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UNESCO UNESCO-CEPES CENTRE EUROPÉEN POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR L’Enseignement Supérieur en Europe Dans ce numéro: L’internationalisation de l’enseignement supérieur Vol. XXXII, No. 4, 2007

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UNESCO

UNESCO-CEPES CENTRE EUROPÉEN

POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

L’Enseignement Supérieur en Europe

Dans ce numéro:

L’internationalisation de l’enseignement supérieur Vol. XXXII, No. 4, 2007

L’Enseignement supérieur en Europe Volume 32 Numéro 4 2007

TABLE DES MATIERES

L’internationalisation de l’enseignement supérieur Editorial ............................................................................................................................ 289 Quel est la place des diplômés en sciences humaines sur le marché du travail dans la société du savoir ? Des données statistiques et une analyse sur l’exemple français Severine Louvel .................................................................................................................. 291 Les étudiants comme voyageurs entre des cultures de l’enseignement supérieur et le travail: un projet comparatif européen sur la transition de l’enseignement supérieur à la vie active Lars Owe Dahlgren, Gunnar Handal, Tomasz Szkudlarek et Manfred Bayer .................. 305 Le potentiel de carrière des universitaires migrants: une étude de cas multiple sur la mobilité académique dans les universités finlandaises David Hoffman................................................................................................................... 317 L’accréditation, le Processus de Bologne et les réactions nationales: l’accréditation comme concept et comme action Taina Saarinen et Timo Ala-Vähälä .................................................................................. 333 La mobilité des étudiants d’une perspective grecque: les avantages et les difficultés exprimées par les étudiants participants Natassa Raikou et Thanassis Karalis ................................................................................ 347 Le cadre culturel et les obstacles relatifs aux objectifs d’étudiants arabes dans deux collèges publics d’Israël Nitza Davidovitch, Dan Soen, et Michal Kolan ................................................................. 359 Des comparaisons internationales dans le financement de l’enseignement supérieur Domingo Docampo ............................................................................................................ 369 Pourquoi est-ce que les étudiants portugais vont à l’étranger pour obtenir leurs doctorats ? Emília Rodrigues Araújo ................................................................................................... 387 Tribune Des changements des définitions de l’autonomie universitaire: l’exemple du Royaume-Uni et du Japon Keiko Yokoyama................................................................................................................. 399

Comptes-rendus et études bibliographiques

Notes sur les auteurs ........................................................................................................ 411

Editorial L’internationalisation de l’enseignement supérieur La tendance de l’internationalisation dans l’enseignement supérieur sous une variété de formes est indéniable, et a été largement traitée dans la littérature récente sur l’enseignement supérieur. Ce numéro est dédié à ce sujet et présente une large gamme de perspectives en la matière. sur ce sujet. Les articles de ce numéro traitent un nombre des aspects de cette tendance, allant d’une analyse comparative de la transition de la vie étudiante à la vie active, présentée par Dahlgren, Handal, Szkudlarek et Bayer dans leur article intitulé « Les étudiants comme voyageurs entre des cultures de l’enseignement supérieur et le travail: un projet comparatif européen sur la transition de l’enseignement supérieur à la vie active », où ils comparent la situation dans quatre pays d’Europe, mettant en évidence les différentes approches nationales de ce problème d’actualité. Un autre problème important est la migration dans le cadre de l’enseignement supérieur, qui est traitée par Hoffman dans son analyse de l’exemple finlandais. Pour ce qui est des effets de la mobilité des étudiants et de l’expérience universitaire internationale sur les dispositions académiques et personnelles, ceux-ci sont traités dans deux autres articles: Raikou et Karalis présentent une étude sur des programmes d’études à l’étranger d’une perspective grecque, pendant que Rodrigues Araujo analyse les avantages et les problèmes liés aux périodes d’étude à l’étranger des étudiants doctoraux portugais, qui souhaitent effectuer une partie de leurs recherches ailleurs ou compléter leur doctorat hors Portugal. L’auteur présente une analyse détaillée des implications de ces initiatives sur leurs vies académiques ainsi que personnelles. L’internationalisation de l’enseignement supérieur est un des aspects implicites du plus grand projet actuel de l’enseignement supérieur européen, le Processus de Bologne. Certains des articles touchent à différentes éléments de ce processus, tandis que d’autres vont au-delà du cadre européen.

Quel est la place des diplômés en sciences humaines sur le marché du travail dans la société du savoir ? Des données statistiques et une analyse sur l’exemple français1

SEVERINE LOUVEL

L'émergence de la société du savoir et le développement de fonctions d’emploi basées sur les savoirs ne semblent pas améliorer de manière significative la situation des diplômés en sciences humaines sur les marchés du travail nationaux. Cet article offre un aperçu de la situation de l'emploi des diplômés français en sciences humaines et présente les récentes tentatives visant à l'améliorer. Une description de la manière dont l'emploi pour les diplômés en sciences humaines a évolué au cours de la dernière décennie sera suivie d'une analyse de deux initiatives gouvernementales complémentaires: le développement de diplômes d'enseignement professionnel supérieur et la professionnalisation de l’ensemble des programmes d’enseignement. L’article finit avec trois propositions fondées sur des expériences personnelles d’enseignement et une analyse plus étendue du système français d’enseignement supérieur.

Introduction Historiquement, les universités européennes ont été structurées autour des sciences humaines. L'enseignement supérieur en sciences humaines a été, d'une certaine manière, le foyer des cultures et des civilisations européennes. Au cours du dernier siècle, le développement des économies industrielles a remis en question la prédominance des sciences humaines au sein des universités. Les disciplines scientifiques, technologiques et professionnelles sont devenues de plus en plus importantes dans les systèmes d'enseignement supérieur. Les diplômés de ces domaines ont également été considérés comme étant les diplômés les plus importants, ayant les compétences nécessaires pour créer des valeurs économiques et sociales pour le bien commun. Même l'émergence récente de la société du savoir ne semble pas améliorer de façon spectaculaire la situation des diplômés en sciences humaines sur les marchés nationaux du travail. Les « humanistes » concernent généralement ici non seulement les sciences humaines classiques mais aussi l’acception plus étendue des sciences sociales et humaines qui englobent la littérature, la linguistique, la philosophie, l’histoire, les études culturelles, la sociologie, la psychologie, l'anthropologie et l'ethnologie. La compétitivité dans le monde de l'entreprise dépend évidemment de l'innovation dans le marketing, la communication et l'organisation, qui sont des fonctions dans lesquelles les diplômés en sciences humaines peuvent être des experts. Le monde des affaires et les administrations publiques pourraient également apprécier les compétences en sciences humaines lorsqu’il s'agit de narrativité interprétative, d'imagerie et de réflexion. Toutefois, et paradoxalement peut-être, les diplômés en sciences humaines ont toujours de grandes difficultés à trouver un emploi sur le marché du travail et à convaincre les employeurs potentiels que leurs savoirs sont pertinents pour leur entreprise.

Il existe de nombreux débats internationaux sur ces questions qui seront traitées dans les sections suivantes. 1 Cet article est basé sur une présentation faite à l’occasion de la conférence internationale sur « Les diplômés en sciences humaines sur le marché du travail dans la société du savoir », le 28 février 2005 à l’Université de Copenhague, organisée par l’Institut Culturel Danois.

Des perspectives d’emploi pour les diplômés français en sciences humaines durant la dernière décennie En France, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) rassemble des données sur les destinations des diplômés, deux ou trois ans après avoir quitté le système d’enseignement2. Même si les études du CEREQ offrent des riches données statistiques sur beaucoup des aspects concernant les destinations des diplômés, il s’impose néanmoins d’avoir une perspective générale sur l’évolution de l’emploi et du chômage dans le cas des diplômés en sciences humaines. Toutefois, les études du CEREQ permettent des comparaisons intéressantes entre la situation professionnelle des diplômés en sciences humaines et des diplômés d’autres programmes3.

Pour un plus haut diplôme universitaire, de meilleures conditions d’emploi Les diplômes d'enseignement supérieur protègent les diplômés de la précarité sur le

marché du travail. Au cours des deux dernières décennies, cette conclusion générale a été valable pour l’ensemble des programmes d’enseignement: depuis 1988, le taux de chômage des diplômés de ‘licence’ est constamment resté supérieur par rapport au taux de chômage des diplômés de master et de doctorat (Figure 1).

Figure 1. Taux de chômage après trois ans suivant l’obtention du diplôme (année de fin d’études)

0

2

4

6

8

10

12

14

1984 1988 1992 1994 1996 1998 2001

%

EngineeringSchoolsBusiness Schools

Licence (Bachelor)

Master and

Trois ans après avoir quitté le système d’enseignement supérieur, les taux de chômage

baissent et les conditions d’emploi (par exemple le salaire mensuel moyen) augmentent (Tableaux 1 et 2).

Tableau 1. Situation professionnelle en 1999 des diplômés (année de fin des études: 1996).

Taux de chômage Emplois à mi-temps

Revenu mensuel moyen des personnes employées (€)

Doctorat

2 Les enquêtes intitulées « Génération 1998 » et « Génération 2001 » ont été effectuées respectivement en 2001 et 2004. Celles-ci analysent la situation professionnelle des étudiants ayant quitté le système d’enseignement en 1998 et 2001. 3 Les lecteurs intéressés peuvent trouver des données détaillées su des sujets spécifiques dans les publications et les bases de données du CEREQ, à www.cereq.fr

Droit et sc. économiques 5% 9% 2.130 Sciences humaines 6% 14% 1.830 Sciences exactes 5% 18% 1.900 Sciences naturelles 10% 34% 1.830 Toutes disciplines 7% 22% 1.875 Master Droit et sc. économiques 8% 21% 1.525 Management 8% 10% 1.830 Sciences humaines 10% 27% 1.525 Toutes disciplines 8% 18% 1.630 Licence Droit et sc. économiques 13% 23% 1.200 Management 8% 13% 1.525 Sciences humaines 14% 37% 1.310 Toutes disciplines 13% 30% 1.310

Source: Martinelli et Vergnies (1999).

Tableau 2. Situation professionnelle en 2001 des diplômés en licence, master et doctorat (année de fin des études: 1998).

Taux de chômage

Emplois à mi-temps

Revenu mensuel moyen des personnes employées (€)

Master ou doctorat Sc. exactes et naturelles 5 % 16% 1 899 Droit et sc. économiques 7 % 25% 1 707 Sciences humaines 11% 35% 1 326 Licence ou Maîtrise Sc. exactes et naturelles 6% 27% 1 411 Droit et sc. économiques 7% 27% 1 267 Sciences humaines 8% 40% 1 156

Source: Cereq, génération 1998. Structurellement, cette relation négative entre le chômage et les diplômes

d'enseignement supérieur peut être expliquée de la manière suivante: tous les secteurs de l'emploi ont montré un besoin accru de managers (ou cadres) et de professions intermédiaires. L'emploi au niveau des postes supérieurs a sensiblement augmenté, de quarante-six pour cent, entre 1987 et 1999, alors que le niveau de l'emploi total n'a augmenté que de sept pour cent. Les augmentations pour les postes supérieurs ont varié largement selon la profession pour les moins de trente ans. Elles ont été considérables pour les ingénieurs (> quatre-vingt-dix-sept pour cent), les enseignants et les chercheurs (> soixante pour cent), les postes supérieurs en ventes et gestion (> quarante-neuf pour cent) (Martinelli et Vergnies, 1999). L'évolution de la structure de l'emploi est ainsi devenue favorable aux diplômés de master au cours des dernières décennies. En conséquence, l'augmentation simultanée du nombre de diplômés d'enseignement supérieur n'a pas conduit à des taux de chômage correspondants.

Des difficultés accrues pour les diplômés en sciences humaines Même si l'économie et la nature du travail ont changé pour tenir compte de l'augmentation du nombre de diplômés, les diplômés en sciences humaines se confrontent à des conditions d'emploi pires par rapport aux diplômés d'autres disciplines, et souffrent en termes de stabilité de l'emploi et de salaires moyens par rapport à d'autres diplômés (1300€ contre 1600€) (Tableau 3)

Tableau 3. Situation professionnelle en 2004 des diplômés (année de fin des études: 2001).

Taux de chômage

Emplois à mi-temps

Revenu mensuel moyen des personnes employées (€)

Tous les diplômés universitaires (à l’exception des diplômés de doctorat)

Droit et sc. économiques 11 % 25 % 1.600

Sciences humaines 16 % 41 % 1.300 Sc. exactes et naturelles 13 % 25 % 1.620 Diplômés doctoraux Droit et sc. économiques 11% 24%

Sciences humaines 17% 22% Ingénierie 6% 13%

Source: Giret, Molinari-Perrier et Moullet (2006) Lorsqu’on va plus en détail, les conditions d'emploi sont pires parmi les diplômés en

sciences humaines que chez les autres diplômés universitaires, au niveau des diplômes de licence et de master (voir les Tableaux 1 et 2). Il est à noter que les conditions d'emploi des diplômés en droit et sciences économiques sont comparables à celles des diplômés en sciences exactes.

Enfin, un diplôme n'est pas forcément le meilleur atout pour les humanistes pour éviter le chômage. Pour les humanistes qui ont quitté le système d'enseignement supérieur en 1999, un diplôme de haut niveau (master et doctorat) comportait un effet positif protecteur contre le risque de chômage (Tableau 1). Mais la situation actuelle est inversée, de sorte que les diplômés de master ou de doctorat connaissent des taux de chômage supérieurs par rapport aux diplômés de licence ou de maîtrise (11 pour cent contre 8 pour cent, Tableau 2). En outre, le taux de chômage des diplômés de doctorat est légèrement supérieur au taux de chômage des autres diplômés universitaires en sciences humaines (17 pour cent contre 16 pour cent, Tableau 3). Toutefois, les diplômés de master et de doctorat ont de meilleures conditions d'emploi que les diplômés de licence, pour ce qui est des éléments tels que la sécurité de l'emploi et les revenus.

Un besoin grandissant de diversification des secteurs de l’emploi ? En France, le service public a été la destination favorite des diplômés en scienecs humaines au cours des deux dernières décennies (Tableau 4).

