarly, houses become“palaces” (gemel), and wealth is measured inpigs, mats, or strings of shellmoney.

The following song, dedicated by the poet tothe important man who commissioned himto compose it, omits none of the GreatMan’s decorum from ancient times: theivory armlets of curved pig tusks, symbol ofgreat prestige and wealth, so numerous thatthey clank together; the long strings ofmoney made of seashells; or the stone plat-form from where high chiefs would standbefore the crowd:

There you stand hearkeningclanking your powerclanking your armletsclanking the stones of your platformYour voice has found its way to methe crowd is gathered around youmy singing will bring you to the sacred money

[Song of praise, Motalava]

Here the song plays the role of a monument– which Mwotlap poets describe with theterm namawlōn “memorial”. The man whocommissioned it goes down in posteritywith this commemorative song, like aFlorentine prince earning fame from aheroic portrait.

Fascination for natureMany poems glorify the natural elements,with extra fervour in face of nature unlea-shed. Torrential rain, tidal waves, cyclones,erupting volcanoes, are themes par excellen-ce for songs.

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Some of these literary depictions recallactual historic events, witnessed by the poethimself. For example, the poem Hurricane,heard in Gaua in 2003, was reportedly com-posed after the “Wendy” typhoon that hitthe region in 1972 [☉3]. Another example,the song Earth tremble, which we transcri-bed in 2007 in Hiw, relates a memorableearthquake that occurred in 1997:

Dark was the night on the islandLying I was upon my bedFrom afar I could feel the shaking of the groundshaking afar on the islandshaking all around the island (…)

[Earth tremble, newēt, Hiw]

In this society of oral tradition, song poetryplays, once again, the role of a memorial.Without these songs, the recollection ofsuch memorable events would hardly bepassed on to future generations.At other times, songs celebrate the elementsas such, like a timeless ode to Nature’s powers.

I am lying and listeninghearing sounds all aroundThe breakers keep roaringupon the western capeThey shatter on the reefand pull back to the deepAnd as they slam the cliffs and poundtheir echo resounds all over the land

[The roaring breakers, Motalava]

This celebration of Nature is typical of thepoetic genre called “titi” [see p.112]. Theseshort poems, of only a few lines, feature theforce and beauty of the elements in a power-ful, concise manner – as in the short songWaterfall:

Cascade and vapours of fireo e a e o e — o e o a e a eGeyser gushing out of the volcanoO e o e, a e o e o e — ooo

[Waterfall, titi song, Motalava]

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The great waterfall of Gaua © AF

The reader is here referred to the poems Rain[☉25], or Volcano [☉29] below. Several ofthese poems feature the same verbal com-pound sol dun, literally “flow bang” in thepoetic language. This expression has noequivalent in the spoken language, butforms a poetic topos in the song language ofMotalava: it captures the contrast betweenthe normality of a running liquid (sol“flow”), and the surprise caused by thesound of a sudden shock (dun “bang”). Forexample, in the poem The roaring breakerscited above, sol dun conveys the force of thewaves shattering loudly onto the reef. InVolcano [☉29], the same term evokes thelava “flowing” and “blasting” as it suddenlycools off in contact with the sea. Elsewhere,the compound sol dun renders the force oftorrential rain [☉25], or the power of a hugecascade. This is just an example, amongmany, of the way the poetic tradition of nor-thern Vanuatu can make the most of a spe-cific theme or motif, adapting it from onetext to another, based on a verbal com-pound that only exists in song lyrics.Reference to Nature is made not only to describe its most dramatic aspects – earthquakes, eruptions, floods – but alsofor its more subtle charms. The titi poemLiana Flower [☉27] glorifies a flower’s per-fume. And numerous songs are dedicatedto birds – swallow, heron, albatross…; seethe poems Rail bird [☉16]; The Tattlers[☉18]; Scrubfowl [☉28].

From sensation to emotionNature’s charms and powers are not somuch mentioned for themselves as for thesensations – visual, auditory, olfactory ortactile – they induce. Songs teem with sen-sory impressions: the reflection of themorning sun in a raindrop, an intoxica-ting smell, a shaking ground, a heavystone, or the sounds of slapping, rum-bling, thundering, rustling in the bushes.These physical sensations are prone toturn into emotions. This is when a poem,often expressed in the first person singu-lar, becomes lyrical, centred around thepoet’s own feelings.The Hurricane song [see the text of thetrack ☉3] interweaves the depiction ofthe hurricane itself with its impact uponthe soul’s feelings – particularly, the dis-tress in face of the damage caused by thedisaster. In the Torres islands, people still remem-ber the violent conflicts that used tooppose villages just a few generations ago,as well as the heavy tribute they wouldinflict on families. This newēt song fromToga island recalls the days, at the end ofthe 19th century, when the villagers ofLiqal waged war upon the people of Litew.The poem compares the violence of war-fare to the force of an earthquake, butalso has the lyric tone of an elegy to thedead:

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It was like an earthquake we were all tremulousthey defied us and up we rose(…) O youngsters oproud cockerels now departeddeceased all over the countrydead at the foot of mount Ghutodead on the top of mount Litoghdead all the way to Lēmoroall dead, all vanished forever!(…) There's only one echo it’s the sound of sorrowWō wē a ēPoisoned arrows fly away with the Dead

[A war threnody, newēt, Toga, Torres]

In a more intimate style, a poem from Gauamourns the demise of a loved mother. Theocean here becomes a metaphor for death:

And here I stare at the oceanThe tide’s pulling into the bayMother the sea lies between usYou will be remembered only through my singing

[Elegy for a mother, leng, Gaua]

Certain sentimental poems are said to beautobiographical – even when the identityof their original author has fallen into obli-vion. This is the case, for example, of thislament for an unhappy love:

I feel so lonely; I am the odd one outalone I am, forlorn I amhadn't I come here to meet you?(…) but then darling you lied to meabout the gifts you would give me(…) Now with these words I’m cursing youstraight through to your heartas long as you refuse to spend the night with me

[The missed rendezvous, Motalava]

At times proud, at times nostalgic, admiringor sad, or enthralled by an overwhelmingpower, the original poets survive through theemotions of their lyrics. And when theirnames have been forgotten over time, theybecome present again, as it were, through thevoices of those who sing their songs today. All in all, the three constituent dimensions ofsongs plough the same furrow. In its multipleforms, song poetry relentlessly praises theenchantment of a timeless, fantasy world,evading the hazards and trivialities of present-day uncertainty. A few syllables pronouncedin the song language, and suddenly we findour minds transported into a mythical goldenage, in which the nobility and elegance of theForefathers is only equalled by the beauty ofNature’s elements and the force of senti-ments. Poetry brings about the delight ofwandering, eyes closed, in such an idealworld, aware of every sensation and heart-beat. This sort of poetry is truly romantic.

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A musical journeyThe 41 pieces presented in this record aim torecreate the various musical atmospheresexperienced by Vanuatu people in theirlives. Care has been taken to present thesepieces in a specific order, following an aes-thetic and musical journey that imitates thepassage from one place to another in thecourse of a lifetime. The first two pieces outline a landscape. Wewalk through the forest to the sound of asolitary Jew’s harp, to which a distant owlhoots in response [☉1]. Back on the shore,at the river’s mouth, the women from Jōlapstart smacking the water with their hands[☉2] as a recreation.

