Explanation of the Saint Sernin of Toulouse main Altar built in 1096
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Transcript of Explanation of the Saint Sernin of Toulouse main Altar built in 1096
Reproduction autorisée pour usage privé à destination des guides Visites Spirituelles St Sernin
Basilique Saint-Sernin : Visites spirituelles – H. AUBAN & E. MAINFROY & M.O. LENIQUE 26/12/12 - Page 1
Détail des enseignements & sources autorisées1
Urbain II - La Table d’Autel de Bernard Guilduin
TABLE D’AUTEL : Sculpteur Bernard GILDUIN l’Autel roman est un des chefs d’œuvre de la Basilique Saint Sernin, contemporain de
la consécration le 24 Mai 1096 de la Basilique par Urbain II.
1 Urbain II
Urbain II est un Pape d’origine champenoise, connu pour avoir activement lutté pour l’expansion de
la réforme grégorienne, initiée par son prédécesseur Grégoire VII.
La fin du IXe siècle et le début du X
e siècle ont été marqués par l'affaiblissement de la puissance
publique du fait de la dissolution de l'Empire carolingien. Confrontés aux invasions et aux guerres
privées engendrées par la montée en puissance d'une nouvelle élite guerrière qui prend en charge
des territoires, les clercs recherchent la protection des puissants. En contrepartie ces derniers
s'approprient le droit de disposer les biens des églises et de désigner les titulaires de charges
ecclésiastiques, abbatiales et paroissiales. Dès lors ces charges sont confiées à des laïcs, souvent
contre rétribution et leur transmission se fait parfois par voie héréditaire. L'Église subit une
véritable crise de moralité: les charges et des biens de l'Église sont soumis à un véritable trafic
(simonie) et la clérogamie (nicolaïsme) est très répandue, particulièrement en Italie, en Allemagne
et en France.
En réaction, cette époque est marquée par un fort mouvement réformateur monastique qui obtient
l'autonomie de nombreuses abbayes et impose une moralisation de la conduite de la chevalerie
naissante en particulier par les mouvements de la paix de Dieu puis de la trêve de Dieu. Le
mouvement est largement porté, entre autres, par la puissante abbaye de Cluny.
La réforme grégorienne a pour but donc de lutter contre nicolaïsme et simonie et de rendre
indépendant le pouvoir spirituel du pouvoir temporel. Elu pape en 1088, Urbain II vit une période
difficile de la chrétienté : l’empereur du Saint Empire Romain Germanique, qui a une forte
nécessité d’assujettir une Eglise impériale, a chassé de Rome son prédécesseur et établi un antipape
à Rome qu’il a investi, Clément III. Urbain II continue de lutter contre les hérésies telles que la
simonie et le nicolaïsme (incontinence des clercs). Il anime les Normands à reconquérir le Sud de
l’Italie et délivrer la Sicile des musulmans. Il ne regagne Rome qu’en 1093 après avoir, par
diplomatie et habileté politique, convaincu une majorité de princes électeurs de se rallier à sa cause.
Il préside à Clermont, en 1095, avec 13 archevêques et 225 évêques, un concile au cours duquel il
réitère la condamnation de l'investiture laïque, et interdit aux clercs de rendre hommage à un laïc,
même au roi. Il proclame solennellement lors de ce concile, la trêve de Dieu ou paix de Dieu, déjà
annoncée dans des synodes précédents, qui suspend la guerre aux temps consacrés (l’Eglise
condamne les guerres « privées » et les pillages).
Lors du Concile il renouvelle l'excommunication prononcée par l'évêque Hugues de Lyon contre le
roi de France Philippe Ier
, pour la répudiation de son épouse et son remariage avec Bertrade de
Montfort (Philippe Ier a déjà été excommunié une 1ère
fois par Grégoire VII pour son enclin à la
simonie en privilégiant une Eglise royale sous sa domination).
1 Sources: Autel : (1) visite commentée par Daniel Cazes - 2010, (2) Saint Sernin de Toulouse de Quitterie & Daniel
Cazes ; Consécration : (3) Saint Sernin de Toulouse de Marcel Duriat, Urbain II : (4) Dossier pédagogique Saint Sernin
Fiches 1 à 5 du Musée Saint Raymond, (5) Wikipédia/Catholic Portal ; Parousie paléochrétienne : (6) Conférence sur
l’art wisigothique ibérique, 11/2012, Christophe Balagna.