Tableau 4. Emploi dans le secteur public en 1983 des diplômés en sciences humaines ayant obtenu leur diplôme de « licence » et de « maîtrise » en 1978

Emploi dans le secteur public Littérature 83 % Langues 75 % Langues appliquées 44 % Histoire 81 % Géographie 67 % Philosophie 64 % Sociologie 73 % Psychologie 55 %

Source: Charlot (1987) La prédominance de l’emploi dans le service public (y inclus des postes

d’enseignement) explique pourquoi les salaires moyens demeurent moindres pour les programmes en sciences humaines. A présent, la majorité des diplômés en sciences humaines se dirigent toujours vers un emploi dans le secteur public (Tableaux 5 et 6), souvent comme enseignants (Tableau 6).

Tableau 5. Emploi dans le secteur public en 1997 des diplômés (année de fin des études: 1994).

Emploi dans le secteur public Diplômés doctoraux Sciences humaines 77% Toutes disciplines 65% Master Sciences 30% Droit et sc. économiques 26% Sciences humaines 63% Licence Sciences 38% Droit et sc. économiques 32% Sciences humaines 63%

Source: Martinelli, Sigot et Vergnies (1997)

Tableau 6. Emploi dans le secteur public et secteurs de l’emploi en 2001 pour les diplômés (année de fin des études: 1998).

Emploi dans le secteur public

Enseignement (majoritairement emploi dans le secteur public)

Administration publique

Master et doctorat Sc. exactes et naturelles 23% 15 % 3 % Droit et sc. économiques 28% 9 % 22 % Sciences humaines 50% 35 % 11 % Licence ou Maîtrise Sc. exactes et naturelles 27% 18 % 9 % Droit et sc. économiques 30% 14 % 19 % Sciences humaines 51% 46 % 10 %

Source: Cereq Génération 1998

Tableau 7. Emploi dans le secteur public en 2004 pour les diplômés universitaires (année de fin des études: 2001).

Emploi dans le secteur public Tous les diplômés universitaires (à l’exception des diplômés de doctorat)

Droit et sc. économiques 25% Sciences humaines 51% Sc. exactes et naturelles 26% Diplômés doctoraux Droit et sc. économiques 69% Sciences humaines 74% Ingénierie 49%

Source: Giret, Molinari-Perrier et Moullet (2006)

Cependant, les humanistes ont diversifié graduellement leurs destinations d’emploi à partir de la moitié des années quatre-vingt-dix. Leur taux d’emploi dans le secteur public a baissé de plus de 10 pour cent, de 63 pour cent en 1997 (pour des diplômés de licence et de master ayant fini leurs études 1994, Tableau 5) à 50 pour cent (pour les diplômés de licence ou de maîtrise, de master ou de doctorat ayant fini leurs études en 1998, Tableau 6; pour l’ensemble des diplômés universitaires à l’exception des diplômés de doctorat ayant fini leurs études en 2001, Tableau 7). Le taux d’emploi dans le secteur public en ce qui concerne les diplômés de doctorat n’a pas baissé de manière significative entre 1997 (77 pour cent, Tableau 5) et 2004 (74 pour cent, Tableau 7). Durant la décennie à suivre, le nombre de postes dans le secteur public devrait augmenter plutôt lentement (Martinelli et Vergnies, 1999). Les diplômés en sciences humaines, plus que les diplômés d’autres disciplines, devront ainsi devoir diversifier leurs secteurs d’emploi afin d’obtenir de meilleures conditions d’emploi (ou au moins afin de préserver leurs conditions actuelles d’emploi).

Le programme d’études a généralement beaucoup influencé l’orientation professionnelle des diplômés en sciences humaines (Tableau 8) et les opportunités de diversification de leurs destinations d’emploi.

Tableau 8. Proportion des enseignants (occupant des postes permanents et temporaires) en 1981 parmi les diplômés en sciences humaines ayant obtenu leur diplômé de « licence » et de « maîtrise » en 1978.

Postes d’enseignement Maîtrise Littérature 70 % Langues 53 % Histoire et géographie 54 % Psychologie 17 % Licence Littérature 50 % Langues 61 % Histoire et géographie 30 % Psychologie 20 %

Source: Charlot (1987) Des programmes d’études comme la littérature et les langues mènent principalement à

des postes d’enseignement dans le secteur public; d'autres programmes mènent à des postes diversifiées dans le secteur public (histoire) ou dans les secteurs public et privé (philosophie, géographie, sociologie, psychologie). Indifféremment de leurs disciplines spécifiques, les diplômés en sciences humaines rencontrent actuellement deux difficultés majeures dans la diversification de leurs employeurs. Tout d'abord, les diplômés en sciences humaines ayant des diplômes intermédiaires (diplômés de licence et de maîtrise4) sont, plus que d'autres diplômés, souvent surqualifiés pour leur emploi (par exemple, des professions de secrétariat, ou dans le domaine de la santé et de l'éducation, des professions administratives et commerciales) (Giret, Moullet et Thomas, 2002). Deuxièmement, lorsqu’ils recherchent des postes de haut niveau dans le secteur privé (par exemple dans les domaines de l'administration, de la communication, du Droit, des ressources humaines), les diplômés en sciences humaines ayant des diplômes intermédiaires et supérieurs (maîtrise, master et doctorat) sont en concurrence avec des diplômés d’autres disciplines (management, Droit et sciences économiques) et d’écoles de commerce, qui peuvent être mieux préparés pour ces emplois.

Les universités ne représentent qu’une partie de l’enseignement supérieur français5 et il y a des structures non-universitaires qui offrent des diplômes prestigieux, qui sont très appréciés sur le marché du travail privé.

Il existe deux grandes structures aux côtés des universités: les écoles supérieures publiques ou privées, qui octroient des diplômes d'ingénierie ou de commerce et de gestion, et les Grandes Ecoles (principalement à des fins scientifiques, mais aussi pour les étudiants des arts et du commerce), qui peuvent être comparées aux meilleures universités étrangères.

Deux transformations en cours visent à aider tous les diplômés d'améliorer leurs opportunités professionnelles sur le marché du travail privé. Celles-ci pourraient avoir un effet important sur le début des carrières des humanistes. Celle qui est la plus 4 Le diplôme de maîtrise est un ancien diplôme qui était fourni à la fin de quatre années d’études. Il a été remplacé à la suite de la mise en œuvre du Processus de Bologne en 2002. 5 Les étudiants universitaires ne représentent que les trois quarts du nombre total des étudiants de l’enseignement supérieur. Cette bipartition fait que le système français d’enseignement supérieur soit difficilement comparable au niveau international.

institutionnalisée concerne le développement de programmes d’études professionnelles. La seconde peut être moins visible, mais est également cruciale. Elle concerne la professionnalisation de l’ensemble des programmes d’études.

L’établissement de filières professionnelles pour les diplômés en sciences humaines ?

Les diplômes d’enseignement supérieur professionnel en France: l’accroissement des opportunités d’emploi pour les humanistes

Aujourd’hui, il y a plus de diplômes d’enseignement supérieur professionnel en France que dans la plupart des autres pays (Tableau 9).

Tableau 9. Diplômes d’enseignement supérieur professionnel en France

Premier cycle DUT (Diplôme universitaire technique) DEUST (Diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques)

Deuxième cycle licence professionnelle licence IUP maîtrise IUP (devenant la première année du master à la suite de la réforme LMD).

Troisième cycle Master professionnel, DRT (Diplôme de recherche technologique) Etudes doctorales

CIFRE (Conventions industrielles pour la formation par la recherche)

Source: adapté à partir de Dubois (2003) Pour Dubois (2003), cette particularité française est le fruit de quarante ans, durant

lesquels les gouvernements français ont mis en place de nouveaux diplômes sans abolir celles qui existaient déjà.

De nouveaux programmes d’enseignement comblant le fossé entre les diplômés de licence ou de master et le secteur privé ont été créés principalement à deux niveaux. En 2002, la mise en œuvre de la réforme de Bologne en France (ce qu’on appelle la « réforme LMD » ou Licence / Master / Doctorat) a légèrement modifié cette structure. Elle a surtout aboli tous les diplômes de maîtrise (devenant la première année de master).

Après avoir obtenu le diplôme de licence, les étudiants ont le choix entre une voie professionnelle (master professionnel) et une voie de recherche (master de recherche). A compter de 1999, ils peuvent passer un diplôme de licence axée sur le professionnel (« Licence professionnelle »).

Les programmes doctoraux qui visent à promouvoir le recrutement de diplômés de doctorat dans le secteur privé ont été créés depuis les années quatre-vingt. En 1981, le gouvernement français a créé un contrat appelé CIFRE (« convention industrielle de formation par la recherche »), par lequel une entreprise embauche un étudiant au doctorat pour trois ans et reçoit des fonds du gouvernement français. Au cours des quinze dernières années, des étudiants en doctorat en sciences humaines ont pu bénéficier des conventions CIFRE, d'où ils étaient auparavant exclus.

Dubois (2003) caractérise les diplômes professionnels (à l'exception du doctorat) selon quatre caractéristiques principales (Dubois, 2003), en les distinguant de l'ensemble des diplômes d'enseignement supérieur français6. Cette conception particulière pourrait améliorer l'employabilité des diplômés en sciences humaines. 6 Les diplômes généraux et professionnels ont un point commun: le rôle central joué par l’Etat dans leur élaboration. Le Ministère de l’enseignement supérieur définit le cadre général des études (leur rythme, la

Des programmes d’études conçus en rapport avec des caractéristiques du marché du travail Les contenus des études professionnels sont établis en rapport avec l’évolution du marché du travail et les compétences supérieures requises par les firmes. Conséquemment, il y a un numerus clausus pour suivre des études professionnelles. L’accès à un programme axé sur le travail est restreint selon les perspectives d’emploi dans un secteur économique spécifique. Les étudiants potentiels doivent en général remplir des dossiers afin d’être admis. Il n’y a pas de procédures de sélection pour les programmes généraux, ce qui veut dire que tout étudiant qui possède un diplômé français de baccalauréat peut s’inscrire dans toute université dans la discipline de leur choix. L’absence d’une procédure de sélection a assuré la massification et la démocratisation de l’enseignement supérieur durant les quarante dernières années, mais elle pose des problèmes de taille. En effet, le nombre d’abandons suivant la première année d’études universitaires est élevé, puisqu’un grand nombre d’étudiants choisissent un programme d’études pour lequel leur baccalauréat ne les avait pas préparés. Beaucoup d’étudiants des programmes généraux quittent également l’enseignement supérieur sans même obtenir leur diplôme. Il est devenu un des problèmes principaux des universités de donner à ces étudiants « une deuxième chance ». Etant donné que les humanistes sont surreprésentés parmi ces étudiants7, ils sont plus particulièrement concernés par les nouvelles opportunités d’orientation offertes par ces diplômes.

Des innovations pédagogiques L'organisation des études professionnelles diffère largement de celle des programmes généraux. Une caractéristique commune par rapport aux programmes axés sur l'emploi est la pluridisciplinarité, chacun d'entre eux associant plusieurs disciplines pour produire les capacités nécessaires pour effectuer un travail particulier. L'écart entre les programmes généraux et professionnels est particulièrement important dans les sciences humaines. La pédagogie est souvent diversifiée et fondée sur l'apprentissage par la pratique des méthodes. Des études de cas, des jeux de société, la résolution de problèmes, des logiciels de simulation, ainsi que des projets collectifs aident les étudiants à apprendre les relations sociales au travail. Enfin, chaque étudiant doit compléter un stage, dont la durée minimale dépend du diplôme. En outre, certains programmes axés sur l’emploi sont organisés selon le système d'apprentissage, où les étudiants ont un contrat de travail avec une entreprise.

Aussi, le niveau des allocations par étudiant est plus élevé dans les programmes professionnels et les entreprises peuvent apporter des ressources supplémentaires. Les programmes axés sur le travail peuvent ainsi bénéficier de ressources humaines et financières confortables pour mettre en œuvre leurs innovations pédagogiques.

structure de leurs contenus), et les diplômes universitaires; les universités doivent ensuite respecter ce cadre prédéfini en proposant des cours, des procédures d’évaluation, des conditions d’orientation à a fin de chaque semestre. Enfin, le Ministère valide ces propositions avec ou sans modifications. Par la suite, les contenus de chaque discipline et l’organisation des cours peuvent différer largement d’une université à l’autre, même dans la même région géographique: Thélot (1998). 7 En 2001, six sur dix étudiants quittant le système d’enseignement supérieur sans obtenir leur diplôme provenaient de la première ou la deuxième année d’études d’un programme général. Parmi ceux-ci, 19 pour cent étudiaient les sciences exactes, 27 pour cent les langues et la littérature, 24 pour cent d’autres sciences sociales et humaines, et 30 pour cent le Droit, les sciences économiques et le management (Giret, Molinari-Perrier et Moullet, 2006).

Le partenariat entre le monde académique et le monde des affaires Les partenaires économiques participent aux discussions qui ont lieu au niveau national lorsqu’un nouveau diplôme est mis en place. Ils ont surtout un rôle crucial à jouer au niveau local. Ils sont associés à tous les comités (d'admission, d’examen, d'évaluation) et à toutes les formes d'enseignement. La loi prévoit par exemple le pourcentage d'heures d'enseignement censé être assuré par des professionnels.

Le partenariat entre les enseignants et les employeurs potentiels a parfois manqué de répondre aux attentes. Cette conclusion ressort notamment des études détaillées qui ont été réalisées sur les certificats professionnels (Maillard et Véneau, 2003). Les auteurs montrent comment le processus de création de certificats professionnels8 est souvent initié par des enseignants qui ont déjà eu des contacts avec des entreprises et qui ont analysé le contexte de l'emploi. Des partenaires économiques viennent s’associer durant la deuxième étape du processus, lorsque le département d'enseignement a déjà établi la structure du nouveau diplôme. Les auteurs montrent aussi la grande variété de partenaires économiques qui ont pris part aux projets. Des agences d’emploi et des organismes professionnels ont été parfois beaucoup plus impliquées que les employeurs potentiels.

Cependant, la conclusion des auteurs est que les licences professionnelles ont introduit des changements significatifs dans la manière dont les départements d'enseignement conçoivent les programmes et définissent l'articulation entre les diplômes et le marché du travail. Ces changements ont représenté une tournante pédagogique et institutionnelle pour les départements de sciences humaines qui ont introduit des licences professionnelles (en histoire, géographie, psychologie, sociologie, arts). Ils ont dû repenser leur programme en termes de qualifications et de compétences au lieu de connaissances disciplinaires.