Celebration dancesNow back into the village, they start sin-ging the song of the Hurricane, beating theground with their footsteps. This marks thebeginning of village festivities. Whetherthey celebrate weddings [☉5, ☉7–9,☉14–16], end-of-mourning ceremonies[☉6] or other festivities, these moments ofsinging and dancing enable the whole com-munity to gather on the central village clea-ring, and together celebrate in joy. It is nota mere coincidence that the term laklak“dance”, in the languages of the Banksislands, has the same root as the word ma-laklak “be happy, rejoice”.In accordance with the sexual division oflabour that prevails in Vanuatu, these villa-

ge songs and dances are often performed bygroups of the same sex: women [☉3–4, ☉7,☉9, ☉11–12], or men [☉5–6, ☉8,☉13–16]. However, the public is alwaysmixed, and it is even common for womenand children to join in certain dances byforming a second circle around the malemusicians and dancers. This is especiallytrue of the noyongyep and namapto genres inMotalava, or sawagoro in Pentecost, Ambaeand Maewo.

Walking in the forestFestivities are now over, and the journeygoes on to a peaceful sequence [☉17–23] asa group of children follow their motheruphill, on their way to the garden. First wehear the gove whistles of Maewo [☉17]:these small, single-note bamboo flutes areplayed by a group of women or non- initiated youths whenever they walkthrough the forest during times of male ini-tiation. The sound of their whistles ismeant to signal their presence to the seclu-ded men, whose location must remainstrictly secret. The mother needs to work the land; butfirst she tries to get her youngest child tosleep by singing a lullaby [☉18, ☉23]. Notvery far off, the other children are busyplaying with a leaf [☉20], or singing nurse-ry rhymes [☉19, ☉21]. An old man, restingin front of his house in the village, plays hismusical bow [☉22].

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Titi songs: poems for dancingThe next pieces bring us back to the centralarea of the village, where the nawha titiorchestra from Motalava is starting a newperformance. The songs of the titi musicalgenre are often short odes about the forcesof nature and the beauty of the world – whether an ode to rain [☉25], to the forest[☉27], or to the power of volcanoes [☉29].The island of Vanua Lava claims the pater-nity of this musical genre, known locally assēwēes’i’i; this island is represented here bytwo poems sung a cappella [☉26, ☉28].

A tribute to Great MenThe secular world of the village, with menand women of all ages, contrasts with theclosed circles of important chiefs anddignitaries – those known as “GreatMen”, invested with superior prestige andstatus. The boundary between the twoworlds is symbolised here by the whistlesfrom Maewo, this time played by women[☉30]: it is the last time they will beheard in this record, as they hand over tothe imposing and almost sacred world ofinitiated men.

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The women’s dance rurumbë (Hiw, Torres) © AF

This is when the grade-taking ceremoniesbegin, those solemn days in which a hand-ful of men, after displaying their riches bysacrificing a great number of pigs, are publi-cly invested with a higher rank among theten or twelve that form the political scale.This rank system, sometimes referred to assuqe, is still very much alive today in cen-tral-north Vanuatu. It mobilises a lot ofenergy in the island of Pentecost – underthe names bolololi in the north [☉32], leleu-tan in the central area, warsangul in thesouth [☉31]. In the Banks islands, this tradition hasdeclined over the last century, and theancient dance ceremonies survive essential-ly in remembrance and tales. Motalava hashowever kept from those olden times the

custom of using the slit gong nokoy on greatoccasions, involving important people – forexample when celebrating the wedding ofthe Anglican bishop’s son [☉33–34].

The deep growling of the AncestorsThe mention of Great Men leads naturallyto the mysterious world of ancestral spirits.Half-men, half-demons, spirits are presentin all aspects of traditional society (François2013).The ghosts of our ancestors are never faraway: they live on all around us, and guidethe lives of mortals. Only the initiated haveaccess to their universe, their secrets, theirlanguage. Some men endowed with super-natural power – shamanic healers, sooth-sayers, sorcerers – can even interact with

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A spiritual stele dule in the forest (Toga, Torres) © AF

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THE PIECES

☉1. Jew’s harp

MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) Susi Rosur Jew’s harp

A device meant for personal entertainment,this Jew’s harp is made out of a coconut leafand its stem. A leaflet is detached from thepalm and adjusted so as to measure roughly12 cm. It is placed against the mouth, theunderside of the leaf facing out, with anotherfine coconut leaf midrib placed over it,slightly longer than the leaflet. This stem ispinched with one finger [photo p.86] and themouth serves as a resonator. The instrumenthas no name in the local language, and issimply referred to as playing with a leaf. Theterm susap, sometimes heard, is a recent bor-rowing from the English name Jew’s harp.

Here, the performer, Susi Rosur, is playing alullaby. She modifies the shape of her mouthwhile mentally rehearsing the lyrics.

☉2. Water games

AF – 17.8.2003 – Qtevut (Gaua) Matauli Rowon, Flore Rovan, Wini Rovalēs, Sera

Frenda, Seli Rovalēs, Melin Rotal hands, water

This is a rhythmic game played by womenstanding in water, sea or river, up to thewaist. No object is used: all the sounds pro-duced result from the different ways handsand bare arms hit the water. Each rhythmicphrase is a combination of different gesturesupon the water, each having a precise namein the Lakon language of Gaua’s west coast.A hand may “caress” (häräv) the surface of

them in their world (Panoi). These “wisemen” then come back to the world of theliving (Marama) to display their discoveries. Announced by the humming of a Jew’sharp [☉35], the final part of the albumattends to the sounds of these ancestral spi-rits. Sometimes, they enter the dancingarea, dressed in their best attire. Theirstrange voices, a blend of screams and deeprumbles, reach out to us from beyond thegrave. The two main masked dances of theBanks islands are represented here: mag (inthe Merelava version called utmag [☉36])

and qat (in the Motalava version calledneqet [☉37]). One can hear the trampling,the jumps, and the high-pitched cries ofthe dead ancestors who have come to para-de in public. Later, the newēt songs of theTorres islands bring in the hoarse voices ofinitiated men, powerful enough to coverthe secret melody sung by the soloist[☉38–40]. Finally, this musical journeyends with a very strange piece – the shrie-king, eerie lament of the dead, who brieflycome to haunt the living before disappea-ring again in the night [☉41].

the water, “slap” it (wes), or “smack it shar-ply” (vuh tēqēl). A light sound may be pro-duced by putting just two fingers into thewater (gisgis) and a heavy sound by sud-denly plunging both fists (wej). The leader’ssignal (puow) indicates a sequence is aboutto finish. A sequence may be played twice:the first time together, and the second intwo staggered groups – like a canon – resul-ting in a two-part polyrhythm: this is thecase for sequences 2 and 3 in the recording.

Referred to on the west coast of Gaua aswespang, water games are not consideredpart of “real” music like other genres.According to Matauli Rowon herself, thisactivity is a pastime she allegedly(re)invented back in 1983, while she waswashing clothes in the river. She took herinspiration from a similar practice (calledëtëtung in Mwerlap language) she hadobserved in her childhood on her nativeisland of Merelava.

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Water games in the river (Qtevut, Gaua) © AF

These southern Banks Islands water gameshave roused enthusiasm among foreign visi-tors. In the past few years, a group of womenfrom Gaua and Merelava have been invitedto perform not only in the capital, Port-Vila,but also in international festivals. As theyenjoy more and more popularity, these watergames also gain in sophistication. The styleis developing, and new musical pieces arecreated each year. If it is to be called a “tra-dition”, as is sometimes heard, it is one thatis being (re)born before our very eyes.