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Enfin, après le Concile, Urbain II lance l'appel de Clermont pour la première croisade, conçue par
lui comme un moyen d'unifier la chrétienté occidentale sous l'autorité pontificale. Cet appel apparaît
en contradiction avec les valeurs ancestrales de l'Église. C'est en réalité l'aboutissement d'une
réflexion de l'Église sur la guerre et l'existence de causes "justes". Ce concile s'inscrit aussi dans la
continuation de la Réforme grégorienne et l'émancipation du pouvoir religieux sur les laïcs.
Parallèlement, Urbain II encourage la Reconquista ou reconquête de l'Espagne occupée par les
Maures.
A l’issu du Concile, Urbain II poursuit en 1096 son voyage dans l’Ouest, le Centre et le Midi de la
France pour répandre la réforme grégorienne, et mettre au point l’organisation d’une armée destinée
à reconquérir la Terre Sainte et desserrer l’étau de l’Islam sur Constantinople, c’est la 1ère
croisade.
La consécration de la Basilique Saint Sernin le 24 Mai 1096 est une étape clé de ce voyage. Le Pape
Urbain II sera accompagné lors de cette cérémonie de Raimond IV de Saint Gilles Comte de
Toulouse à qui il confiera le commandement militaire de la croisade. Quant au roi de France, frappé
d’anathème, il ne peut pas participer à cette 1ère
croisade.
Au cours de ce même voyage, le Pape et ses légats arbitrent des conflits et consacrent des églises (la
Chaise-Dieu, Saint-Martial à Limoges, Saint-Jean de Montierneuf à Poitiers, Saint-Nicolas à
Angers, Saint-André à Bordeaux,…). Et quand l’église n’est pas encore achevée ou construite, on
consacre des autels (à Cluny, dont il fut moine) et on bénit les pierres de la construction (à
Carcassone, après le passage à Toulouse).
La phrase suivante, aujourd’hui d’une actualité étonnante presque 1000 ans après, explique
fondamentalement les motivations qui expliquent cette ardeur constructrice dans la France du
XIème Siècle.
« Les clercs grégoriens ont pour projet d’ensemble de construire une société chrétienne.
Pour être de l’Eglise, il convient d’être dans l’église. Il convient de passer par le bâtiment de
pierre pour accéder au Temple spirituel ».2
Urbain II fixera le début de la croisade au 15 août 1096 et s’appuiera sur l’évêque du Puy Adhémar
de Monteil, qu’il nommera pour la direction spirituelle, ainsi que sur Raimond de Saint Gilles,
Raimond IV de Toulouse, pour la direction des armées, et qui aura l’honneur de franchir le premier
la porte de Jérusalem, ce qui est attesté dans une plaque en marbre située dans la crypte inférieure
de la Basilique.
Nous reparlerons de la cérémonie de la consécration dans le chapitre 3.
2 La Table d’Autel Cette table est en marbre de Saint-Béat (Carrière de marbre blanc exploitée depuis l’époque gallo-
romaine située en Haute Garonne, sur la route du Val D’Aran) et a donc été réalisée entre 1095 et
1096. Elle est de grande dimension et mesure 2,25 m x 1,30 m.
L’autel évoque le tombeau du Christ, la pierre du Sacrifice (où l’agneau pascal est égorgé), mais
aussi la table de communion et le symbole du Christ en tant que « pierre angulaire » (psaume).
L’autel est encore utilisé aujourd’hui, presque 1000 ans après, pour les messes dominicales pour
être le lieu de la transsubstantiation du corps et du sang du Christ : on reçoit le corps du Christ
ressuscité.
2 Citation de Dominique Iogna-prat, historien français, spécialiste de l’histoire médiévale et directeur de recherche au
CNRS, dans son livre : La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l'Église au Moyen Age, v. 800-v. 1200, Paris, Le
Seuil, 2006
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L’autel est placé aujourd’hui à la croisée du transept mais ce n’est pas son emplacement d’origine.
Au XIème siècle rien n’entravait la circulation entre nef et transept comme c’était le cas dans les
églises de cette ampleur. Sanctuaire et chœur étaient placés dans le chœur, au plus près du tombeau
de Saint Saturnin.
L’autel était donc certainement placé à l’origine au fond du chœur, au-dessus de la voute de la
crypte. Il était accessible depuis un escalier majestueux placé au centre : la célébration se faisait à la
verticale, au-dessus du tombeau de Saint Sernin, au-dessus de la crypte (qui contenait la confession
du Saint avec son tombeau, comme à Saint Pierre de Rome ou comme à Saint Paul Hors Les
Murs). Nous supposons que les sculptures en marbre de Saint Béat qui apparaissent dans le
déambulatoire étaient également proches du maître autel au fond du chœur.