Des résultats encourageants Même s’il existe plusieurs manières d’améliorer l’organisation des diplômes professionnels, ces programmes ont contribué à l’accroissement de l’employabilité des diplômés. La situation professionnelle des diplômés professionnels est meilleure que celle des diplômés généraux, au même niveau d’enseignement (Tableau 10 et Giret, Moullet et Thomas, 2003). Cette conclusion générale s’applique aussi aux diplômés en sciences humaines, au niveau du master (Tableau 10) ainsi qu’au niveau de la licence (Tableau 11).

Tableau 10. Situation professionnelle en 2001 des diplômés (année de fin des études: 1998).

Taux de chômage

Emplois à mi-temps

Revenu mensuel moyen des personnes employées (€)

Master professionnel Sc. exactes et naturelles 6,1% 11% 1.830 Sc. humaines et sociales 6,2% 23% 1.680 Master de recherche Sc. exactes et naturelles 7,2% 22% 1.770 Sc. humaines et sociales 6,5% 36% 1.560 Maîtrise IUP Secteur industriel 4,9% 10% 1.680 Services 3% 24% 1,520 Maîtrise

8 Trois sur quatre licences professionnelles ont été initiées à travers ce processus.

Sc. exactes et naturelles 5.6% 38% 1,370 Sc. humaines et sociales 10% 31% 1.300

Source : Cereq, génération 1998.

Tableau 11. Situation professionnelle en 2004 des diplômés de licence (année de fin des études: 2001).

Taux de chômage Emplois à mi-

temps

Revenu mensuel moyen des personnes employées (€)

Licences professionnelles

Services 12% 26% 1.370 Tous secteurs 9% 22% 1.380 Licences générales Sc. humaines et sociales 14% 30% 1.250

Toutes les disciplines 12% 33% 1.300

Source: Giret, Molinari-Perrier et Moullet (2006)

Pour ce qui est du diplôme de master, un master professionnel accroit de façon significative l'emploi à long terme pour les diplômés en sciences humaines. Ceux qui ont obtenu l’ancien diplôme de maîtrise professionnelle (« maîtrise IUP ») ont connu un taux de chômage beaucoup plus faible par rapport aux diplômés en sciences humaines qui ont obtenu un diplôme de maîtrise générale. Pour ce qui est du diplôme de licence, les diplômés en sciences humaines ayant obtenu une licence professionnelle bénéficient de salaires plus élevés, d’emplois plus qualifiés, et d’un plus grand accès à des postes intermédiaires et supérieurs (Maillard et Véneau, 2003).

Toutefois, il convient de noter que le programme professionnel ne réduit pas l'écart disciplinaire entre les sciences humaines et les autres disciplines que nous avons mis en évidence au niveau du programme général.

Enfin, les étudiants en doctorat en sciences humaines qui sont financés par le biais d'une convention CIFRE bénéficient, comme dans d'autres disciplines, de l’amélioration substantielle des conditions d'emploi qu’offre la convention CIFRE. Six mois après la défense de leur thèse de doctorat, 44 pour cent des diplômés doctoraux CIFRE occupent un poste dans l'entreprise où ils ont travaillé au cours de leur doctorat. 33 pour cent d'entre eux ont un poste dans d'autres sociétés. Le taux de chômage diminue de 14 pour cent juste après la soutenance de la thèse de doctorat à 3 pour cent six mois après. Un des problèmes est que les humanistes ont encore un accès limité aux conventions CIFRE. A l'heure actuelle, 15 pour cent des étudiants doctoraux financés par le biais du système CIFRE travaillent dans les sciences sociales et humaines (soit entre 100 et 150 accords par an). Mais une observation détaillée montre que 35 pour cent travaillent dans l'économie et les finances, 19 pour cent dans le Droit, 21 pour cent dans les domaines technologiques, de sorte que les humanistes sont une minorité dans les conventions CIFRE9.

Il y a de plus en plus de types de diplômes professionnels en France et de plus en plus d’étudiants en sciences humaines suivent ces cours professionnels. Cependant, l’amélioration des opportunités d’emploi de la majorité requiert la professionnalisation de

9 Source: Ecole doctorale de Droit, Université de Poitiers. Compte-rendu des accords CIFRE.

l’ensemble des programmes en sciences humaines. L’idée de la professionnalisation de l’ensemble des études de l’enseignement supérieur n’est pas nouvelle, mais elle a connu quelques évolutions récentes.

… Ou la professionnalisation de l’ensemble des programmes?

Les réformes en cours En avril 1997, le gouvernement français a réformé le programme en introduisant le diplôme de master. On a organisé les études selon des unités d'enseignement qui pourraient être « capitalisées », c'est-à-dire conservées pendant un certain laps de temps. Chaque unité d'enseignement correspond à un « groupe cohérent de contenus et d’activités d’enseignement » qui s'étend sur une période donnée de six mois ou un semestre (Thélot, 1998). Toutefois, les dimensions centrales du programme sont restées organisées sur une base annuelle (les examens, les procédures de réorientation...). En conséquence, les étudiants n'ont pas profité de la semestralisation comme d’une chance de diversifier et de professionnaliser leurs études.

La « réforme LMD » pourrait avoir un impact sur la professionnalisation des étudiants en sciences humaines par la refonte des cours. Par exemple, un rapport récent remis au gouvernement français (2006) a suggéré le développement du système d'apprentissage pour les étudiants en Droit et sciences humaines, au niveau de la licence et du master. Toutefois, il est trop tôt pour évaluer comment cette réforme pourra influencer les possibilités d'emploi.

Les réformes récentes visent également à la professionnalisation des études de doctorat dans toutes les disciplines et cela peut avoir un impact positif sur les étudiants doctoraux en sciences humaines. Une fois de plus, il est encore trop tôt pour remarquer des changements importants. Ces réformes seront brièvement énumérées ci-dessous:

A compter de 2000, chaque étudiant doctoral doit être affilié à une école doctorale qui

offre plusieurs formations. Ces formations doivent être liées à la recherche doctorale ou au projet professionnel des étudiants doctoraux.

A compter de 1998, une « charte des thèses » relie l’étudiant doctoral, le directeur de thèse, le directeur du laboratoire et le directeur de l’école doctorale. La mise en œuvre de la charte est obligatoire mais il n’y a pas d’obligation légale à la respecter et point de sanctions légales. Ainsi, la « charte des thèses » ne peut pas être considérée comme étant un contrat assurant la responsabilité, les devoirs et les droits de chaque acteur de la formation doctorale.

A compter de 1994, les étudiants doctoraux peuvent participer à un séminaire d’une semaine intitulé « Doctoriales ». Financé par le Ministère français de l’éducation et de la recherche, ce séminaire est dédié à la préparation de leur projet professionnel.

Enfin, il y a des associations10 qui promeuvent l’emploi doctoral en publiant des offres d’emploi et des profils de candidats.

Un monde des affaires aux à l’affût Il existe de nombreuses preuves statistiques qui montrent que le monde des affaires est encore réticent à employer des diplômés en sciences humaines. Au contraire, il n’y a que très peu d’études empiriques qui analysent pourquoi les employeurs ne considèrent pas les diplômes en sciences humaines comme des « passeports pour l'emploi ».

A la demande du gouvernement français, une étude qualitative a été effectuée en 2001 (Haut comité éducation-économie-emploi, 2001) en vue de savoir plus sur les pratiques de 10 La plus importante association est l’Association Bernard Gregory: http://www.abg.asso.fr

recrutement dans le secteur privé. Beaucoup d'employeurs ont été invités à définir les principaux critères utilisés lors de l'embauche de jeunes diplômés de master. L'étude montre que les employeurs préfèrent embaucher des étudiants de grandes écoles aux dépens des universités. La réputation de l'école leur donne un signal pour ce qui est des compétences des jeunes diplômés. Cette préférence désavantage les diplômés en sciences humaines par rapport aux diplômés provenant d’écoles de commerce et de management.

Cependant, les employeurs apprécient de nombreuses qualités des diplômés en sciences humaines, telles que l'autonomie, la créativité et ouverture d'esprit, mais les considèrent mal préparés pour les réalités du travail dans le secteur privé. Il existe des doutes concernant l’acquisition de compétences professionnelles par ces diplômés, alors qu’on fait plus de confiance dans la capacité d'insertion professionnelle des diplômés de masters professionnels. Ce scepticisme est la preuve de la nécessité de développer des programmes professionnels et de renforcer la professionnalisation des diplômes généraux.

Concernant les diplômés doctoraux, même s’il n’y a pas d’étude systématique sur le sujet, plusieurs analyses et expériences personnelles convergent pour montrer que les employeurs potentiels ont tendance à voir le doctorat comme un diplôme universitaire. La bipartition du système français de formation en universités et écoles supérieures est de nouveau responsable pour les difficultés des diplômés doctoraux à entrer dans des entreprises privées. La perception est que les universités sont censées fournir une formation universitaire, alors que les écoles de commerce et d'ingénierie sont censées former de futurs managers.

En conclusion, nous aimerions présenter trois propositions sur le thème de la professionnalisation de l’ensemble des programmes en sciences humaines. Bien que ces propositions reflètent nos analyses et opinions personnelles, elles pourraient contribuer aux discussions générales entre les acteurs des établissements d'enseignement supérieur.

Trois propositions et une conclusion

Le système LMD, la flexibilité et la professionnalisation La mise en œuvre du système LMD a introduit la semestrialisation de l'organisation française des études. Il vise à permettre aux étudiants en sciences humaines de découvrir des disciplines complémentaires et de faciliter un éventuel passage vers d'autres programmes. La flexibilité de ce système devrait accroître la polyvalence des étudiants, en termes de disciplines mais aussi de méthodes de travail. Cette flexibilité, et la possibilité pour les étudiants de suivre des cours dans différentes universités ou départements d'enseignement, pourrait être une occasion pour compenser le manque de ressources dont souffrent beaucoup de départements de sciences humaines. Par exemple, les étudiants peuvent compléter leur formation en langues étrangères ou une formation en informatique dans un autre département. Mais cette flexibilité soulève plusieurs questions: est-ce que les départements d'enseignement auront suffisamment de moyens, d’outils d'orientation et de structures de conseil pour aider les étudiants à trouver leur chemin ? Comment répondront-ils à l'inégalité des possibilités et aptitudes que les étudiants développeront (par rapport à leur contexte social et éducatif) pour s’orienter eux-mêmes ?

La reconnaissance des compétences existantes en tant que professionnelles L'acquisition de compétences professionnelles n'est pas toujours synonyme de l'acquisition de compétences supplémentaires. Que peuvent faire les départements d'enseignement et les enseignants afin de renforcer la valeur professionnelle de chaque programme en sciences humaines ?

Les universités ont des services consultatifs de carrière qui distribuent des produits d'information sur papier et sur le web, concernant les profils professionnels (par exemple, des descriptions de diverses professions, des descriptions de destinations pour les diplômés: que peut-on faire avec un diplôme en histoire ?), des guides pour rédiger des CV, des techniques d'entrevue. Ces services peuvent aider les diplômés à reconnaître les compétences professionnelles qu'ils ont déjà acquis et à trouver des destinations d’emploi convenables.

Les départements d'enseignement et les enseignants peuvent également introduire des cours consacrés à la professionnalisation. On pourrait puiser certaines remarques issues de nos expériences d'enseignement dans le cadre d’un département de sciences humaines d'une université française (couvrant des disciplines comme la psychologie, la sociologie, les arts, le Droit et l’histoire): les enseignants ont remarqué que leurs étudiants ont souvent le sentiment d'être isolés du marché du travail et de manquer les compétences requises dans le secteur privé, et donc ont mis en place un nouveau cours menant à un diplôme de licence, intitulé « découvrir le monde professionnel ».

Le cours vise à développer les compétences requises pour la recherche d'un emploi et pour la vie active (compétences de base en traitement de texte, compétences de communication), mais aussi à aider les étudiants à découvrir des secteurs d'emploi où ils aimeraient travailler. A cette fin, les étudiants passent quelques semaines avec deux différents groupes de professionnels. Ces périodes sont conçues comme des périodes d'observation plutôt que comme des stages: les étudiants ne travaillent pas, mais discutent avec les professionnels et les suivent dans leurs activités. Cette expérience permet à certains d'entre eux de découvrir leur vocation professionnelle, mais aussi aide tous les étudiants à explorer les orientations professionnelles et à ajuster leurs perceptions et leurs opinions par rapport aux réalités professionnelles.

Enfin, l'une des principales difficultés connues par les enseignants durant le cours est de convaincre les étudiants que leur programme d’études contient de précieuses compétences pour un large éventail d'emplois. Un autre objectif est de développer chez les étudiants la confiance en eux-mêmes, en les encourageant à profiter de toutes les occasions possibles (périodes de formation, engagements associatifs ou volontaires, emplois d'été) pour tester, évaluer et améliorer ces compétences.

Notre expérience personnelle montre que les professeurs et les départements d’enseignement français ont la possibilité de mettre en œuvre des innovations pédagogiques dans les programmes de sciences humaines. Toutefois, des initiatives telles que celle décrite ci-dessus restent souvent individuelles ou isolées. Les enseignants manquent parfois d’appuis net et constant de la part de leur département d'enseignement. Dans d'autres cas, les universités n’offrent pas aux départements d'enseignement des buts précis de professionnalisation et des moyens appropriés (en termes de personnel et de matériel) pour pouvoir réaliser ces objectifs.

Ces initiatives devraient être généralisées, mais également institutionnalisées et soulagées de structures formelles, afin d'aider les étudiants en sciences humaines à développer leurs compétences génériques vers l’employabilité. On pourrait par exemple inclure des cours pour acquérir des compétences de gestion des carrières dans tous les programmes en sciences humaines, introduire des conseillers de carrière pour aider les étudiants en sciences humaines à reconnaître quelles sont leurs expériences de travail les plus profitables.

Le développement de la compréhension et de la connaissance réciproque entre les départements de sciences humaines et les employeurs potentiels Premièrement, on pourrait mettre en place des périodes de stage dans la plupart des disciplines. Deuxièmement, des employeurs potentiels pourraient apporter leur contribution à certains cours dans le cadre des programmes d'enseignement généraux, puisqu'ils font rarement partie de l'équipe enseignante. Les départements d'enseignement pourraient aussi promouvoir les avantages des diplômés en sciences humaines vis-à-vis des entreprises, en organisant des conférences, en écrivant des articles dans des revues spécialisées, en produisant et disséminant des matériaux. Le développement de ces échanges et partenariats entre les départements de sciences humaines et le monde des affaires détermineraient les employeurs potentiels à mieux apprécier les compétences développées par les humanistes. Cela devrait également aider les enseignants à concevoir des qualifications éducatives et des compétences professionnelles.