CELEBRATION DANCES

☉3. Leng: “Hurricane”

AF – 15.8.2003 – Jōlap (Gaua) Susi Rosur + women from Jōlap vocals, cries, whistling, feet

Throughout the Banks islands, the leng danceis associated with women. In its nalangvēnversion from Motalava, dances are executedby women, yet the singing and instrumentsremain the men’s domain. In Gaua, however,the leng event is entirely feminine, both forthe singing and the dancing. No instrument is used in the performancerecorded here. A long verse, sung (ähäh) acappella by a female soloist, is “supported”(tam) by the singing dancers, and ends witha long high-pitched cry (puow) made by thecrier. Upon this signal (at 1’08” in the recor-ding), the dancers begin a step called räs,which is typical of leng dances: as if running

on the spot, each dancer projects her heelsbackwards [photo]; the heavy thud of thefeet on the sand combines with the women’senergetic whistling (wasul). This frenzieddance ends with a loud cry of joy “I yo yoyo!” before the final dispersal.The song is a poem of the sārsērbō genre com-posed by Jonathan Wevalēs, father of thesoloist Susi Rosur. It commemorates the powerof the Wendy cyclone that hit the archipelagoon February 3, 1972. Sung in Olrat, an ancientlanguage almost extinct today, the poemmingles epic and elegiac elements:

A cyclone has ravaged our countryour bones are still shakingand the sorrowis taking hold of me for my offspring(…) It rose up to the top of our great volcanoand then it slipped down to the landswreaking havoc and ripping our countryand off it fled, behind the clouds

© AF

hooking on to the bones o’ the Dead in the Weresur Hellsdrifted down to our Lake and to our Volcanoit’s all shakingit’s all shaking in our country(…) Sorrow has overcome all of us in this worldin a thousand placeso Hurricaneo Rain falling till nightThunder dashing and bursting in the cloudsthe ocean is roaring and crashing on the landand the ground keeps quakingwe’re startled by its joltsOur land’s collapsing all overa faraway collapse that keeps coming closer (…)

[Hurricane, sārsērbō, Jōlap, Gaua]

☉4. Sowahavin: a women’s dance

MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecost) women from Laiwori small bamboo slit drum; rattles, vocals

The sowahavin (from havin “woman”) is awomen’s dance from the centre of the islandof Pentecost. It takes the form of public per-formances during important events: men’sgrade-taking ceremony, inauguration of anew men’s house (nakamal) or church, visitof a politician, ordination of a priest, chil-dren’s communion, or festivals. The sowahavin song always takes on the sameresponsorial form, between a female soloistand a choir of other women. The instrumentsaccompanying this dance are two slit drums

made from bamboo held by the two danceleaders, and rattles worn around the dancers’ankles. Bamboo stamping poles are also usedoccasionally [☉12]. Wearing a red mat in lieu of a skirt, eachdancer comes forward in rhythm, holding along pole with a sculpture carved especiallyfor the occasion, representing a boat, anairplane, a fish etc. The dancers form twoor more columns winding, mingling, andcrossing back and forth on the dance arena.The shouts heard in this performance arethe cheers of the men who dance aroundthe women dancers, raising their arms inexcitement.

Vaena, Lesanti, Ruth in their dance outfit(Barunguringi, Maewo) © MS

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The sawagoroThe sawagoro is a common genre in theislands of Pentecost, Ambae and Maewowhich form the PENAMA province. Knownlocally as sawagoro, savwagoro or sawako, thismusical form has always circulated amongthese three islands, in the wider context oftheir social (weddings, economy) and cultu-ral exchange (legends, songs, dances). Thisexplains why the same sawagoro pieces aresometimes found in several islands, with justa few changes in the text or the melody. Thevarious communities constantly recreateeach other’s songs, intermingle their poeticlanguages, adapt the contexts of theirdances, and borrow other elements.The sawagoro is a joyful dance. In Ambae andPentecost, it is performed at weddings [☉5,☉8], or grade-taking ceremonies. In Maewo,it can be performed to end a mourning per-iod [☉6]. Another variation, called sawagorolongo [☉7] in northern Pentecost, is perfor-med exclusively by women. A sawagoro sequence generally begins atdusk, and continues until sunrise. Through-out this whole time, no song can be sungtwice – which goes to show how rich therepertoire is. The main characteristic of thesawagoro is the total absence of instrument.The song, sung a cappella, is accompaniedby feet tapping on the ground on the beat,and hands clapping on the offbeat. Thisresults in particularly energetic and livelyperformances.

In the middle of the dance, a group of maleinitiates who know the songs form a smallcircle facing inwards. Each song takes a res-ponsorial form: two soloists sing the versesalternately, while the other participantsrespond in chorus with each refrain. Ashouted signal marks the end of the song,and another one the start of the followingone. As for the outer circle, it is open to eve-ryone – especially to the young boys andgirls who want to join in the dance. Thecrowd of dancers is often so dense that ithides the small group of singers in thecentre. Themes of the songs are varied. They maybe mythological stories narrating the nobledeeds of Tagaro, the mythical hero commonto all three islands; they may refer to histo-ric events such as a cyclone or volcaniceruption; they may celebrate nature or lifein the village. In some instances, the wordsof a song may be partly improvised, in rela-tion with the bride and groom.

☉5. A wedding sawagoro

MS – 3.5.2005 – Longana (Ambae) men from the Longana area hands, feet, vocals

☉6. End-of-mourning sawagoro

MS – 3.6.2005 – Umulongo (Maewo) men from Kerebei hands, feet, vocals

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☉7. Sawagoro longo

MS – 12.10.2000 – Asaola (Pentecost) Nelly Mundoro + women from Loltong hands, feet, vocals

Generally, the sawagoro dance is performedby men: women only participate by dancingaround the singers. However, there exists avariation to the sawagoro in northernPentecost reserved for women: the sawagorolongo. The longo (or logo) is a dish made fromtubers and prepared especially for weddingceremonies. During a sawagoro longo session,singers must sing the first song standing on

the very leaves in which the longo wascooked. These leaves must be torn, as a signof the bride’s departure away from herfamily. Just like its male version, the sawagoro longodance does not use instruments. However,the rhythmic accompaniment does not forman offbeat as in the case of the men’s dance:the women dance on the spot while tappingtheir feet and clapping hands at the sametime. The dance lasts a few hours in the earlyevening, before the women join the men forthe great sawagoro dance.

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A sawagoro night session (Umulongo, Maewo) © MS

☉8. A wedding sawako

MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecôte) men from the east coast of Pentecost hands, feet, vocals

This genre is called sawako in the languageof central Pentecost; this is the exact equi-valent of sawagoro found elsewhere.

☉9. Barate: A women’s joke song

MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecost) women from central-eastern Pentecost hands, feet, vocals

In central Pentecost, weddings are occasionsfor celebrations, and include numerousdances. Among them are sung games calledbarate which form an exclusively femalerepertoire. At the end of the gift-exchangingceremony between the two families invol-ved in the wedding, the women start to playsatirical games. The group of the groom’s“aunties” – disguised as men – and those ofthe bride – still wearing women’s clothes –joke and tease each other, symbolicallymimicking a sexual act. These playful gamesare meant to encourage the young couple’sfuture fertility.These fun games are accompanied by sin-ging and freestyle dancing. After severalsongs in the village of the bride where theexchange of gifts took place, everyonemoves to the bridegroom’s village. Thewomen dance and sing as they go along,laughing out loud, to the sound of whistlingand clapping feet and hands. These singing

games last throughout the journey walkingto the village, and continue in the women’shouse which has been prepared for the occa-sion. The female relatives of the bride aregathered in this house: this is where theywill welcome the groom’s female relatives,who come to offer food and presents.

☉10. Kazoo

MS – 17.7.2005 – Tesmet-Lëwëtnēk (Merelava) Janet Philip leaf kazoo

The kazoo is made with a little leaf of themetetagar, a small shrub growing on therocks by the sea. An opening is created in theleaf without piercing it completely, leavingin place a small transparent membrane. Theleaf is then placed against the mouth andvibrates during the song. This is a game thepeople of Merelava enjoy as they stroll orrelax on the beach. Any song may be playedthis way. The same melody can be heard onthe following track, in the context of thenombo dance.