Au-dessous de la table d’autel, le martyr Saint Saturnin veillait, conformément à la vision de
l’Apocalypse (6, 9-10) : « Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux
qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu’ils avaient porté. Ils
criaient d’une voix forte : Jusques à quand, Maître Saint et véritable, tarderas tu à faire justice et à
venger notre sang sur les habitants de la terre ? ».
En dehors du moment de la célébration eucharistique, qui mêle le corps à la fois mystique et
véritable du Christ à ceux des saints, associés définitivement dans le « loculus » à reliques situé
dans le support de l’autel le jour de la consécration, la table d’autel est l’objet et le point de
convergence les plus sacrés de toute l’église.
Le maître autel était donc placé en hauteur, visible depuis les 9 fenêtres grillagées par les pèlerins
qui passaient dans le déambulatoire.
Une mention ancienne, révélée par Pascal Julien, permet de penser que la table était au milieu du
sanctuaire de Saint Sernin au début du XVIème siècle, avant que l’on ne l’avance vers la croisée du
transept devant, sans doute proche de son emplacement actuel, « entre les deux grands piliers ».
Pascal Julien démontre qu’au XVIe siècle on avait encore conscience du caractère éminemment
sacré de cet autel et sur lequel avait officié le Pape. L’autel disparait des annales pendant plusieurs
siècles.
Il réapparait au XIXème siècle : en 1840, l’abbé Adrien Salvan le connaissait et croyait qu’il était le
dernier vestige de la partie supérieure du « mausolée » gothique qui abrita le tombeau de Saint
Saturnin jusqu’à son remplacement par le baldaquin baroque. Il en releva l’inscription à peu près
complètement et reconnut dans les frises le Sauveur et les Apôtres. En 1843, Alexandre du Mège,
inspecteur des antiquités l’avait plusieurs fois mentionnée, en avait fait des moulages, et voulait
faire entrer la pièce dans le musée des Antiques de Toulouse, en raison de ses qualités historiques et
artistiques. Selon lui, l’œuvre avait réapparu au cours de travaux menés dans l’église, réaménagée
plusieurs fois après la période troublée de la Révolution.
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En 1852, elle se trouvait dans le collatéral majeur Nord de la nef, en face de la porte du cloître,
dressée avec des agrafes contre l’arrière du chœur, comme une œuvre archéologique et mémorielle
sans usage liturgique. Son intérêt pour l’histoire de Saint Sernin était pourtant connu. Viollet Le
Duc en avait compris sa valeur et l’avait répertorié dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture
française du XIe au XVIe siècle :
« La grande table du maître autel de l'église Saint-Sernin de Toulouse retrouvée depuis quelques
années dans l'une des chapelles, et conservée dans cette église, était également entourée d'une riche
bordure d'ornements et creusée; cette table paraît appartenir à la première moitié du XIIe siècle. Il
semble que ces tables aient été creusées et percées de trous afin de pouvoir être lavées sans crainte
de répandre à terre l'eau qui pouvait entraîner des parcelles des Saintes espèces. »
Voyons ce qu’on en disait autour de 1900 d’un point de vue touristique et légendaire : « Grande
table d’autel sur laquelle, d’après la tradition, Saint Saturnin aurait célébré la messe, mais qui ne
parait antérieur au VIème siècle » !!
La table aurait donc été réutilisée dans l’autel de la chapelle du Crucifix byzantin, mais il aura fallu
attendre 1953 pour la remettre à sa place actuelle.
La table fait partie d’une série d’autels que l’on trouve également en Catalogne et dans le
Languedoc. Elle a un décor qui rappelle le début de l’Empire Romain, c'est-à-dire que cette table à
l’aspect de celle qui aurait parfaitement pu être utilisée par Jésus Christ pour instituer le sacrement
de l’Eucharistie lors de la Cène dans une noble maison de Jérusalem. En effet, les décors que nous
voyons étaient utilisés à l’époque d’Auguste, contemporain du Christ : la table d’autel présente sur
sa surface supérieure, un évidement central cantonné de lobes entre lesquels s’insèrent de motifs
floraux. Dans certains lobes nous apercevons 12 boules qui correspondent aux 12 apôtres.
L’autel comporte 5 croix peintes dont 4 sur chaque coin, qui correspondraient aux 5 croix de la
consécration et aux 5 plaies du Christ.