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Les étudiants comme voyageurs entre les cultures de l’enseignement supérieur et du travail: un projet comparatif européen sur la transition de l’enseignement supérieur à la vie active11

LARS OWE DAHLGREN12, GUNNAR HANDAL13, TOMASZ SZKUDLAREK14 et MANFRED BAYER15

Cet article traite de la faisabilité de l’enseignement supérieur par rapport aux exigences de la vie active. La recherche est une étude comparative qui implique quatre pays européens: la Suède, la Norvège, la Pologne et l’Allemagne. La recherche est axée sur les perceptions des étudiants de première année, de dernières années et des diplômés en psychologie et en sciences politiques. Les données sont obtenues à travers des entrevues semi-structurés, qui ont fait l’objet d’analyses qualitatives. Les résultats montrent que l’enseignement supérieur, à quelques exceptions, semble produire une identité basée sur la discipline parmi les étudiants. Ces conclusions peuvent être significatives en ce qui concerne l’importance de l’employabilité des compétences universitaires générales classiques.

Introduction L’intérêt pour la recherche sur la transition de l’enseignement supérieur à l’emploi a augmenté en Europe dans les années 1970, au même moment où ce processus de transition est devenu plus compliqué. On s’est rendu compte du fait que les établissements intermédiaires suivaient pour une grande partie leurs propres logiques et dynamiques. Ainsi, les attentes des employeurs et les critères de recrutement sont devenus des domaines importants de recherche. D’une certaine manière, cela a apporté des informations utiles pour l’établissement de priorités dans l’enseignement supérieur. Néanmoins, ces efforts n’ont jamais fourni des données régulières concernant l’ajustement entre l’enseignement supérieur et la vie active. Des raisons comme des incertitudes concernant les critères de recrutement et le manque de règles, des imperfections au niveau de l’identification des compétences des candidats, des jeux tactiques entre l’enseignement supérieur et le travail, et des fluctuations sur le marché du travail en soi, sont parmi les obstacles posés sur le chemin l’élaboration d’un système fonctionnel de rassemblement de données (Etzkowitz et al., 2000).

La gestion du rapport entre l'enseignement supérieur et le travail est un objectif important pour ce domaine de recherche. Les documents disponibles portent principalement sur les politiques dans les différents pays. Les études de l'OCDE, toutefois, ont effectué quelques comparaisons des politiques dans les pays de l'Europe occidentale. Ces données

Lucyna Kopciewicz

11 Les auteurs nommés, qui ont agi en tant que coordonnateurs pour les universités respectives impliquées dans le projet, voudraient remercier pour le travail et les contributions très importantes de l’ensemble du groupe du projet, pour toutes les phases du projet, y inclus la planification, la collection de données, l’analyse, la comparaison et la rédaction: Madeleine Abrandt Dahlgren, Håkan Hult, Helene Hård af Segerstad, Kristina Johansson (Université de Linköping, Suède); Berit Karseth, Kirsten Hofgaard Lycke, Tone Dyrdal Solbrekke (Université d’Oslo, Norvège); Malgorzata Cackowska, , Astrid Meczkowska, Maria Mendel, Anna Struzynska–Kujalowicz (Université de Gdansk, Pologne); et Tarek Lababidi (Université de Duisburg-Essen, Allemagne). 12 Université de Linköping, Suède 13 Université d’Oslo, Norvège 14 Université de Gdansk, Pologne 15 Université de Duisburg-Essen, Allemagne

montrent que la gestion des politiques a été assez semblable dans les années 1960 et 1970. La planification a été largement répandue dans les années 1960, et les besoins économiques et sociaux n’ont pas été considérés comme étant opposés. Dans les années 1970, toutefois, il y a eu un certain pessimisme au niveau de la planification et une expansion décourageante de l'enseignement supérieur qui ont pris la relève. Les études effectuées dans les années 1980 et au début des années 1990 révèlent une plus grande diversité dans l'enseignement supérieur entre les pays européens. Dans ces pays qui ont connu la plus grande expansion de l'enseignement, il semble que les facteurs relatifs à la demande sociale ont été tout aussi importants que les facteurs du marché du travail dans la détermination de la direction des politiques.

En revanche, une autre tendance, loin de suggérer un déclin, souligne le « renforcement du rôle de l'université » et l'étude de la « triple hélice » des relations entre les universités, l'industrie et le gouvernement (Etzkowitz et al., 2000). Comme Etzkowitz et al. le font remarquer:

“Dans une économie basée sur le savoir, l’université devient un élément clé du système de l’innovation, comme fournisseur de capital humain et comme incubatoire pour de nouvelles firmes. Trois sphères institutionneles (publique, privée et académique), qui fonctionnaient aupravant indépendemment dans des sociétés guidées selon le principe du ‘laissez-faire’, sont de plus en plus interconnectées dans un modèle de liens en spirale qui se manifeste à plusieurs stades du processus de création de politiques dans le domaine de l’innovation et industriel” (ibid. p. 315).

Pour répondre aux demandes du monde externe, les universités reçoivent et satisfont des demandes venant de l’industrie, du gouvernement, etc., tout en contribuant à leurs traditions. Ces mécanismes sont évidents si on tient compte des observations suivantes:

Les universités européennes doivent offrir une structure des études à deux paliers (diplôme de licence + cours de diplôme de Master) afin de réduire les études à long terme et d’arriver à préparer des spécialistes dans un plus bref délai de temps. Cela est arrivé à la suite de la directive unique de l’UE (1992), qui a également transformé les universités en des établissements proposant des activités d’enseignement tout au long de la vie. La formation professionnelle durant la vie active devient plus importante que les autres types de formations préalables. Les arguments qui se trouvent à l’origine de ces changements proviennent de l’idée de Jaques Delors que les sociétés du savoir acquièrent constamment de l’expérience et emploient des savoirs (Delors, 1996; Teichler et Kehm, 1996; Mrówka, 1999; Auleytner, 1998). Dans les pays concernés par cette étude, presque 50 pour cent du groupe d’âge qui quitte l’enseignement secondaire rejoignent l’enseignement supérieur. Cette augmentation a eu lieu de plusieurs manières. En Pologne, par exemple, on a créé un grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur.

Les universités ont revu leurs idées classiques concernant l’organisation des études à partir de la nécessité de collaborer activement avec les « places de travail ». Par exemple, certaines universités européennes (France, Hongrie) ont organisé des ‘cours sandwich’ communs, en la présence d’acteurs de la gestion et de la communication. Le but est de renforcer la coopération entre l’université et l’entreprise dans l’enseignement en ingénierie de haut niveau. Les formateurs de l’université (éducateurs) et de l’industrie (ingénieurs) ont organisé les activités des étudiants. Ils ont fait des recommandations concernant le choix des sujets, ont suivi les activités éducatives et pratiques, ont offert en permanence des conseils techniques, et ont évalué les activités des étudiants (Dunai, Hufnagl et Ivanyi, 1998). Beaucoup de projets récents ont la même approche: l’université et le monde du travail en des synergies puissantes, comme par exemple les partenariats enseignement-affaires (Danemark, Etats-Unis) censés présenter aux enseignants universitaires les nouvelles

technologies sur le marché du travail, leur offrir des possibilités d’interagir avec des scientifiques et d’autres professionnels techniques de haut niveau, et aider les enseignants à transférer des expériences de la vie active en classe (Kubota, 1993). Certains projets, comme aux Etats-Unis par exemple, sont présentés dans le contexte des accomplissements des syndicats de travail. Des programmes de formation au travail, organisés en coopération avec des universités, ont existé aux Etats-Unis à partir des années 1960. Récemment, beaucoup d’universités ont commencé à collaborer avec des syndicats dans leurs Etats respectifs afin de mettre en place des comités consultatifs sur le travail dans le but d’aider et de conseiller les syndicats de travail et les employeurs (Naylor, 1985).

En Europe, les universités connaissent des pressions externes et deviennent des organisations destinées à servir, afin de proposer un « modèle orienté vers la pratique » créé par des politiques de l’UE et déterminé par l’économie du marché du travail. De l’autre côté, comme les font remarquer les analystes, dans l’organisation interne ils maintiennent une forme classique de performance (Teichler et Kehm, 1996, Czezowski, 1994; Denek, 1998). Un rapport de l’OCDE (1993, cité dans Teichler et Kem, 1996) présente les établissements d’enseignement supérieur qui:

“préfèrent perdre les liens entre l’enseignement et le travail, en soutenant que la formation à des tâches professionnelles plus compliquées esr réalisable d’autres manières (op. cit. p. 66). Dans ce contexte, la pression exercée par le marché du travail semble futile. Les établissements d’enseignement supérieur produisent encore la majorité des personnes non-employées. Teichler affirme que si les universités pourraient harmoniser leur offre de main d’oeuvre aux demandes du marché du travail, les conséquences pourraient être extrêmement positives, les universités pouvant ainsi préparer des créateurs innovateurs de nouvelles opportunités de travail. Cela semble plus raisonnable que les problèmes liées à l’auto-emploi” (op. cit. p. 77).

But général, conception de l’ensemble et génération de données On examinera dans cet article la question de l’applicabilité de l’enseignement supérieur en rapport avec les besoins de la vie active, dans le but de permettre aux chercheurs d’étudier la dimension humaine de la qualification pour le marché du travail – de la perspective d’un apprenant. Il est question ici non seulement des effets de l’enseignement sur les gens, mais aussi de l’effet des gens sur l’enseignement, c’est-à-dire l’idée qu’il y a un rapport d’influence réciproque entre les établissements d’enseignement supérieur et les étudiants et les enseignants qui s’y trouvent. Une autre idée est celle que généralement les mêmes initiatives éducatives peuvent avoir des résultats différents dans différentes cultures.

En ce qui suit, les étudiants dans l’enseignement supérieur sont vus comme des « voyageurs » entre les cultures de l’enseignement supérieur et de la vie active, d’où le titre de notre projet et de notre article: « Les étudiants comme voyageurs entre les cultures de l’enseignement supérieur et du travail ». Ce projet a été soutenu financièrement par une bourse accordée par le Cadre Cinq de la Commission Européenne de l’Union Européenne. En analysant des étudiants en tant qu’individus et en tant que membres d’une culture, notre but a été d’obtenir une meilleure compréhension des rapports entre les cadres culturels, éducatifs et de la vie active.

Notre intention est de présenter des expériences des étudiants de transition de l’enseignement supérieur vers la vie active dans différents pays d’Europe. On se concentrera spécialement sur la diversité culturelle des établissements universitaires et des organisations de la vie active dans certains pays d’Europe. D’un point de vue national, ainsi qu’européen, il est intéressant de voir comment les systèmes d’enseignement supérieur de différents pays européens préparent les individus à la

vie active .Il est également intéressant d’analyser comment le marché du travail utilise les diplômés lorsqu’ils rejoignent la vie active. Les questions clé sont les suivantes:

Comment les étudiants de différents pays et programmes d’études comprennent leur culture universitaire, leurs activités et le rapport entre études et travail. Comment les étudiants et les débutants se voient en tant que professionnels Comment les personnes nouvellement diplômées voient leur enseignement universitaire, surtout en ce qui concerne leurs futurs emplois. Saisir une « dimension européenne » - en ce qui concerne le rapport entre l’enseignement

supérieur et le travail. Les recherches ont été effectuées de manière comparative dans quatre pays d’Europe: la

Suède (Linköpings Universitet); la Norvège (Université d’Oslo); la Pologne (Université de Gdansk); et l’Allemagne (Université de Duisburg-Essen). Des entrevues approfondies forment la base de données nécessaire pour analyser les différences culturelles. Les données sont rassemblées de vingt étudiants débutants (novices) et de vingt étudiants en année terminale, étudiant la psychologie et les sciences politiques, distribués de manière plus ou moins égale dans les quatre pays. Les étudiants en années terminale ont également été interviewés après leur première année de vie active. Afin de compléter les données tirées des entrevues nous avons employé des documents concernant différents programmes.

Considérations méthodologiques Teichler (1996), dans une analyse des recherches sur la transition entre l'enseignement supérieur et de la vie professionnelle, conclut qu'il existe un manque d'études longitudinales de l'application de méthodes de recherche qualitative. La plupart des études ont plutôt été quantitatives et ont traité de préférence des questions telles que l'emploi, la carrière, l'identification des tâches de travail pour les novices et les décalages éventuels entre ces derniers et les programmes d'enseignement. Ces dernières sont, cependant, des études quantitatives qui appliquent des catégories de réponses pré-formulées. Par conséquent, il y a un manque de catégories pour décrire la nature des relations entre l'enseignement supérieur et les exigences de la vie professionnelle. En outre, il y a un manque d'études censées montrer comment les étudiants font usage dans la vie professionnelle de leurs compétences et de leurs connaissances acquises pendant leurs études (Teichler 1999). Une autre lacune dans les études précédentes sur l’effet de l'enseignement supérieur sur les carrières des étudiants concerne le fait qu’elles se concentrent souvent sur des programmes spécifiques et, par conséquent, des comparaisons avec d'autres programmes, ce qui compromet la généralisation des conclusions (Teichler 1999).

Johnston (2003) souligne qu'il existe encore peu d'informations dans la littérature de recherche sur l'emploi des diplômés de la perspective des diplômés. L’auteur affirme que’il faut que la recherche se concentre sur les expériences des diplômés dans leurs premières années d'emploi, en particulier en ce qui concerne leurs conditions et leur culture du travail. D’autres domaines où des recherches plus approfondies sont nécessaires sont les relations entre l'enseignement supérieur et le travail, des questions relatives à la nature et l'étendue des attentes professionnelles des diplômés, la satisfaction et l'engagement, ainsi que les relations entre les attentes explicites des employeurs et les attentes effectives des diplômés.