☉11. Nombo: Bamboo stamping tubes

MS – 24.7.2005 – Tesmet (Merelava) Janet Philip + Mot Helen + women from Tesmet slit drum (wokor lap), small bamboo drum

(wokor wirig), stamping tubes (nombo)

The nombo is one of two women’s dancesfrom the village of Tesmet, the largest villageof the island of Merelava. It was created by asmall group of women led by Janet Philip,

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for a local festival in September 2002. Sincethis festival, the women have performed thisdance for various occasions. The songs per-formed may be traditional, or composedespecially for the nombo dance [photo p.80].The men encourage the women by dancingand shouting around the musicians. In orderto accompany this dance, the right to use aslit drum – generally reserved exclusively tomen – is said to have been “bought” from awoman from Motalava living in Merelava,who had previously acquired it from themen of Motalava.

☉12. Sowahavin: a women’s dance

MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecost) women from Melsisi stamping bamboo tubes, rattles

For a presentation of the sowahavin, see ☉4.This piece features the sound of stampingbamboo tubes in the distance. Also, one canhear an attempt at a polyphony in therefrain, in contrast with most traditionalsongs in Vanuatu which are normally mono-dic. This is probably an innovation due tothe influence of Christian songs, which areoften polyphonic, and highly popularamong the women of the region.

☉13. Ka: a men’s dance

MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecost) men from central Pentecost large bamboo drum, rattles

The ka dance can be described as the male

equivalent of the sowahavin dance [☉4, 12].Taking a responsorial form between a soloistand a chorus, it also comprises a group cho-reography whose movements are coordina-ted collectively. The soloist singer strikes alarge slit bamboo drum held upright on theground; the dancers all wear ankle rattles.Sometimes the dances are interrupted byshort comic acting interludes.

☉14. & 15 Noyongyep: A wedding dance

AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) Richard Woris, Masten Malkikyak, men from

Toglag percussion board (naqyēn malbuy), small slit

drums (nēvētōy), vocals

Etymologically, noyongyep in the Mwotlaplanguage means “hear the evening”: thistype of song used to typically take placeduring long festive evenings, sometimesuntil dawn, in a way similar to the sawagoroof islands further south. Nowadays, howe-ver, the noyongyep has been brought into thedance repertoire performed during the dayfor various village festivities. These tworecordings, together with the followingnamapto, took place during a wedding cele-bration in the village of Toglag. A typical wedding in Motalava begins with areligious ceremony at the church, and is fol-lowed during the afternoon by an exchangeof gifts (mats, coconuts, dishes, money) bet-ween the two families. More lighthearted,joyful collective events precede and follow

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these solemn moments,punctuated by music: kas-tom dancing in the after-noon, string band songs inthe evening. For the morning churchceremony, the bride andgroom wear western clothes– suit and tie for the groom,white dress and veil for thebride. The moment theyleave the church, the per-cussions begin to play forthe dancers. The smallgroup of musicians and sin-gers, standing around thepercussion board and drums,is soon surrounded by a line of dancers. Thenewlyweds lead the procession, surroundedby their respective families, moving incircles around the musicians. Graduallyother villagers, young and old, from all overthe island, join in the dance and enlarge thecircle. Everyone moves forward in a line,without touching each other, in small stepsto the rhythm of the drums [photo].Sometimes several lines are formed, crossingover on the arena. The male initiates formtheir own line, and mark their particular sta-tus by holding a Cycas palm, a symbol ofchiefdom in olden times; little boys imitatethem, holding just any branch.When the place is full of dancers, therhythm suddenly accelerates (this is very

clear in ☉15, from 0’44”). With great speed,the dancers suddenly turn around, stampingwith their heels, dancing in a joyful frenzyshared by everyone.

☉16. Namapto: “Rail bird”

AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) Richard Woris, Masten Malkikyak, men from

Toglag percussion board (naqyēn malbuy), small slit

drums (nēvētōy), vocals

The namapto is a festive style of dance andmusic, open to everyone, similar to thenoyongyep of the previous pieces; in fact, thetwo genres are often performed during the

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Noyongyep dances for a wedding © AF

same wedding celebrations, and bring aboutsimilar collective dances. The song sung here belongs to the poeticgenre namaleng, and celebrates the bēlagbird: the Buff-banded rail (Gallirallus philip-pensis), a kind of wild fowl with striped fea-thers. The poem depicts the long-leggedfowl’s characteristic gait as it jumps over theriver to escape from the huntsman.

WALKING IN THE FOREST

☉17. Gove whistles (boys)

MS – 12.6.2005 – Gaiovo (Maewo) young boys from the Gaiovo area gove whistles

As part of the preparation for the grand grade-taking ceremony Ḡwatu ta Barugu, the youngapplicants spend several weeks secluded in theforest. During this period, they are not allo-wed to be seen by non-initiates such aswomen or children; infringing this rule resultsin punishment, going as far as death in someextreme cases. Every time a group of non-ini-tiates moves around in the forest during ini-tiation times, they are absolutely bound tosignal their presence. And because the loca-tion of the men’s seclusion place is unknownto them, the non-initiates must be prepared tomake their presence obvious at all times. Thissocial necessity has led to the creation of a spe-cial musical genre: group hocket whistling.The group of non-initiate performers usessmall bamboo whistles with no holes, called

gove in the Sungwadaga language. Measuringapproximately 6 inches in length and 1 inchin diameter [photo p.83], the instrument hasa natural knot on one end. Since the instru-ment only produces one pitch, it is generallyplayed in an ensemble of at least twowhistles, or more, split in two groups. One ofthe groups alternates between two actions:whistling, then singing the syllable gov(from the word gove “to blow”). As for theother group, they respond just by whistling –an action called soro “respond”. This isknown as a hocket technique: the twogroups produce a constant sound by alterna-ting on short sound events; simultaneously,they repeat the same melodic and rhythmicformula, thereby forming an ostinato.

☉18. Lullaby: “The tattlers”

AF – 5.8.2007 – Yögevigemëne (Hiw) Grace Delight Söryay vocals

This lullaby from Hiw was recorded “live”,while Grace Delight was trying – successfully –to get her tearful grandson to sleep. Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti rōw na pēTapana ë / R

-ōw turog metir ne / Turog metir na ë

rōw turog metir na ë / R-ōw turog metir ne

Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti rōw na pēTapana ë / R

-ōw tuyun ne tuqe / Tuyun ne tuqe ë /

R-ōw tuyun ne tuqe.The poem, entitled Ne tiriwriw “The tattlers”,is about a sea bird, the Wandering Tattler(Heteroscelus incanus). This long-legged

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wading bird lives in colonies on the rocksfacing the ocean. The lullaby represents the bird standing onthe rocks, tired by the sea wind, with its eyesclosed like a child falling asleep.

O my birds on the eastern shoreover there gathered on the bayover there on the shore, together all asleepstanding asleep, all standing togetherover there on the shore, together all asleepO my birds on the eastern shoreover there gathered on the bayover there on the shore, scanning the horizonscanning the horizonover there on the shore, scanning the horizon

[The tattlers, lullaby, Hiw]

☉19. Rhyme “Tangorere”

MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecost) Rosalie Sani + Betula Haviha vocals

This rhyme from Pentecost island is entitledTangorere – from the verb tango “touch” inthe Raga language. This children’s game is akind of blind man’s buff. A circle is formedaround a child; all participants must havetheir eyes closed. Once everyone has sungthe nursery rhyme, the child in the middleof the circle must keep his eyes closed andtry and touch the other children. The firstone to be touched comes into the middle tostart the game over again.The musical scale of this song is composedof four notes forming a chain of thirds – asis often the case for children’s songs in nor-thern Vanuatu.