3 La cérémonie de consécration de l’autel du 24 Mai 1096
Cette table a donc été utilisée pour la dédicace de l’Eglise (au Saint Esprit : nous le verrons dans le
prochain document en préparation qui traitera des Tribunes) ainsi que pour la consécration de
l’autel le 24 Mai 1096 au cours d’une très grande cérémonie: il y avait là les archevêques de
Bordeaux (Amat), de Tolède (Bernard), de Pise, de Reggio de Calabre, ainsi que douze évêques
dont l’évêque de Pampelune et l’évêque d’Albano (en effet, Saint Saturnin a été également
l’évangélisateur de la Navarre, et Saint Firmin, patron de Pampelune était son disciple. On fête
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Saint Firmin le 7 Juillet avec des fêtes devenues mondialement connues grâce à au romancier
américain Hemingway, et pendant lesquelles des hommes vêtus de blanc avec un foulard rouge,
courent devant des taureaux lâchés sur les rues pavées).
L’archevêque de Tolède primat d’Espagne est le personnage le plus important de la chrétienté après
le pape. Il apporte les reliques de deux saints, Asciscle et Victoire, martyrs chrétiens de la
ville de Cordoue, qui sont également déposées dans le pied de l’autel, symbolisant la
Reconquête espagnole sur les musulmans, prônée par le Pape.
Si un texte médiéval rappelle la date et les acteurs de la cérémonie, aucune relation ne nous est
parvenue sur la cérémonie en tant que telle, mais l’on connaît bien le rituel, qui se déroule en quatre
temps :
- Dans le premier temps, l’évêque consécrateur (ici, Urbain II) prononce un exorcisme, bénit
du sel et de l’eau, puis, avec les clercs, effectue par trois fois un circuit autour du bâtiment,
qu’ils aspergent.
- Puis l’évêque et trois clercs pénètrent dans l’édifice, les fidèles restant au-dehors avec les
reliques. L’évêque consécrateur frappe par trois fois à la porte, trace sur le sol, dans les
diagonales, deux alphabets (NDLR : alpha et omega ?), bénit l’autel, bénit les murs.
- Ensuite il oint l’entrée principale (ici, la Porte des Comtes) et tous, clercs et laïcs font le tour
de l’édifice avec les reliques. Devant la porte, l’évêque consécrateur prononce le sermon
adressé aux fidèles.
- Enfin, tous entrent, les reliques sont alors placées dans l’autel, les lumières allumées : la
célébration eucharistique peut alors s’accomplir.
Dès lors, l’église est définie, non seulement comme un espace circonscrit avec ses murs et ses
portes, mais aussi comme concrétisation de l’assemblée des fidèles, c’est-à-dire l’Eglise toute
entière, et plus largement comme assimilation de l’église-édifice à l’Eglise-corps du Christ.
Un autre acte de même nature mais de moindre envergure, rappelle la consécration de l’autel de
Saint Sernin par le pape Calixte II 23 ans plus tard, en 1119. Celui-ci était venu à Toulouse présider
un concile, qui portait notamment sur une ferme condamnation des hérésies. Il était accompagné de
l’archevêque de Tarragone et de l’évêque de Barbastro pour consacrer l’autel « en l’honneur de
Saint Augustin, évêque : ils déposèrent dans le même autel des reliques des apôtres Simon et Jude,
et d’autres saints».
Il est probable que cet autel, dédié à celui qui était la référence de la règle canoniale, ait été celui du
chœur des chanoines.
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4 L’inscription et les frises latérales
L’autel contient une inscription en latin qui court tout le long de la table. Ce qui est nouveau, c’est
que le décor se déploie sur les 4 faces latérales de la table. Ce qui est extraordinaire est que chacune
des frises latérales de la table correspondent et expliquent de façon imagée les phrases de cette
inscription. On voit mal ces frises aujourd’hui mais à l’époque les pèlerins pouvaient les voir depuis
le déambulatoire car l’autel était à l’étage au fond du chœur.
L’inscription comporte TROIS PHRASES EN LATIN, ainsi traduite en français.
+ Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, les confrères du Saint martyr Saturnin ont
fait établir cet autel sur lequel l’office divin sera célébré pour le salut de leurs âmes
et de celles de tous les fidèles de Dieu. Amen.
+ O Saturnin, confesseur de Dieu et martyr insigne, toi qui, pour le nom du Christ,
est mort, trainé par un taureau, en la ville de TOULOUSE, puisque tu assumes les
actes profanes, porte les prières de ton peuple aux oreilles du Tout-Puissant, afin
que lui soit agréable ce qui est célébré sur cet autel.