L'approche méthodologique appliquée dans le cadre de ce projet a été choisie afin d'éviter certaines des lacunes des recherches antérieures, comme on vient de le mentionner. En conséquence, un des objectifs a été d’aboutir à des catégories descriptives pour caractériser les expériences connues par les personnes impliquées dans les études empiriques plutôt que d'appliquer des catégories dérivées de travaux antérieurs. La méthode

préférée de génération de données a été celle des entrevues semi-structurées, c'est-à-dire des entrevues comprenant un nombre relativement réduit de questions pré-formulées qui se développent selon les réponses données par les informateurs.

Les données ont ensuite été analysées en deux étapes. La première étape comporte une analyse phénoménographique des données des entrevues. La phénoménographie est l'étude empirique des manières qualitativement différentes selon lesquelles les divers phénomènes, et leurs aspects, du monde autour de nous sont expérimentés, conceptualisés, compris, perçus, et appréhendés (Marton, 1994). Le but est de soutenir qu’on peut identifier un nombre limité de manières selon lesquelles un certain phénomène se présente à des personnes, par exemple, indépendamment de savoir si elles sont intégrées dans l'expérience immédiate de ce phénomène ou dans la pensée reflétée sur le même phénomène. Les analyses ont initialement été réalisées afin d'obtenir une description des processus et des résultats d'apprentissage de la perspective de l'apprenant (cf. Marton, Dahlgren, Svensson et Säljö, 1977).

La deuxième étape de l'analyse a été de procéder à une analyse du discours, à partir des expériences des étudiants, par le biais d'une analyse phénoménographique. L'analyse du discours est un ensemble de procédures de recherche appliquées afin d’interpréter des questions complexes d'utilisation du langage dans des situations sociales spécifiques. Comme le fait remarquer Gee (1999), elle est basée sur une conception du langage qui dépasse la compréhension communicative traditionnelle de ses fonctions (c'est-à-dire de l'échange d'informations). Pour Gee, les principales fonctions du langage sont:

“... d’échaffauder la performance des activités sociales (…] et d’échaffauder l’affiliation humaine dans les cultures et les groupes et les institutions sociales” (Gee, 1999, p. 1).

C'est pourquoi, dans ce projet, les conceptions linguistiques des questions relatives à l’enseignement peuvent être comprises comme étant liées à des activités subjectives (actuelles et futures), à des identités sociales (y compris professionnelles), à des structures culturelles et institutionnelles. Cette approche vise à analyser les cultures des institutions à partir de récits de personnes impliquées dans leurs activités. Les organisations sociales sont en général « ... produites, reproduites et transformées par le biais de pratiques de communication en cours, interdépendants et axés sur les buts, de ses membres" (Mumby 1997, p. 181).

Ces pratiques, à leur tour, ont «... des conséquences sur les manières dont les biens sociaux sont ou devraient être distribués », ce qui signifie qu'elles sont d'ordre politique dans le sens général du terme (chez Aristote, par exemple) (Gee, 1999, p. 2).

Les analyses des données ont ensuite été soumises à des analyses comparatives supplémentaires; d'une part au niveau intra-national, afin de comparer les différents programmes, et d'autre part au niveau international, afin de comparer les mêmes programmes dans différents contextes nationaux.

Résultats

La psychologie dans quatre université européennes Les principaux objets de notre comparaison transnationale, les quatre programmes universitaires, sont caractérisées par des idées différentes concernant l'enseignement. Bien qu'ils traitent du même sujet, ils ont des priorités différentes, en fonction de leur organisation de l'apprentissage, et suivent des pédagogies et des conceptions de l'apprentissage différentes. Ces conditions de base peuvent avoir un impact sur les attitudes des apprenants à l’égard des savoirs, des compétences et de leurs attentes quant à la vie

active. Avant de se concentrer sur les différences et les similitudes, il convient d'examiner les différentes approches pédagogiques utilisées par les quatre programmes, et de plus tenter d'identifier les conséquences possibles pour les apprenants représentés dans les données générales issues des entrevues.

La plupart des différences entre des conceptions sur l'apprentissage peuvent être trouvées en faisant une comparaison des programmes universitaires de Linköping et de Gdansk. Le programme de psychologie à Linköping applique des méthodes d'apprentissage par problèmes avec un fort accent sur la confrontation avec des problèmes pratiques dans le processus d'apprentissage. L'idée de cette conception du programme est d'aboutir à une interaction entre l'expérience pratique et la réflexion théorique, d'une part, et de donner aux étudiants une idée de ce qu’est le rôle du professionnel, de l'autre. En revanche, l'apprentissage dans le cadre du programme de psychologie à Gdansk est principalement basé sur le travail sur la littérature, c'est-à-dire un cadre où les problèmes psychologiques sont traités à travers la réflexion théorique plutôt que par l'expérience pratique ou l'interaction entre les deux. Les débutants démontrent les mêmes différences quant aux modalités de travail sélectionnées.

Une grande majorité des diplômés de Linköping œuvrent dans le domaine de la psychologie clinique et commencent rapidement à former leur identité professionnelle en tant que thérapeutes. Les étudiants de première année de Gdansk, à l'instar des étudiants de Duisburg-Essen, ont affirmé être très intéressés par la psychologie clinique et sociale, mais ont changé d'avis au cours de leurs études. Etant donné que les cours ne portent que partiellement sur des questions cliniques, les étudiants ne se sentent assez préparés pour ce type de travail pas par la suite. Ainsi, les débutants s’engagent dans différents domaines de la vie professionnelle, en particulier dans des activités de gestion. Comme la plupart des étudiants de Duisburg-Essen sont principalement axés sur la psychologie générale, les méthodes ou la psychologie industrielle, et sont spécialement formés pour être en mesure d'organiser un programme de formation des enseignants, les séminaires en psychologie sociale et clinique sont le plus souvent superficiels. Au cours de la période des études avancées, la discipline principale (en plus de l'enseignement) est la psychologie industrielle. Ce domaine de recherche appliquée est, toutefois, très orienté vers la méthode. En conséquence, la plupart des diplômés envisagent soit une carrière dans l'enseignement soit le rattachement à un institut de recherche.

Les étudiants polonais et allemands se tiennent loin de l'idée de leur rôle professionnel en tant que « assistants sociaux ». En raison de la large gamme d'emplois tenus par les débutants, notamment à Gdansk, il ne semble pas y avoir de domaine privilégié de travail. Toutefois, les disciplines préférées sont la psychologie de la gestion et la formation du personnel. Les étudiants allemands décident souvent de devenir enseignants de psychologie et reconnaissent par la suite l'importance sociale de leur profession au cours de la période de formation pratique (après l'obtention du diplôme).

A Oslo, le programme comprend une partie théorique au début et une période plus orientée vers la pratique après la deuxième année d'études. Le programme professionnel puise ses racines dans la recherche et les savoirs scientifiques et suit une tradition académique. Les étudiants norvégiens apprécient les séminaires tenus par des enseignants externes qui sont considérés comme des modèles de professionnels à suivre. C'est la raison de l’existence d’une forte demande d’une meilleure formation pratique, souvent exprimée à la fin des études. Les compétences relatives à la résolution de problèmes sociales et pratiques sont mentionnées comme les plus importantes parce que les compétences relationnelles et de communication sont considérés comme essentielles si on veut aboutir à de bons psychologues cliniques.

Etant donné que les programmes de psychologie d’Oslo et de Linköping sont à la fois théoriques et appliqués/cliniques, alors que les programmes de Gdansk et de Duisburg-Essen sont purement théoriques, on fera en ce qui suit une comparaison par paires des quatre programmes.

Les psychologues cliniques de Linköping et d’Oslo Les débutants de Linköping ont souligné l'importance de la réflexion au sujet des expériences puisées de la vie professionnelle. En l’absence d’une autoréflexion, des intérêts opposés (client/collègues, client/parents; client/enfants) ne peuvent pas être traités et la vie privée et professionnelle ne peut pas trouver un bon équilibre. En tant que professionnels, les débutants développent une sorte de « double identité ». Cela signifie qu'ils ont à faire la différence entre l'implication personnelle et l'empathie, cette dernière étant valable même dans le cas d’individus qu’ils n'aiment pas personnellement. En ce qui concerne les différences entre l'enseignement supérieur et la vie professionnelle, les débutants ont manifestement apprécié la ligne de démarcation entre le travail et le temps libre dans leur vie quotidienne. Ils se sentent bien préparés par leurs études pour répondre aux exigences de leur emploi. L’importance accordée par les débutants à l'apprentissage actif est un possible reflet de la structure du programme suédois de psychologie, qui est un programme d’apprentissage basé sur les problèmes.

Les psychologues norvégiens apprécient les connaissances théoriques qu'ils ont acquis pendant leurs études, qu'ils considèrent comme essentielles pour maîtriser les défis professionnels auxquels se confronte un psychologue clinique. D’une manière semblable à l'expérience des débutants de Linköping, ils décrivent le dilemme de l'établissement d'une ligne de démarcation entre leur rôle d'aider en tant que professionnels et en tant que personnes privées. Bien que la vie active offre une séparation apparente de la vie privée et professionnelle en termes d'heures de travail et de temps libre, les débutants mentionnent avoir des difficultés à différencier entre ces domaines d’un point de vue affectif. Cela peut être dû en partie au niveau élevé de responsabilité dans leur position de force vis-à-vis des clients. Le principal défi pour les débutants semble être le développement d'une distanciation professionnelle. En outre, les étudiants d’Oslo soulignent l'importance de la participation active dans le processus d'apprentissage du programme. La simple reproduction des savoirs - par l'écoute, la prise de notes et l'apprentissage par cœur - est considérée comme un comportement passif. Le questionnement critique et l'application des savoirs acquis sont considérés comme les conditions fondamentales de l'apprentissage. Rétrospectivement, les débutants norvégiens apprécient la formation pratique plus que la formation théorique de base au cours des deux premières années.

Les psychologues de Gdansk et de Duisburg-Essen Si une orientation professionnelle est évidente pour les jeunes diplômés universitaires en Scandinavie, il est plus difficile de classer les diplômés polonais durant leur première année de travail. Du point de vue de la plupart des étudiants, une attitude critique fondamentale et une distance théorique par rapport à la réalité sont souvent appréciées comme des effets principaux de l'enseignement universitaire. Les domaines de la psychologie sont examinés d'un point de vue théorique; il est intéressant de voir que la psychologie clinique en tant que domaine d'application ne fait pas partie de cette perception. Cela ne répond pas aux attentes des débutants qui cultivent une image du psychologue en tant qu’expert social. Très souvent, les jeunes universitaires évitent la psychologie clinique comme domaine d'application professionnelle et choisissent de travailler dans le domaine de la gestion et de l'enseignement pour adultes. Ils sentent qu'ils n'ont pas nécessairement à travailler en milieu clinique ou social pour agir psychologiquement et aider d'autres personnes. Pour eux, leurs

savoirs d’experts peuvent être transférés dans n'importe quel domaine de travail. Certains étudiants continuent à travailler régulièrement dans les lieux de travail où ils avaient travaillé à temps partiel pendant leurs études, même si ce travail n'est pas lié à la psychologie.

Les diplômés de Duisburg-Essen mettent leurs études à l’œuvre principalement dans deux domaines: l'enseignement et la psychologie industrielle appliquée, comme la recherche et le conseil. A l'instar des diplômés de Gdansk, ils n’envisagent pas des professions cliniques ou des positions dans le domaine du conseil social. Ils se concentrent essentiellement dans leurs études sur des questions empiriques et méthodologiques telles que la psychologie industrielle. Le grand intérêt accordé aux missions sociales, qui est visible dans le groupe de première année, semble avoir disparu à la fin du programme d'études. Il semble que la majorité des étudiants ont dû reconsidérer leur ancienne image du psychologue en tant que bon psychiatre, qui aide tout le monde, au cours de leurs études. En conséquence, ils ont cessé de se considérer des psychologues, même si ils savent que les psychologues travaillent dans presque tous les domaines. Comme explication hypothétique, on peut tirer la conclusion que le discours public est plus efficace que le discours de l'expert en psychologie. Ces débutants dans la vie active qui envisagent une carrière d'enseignant ont néanmoins souligné l'importance des compétences sociales, qui sont essentielles pour leur activité professionnelle. En outre, ils se réfèrent à la responsabilité morale qu'ils ont en tant que modèles à suivre. Ainsi, l'image de soi de la plupart des psychologues de Duisburg-Essen est celle d'un enseignant, même si ils diffèrent de leurs collègues en raison de leur expertise psychologique. Cette autodéfinition pourrait indiquer un conflit d’identité essentiel: puisqu’ils ne sont pas en mesure d'assurer la médiation entre le discours public et les avis d'experts sur les caractéristiques des psychologues, ces débutants ressentent toujours un besoin de légitimité. Comme ils ne se considèrent pas comme des psychologues de la manière traditionnelle, il ne semble point difficile pour eux de passer à d'autres domaines professionnels, ce qui se fait également.

Cela est également vrai des psychologues polonais, pour l’essentiel. Par comparaison avec les deux pays nordiques, le marché du travail pour les psychologues est moins délimité et défini en Allemagne et en Pologne. L'insécurité, maintes fois soulignée, que de nombreux étudiants ressentent quant à leur futur choix de carrière, devrait conduire à la question de savoir pourquoi autant de personnes ont décidé de poursuivre le programme avancé de formation des enseignants. L'une des principales raisons est probablement la sécurité financière de la fonction publique. On choisit rarement de travailler en psychologie industrielle en dépit d'excellentes connaissances préalables. Cela dépend aussi de la difficulté à obtenir des fonds pour des projets.

Les sciences politiques dans quatre universités européennes Contrairement à la psychologie, qui est un programme professionnel, les sciences politiques sont un exemple d'un programme d'études d’arts libéraux. Le mot ‘libéraux’ dans ce sens comprend l'enseignement universitaire considéré comme une formation universitaire de base, qui n'est pas nécessairement censée préparer les étudiants pour des professions bien définies. Les conditions sociales, économiques et politiques sont importantes pour l'évaluation du développement professionnel des débutants, en particulier lorsqu’il existe un manque de préoccupation pour les qualifications professionnelles. En ce qui concerne les débutants de Norvège, on peut s’apercevoir qu’ils ont trouvé du travail dans des secteurs en rapport avec leurs études. Environ la moitié des débutants dans l'administration publique sont employés dans le domaine du journalisme et des médias et très peu d’entre eux travaillent dans le secteur privé. Ainsi, leurs activités professionnelles correspondent au contenu des études et des compétences acquises à l'université. Les diplômés de Gdansk

racontent une autre histoire: la plupart d’entre eux travaillent dans le secteur privé. Il y a une forte contradiction entre la perception idéalisée de la profession, mentionné par de nombreux étudiants, et la véritable situation sur le marché du travail. En effet, il semble que l'acquisition de savoirs et de compétences à l'université ont été sans incidence sur la vie professionnelle.