☉20. Playing a mango leaf

MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) Susi Rosur mango leaf

This rhythmical game uses a simple driedmango leaf, picked up in the forest. Cuthalfway, it is held in one hand, and pattedwith the other.

☉21. Rhyme “Tutubwau”

MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecost) Rosalie Sani + Betula Haviha vocals

This nursery rhyme with its pentatonicmelody is called Tutubwau, literally “Poke-knee”. Children are seated in a row, their legsstretched out before them. The one whosings the song touches his friends’ knees,

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Grace Delight Söryay and her grandson (Hiw, Torres) © AF

one after the other. The child on whom thelast syllable of the nursery rhyme falls mustdraw up his knees. The game goes on untilonly one knee is left. At that point, the children put a little salivaon their knees before getting up one after theother. They all listen hard to hear if a bone iscracking. If so, this means that the personwill later marry someone younger; but if nosound can be heard, then this predicts fin-ding a spouse who will be older. This gamecauses a lot of laughing and joking.

☉22. Musical bow

MS – 4.9.2010 – Yaqane (Hiw) Edward Pilis musical bow (gövgöv)

On the island of Hiw, the northernmostpoint of the archipelago, only one elderlyman, Edward Pilis from the village ofYaqane, has preserved the memory of thisinstrument which his forefathers had passedon to him in the 1930s. This mouth bow,named ne gövgöv in the Hiw language, ismade from hibiscus wood, and measures

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Edward Pilis playing the musical bow (Yaqane, Hiw, Torres) © MS

over 3 feet in length. The string – the vibra-ting part of this chordophone – is made froma long fibre of hibiscus. Holding the bow inone hand, the musician places one end onhis half-open mouth. In the other hand heholds a thin, flexible plectrum – the midribof a coconut leaf. With this, he strikes thebow string on an irregular pulse, as he men-tally hums a song (ne putput). The string thenresonates in a languid, captivating ostinato.Just like for most musical bows and Jew’sharps [☉1], the resonator is the oral cavity.By modifying its shape, the musician ampli-fies the overtones and creates the melody.According to Edward Pilis, this instrumentused to be played in the men’s house (naka-mal). Today, the mouth bow has entered amore intimate sphere: Edward plays it infront of his home, as he relaxes in the sunset.

☉23. Lullaby

MS – 1.10.2000 – Bunlap (Pentecost) young woman from Bunlap vocals

This lullaby follows a chorus–verse sequence(CV1CV2), and is composed essentially on achain of thirds. In addition, the chorus ispreceded by an ornamentation of threenotes separated by one-tone intervals (remi-niscent of the pycnon of pentatonic scales).Chains of thirds are common in this regionof Vanuatu, particularly in children’s songs.The melody is entirely conjunct within thescale used, that is, it never leaps an interval.

TITI SONGS: DANCING TO POETRY

The three islands of the northern Banksshare a musical genre called titi – or moreprecisely, elne titi in the south of Vanua Lava,sēwēes’i’i in the western part of the sameisland, nawha titi in Motalava, nsawa jiji inUreparapara. The titi songs, for a while aban-doned in Motalava, regained popularity after2000, thanks to chief Ken Freza and a groupof young villagers from Toglag who set out tolearn various songs from the elders, and havepassed on the torch.This musical genre features a specific ensembleof instruments: percussion board, individualslit drums, but also a rare headed drum, as wellas rattles, exceptionally shaken inside a bag.Another characteristic of this style is its poeticform: contrary to other songs that can oftenbe long and complex, titi songs are alwaysshort, with three to six verses, repeated in aloop by the soloist and chorus. Each poemforms a kind of haiku, capable of evoking anatmosphere in just a few words – the force of acyclone or earthquake, the beauty of a land-scape, the melancholy of a saunter.Appreciated for their poetic and melodic qua-lity, these songs can be sung a cappella, asidefrom any dance performance [☉26, ☉28]. Butmost of the time, they form another occasionfor villagers to celebrate and dance.Titi sessions take place during importantcelebrations, such as weddings or New Yearfestivities, when each village on the island

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goes to perform in the next village. The ses-sion always begins with an introductorypiece, or prelude [☉24]. Its form is minimal,with wood instruments beating the rhythmto the voice of a soloist. Then follows theseries of titi songs proper. A bamboo drumplays a rhythm, first alone and later joinedby the percussion board, the headed drumand the bag of rattles. The crescendo reachesits climax with the soloist appearing andlaunching into a poem. On the second repe-tition of the main verse, he launches a cry“O– e–, o– e”, the signal for the musicians tojoin him [☉25, ☉27]. At this point a long alternation ensues, inresponsorial form, between the soloist andthe other musicians. This is when the titiorchestra, with all its instruments andvoices, is at its strongest. In fact, the term titiis derived from this responsorial form – froman old verb ti or titi “respond”. This alterna-tion between the soloist and the chorusobeys relatively regular patterns, clearlyheard in the recording and analysed below,in the description of each piece.In each titi piece, there is always a fleetingmoment when the instruments suddenlystop (yak in Mwotlap), before starting upagain with even more fervour: this is heardat 0’56”, 1’39” and 2’35” in the song of theRain [☉25], at 1’26” and 2’26” in Liana flo-wer [☉27], at 1’04” and 2’46” in Volcano[☉29]. This technique emphasises thegroup’s cohesion and strength.

The musicians form a tiny circle in themiddle of the dance area. The dancers sur-round them, both men and women, in along winding procession.The titi genre plays such an important rolethat its origin is the object of a number ofmyths. On the island of Motalava, the originof the nawha titi is attributed to the encoun-ter between a child and the spirits. But it isin the custom of Vera’a, in Vanua Lava, that

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The single-headed drum during a nawha titi session(Toglag, Motalava) © MS

one finds the most elaborate myths – confir-ming the hypothesis that the musical genrecomes originally from the small villages ofLemerig, on the island’s northwest area. Themyth, narrated by Eli Field, relates that ahigh-ranked chief one day arranged to meethis loved one near the great waterfall inLemerig. Losing patience after waiting forhours, and vexed at having been forgotten,the man stamped his feet on the ground, inharmony with the powerful sound of thewaterfall that was striking the trunks of sagopalm trees (from which headed drums aremade today). To the sound of his chieflyarmlets clanking on his arms – the forerun-ner of future rattles – he began to sing in ear-nest. Such was the first titi song to be crea-ted, a blend of amorous yearning andcommunion with the forces of nature.

☉24. Prelude to titi songs

AF – 4.7.2003 – Toglag (Motalava) Serel Qalqit + men from Toglag percussion board (naqyēn malbuy), smaller slit

drum (nēvētōy), vocals

A nawha titi session begins with a prelude,called in Mwotlap nawha yon “music of awe”.This piece mobilises only some of the nawhatiti orchestra’s instruments: percussion boardand small slit drum – without the rattles norheaded drum. It is a solo, and does not takethe responsorial form so typical of propernawha titi. Only after this prelude can theseries of titi songs truly begin.