+ Bernard Gilduin m’a fait.
L’inscription insiste donc sur l’intercession de Saint Sernin pour le salut des âmes.
En dessous de l’inscription, tout le long de la table court un bandeau vertical continu qui s’orne de 3
rangées d’écailles de poisson qui rappellent celles des sarcophages paléochrétiens découverts aux
alentours de Saint-Sernin. La 1ère
basilique paléochrétienne s’était en effet vite entourée surtout vers
l’Est d’un important cimetière paléochrétien : beaucoup de chrétiens souhaitaient en effet être
enterrés auprès des Saints, « ad sancta » dès les siècles suivants la mort du martyr. En effet, il
s’agissait de bénéficier de leur intercession et du pardon qu’ils peuvent accorder.
3.1 1ère frise frontale – face postérieure de la table
La 1ère
phrase de l’inscription indique :
« + Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, les confrères du Saint martyr Saturnin
ont fait établir cet autel sur lequel l’office divin sera célébré pour le salut de leurs
âmes et de celles de tous les fidèles de Dieu. Amen.»
Dans cette 1ère
phrase il est question du salut des âmes, de ceux des chanoines et de ceux des
chrétiens. Or, si nous nous approchons de la 1ère
frise frontale, elle représente des colombes au
milieu d’une végétation merveilleuse.
Il s’agit d’un thème byzantin, que l’on retrouve notamment dans la superbe mosaïque byzantine de
l’Eglise Saint Clément de Rome, proche du Colisée. On le retrouve également dans le palais de
Tolède. La mosaïque représente l’arbre de vie avec une multitude d’oiseaux : cette végétation
merveilleuse représente le paradis et les oiseaux représentent les âmes. Dans l’Evangile, on dit que
le Royaume des Cieux est semblable à un arbre avec des oiseaux.
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3.2 1ère frise latérale – face droite de la table
Dans la 1ère
phrase il est question également de l’office divin célébré sur l’autel, c'est-à-dire de la
messe. On y parle également des fidèles, le peuple chrétien et des confrères du Saint martyr
Saturnin, c'est-à-dire les chanoines commanditaires et conservateurs de la Basilique, qui manifestent
leur foi à travers la liturgie et placent leur espérance dans le pouvoir d’intercession du Saint. On y
parle donc de l’Eglise dans tout le sens du terme.
Or sur la frise latérale, nous voyons au centre le Christ imberbe en buste, représentation
typiquement paléochrétienne. Il est entouré de la Vierge Marie qui porte la couronne et de Saint
Pierre à sa droite (clés). Il est accompagné de Saint Jean et Saint Paul (calvitie) à sa gauche, ainsi
que d’autres apôtres indéterminés. Il s’agit sans doute d’une évocation du drame du calvaire dont la
messe est le mémorial et dont on parle dans l’inscription.
Il s’agit aussi de l’allégorie de l’Eglise (la Vierge Marie est la Mère de l’Eglise : « Mère, voici ton
fils ; fils, voici ta mère » paroles prononcées par le Christ au calvaire; Saint Pierre et Saint Paul sont
les 2 colonnes de l’Eglise).
La 2ème
phrase de l’inscription commence comme suit :
« + O Saturnin, confesseur de Dieu et martyr insigne, toi qui, pour le nom du
Christ,…»
On parle du martyr, or le Christ est montré avec les mains étendues. Il est peut être en train de
montrer les plaies de ses mains : c’est le sacrifice et le martyr dont parle l’inscription.
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3.3 2ème frise frontale – face antérieure de la table
La 2ème
frise frontale, représente le retour du Christ glorieux à la fin des temps. Comme le
précédent, il est jeune et imberbe, conformément à la tradition paléochrétienne, mais cette fois il
tient le Livre.
Il porte un nimbe crucifère, caractéristique propre à la représentation du Christ. Il est encadré d’un
cercle perlé et rempli de gloire et de lumière. Une lumière divine que même les anges ne peuvent
regarder car ils détournent le regard.
Les anges les plus proches portent le sceau de Dieu : la Croix. Les derniers anges sortent au complet
et tendent un voile. C’est le ciel, l’espace céleste. Cela reprend un thème gréco-romain. Cela veut
dire qu’on est dans le ciel, et les anges semblent flotter dans le ciel.