Les débutants dans la vie active apprécient en particulier la valeur des compétences sociales et de communication et la représentation positive de soi-même, ainsi que l'assimilation dans des contextes sociaux. En outre, l'organisation, la flexibilité et la loyauté sont considérés comme essentielles pour travailler dans des entreprises. Les connaissances spécialisées, par contre, semblent être subordonnées aux compétences susmentionnées. Cette appréciation des qualifications pratiques clés est particulièrement surprenante, étant donné que le programme de Gdansk marginalise généralement les applications pratiques. Il est tentant de considérer cette caractéristique comme un paradoxe: les étudiants de Gdansk essayent de comprendre et de discuter autour de politiques actuelles, sans aucune participation réelle.

A l'instar des étudiants de première année de Suède et de Norvège, les étudiants de Duisburg-Essen mentionnent l'importance des sciences politiques pour les croyances et les valeurs démocratiques. La plupart des étudiants décrivent leur fonction comme étant celle d’un médiateur entre la politique et les citoyens d'une société. Ayant gagné un aperçu de la complexe interdépendance entre les sciences politiques et les affaires courantes, les diplômés ont le sentiment d'avoir été choisis pour transmettre à d’autres des connaissances spécialisées. Cela reflète leur identification professionnelle intensive. Par ailleurs, les compétences d’analyse critique et de communication, maintes fois louées, sont également destinées à remplir une telle fonction de médiation. Même si les étudiants allemands sont convaincus qu'ils ont principalement acquis des connaissances théoriques, il est très difficile pour eux de trouver un emploi où ils peuvent appliquer leurs savoirs et leurs compétences puisées dans l’étude. En conséquence, on peut saisir une certaine déception parmi les jeunes universitaires à la suite d’un manque vécu d’une identité professionnelle.

A Linköping, les étudiants de première année affichent paradoxalement une perception plus concrète de leur discipline scientifique que leurs collègues plus avancés (bien qu'ils se sentent encore incertains quant aux futurs domaines d’activité), alors que les diplômés de Duisburg-Essen prétendent avoir reconnu l'importance des sciences politiques seulement à la fin de leurs études. L’identification par rapport au programme d’études semble diminuer vers la fin des études, en partie parce que les diplômés ne peuvent pas trouver des modèles professionnels à suivre. Alors qu’ils rédigent leur thèse de master, les étudiants terminaux de Suède commencent à s’identifier à des scientifiques en sciences politiques dans les médias. Ce détournement des modèles universitaires à suivre marque la fin d'une évolution d’une compréhension idéaliste vers une compréhension réaliste des sciences politiques, si l'on garde à l'esprit que pour les étudiants de première année, la coopération, les valeurs démocratiques et les attitudes idéalistes ont été les valeurs les plus importantes.

Les débutants sur le marché du travail qui se trouvent à la fin de cette évolution se définiraient plutôt comme des enquêteurs et des évaluateurs empiriques. Les débutants qui sont employés dans le secteur public s'identifient le plus fortement avec le rôle de scientifique politique. Il arrive souvent, néanmoins, que ces débutants se sentent surqualifiés intellectuellement au travail. Les employés du secteur privé affirment ne pas s'identifier avec la conception professionnelle des scientifiques politiques. De nombreux diplômés de Duisburg-Essen sont surqualifiés pour leur emploi ou sont employés dans des domaines peu liés à leur programme d’études. La plupart d'entre eux sont à la recherche d'un emploi plus approprié.

Conclusions et suggestions pour de futures recherches Les deux différents types de programmes d'enseignement supérieur qui ont été comparés dans le projet montrent des distinctions entre les pays. Les programmes de psychologie semblent varier, en ayant les caractéristiques d'un programme classique d’arts libéraux en Pologne ou celles d’un programme professionnel en Suède, où les étudiants développent une identité professionnelle au cours de leurs études. En Norvège, le programme de psychologie semble avoir été calqué sur l'idée que la théorie doit précéder l'application, c'est-à-dire que la conception du programme est séquentielle de la science fondamentale aux spécialisations appliquées.

Le programme de psychologie de Linköping, qui est aussi un programme d’apprentissage basé sur des problèmes, se distingue par le fait qu’il donne aux étudiants une identité assez claire en tant que psychologues cliniques. En plus de périodes étendues d'expérience pratique, le programme traite aussi explicitement avec les caractéristiques importantes du rôle professionnel d’un psychologue. Les étudiants d’Oslo ressemblent à ceux de Linköping, même si leur identité en tant que psychologues cliniciens est un peu plus faible. Le programme de psychologie de Gdansk ressemble plus à un programme classique d’arts libéraux et il est révélateur que les étudiants envisagent de travailler dans différents secteurs du marché du travail. Leurs modèles à suivre varient ainsi et vont des consultants organisationnels aux enseignants.

Les étudiants en sciences politiques des quatre pays affichent une faible identité professionnelle à la fin de leurs études. Ils ont pu rencontrer des modèles à suivre en dehors de leurs propres enseignants, comme à Oslo, où d'éminents spécialistes en sciences politiques sont invités à parler aux étudiants. Les étudiants de Linköping ont aussi trouvé des modèles à suivre parmi les scientifiques politiques qui apparaissent fréquemment dans les médias. Pour ce qui est de l'apprentissage dans des contextes plus appliqués, les étudiants d’Oslo mettent en avant leur travail, alors que les étudiants de Linköping affirment que le travail sur leur thèse de maîtrise au cours de la dernière année de leurs études est ce qui contribue réellement à un changement dans leur compréhension de ce que sont vraiment les sciences politiques. En outre, pour les scientifiques politiques, une des questions importantes est celle de la distinction entre l’emploi dans le secteur public ou privé. Sans surprise, ce domaine d'études semble être marqué par une plus grande diversité et par des relations souvent paradoxales entre les attentes, la formation et le travail.

Pour résumer, la tendance générale des résultats est que les programmes professionnels dans l'enseignement supérieur ainsi que les études classiques en arts libéraux semblent encore fournir aux étudiants une identité fondée sur la discipline. Dans les cas où la notion d'un rôle professionnel est développée, cela semble avoir lieu au cours des dernières parties du programme, parfois pratiques. Le programme de psychologie de Linköping semble être la seule exception à cette observation.

Un objectif majeur du processus de Bologne est l'employabilité des étudiants qui quittent chacun des trois cycles d’enseignement - Licence, Master et Doctorat. L'employabilité requiert un nombre de qualifications avec des compétences génériques essentielles, comme la communication, la coopération, ainsi que la gestion des problèmes. Aussi, on pourrait soutenir que l'expérience qui prépare les étudiants à mettre en œuvre leurs savoirs génériques dans des environnements différents peut être une façon de les préparer en vue de leur entrée dans la vie active. Les étudiants de Linköping sont, de toute évidence, employables dans leur domaine relativement étroit et bien défini sur le marché du travail. Les psychologues de Gdansk sont également évidemment employables, mais sur un marché du travail moins limité. Cela peut indiquer la valeur de l'employabilité de compétences universitaires génériques classiques telles que la pensée analytique et critique.

Les idées du processus de Bologne sur l'employabilité on généralement été interprétées dans un contexte professionnel, comme par exemple la façon dont les étudiants de Linköping sont employables. Cependant, selon les critères de Dublin, d'autre part, il peut être affirmé que pour le premier cycle (Licence), ainsi que pour le deuxième (Master), le sens de employabilité est plutôt chargé d’un sens basé sur des critères universitaires classiques de l'impact de l'enseignement supérieur. Cette situation semble être plus en adéquation avec les attentes de la vie active et semble être satisfaite le plus dans cette étude par le programme de psychologie de Gdansk.

Une contribution du projet à la compréhension de la transition de l'enseignement supérieur à la vie active est la description du processus de construction de l'identité qui a lieu entre des établissements universitaires, des expériences de la vie professionnelle, des stratégies de la vie personnelle et des contextes sociopolitiques. Cela signifie que les « débutants » considèrent les établissements d'enseignement supérieur comme une partie du cadre où a lieu l'apprentissage professionnel. Les auteurs estiment que la stratégie de recherche développée dans le projet, combinant la phénoménographie à l'analyse du discours et l'herméneutique, s'est avérée fructueuse dans la construction d'une compréhension partagée des phénomènes sociaux complexes en Europe.

Plusieurs sujets qui ont émergé au cours des activités dans le cadre du projet ont été identifiés comme nécessitant une recherche plus approfondie. Il s'agit notamment de mieux cibler la recherche sur la construction de l'identité professionnelle (y compris des questions telles que le rôle des « autres professionnels », les différentes dimensions temporelles dans les diverses professions, la relation entre les identités personnelles et professionnelles dans les professions exigeant des responsabilités personnelles), et sue l'éthique professionnelle avec son rapport complexe aux intérêts matériels. Aussi, la question de la formation des savoirs exige plus d'investigations. Cela inclut des sujets comme: le maintien de l'autonomie universitaire et la satisfaction des demandes du marché du travail et, aussi, la construction paradoxale du professionnalisme dans l'enseignement de masse. Les stratégies institutionnelles censées résoudre ce paradoxe, ainsi que la question des « pactes institutionnels » (tacites et explicites) entre l'enseignement supérieur et les sociétés professionnelles ou d'autres parties prenantes dans l'environnement social de l'université doivent également être examinées plus en profondeur.

Enfin, la notion des savoirs dans qu'on appelle la « société du savoir » requiert elle-même un examen critique. Certaines des données recueillies donnent à penser qu'il y a une différence politiquement construite entre les savoirs et les compétences. Le savoir est important dans les relations entre les établissements universitaires et les entreprises (le « capitalisme académique » signifie que le savoir devient une marchandise et qu’il n’est plus transmis gratuitement dans l'éducation). Les compétences constituent le domaine de l'apprentissage pour l'emploi. Cela signifie que le discours des compétences qui dominent la pensée sur les résultats individuels dans l'enseignement supérieur peut dissuader les étudiants à rechercher le savoir, en laissant le domaine des savoirs incontesté et libre d'être capitalisé.

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Le potentiel de carrière des universitaires migrants: une étude de cas multiple sur la mobilité académique dans les universités finlandaises

David M. Hoffman

Cette étude de cas multiple inclut des entretiens avec quarante-deux chercheurs migrants, provenant de 27 pays, dans cinq universités finlandaises. En Finlande, une population vieillissante et culturellement homogène connaît une transformation rapide de la force de travail et des incertitudes concernant la dynamique de la migration. Cette analyse met en évidence l’existence d’un étonnant degré de stratification, dans une société normalement associée à l'absence de stratification. Le cadre présenté dans cette étude s'appuie sur des théories de l'enseignement supérieur afin de mettre en lumière des tensions entre les attentes sociétales en matière d'équité, à l’époque du capitalisme académique mondial. Les implications pour les acteurs impliqués sont centrées sur une évaluation de la capacité de l'enseignement supérieur d'expliquer le changement dans l'enseignement supérieur, ainsi que dans la société.

Des sociétés vieillissantes, des universitaires migrants et des changements dans l’enseignement supérieur finlandais Le but de cette étude de cas multiple est de mettre en évidence des dynamiques qui généralement passent inaperçues dans le cadre du débat sur la mobilité académique dans le contexte finlandais. Ces dynamiques sont liées à la migration internationale de personnel académique (Ackers, 2005; Tremblay, 2004) et à une population vieillissante et culturellement homogène (Jaakkola, 2005; Koivukangas, 2003). L'analyse se concentre sur une structuration analytique des perceptions et des expériences examinées dans des entretiens thématiques avec quarante-deux universitaires - trente-et-un hommes et onze femmes - de vingt-sept pays, dans cinq universités finlandaises.

Des indicateurs concernant les origines des migrants ne sont pas accessibles au public dans les statistiques sur les 29.417 personnes encadrées dans le système universitaire finlandais (Base de données KOTA16). Etant donné qu’il n’est pas possible de faire une généralisation statistique sur cette population, on a choisi une stratégie de recherche qualitative pour établir des généralisations analytiques qui serviront de base pour l'analyse des politiques et la recherche empirique.

Cette étude de cas multiple est destinée à éclairer le point d'intersection de la mobilité académique et de la migration internationale (Tremblay, 2004; de Wit, 2006) dans les universités finlandaises, en examinant les relations entre:

LES PERCEPTIONS ET LES EXPERIENCES DU PERSONNEL ACADEMIQUE

MIGRANT. LA NATURE DE LEUR MOBILITE, SURTOUT DANS DES DOMAINES

SCIENTIFIQUES.

16 Disponible à http://www.csc.fi/kota/

LES CARACTERISTIQUES DES UNIVERSITAIRES MIGRANTS EN RAPPORT AVEC LES MODELES DEMOGRAPHIQUES DE L’ESPACE EUROPEEN DE LA RECHERCHE EN GENERAL ET DU CONTEXTE FINLANDAIS EN PARTICULIER.

Des recherches qualitatives sur les nouveaux problèmes de la recherche et la position du chercheur L'identification de ce problème de recherche est le résultat de la réflexion de l'auteur sur sa place dans l'enseignement supérieur finlandais. Après son entrée en 1992 en tant qu'étudiant, il est devenu formateur, administrateur, suivis par différents projets de recherche et de services à partir de 1996 et jusqu’à présent (Hoffman, 2003b). Pendant ce temps, l'auteur s'est trouvé au milieu d’un nombre croissant d’universitaires migrants, en particulier des universitaires qui avaient quitté leur pays depuis plus d’un an. Toutefois, les effets de la migration universitaire restent très ignorés du point de vue théorique, en dépit d'une attention croissante accordée à des questions relatives à la mobilité au niveau des carrières scientifiques en Europe en général et en Finlande en particulier (Gabaldón et al., 2005; Puustinen-Hopper, 2005).