☉25. Nawha titi: “Rain”

AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Ken Freza + men from Toglag percussion board (naqyēn malbuy), small slit

drums (nēvētōy), headed drum (natmatwoh),rattle bag (nowopyak), vocals

This titi song celebrates rain – a spectacular,tropical rain typical of these regions. Thepoet, sheltering under his roof, conveys thepower of the downfall through sensoryimpressions:

Rain o burst in yonder jungleo flow and pound o rain odrip drop upon my roofRain pour and drill o drillo o e o, o eo rain ey

[Rain, titi song, Motalava]

Here is the original text of the poem, inMwotlap’s song language:<a> ne wen ē rōl me ē le mot e

e sol dun ē ēn wen ētir e tir bē kēle ēm e

<b> wen me ser gil gil e<c> o– ē ō, o– e<d> io ēn wen ē

In terms of performance, this recording istypical of the titi structure described above.The instruments enter one after the other, tothe sound of a striking instrumental crescendo. The song begins with a soloist,

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who later sends a signal (at 0’54”) for thechorus of singers to start singing their part.In accordance with the canons of the titigenre, the song then takes the form of a call-and-reponse alternation between the soloistand the chorus.If we attribute codes a b c d to each part ofthe poem, spell in lower case the verses sungby the soloist, and in upper case those sungby the chorus, this recorded performancehad the following structure: { a b a b c || B cB c B d B d B d B d B d B d B c B || A B A B cB c B d B d B d B c B || A B A B }. The sign ‘||’symbolises the moments (at 0’56“, 1’39”and 2’35”) when the instruments stop brie-fly (yak) before starting again.

☉26. Sēwēes’i’i: “Husking coconuts”

AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) Harold Tomson vocals

This titi song from Vanua Lava alludes to thehusking of coconuts – a daily activity linkedwith cooking, and carried out by impalingthe coconuts on a solid, sharp pointed stake.

Husking coconutsYou got a hundred? I got a hundred!You see, my dear widow?Don’t you agree, my dear widow?

[Husking coconuts, titi song, Vanua Lava]

The poem has two levels of reading. At firstsight, this is an innocent physical competi-

tion between two men as to the number ofcoconuts they can husk (“You got a hun-dred? I got a hundred!”). In reality, the ini-tiates capable of deciphering the language ofpoems, and who are familiar with thesesemantic games, realise it is in fact a bawdysong. In the last verse, the singer turns to apretty widow whom he sees in secret, andflippantly takes her as witness to his ownexploits.

☉27. Nawha titi: “Liana flower”

AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Ken Freza + men from Toglag percussion board (naqyēn malbuy), small slit

drums (nēvētōy), headed drum (natmatwoh),rattle bag (nowopyak), vocals

In line with titi poetry’s constant attentionto senses, this song praises the special smellof a giant liana, and brings together twoworlds: forest and sea.

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Coconut husking © AF

Flowers of the great vinethey smell lovely, o so lovelyAnd what do they smell of?They smell of seashells on the shoreO e o o o ea e a e a e — o–

[Liana flower, titi song, Motalava]

The poem can be divided into five units:<a> Tewes gaverur ē ge bōnbōn ē<b> ge bōn (ē) bōn e<c> bōne sav e? bōne ses row ē la ē<d> o– ē ō, o– e<e> a e a e a e — ooo

According to the notation proposed in ☉25,we find the following structure { a b a b c c ab d || A d A b A b A b A b A b A d A B || C CA B C C A d A d A b A b A b A b A d A B || CC A B C C A E }.

☉28. Sēwēes’i’i: “Scrubfowl”

AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) Harold Tomson vocals

This titi song from Vanua Lava is in celebra-tion of the Scrubfowl or Megapode bird(Megapodius freycinet) that lives in the forest.

The leaves are rustling: what is it? what is it? It’s the scrubfowl again, cackling and diggingIt scratches and scratches

at the top o’ the hill[Scrubfowl, titi song,, Vanua Lava]

The poem consists of three verses (a b c): <a> Lēr lē nas dedero en sap men sap men?<b> wō mala ōlōl wō mala gil e rō e<c> Res e res le qesen tōw e

In the absence of the chorus, the singerHarold Tomson spontaneously creates hisown call-and-response structure, as follows: { a / a b a b / c b c b / a b a b / c b c b / a b }.

☉29. Nawha titi: “Volcano”

AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Ken Freza + men from Toglag percussion board (naqyēn malbuy), small slit

drums (nēvētōy), headed drum (natmatwoh),rattle bag (nowopyak), vocals

This poem glorifies the power of volcanoes –in this case, the famous active volcano ofAmbrym, an island south of Pentecost.

The Ambrym volcano is flowing and blastingSwirling around the land it shapes a new islandThe lava keeps swirling and shapes a new islandO– e o, o– eKeeps flowing and blasting on the shores of Ambryma e a e a e – o–

[Volcano, titi song, Motalava]

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Here is the original text, in song language:<a> Ne vur e sol dun e Amērēm e<b> ie o e lē tan tin gōlgōl wē vōnō e<c> ne vur e tin gōlgōl wē vōnō e<d> o– ē ō, o– e<e> o e sol dun e Amērēm e la e<f> a e a e a e — ooo

Once again, the listener can discern thestructure of this performance: { a b a b c ca b d || A d A E A E A e A e A d A B C C A BC C e A E A E A E A d A B || C C A B C C }.Compared with the other examples ☉25and 27, we have here a longer introductionby the soloist; meanwhile in the back-ground, the musicians and chorus casuallychatter as they await their turn to perform.Once the chorus begins, it sings not onlyits own part but also that of the soloist(hence the many capital letters in thenotation). This performance takes someliberties with the standard pattern – asoften happens in casual moments at theend of a long session of dancing, as thesun is setting.

A TRIBUTE TO GREAT MEN

☉30. Gove whistles (women)

MS – 10.6.2005 – Barunguringi (Maewo) Vaena Vanity, Lesanti Roling Viti, Ruth Vane,

Ruth Merelin, Rosenta Vay, Esta Rotili group of whistlers gove

See explanations ☉17.

☉31. Bilbilan: Grade-taking ceremony

MS – 30.9.2000 – Bunlap (Pentecôte) men from the Sa community ensemble of wooden drums, vocals

Grade-taking ceremonies used to be amongthe most important in central and northernparts of the Vanuatu archipelago. Althoughno longer widely practiced in the Banksislands, the grade system has remained cen-tral to the social life of other Vanuatuislands – Ambrym, Malakula, Pentecost,Ambae, Maewo. When a man wants to pass on to a highergrade, he must organise a major ceremonyfor which he and his family have to preparefor several years. This admittance to ahigher grade gives rise to abundantexchange of food and presents. Sometimes,a single celebration may concern severalcandidates. These ceremonies always involve dancing,accompanied by wooden drum ensembles. Agiven rhythm often corresponds to a speci-fic rank on the grade hierarchy. Forexample, the present piece was recordedduring the grade-taking ceremony of twomen, for admission to grades Arkon andMeleun – two of the highest grades in thelocal hierarchy. The ceremony, in presenceof a large gathering of southern Pentecostislanders, took place in Bunlap – a commu-nity that identifies itself as being ruled bykastom, and impervious to foreign influence.Bunlap is where the famous gol “land

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diving” ceremony takes place every yearduring yam season, when young men throwthemselves from the top of an immensewooden tower, with one foot bound withjust a liana.In this dance called bilbilan, men dance in acircle around drums, while women dancearound them, a little further away, yellingand whistling at the same time. The music isreminiscent of the dancing performedduring the gol jump ceremony.

☉32. Mantani: Grade-taking ceremony

MS – 23.1.2002 – Loltong (Pentecôte) men from Loltong bundle bamboo drum

This dance, by the name of mantani, alsoaccompanies a grade-taking ceremony – butthis time in the north of Pentecost. Its spe-cificity is to be accompanied by a very rareinstrument – a drum made of bamboos tiedinto a bundle.Several bamboos measuring at least 6 feetare put together and held horizontally bytwo men at each extremity. Four men – twoon each side of the bamboo drum – beat arhythmic ostinato with sticks. Other mendance around the instrument, accompa-nying the men’s singing.