3.4 2ème frise frontale – Une iconographie paléochrétienne
Faisons un petit aparté sur cette extraordinaire frise dont l’iconographie remonte à la période
paléochrétienne. En effet, les premières représentations connues de la parousie représentant Jésus
Christ tenu par deux anges aveuglés par sa lumière sont encore visibles :
- A Ravenne, dans l’extraordinaire basilique San Vitale, du milieu du VIème siècle
- au Musée du Louvre, sur le fameux « ivoire Barberini », pièce byzantine datée de la
première moitié du VIème siècle,
- dans l’église wisigothique de Quintanilla (Burgos, Espagne) du VIIème siècle,
- à Londres, dans le Victoria and Albert Muséum, Ravenne, sur le magnifique ivoire qui
couvrait l’évangile de Lorsch, et qui est daté de l’école de Charlemagne, vers 800-810
Dans l’église San Vitale la mosaïque ci-dessous représente l’exaltation de la Croix portée dans une
imago clipeata (portrait bouclier ou encadré)par deux anges:
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Dans l’ivoire Barberini ci-dessous, la plaque supérieure du feuillet est occupée par deux anges
portant également une imago clipeata, un grand médaillon où figure un buste du Christ, jeune et
imberbe, tenant dans la main gauche un sceptre cruciforme, et faisant de la main droite le signe
traditionnel de bénédiction (l'annulaire replié sur le pouce). Les symboles du soleil, à gauche, et de
la lune et d'une étoile, à droite, encadrent le buste.
Signe de la diffusion de l’art paléochrétien à travers l’Europe, nous retrouvons dans l’église
wisigothique de Quintanilla du VIIème siècle (Burgos, Espagne), sur un bloc de pierre, la même
iconographie avec de nouveau le sceptre :
Dans l’ivoire qui couvrait l’évangile de Lorsch ci-dessous, nous retrouvons la même iconographie
mais le sceptre disparait (à noter qu’il est porté par les anges dans la frise de l’autel de la Basilique).
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Cette iconographie, trouvée à l’origine notamment sur des sarcophages païens qui glorifiaient le
personnage disparu tenu par deux personnages ailés (cf. ci-dessous sarcophage de la via
casilina/Torraccia, Musée des Thermes de Dioclétien, Rome) a donc probablement été récupérée
par le christianisme3
. Serait ce pour symboliquement effacer ce triomphe humain et y remplacer le
triomphe du Christ, vrai Dieu et vrai homme ? En tout cas, elle a été vraisemblablement transmise
au long des siècles à travers les différentes civilisations chrétiennes : l’école byzantine, l’école
wisigothique, l’école de Charlemagne…puis l’art roman s’inspirant de l’art paléochrétien.
3.5 2ème frise latérale – face gauche de la table
La 2ème
phrase indique « + O Saturnin, confesseur de Dieu et martyr insigne, toi qui,
pour le nom du Christ, est mort, trainé par un taureau, en la ville de TOULOUSE,
puisque tu assumes les actes profanes, porte les prières de ton peuple aux oreilles
du Tout-Puissant, afin que lui soit agréable ce qui est célébré sur cet autel. »
Nous retrouvons donc dans cette frise latérale, Saint Sernin avec ses 2 diacres. Ils sont entourés de 2
animaux étranges et deux personnages énigmatiques, de profil, comme basculés, tenant
vigoureusement deux cordes qui entourent les griffons. Ces personnages pourraient être des cochers
qui tiennent les lianes d’un griffon.
3 Suivant Grabar André. L'imago clipeata chrétienne. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, 101e année, N. 2, 1957. pp. 209-213.
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Il pourrait aussi s’agir de l’ascension d’Alexandre, tiré vers le ciel par cet animal paradisiaque. Le
griffon est un personnage oriental, qui était interprété parfois par la chrétienté comme étant un
paradigme du salut, celui qui fait le lien entre la terre et le ciel. Le griffon symbolise l’élévation des
prières des fidèles.
C’est étrange, mais à l’époque, les chanoines étaient beaucoup plus proches de la littérature antique
païenne que nous.
En conclusion nous retrouvons un art d’inspiration fortement oriental et byzantin, mais également
d’inspiration paléochrétienne (écailles de poisson, christ imberbe…) et romaine. L’autel en soi est
devenu également un objet sacré, au-dessus du tombeau du Saint et il y a donc un lien entre l’autel
et le tombeau.
La 3ème
phrase de l’inscription indique le nom de l’auteur ce qui était très rare à l’époque romane. Il
jouissait donc d’un grand prestige.