Le fait de travailler dans un petit pays culturellement homogène qui tente de trouver une niche dans une économie mondiale de plus en plus concurrentielle a été une chance rare. On a choisi l’étude de cas car elle permet de multiples types de données, en étant axée sur un problème de recherche unique concernant la théorie établie (Yin, 1994). D'autres procédures qui ont été utilisées ont inclus des consultations collégiales, des présentations dans des séminaires et des conférences, les publications, des vérifications des membres et, enfin, des explications des implications de l'analyse de l'enseignement supérieur aux acteurs impliqués. Ces procédures sont utilisées dans la recherche qualitative pour la sauvegarde de l'anonymat et la confidentialité des participants, tout en utilisant un ensemble de conventions avec des critères de qualité préétablis (Yin, 1994).

Une étude de cas multiple de cinq universités finlandaises: choix logique, pilote et protocole En Finlande, le rapport entre la migration internationale des chercheurs et le départ à la retraite de la génération du baby-boom n'a pas inspiré des recherches interprétatives ou explicatives basées sur la théorie (Ackers, 2005), même si des études générales du marché du travail commencent à apparaître (Forsander, 2004; Raunio, 2003).

Pour pallier à ce déficit de la littérature, le projet d’une étude de cas a été piloté en 2001 (Hoffman, 2003a) et la collecte de données pour une étude de cas multiple a eu lieu en 2004 et 2005. Cinq universités ont été inclues dans l'étude: le pilote, une grande université avec plusieurs facultés, une école de commerce, une université technique et une académie des arts. La variation linguistique a été prise en considération, puisque le suédois est une langue officielle en Finlande.

Les participants à l’entrevue ont été déterminés en utilisant des critères de sélection basés sur: les missions des universités dans l'enseignement supérieur finlandais (Välimaa, 2001b); les trajectoires organisationnelles et de carrière (Baldwin et Blackburn, 1981; Bourdieu, 1988); les cultures disciplinaires (Becher et Trowler, 2001) et les caractéristiques intégratrices (Beck, 1992).

Définitions émergeantes et participants aux entrevues « J’ai fait deux visites de courte durée avant d’avoir établi un projet. Je suis revenu pour une partie d'un projet qui a commencé après la deuxième visite ... ce projet est devenu ma thèse ». Ce professeur souligne le problème central de l’utilisation de définitions a priori de la mobilité académique, étant donné que la mobilité académique à long terme est souvent contingente et rarement utile (Teichler, et al., 2005). Dans cette étude, plutôt que de commencer par des définitions qui n'ont pas fait trop de lumière sur ce sujet au cours de la dernière décennie, on a tente premièrement de localiser le personnel universitaire migrant. Deuxièmement, les participants ont été interviewés. Le processus de localisation et la substance des entretiens ont été continuellement influencés par les théories existantes sur le segment moyen (Merton, 1968), qui ont guidé le processus de sélection.

Les participants provenaient de tous les domaines de mission universitaire et de tous les postes. Quatorze participants occupaient des postes permanents, vingt-deux des postes temporaires et six étaient des étudiants de Master débutant leur carrière ou satisfaisant leur service à travers la recherche postuniversitaire. Les participants étaient nés entre 1941 et 1979; vingt d’entre eux étaient des baby-boomers, vingt-deux ne l'étaient pas. Douze des personnes interrogées étaient des citoyens finlandais et dix étaient des résidents permanents. Certains participants étaient déjà connus de l'auteur, et d’autres se sont rajoutés durant les consultations collégiales. Plusieurs participants ont été localisés par le biais de recherches dans les répertoires départementaux, tandis que d'autres ont été proposés par les participants eux-mêmes (Figure 1).

Figure 1. Composition du groupe d’interviewés par pays d’origine, sexe, âge et type de poste

P = poste permanent, T = poste temporaire.

• 42 interviewées • 27 pays d’origine

– Afrique: (4) – Asie du S. (4) – Asie de l’E (4) – Pays membres de l’UE (16) – Pays candidats à l’UE (4) – Autres pays européens (4) – Amérique du N. (4) – Amérique latine (1) – Moyen Orient (1)

• 31 hommes, 11 femmes • Segment d’âge

– 1941 – 1979 – <46: (1) – <64: (20) – >64: (21)

• 2 ‘couples académiques’ (4 participants) interviewés

• 12 citoyens finlandais / à double nationalité

• 10 résidents permanents

• Types de poste (au moment de l’entrevue)

– 14 permanents (P) – 22 temporaires (T) – 6 services ou étudiants en

MA éligibles pour être immédiatement embauchés

• 5 professeurs (4P/1T) • 2 chercheurs qualifiés (2T) • 3 chercheurs/étudiants diplômés

(3T) • 4 maîtres de conférences qualifiés

(3P/1T) • 4 maîtres de conférences (P) • 13 chercheurs / étudiants diplômés

sur des projets financés (par des fondations) (13T)

• 5 administrateurs/spécialistes hors-enseignement (3P/2T)

• 3 étudiants postuniversitaires non-financés

• 3 étudiants en MA éligibles pour l’embauche

Source: l’auteur. Les entrevues ont eu lieu dans le campus du participant ou à proximité et chacun a signé

une lettre de consentement indiquant le but de l'entrevue, l’utilisation des données et la protection de leur anonymat. Une transcription directe a été utilisée pour les buts de l’analyse, mais les citations ont été éditées par souci de clarté. Toutes parties d'une citation qui auraient pour effet de révéler l'identité d'un participant ou d’affecter la protection de la vie privée ont été modifiées (Poland, 2002). Des versions provisoires des manuscrits ont été envoyées aux participants afin qu’ils puissent soumettre leurs commentaires et résoudre les questions relatives à la protection de la vie privée. On a utilisé durant l’analyse un logiciel d’analyse des données qualitatives assistée par ordinateur, ATLAS.ti, 4,1.

Le personnel académique migrant, la mobilité académique et les domaines de l’enseignement supérieur finlandais

Le cadre analytique des entrevues est basé sur des dimensions de l’enseignement supérieur finlandais qui existaient avant l’arrivée des participants. La première dimension est basée sur des cultures disciplinaires (Becher et Trowler, 2001). Dans toute discipline d’étude, surtout au niveau de la spécialisation, une distinction de facto a été faite selon la présence ou l’absence de personnel qualifié provenant de l’étranger. La distinction opérationnelle a été la suivante: les champs disciplinaires où les possibilités de suivi professionnel des migrants sont viables ou exceptionnels. Un exemple serait la distinction entre un laboratoire œuvrant sur des projets de biotechnologie et un département de formation des enseignants responsable pour la formation d’enseignants d’école. Même s’il existe beaucoup de chemins professionnels viables dans la première catégorie (Puustinen-Hopper, 2005), il a été exceptionnel de trouver des universitaires migrants dans la seconde (Hoffman, 2005).

Une deuxième dimension est la trajectoire relative aux stades de la carrière (Baldwin et Blackburn, 1981; Bourdieu, 1988). Cette trajectoire est employée afin d’analyser le degré auquel une carrière universitaire est en partie déterminée par des propriétés qui définissent un domaine donné. Un domaine est un espace social déterminé où les postes et les relations entre les postes sont définis selon la possession du capital relevant pour ce domaine (Bourdieu, 1988).

Les capitaux spécifiques aux domaines du pouvoir académique et scientifique sont deux formes de capital qui déterminent des modèles qui délimitent et déterminent les relations de pouvoir au sein de différents domaines académiques, ainsi que la trajectoire de l’individu à travers ces domaines. Les universitaires qui se concentrent sur le pouvoir académique se concentrent sur la dynamique sociale qui reproduira la prochaine génération d'universitaires dans une faculté, un institut ou une unité de base. Les universitaires concernés par le pouvoir scientifique sont concernés par le développement des connaissances de dernière heure dans leur discipline. La position relative dans le domaine, en utilisant le pouvoir académique ou scientifique, se manifeste de façons fondamentalement différentes; par exemple, le contrôle du temps d’un subordonné dans le premier cas et la publication de textes scientifiques dans le deuxième cas (Bourdieu, 1988).

Les universités finlandaises peuvent être distinguées aussi en termes de circulation au sein et entre les domaines de postes temporaires et permanents (Välimaa, 2001b). Ces domaines mettent en évidence les distinctions entre la recherche, l'enseignement et l'administration. La dynamique s’explique par des positions-clé de contrôle: les universitaires contrôlent l'accès au domaine des postes temporaires, tandis que les organes collégiaux réglementent l'entrée dans le domaine des postes permanents.

La dynamique nationale, juxtaposée à des formes de capital qui existent dans tous les systèmes d'enseignement supérieur, forme les traits distinctifs de l'enseignement supérieur finlandais. Ces nuances permettent une distinction opérationnelle entre des trajectoires reconnaissables et marginales. Une jeune lectrice qui enseigne des cours, tout en travaillant sur sa thèse doctorale et ayant des tâches administratives mineures est sur une trajectoire reconnaissable. Un assistant de recherche qui n’effectue pas de la recherche, mais au lieu coordonne un programme qui n'a pas d'incidence sur ses intérêts de recherche se trouve sur une trajectoire marginale.

Ces deux dimensions - les cultures disciplinaires et la trajectoire – composent un cadre analytique à deux dimensions où il existe quatre résultats généraux (Figure 2).

Figure 2. Potentiel de carrière selon la discipline pour les universitaires migrants et leurs trajectoires dans l’enseignement supérieur finlandais

Trajectoires dans le système universitaire finlandais Potentiel de carrière et trajectoire Reconnaissables Marginales

Viable

L’interviewé est sur une trajectoire reconnaissable, où la mobilité à long terme semble viable

La trajectoire de l’interviewé semble marginale, mais la mobilité à long terme semble viable

Trajectoires de carrière selon disciplines des universitaires migrants Exceptionnel

L’interviewé est sur une trajectoire reconnaissable, om la mobilité à long terme semble exceptionnelle

La trajectoire de l’interviewé semble marginale, où la mobilité à long terme est exceptionnelle

Source: l’auteur. Une troisième dimension employée dans le cadre analytique a été opérationnalisée en

termes du nombre de liens directs entre le participant et la recherche, l’enseignement, le service et l’administration. Un étudiant diplômé employé pour travailler sur son doctorat sans tâches administratives ou responsabilités d’enseignement et qui ne travaille pas aux services a un lien. Un enseignant qui a son propre programme de recherche, sa part d’enseignement, qui agit comme tête d’un département et qui travaille aussi en tant que consultant a quatre liens par rapport aux missions et à l’administration de son université. En modifiant le domaine bidimensionnel présenté dans la Figure 2, pour ce qui est de la mission de l’université, ils apparaissent des Niveaux (1 – 4) et des Quadrants (A – B) distincts (Figure 3).

On tient également compte dans cette analyse des caractéristiques ascriptives, bien que d’une manière fondamentalement différente. Ce sont les caractéristiques d'une personne ou d’un groupe qui ne peuvent normalement pas être modifiées par l'effort individuel, comme le sexe, l'âge, les liens de parenté, la couleur de la peau, l'origine nationale, l'orientation sexuelle, les handicaps physiques et l'origine ethnique (Beck, 1992). Les dimensions du domaine présenté dans la Figure 3 sont des caractéristiques d’une structure sociale préexistante, tandis que les caractéristiques ascriptives décrivent un individu ou un groupe. Certaines caractéristiques ascriptives sont des éléments empiriques de la migration et, par conséquent, ont le potentiel de mettre en évidence des trajectoires individuelles et des résultats de groupe. Les caractéristiques ascriptives visibles associées à la couleur de la peau

et à l'origine ethnique ont été indiquées par une ombre grise autour du symbole du participant (Figure 3).

Ce cadre d’analyse permet la structuration des perceptions et des expériences des universitaires migrants comme partie d’un processus dynamique, qui est élaboré en ce qui suit.

Figure 3. Perceptions and expériences des universitaires migrants

Source: idée développée par l’auteur et dessinée par Martti Minkkinen (artiste graphique).

Les universitaires très productifs et le Domaine des postes permanents (quatre participants à l’entrevue)

Il y a eu quatre participants au Niveau 4, qui avaient des liens forts avec toutes les missions de l’université, ainsi que des responsabilités administratives. Ces universitaires provenaient de quatre pays, universités et spécialités universitaires différents. Ce qui les distinguait de leurs 38 collègues était leur caractérisation en tant que ‘membres entiers du corps enseignant’ (Fairweather, 2002). Ces participants publient beaucoup, ils enseignent employant des méthodes actives et collaboratives d’enseignement, et arrivent à obtenir des fonds importants en provenance de plusieurs sources de financement. Ils puisent leur expérience de plusieurs domaines; cependant, la vocation universitaire est le point le plus important de leur identité. Un des enseignants articule ainsi l’essence de cette condition:

« Je me considère un universitaire, pas une personne de l’industrie. J’aime faire de la recherche pratique, mais être libre … de mettre en œuvre des idées folles. J’aime aussi penser à ce qu’il y aura dans cinq ou dix ans, pas seulement ‘Je le veux MAINTENANT !’ (Il rit) C’est pour cela que je reste à l’Université … j’ai les mains libres, l’esprit libre. Comme dans les arts, vous voyez les peintres qui peignent exactement ce que vous voyez maintenant. Il y a d’autres peintres qui peignent l’abstracte, leur imagination est mise à l’œuvre … à l’université vous voyez le même type de personnes. »

Ces participants sont entrés dans l’enseignement supérieur finlandais latéralement (Hoffman, 2004a). Ainsi, ils ont quitté leur pays d’origine pour occuper directement des postes universitaires qu’ils étaient qualifiés à obtenir en Finlande. Aucun des quatre n’avait souhaité y rester de manière permanente, mais ils sont entrés parce que cela représentait une opportunité de carrière à l’époque et ils y sont restés.

« J’ai été invité pour une semaine en tant que hôte officiel de la faculté ». Cet enseignant, qui est en Finlande depuis plusieurs années, met en évidence un ‘point de départ’ clé dans l’enseignement supérieur finlandais. Même si les visites de courte durée sont un type bien connu de mobilité académique et employées en tant qu’indicateurs de performance de l’internationalisation classique (Trondal et al., 2003), on sait très peu de ‘ce qui arrive’ entre la ‘visite de courte durée’ et la migration.

Trois de ces participants occupent des postes permanents, un occupe un poste quasi-permanent et trois autres sont sur des trajectoires universitaires conventionnelles. Deux des participants sont relativement marginaux, l'un étant sur une trajectoire non conventionnelle, l'autre dans un domaine où les non-Finlandais sont rares dans le domaine des postes permanents. Un professeur a souligné ceci: « Je pense que dans la grande majorité des universités finlandaises, il y a beaucoup de départements où il n'y a pas d'étrangers ou il n’y a pas plus d’un seul ». Les deux participants en dehors du Quadrant A (domaines viables; trajectoires reconnaissables), ont dit avoir beaucoup plus de difficultés à obtenir des postes satisfaisants que leurs collègues du Quadrant A.