☉33. Drumming for a great man

AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis large slit gong (nokoy)

☉34. A song for a great man

AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis large slit gong (nokoy)

The large wooden slit gongs of Vanuatu areassociated with the world of “Great men”,high-profile personalities of chiefdoms andcommunities. While other islands maintainties with the old grade system [photo p.78],the use of this drum has evolved in islandssuch as Motalava, where the former politicalsystem has disappeared. Nowadays, the large slit gong, called nokoy inMwotlap, no longer accompanies grade-taking, but important moments associatedwith the new faces of authority: nationalpoliticians, leading figures of the Anglicanchurch, religious celebrations. For the anni-versary of the island’s main church, for ins-tance, the muffled beats of this large drumwere played throughout the Eucharist.The end of 1997 saw the wedding of the sonof a Great man: the Anglican bishop of theBanks islands, Charles Ling (on the left inthe photo, holding a Cycas palm as a symbolof prestige). This was an occasion for theisland’s musicians to beat the powerfulnokoy. All participants – singers, dancers,musicians – were initiated men.After a brief prelude ☉33 called turbal, thepiece ☉34 combines the percussion of thenokoy gong with a rousing song to encou-rage the dancers. Four vocal and instru-mental layers are here superposed, and can

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be heard in the recording:the main song (“E ale…”);the joyful cries of the dan-cers; a fast-tempo, conti-nuous beat (called beleg inMwot lap) played with finewooden sticks by the twopercussionists seated onboth ends of the drum;finally, a discontinuous,more muffled rhythm (bōl)beaten by the main drum-mer, the one who is seatedfacing the middle of theinstrument.

THE DEEP GROWLING OF ANCESTORS

☉35. Bullroarer

MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava) Philip Gan + Gresline + Colinette bullroarer (naborbor)

This instrument of the bullroarer family –called here naborbor – is considered as a meretoy rather than a genuine instrument, and isused “just for entertainment”. To make thisinstrument, a leaflet is plucked from a coco-nut frond; its midrib is removed to make itmore supple, and the leaflet is bent in twolengthwise. The removed midrib is then tiedto each end of the leaflet. Finally, a longstem, also from a coconut leaf, is tied to the

whole device: this string is held firmly as oneswirls the bullroarer above one’s head.The double rotation ofthe instrument –simultaneously aboveone’s head and on itsown axis – results in aloud, deep hummingsound. This recordingfeatures not just one,but three bullroarers –which together pro-duce a truly powerfuleffect.

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Singers and drummers around the wooden slit gong nokoy (Avay, Motalava) © AF

Bullroarer made out of a coconut leaf © AF

Masked dancesTwo dances of the Banks islands, the mag andthe qat, are reserved for men who have pas-sed the initiation rites. The first is called nma in Löyöp, namag inMwotlap, mago in Mota, mag in the lan-guages of Vanua Lava and Gaua, namag andutmag in Merelava. The word is linked to theverb mako “dance” of Polynesian languages.This dance is performed by young adoles-cents, at the start of their initiatory career. The second dance, quite similar, is called qat(pronounced [kpwat]) – or more precisely: qatin Mota, Dorig and Lakon, qet in Vurës, neqetin Mwotlap and in Mwerlap. This name ishistorically linked with the name of Qat orQet, the divinity of origins (François 2013).Just like the mag, the qat is for male initiatesonly, but from a higher grade.

The two genres have many similarities. Inboth cases, the dancers wear headdresses thatthey will have made in their secret initiationenclosure (Vienne 1996). These highly intri-cate, and often spectacular headdresses, aresometimes called “spirits” (Mota tamate,Mwotlap natmat, Lakon maraw…); theyrepresent divinities, plants, fish [photo of seaurchin p.74 (qat)], birds… and sometimessurprising items, like a cooked dish [photo(mag)], a canoe, a plane, etc.On the island of Merelava, a distinction ismade between two versions of the mag dance.The namag belongs to young initiates – oftenadolescents – and is danced without masks.As for the so-called utmag form [☉36], it isreserved for adult men who have acquiredthe right to wear sacred headdresses.One of the differences between mag and qatlies in the choreography. In the mag, theyoung dancers progress as a group, often inIndian file or in a circle around a centralmusician, and coordinate their movements.The qat is a more complex dance, more frag-mented, in which the dancers, disseminatedacross the dancing area, perform separately,one after the other [photo p.81].Musically speaking, only two instrumentsaccompany the qat and the mag: the smallslit drum – played by a musician standing inthe centre – and the ankle rattles worn bythe dancers. Melodic songs are rare: because poems asso-ciated with these genres are secret, they can

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Headdress from the mag dance, in the shape of acooked dish (Jōlap, Gaua) © AF

only be sung silently by the dancers, in theirheart of hearts. The only sounds heard arenot articulated words, but some form ofshouts – either signals thrown by the keydrummer (“Hiy sito!”), or the growling of theancestors themselves.

Indeed, the masked dancers represent thespirits of deceased ancestors who have cometo dance in the midst of the village. Thesharp cries and deep growling heard in ☉36(utmag from Merelava) and in ☉37 (neqetfrom Motalava) are none other than the

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Dance of the spirits, the neqet (Lahlap, Motalava) © AF

voices of the dead themselves,come to haunt the living forthe duration of the dance. Thejerking rattles, the irregularrhythms of bamboos beingstruck, the sudden, unexpec-ted silences, create a strange,spellbinding atmosphere, tin-ted with awe.

☉36. Utmag: Dance of the Spirits

MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava) men from the Tesmet community bamboo drum (wokor wirig) ; ankle rattles

(nevereak), vocals

On the island of Merelava, whereas thenamag dance is reserved for beginners, itsvariant utmag is for adult initiates only. Thedancers’ headdresses and their strange grow-ling remind everyone of their true nature:they are the Spirits of the Ancestors, come toimpress the mortals. In the olden days, the utmag dance used to beperformed during funeral or grade takingceremonies. Today, the utmag is danced onvarious occasions – weddings, Christmas festi-vities, independence day, and other festivals.

☉37. Neqet: Dance of the Spirits

AF – 25.12.2005 – Lahlap (Motalava) Fred Nixon + male initiates from Lahlap small slit drums (nēvētōy), ankle rattles

(nowopyak), vocals

This representation of the neqet dance – thelocal name, pronounced [nekpwet], of the qatgenre described above – was a major event of2005 on Motalava. This particularly prestigiousand solemn dance is performed only veryrarely. Christmas, a holiday closely associatedwith customary dancing, was an ideal context. The most conspicuous aspect of this specta-cular ceremony was no doubt the impressivedisplay of sacred headdresses called natmat“spirits of the dead”. In addition, the neqetgives rise to a mysterious choreography

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The utmag dance of initiatedmen (Leqeal, Merelava) © MS

during which the dancers, dispersed aroundthe village clearing, alternate moments ofstillness with sudden, small jerky steps. Thenervous beats on the small bamboo drumsadd to the sounds of the rattles. Combinedwith the cries of the spirits, devoid of anymelody, they create together a strange, awe-inspiring atmosphere.

The newe-t genreThe prevailing genre in the Torres islands isthe newēt [☉38–40]. This is, in principle, apoetic genre – illustrated above with thesongs Earth tremble (p.94) and A war threnody(p.96). By extension, the term newēt desi-gnates not only the poem itself, but also thespecific musical style accompanying it and,even more broadly, the whole festivities thatsurround it.Seven or eight musicians stand around thepercussion board, in the middle of the vil-lage. Sometimes, they are sheltered under asmall booth of leaves (veroqëtlēnwe in Lo-Toga) built for the occasion. Two drummerssitting behind them beat their bamboo drumto signal the start. The leader then cries out“Hi– wa?” to which the other musiciansrespond in unison “Hi wow!” – before sud-denly striking the board with their bamboosticks [☉39]. At this point, a long collective ostinatobegins, one that is both vocal and instru-mental. While stamping the board, the musi-cians sing a hocket “O ho, Ohé o – O ho, Ohé-

o”… Once this setting is created, the soloistcan finally begin to sing the newēt song pro-per. Its melody and rhythm seem indepen-dent from the main rhythm, and is largelydrowned out by the latter. This is in fact deli-berate: most newēt poems are secret (toq“sacred”), and must remain inaudible to thenon-initiated crowd – for fear that the song,which belongs to the singer and his family,be stolen from him. In the Lo-Toga language,the verb gupe “hide” designates the way inwhich the choristers, with their loud panting(“O ho, Ohé-o”), conceal the voice of thesoloist.The foremost occasion for carrying out anewēt event is the public festival (in Lo-Togane vetgë) associated with the system of grades(ne huqe). In this particular context, similarto the mag or qat dances of the neighbouringBanks islands [☉36–37], young initiatesdance and exhibit the ritual headdresses (neqegar) they have just carved in secret. Thecelebration may last between five and tendays, during which the newēt is in full swingday and night, until dawn of the last day. This being said, the newēt has become sopopular that it has been secularised, as itwere, and equated with collective rejoicing: itis played at weddings, holidays and festivals.The national holiday on July 30 [photo],which celebrates the independence ofVanuatu since 1980, is a perfect occasion for anewēt afternoon – as was the case for pieces☉39–40 of this album.

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☉38. Newe-t: Song of the Spirits

AF – 22.1.2006 – Hiw (Torres) Sisil Howard + boys from Hiw planche à percussion (ne tiyit rërë), tambour àfente (n’öre), vocals

☉39. et 40. Newe-t: Song of the Spirits

AF – 30.7.2004 – Lungharegi, Lo (Torrès) Livai, Peretin Wokmagëne, Brian Mark percussion board (ne vën mēlepup), slit drum

(n’ere), vocals

☉41. Newertiang: Cries of the Spirits

MS – 25.7.2005 – Leqeal (Merelava) men from Leqeal secret instruments

In Vanuatu, expressions of mourninginclude ceremonies on the 5th and 10th dayfollowing the death of the person. On thesmall island of Merelava, the death of animportant individual gives rise to a specta-cular event: the “Cries of the Spirits”, callednewertiang in Mwerlap. This event may befollowed by a namag dance [☉36], which ispublic and takes place on the dance ground;but the newertiang itself has a very specificstatus, quite different from any other musi-cal form currently known.Neither song nor dance, the newertiang isnot visual at all. For us mere mortals, it is asound-only phenomenon: the powerfulcries of the dead, in the darkness of the

night. These eerie moans recall how creepyghosts can be, and different from mortals –enough to inspire awe and respect in us alltowards our ever-present ancestors.Naturally, only initiated men have access tothe world of the spirits, and to the secrets oftheir manifestations in the world of theliving. They alone may know the true natureof these sounds, and how to produce them;we shall reveal nothing here. The men per-forming the cries of the Spirits must be seenby no one: the moment the first sounds canbe heard, women, children and other non-initiated witnesses must hurry away to ahouse or shelter. Recording ☉41 presents a noteworthy struc-ture, consisting of a crescendo that culmi-nates roughly around 2’10”, followed by along decrescendo. Several layers of soundoverlap. One such layer is the continuoussound of crickets, due to the newertiangtaking place at night. This forms the back-ground upon which the cries of the Spiritsare superposed. Low-pitched sounds are des-cribed as the “voice of the mother”, whilehigh-pitched sounds are the “children”. Finally, the spirits disappear just as theyappeared. After a long moment of intensepresence, their cries vanish in the silence ofthe night.

ALEXANDRE FRANÇOIS & MONIKA STERN

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CD ia hemi wan seleksen blong ol bestrikoding blong musik we mitufala i binmekem long Vanuatu. Mitufala blongFranis: Monika Stern hemi wan ethnomu-sicologist, hemi spesalaes long ol defrenkaen musik long wol mo espeseli blongVanuatu. Alex François hemi wan linguist,hem i lanem ol lanwis blong Bankis moTorres, mo hemi promotem ol save blongkastom olsem ol stori mo singsing blongbifo. Stat long 1997 kasem 2011, mitufala i binstap longtaem long ol difren aelan longVanuatu – espeseli long provens TORBA moPENAMA – blong mekem risej long saedblong lanwis mo musik. Since taem ia,mitufala i bin wishim blong mekem wanprojek blong promotem mo holem taet olkastom musik blong Vanuatu, blongmekem se ol art forms ia i no save lus. Mifala i laekem sipos CD ia i save mekemwan kaen witness blong ol biutiful musikblong yumi, mo shoem long ol man ovasi,mo long evriwan long kantri, se Vanuatuigat plante musikol treasures we i shudlaef i stap, mo i shud divelop moa i go.Maet CD ia bae i helpem blong rivaevemsam pat blong kastom musik we klosap ilus. I tru se samfala musik ia oli no isi

blong lanem from mas folem fulap ol hadrule blong go insaed long kastom. Be siposol yangfala oli save musikal roots blongolgeta, maet bae oli wantem statem niufa-la projek, olsem mekem narafala CD longkastom stret, o miksim ol singsing o ins-trumen blong bifo wetem ol niufala musikblong tedei. Buk ia i kam wetem CD blong givim olexplenesen abaot ol musik we oli stapinsaed. Evri infomesen long buk ia i kamlong olgeta man mo woman long aelan weoli bin tok save long mitufala hao naoblong mekem ol instrumen, hao naoblong komposem singsing, mo wanemkaen situesen long kastom i fit blong sing-sing o tanis long ol defren stael ia. Mitufala i wantem talem tankyu bigwanlong evri man blong PENAMA mo TORBAwe oli bin welkamem mitufala long ol hausmo vilij blong olgeta, samfala long wanwik, samfala i kasem wan yia. CD ia i gat wanspesel dedikesen long †Moses Meiwelgen,wan waes mo kaen man we hemi bin hel-pem evri projek long saed blong kalja mokastom, mo ikam olsem wan tru papablong Alex long Motalava aelan. Imam,nale-k tit qo-n- ve-hte ne-k, nololmeyen tiwag minatamtam no-no-m.

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MUSIK BLONG VANUATUTaem blong lafet, taem blong kastom

Mitufala i talem tankyu tu long RichardWoris, Edgar Howard, Mak mo RaouleyWoleg, Eli Field, Jacob Elison, Mama JimmyTiwyoy, Edward Pilis, Janet Philip mo PhilipGan, John Star, Moffet Lini, Jeffry Uliboemo Diana Rolin, Alfreda Mabonlala wetemfamili, Maurice Tanmonok wetem famili,Nelly Mundoro, Laisa mo Patrick, RichardLeona, Wano Olev wetem famili. Be ol pipolwe oli contribute moa bigwan long CD hemi

espeseli ol man blong singsing mo tanis weoli sherem musik blong olgeta wetem mitu-fala: nem blong olgeta evriwan istap insaedlong buk ia. Naenti pasent blong ol vatu webae i kamaot long CD ia, bae i go longVanuatu Kaljoral Senta long Vila, blong olisave bildimap ol kaljoral projek long fyujawe i save benefitim evri pipol blong TORBA,PENAMA mo narafala aelan blong Vanuatu.Tankyu tumas.

Newēt pour la Fête de l’IndépendanceA newēt session for the Independance Day (Hiw, Torres) © AF

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