Le pouvoir scientifique est clairement le capital qui a permis à tous les quatre d'entrer, de rester et finalement d’obtenir leurs postes actuels. Ces participants utilisent la langue anglaise dans la vie professionnelle. Bien qu'ils ne soient pas tous des locuteurs natifs, c’est la langue de leurs publications, des demandes de financement, des cours et des services. Mêle s’ils ont des compétences linguistiques limitées en finlandais, le fait qu’ils sont entrés ou ont rapidement atteint des postes de haut niveau crée une situation différente par rapport aux universitaires aux niveaux 3, 2 et 1. Leur statut affecte leurs propres attentes en ce qui concerne la nécessité d'apprendre le finnois, comme le fait remarquer cet enseignant:

« L'apprentissage du finlandais serait une bonne idée, si vous étiez au début, lorsque vous venez ici à 25 ans pour un post-doc ou quelque chose de ce type. Ma situation est un peu différente, parce que je suis plus âgé ». Au niveau 4, les revues scientifiques internationales, les demandes de financement et les cours bien articulés ont eu la priorité sur l'apprentissage de la langue locale (Hoffman, 2003b)17.

Les avantages et les désavantages concernant la nature de la mobilité à long terme ont été exprimés par tous les participants, qui ont conservé leurs positions antérieures - dans leur pays d'origine - aussi longtemps que possible. Au moment de leur arrivée en Finlande, ces participants avaient plusieurs options pour leur carrière. La nature et le niveau de leur travail indique que cela est toujours vrai.

La marginalité et le Domaine des postes temporaires (six participants à l’entrevue) Tous les participants au niveau 3 sont des universitaires accomplis. Toutefois, seulement l'un d'entre eux se trouvait à la fois sur une trajectoire classique et dans un domaine où l'on s'attendrait à trouver des universitaires non-finlandais; cela veut dire qu’il est possible d'être intégré dans une université finlandaise, tout en restant marginal dans un certain sens. Tous les participants au niveau 3 occupaient des postes temporaires, ce qui est dû au fait que ce groupe a accompli plus et a des liens variés aux missions à partir des activités basées sur le capital scientifique dans des contextes où le capital académique est aussi important.

Bennett (1993) établit une utile distinction conceptuelle en ce qui concerne la dynamique au niveau 3. La marginalité constructive concerne la capacité de prospérer dans l'ambiguïté et l'incertitude qui caractérisent la situation d'immersion dans des contextes sociaux dans de nouvelles cultures (Paige, 1993; Vulpe et al., 2000). La marginalité captive se réfère à des modèles et des résultats de l'isolement qui peuvent résulter de la même dynamique (Bennett, 1993). Deux des participants au niveau 3 offrent de très bons exemples de la façon dont ces concepts ont trait à la mobilité et à la migration académiques.

Le chercheur cité ci-dessous a quitté la Finlande pour travailler dans un autre pays, et est rentré deux ans plus tard. Un des participants, ainsi que quatre autres, s’est orienté vers la mission de services de l'université et une forme de capital symbolique – une forme de capital mal reconnue ou non reconnue (Wacquant et Bourdieu, 1992), qui existe dans les réseaux mondiaux de l'enseignement supérieur (Hoffman, 2003a):

« Avant d’arriver en Finlande, j’ai passé six mois en Amérique du Sud, alors je connaissais un peu les pays en voie de développement – comment y vivre et travailler. Mon domaine (universitaire) est très spécifique. Il n’y a pas beaucoup de gens qui détiennent ces connaissances en Finlande. Mon supérieur (en Finlande) cherchait quelqu’un qui connaisse les organisations de l’UE, pour ce qui est du développement de collaborations, l’Amérique latine, les départements, les procédures d’appel d’offres, etc. Je savais quelques choses – pas trop quand-même – de mon travail sur place, mais je savais assez pour pouvoir naviguer sur le web et trouver des choses. »

Au cours de la durée de cette étude, ce participant a étudié et enseigné dans trois pays et a travaillé dans deux autres - aucun d'entre eux n’étant son pays d'origine. La capacité de fonctionner dans et entre des réseaux nouveaux et existants, composés de communautés de pratique relativement discrètes, a du potentiel en ce qui concerne les formes valorisées de la mobilité académique (Rubele, et al. 2005), mais seulement si la reconnaissance en résulte.

17 A tous les niveaux, les tentatives d’apprendre et d’employer la langue finlandaise par des universitaires migrants ont eu un caractère individuel, intéressant, mais finalement sans rapport à cette étude (Hoffman, 2003b). Des généralisations faites sur ce sujet sont traitées dans une autre étude.

La marginalité captive, d'autre part, a été reconnue par un enseignant qui a constaté qu'un universitaire de sa culture « n'était pas destiné à y être » dans le contexte finlandais dans son domaine académique.

Ce participant n’a pas perçu des perspectives de carrière attrayantes dans sa discipline ou spécialité et a quitté l'Espace européen de la recherche au cours de cette étude, pour s'installer dans un troisième pays, dans une odyssée mondiale, qui correspondait mieux à ses perspectives de carrière par rapport à l’offre dans son pays d'origine ou en Finlande.

Deux autres participants poursuivent des trajectoires conventionnelles, ayant des résultats de productivité académique leur permettant d'accomplir leurs perspectives de carrière. Ils font à la fois de l’enseignement et de a recherche, tendant vers le pouvoir scientifique plutôt que vers le pouvoir académique, tout en continuant à s’intégrer dans le programme d’enseignement de leur département. Ces participants perçoivent positivement le monde universitaire finlandais et sont très satisfaits par rapport à la qualité de la vie en Finlande.

Les deux autres participants sont dans une situation différente. Lorsqu'on leur a demandé de préciser quelle était leur position dans l'enseignement supérieur finlandais un chercheur expérimenté a décrit sa position comme un « no man's land » de contrats irréguliers à court terme, certains ne dépassant pas un mois. Il ne se faisait pas d'illusions d'obtenir un poste permanent. Ce participant a établi un rapport net entre l'origine nationale et les possibilités professionnelles d’un universitaire:

« Ils traitent quelqu’un qui vient des Etats-Unis de manière complètement différente… d’Angleterre… de France… de tout endroit qu’on considère plus développé, parce qu’ils pensent inconsciemment qu’il ‘leur fait une faveur’ parce qu’il vient ici ! »

Dans ce groupe, la vocation universitaire, bien qu'importante, n'est pas aussi claire qu’au niveau 4. Les références à la famille et à la situation personnelle ont été plus accentuées. Ces références concernent souvent la qualité de la vie en Finlande, qui a été considérée comme étant supérieure à la région d'origine. Même si tous les participants à ce niveau sont entrés latéralement, certains participants sont entrés volontairement, tandis que d'autres sont entrés dans l'enseignement supérieur parce qu'ils se trouvaient dans le pays pour d'autres raisons et étaient disponibles.

A deux exceptions près, tous les participants au niveau 3 et au niveau 4 étaient des hommes blancs provenant de pays européens. Sur les deux exceptions, une chercheuse a été claire au sujet de sa marginalité captive. Son espoir de poursuivre une carrière dans l'enseignement supérieur, en dépit des qualifications impressionnantes, n’était pas encadré de manière positive. L’enseignent universitaire qui « n’était pas destiné à y être » (cité ci-dessus), a quitté la Finlande pour la même raison.

La mobilité latérale positive: ‘les suspects de service’ et ‘l’enfer ethnique’ (douze participants à l’entrevue) Il y a plusieurs différences en ce qui concerne les participants avec seulement deux connexions par rapport à la mission universitaire. Au niveau 2, des universitaires provenant de plusieurs continents – entrés latéralement - apparaissent dans toutes les cinq universités sélectionnées pour cette étude de cas multiple.

A ce niveau il apparait un groupe qui n'est pas visible aux niveaux 3 et 4. Ce groupe a été appelé « les suspects de service », partant du fait que ces participants sont dans des domaines viables où tout le monde, y compris l'ensemble de la population, pourrait s'attendre à trouver des universitaires migrants (Jaakkola, 2005). Leur tâche principale, à une exception près, est l'enseignement. Ils sont en Finlande depuis longtemps, certains d'entre eux depuis des décennies. Quatre d’entre eux occupent des postes permanents, le seul

chercheur occupant un poste quasi-permanent, alors que même le plus jeune d’entre eux – ayant un poste temporaire - présente un avenir prometteur à ce niveau. Ce qui distingue ce groupe c’est principalement la durée de leur séjour en Finlande, comme le fait remarquer ce professeur expérimenté:

« Nous avons été une génération chanceuse, beaucoup d’entre nous avons trouvé un emploi sans même essayer, si vous voulez. Pour le dire franchement, cela a été très facile. On ne devait pas avoir beaucoup de qualifications – on devait avoir un accent comprehensible. Et voilà, à la moitié de mes vingt ans, j’ai eu un poste de titulaire à vie. »

Malgré cette description dénigrante, la plupart de ces participants se sont distingués, deux d’entre eux obtenant un doctorat, un autre un poste d’enseignant et encore un autre un poste de chef de département. Ce groupe est fermement intégré dans le programme d'enseignement et dans les opérations du département, c'est-à-dire des positions définies par le pouvoir académique. Le pouvoir scientifique n'est pas prévu pour les enseignants au niveau 2, à moins qu’il soit auto-initié. Ce sous-groupe s'étend jusqu’au niveau 1, où se trouvent trois autres participants de ce type - tous des enseignants des mêmes domaines universitaires généraux. Une forme ovale verticale met en évidence ce groupe distinct dans le quadrant A.

Les six autres participants au niveau 2 sont définis par la marginalité. Le plus stable est un administrateur qui occupe un poste exceptionnel, mais permanent. Il est rejoint par un groupe d'universitaires expérimentés ayant des contrats temporaires, dont les trajectoires sont marginales, dans des domaines où la présence des migrants est exceptionnelle.

Une doctorante a appelé cette situation « l’enfer ethnique », se référant à des disciplines dans lesquelles la liberté de choisir son propre problème de recherche est la norme, tandis que, pour les migrants, la réalité est le choix d'étudier des conditions spécifiques à leur région d'origine ou d’étudier comment les migrants de « leur groupe » réussissent dans la société finlandaise. Elle a déclaré que « la plupart d'entre nous (les étrangers) ne sont pas considérés en mesure d’effectuer de la recherche sur la Finlande. Ils nous disent en général que nous devrions nous concentrer sur des questions d'immigration - ou sur notre propre pays (rires). »

Des non-enseignants au niveau 2 existent en termes de capital scientifique. Si ceux-ci n’établiront pas plus de liens par rapport à la mission il est difficile d'imaginer une amélioration de leur position, sauf en quittant l'enseignement supérieur, le pays ou les deux à la fois. Un chercheur décrit cette situation:

« Au début, j’ai travaillé dur. Mon but était de devenir enseignant. Mais après plusieurs années, je me suis rendu compte qu’il était assez difficile pour un étranger de devenir enseignant, par comparaison aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. J’aime la recheche, donc le fait d’être chercheur me va. Pour moi, je gagne quelque chose, mais je perds aussi quelque chose. Si j’étais dans mon pays d’origine, je serais déjà enseignant. J’aurais probablement un grand groupe de chercheurs. Mais ici, il est impossible, je crois. »

Tous les chercheurs au niveau 3 occupent des postes marginaux par comparaison au corps enseignant. Deux de ces participants ont quitté l’université – et la Finlande – au cours de cette étude. Les deux restants – qui travaillent sur des trajectoires marginales dans des domaines où on ne trouve pas normalement des migrants – n’ont pas beaucoup d’espoir au sujet de leurs perspectives de carrière dans l’enseignement supérieur finlandais.

La mobilité de recherche initiale et la mobilité verticale émergeante ? (vingt participants à l’entrevue) Le test de l'attractivité du système d'enseignement supérieur finlandais peut être trouvé au niveau 1, représenté ici par 20 participants à l’entrevue. Son essence est capturée par la question de Raunio (2003): « Devrais-je rester, ou devrais-je m’en aller? ». Le niveau 1 englobe des participants du monde entier dans tous les domaines de mission de l'enseignement supérieur. Les différences entre le niveau 1 et les autres niveaux démontrent les atouts, les points faibles, les opportunités et les dangers en ce qui concerne le recrutement et la rétention d’universitaires migrants.

L'aspect le plus significatif du niveau 1 est la présence de la mobilité verticale. C'est le cas de deux enfants de la première génération de migrants entrant dans l'enseignement supérieur avec leurs congénères après avoir passé le baccalauréat et satisfait les critères des examens d'entrée à une université (Hoffman, 2004a). Bien que deux participants seulement ne semblent pas justifier cette attention, c’est le rapport entre la mobilité latérale et verticale qui met en lumière le fait que les individus de certains groupes de migrants arrivés récemment en Finlande sont très difficiles à localiser, ou point présents dans le système d'enseignement supérieur à certains niveaux de l'emploi dans l’enseignement supérieur (Hoffman, 2005).

Une autre caractéristique du niveau 1 est la manière dont la mobilité de recherche initiale (ESRM) met en lumière un secteur par lequel des enseignants et des chercheurs de nombreux pays entrent dans ce domaine. Un ovale a été placé autour du groupe ESRM, quatre dans le quadrant A, huit dans le quadrant C. Douze des vingt participants au niveau 1 travaillaient sur leur thèse de doctorat, dont huit dans des domaines où les universitaires migrants sont rares comme, par exemple, des disciplines douces-pures comme la philosophie, tandis que les quatre autres étaient dans des disciplines où leur présence n'est pas rare comme, par exemple, des disciplines dures et appliquées, comme la biotechnologie et les arts du spectacle (Becher et Trowler, 2001; Raunio, 2003). Un des participants – d’une des spécialités où les migrants sont rares - a quitté la Finlande au cours de l'étude, son doctorat restant inachevé.

Bien que la plupart des participants au niveau 1 sont entrés latéralement avec des attentes à court terme, nombreux d’entre eux ont trouvé une personne, une communauté, un mode de vie, une carrière ou un domaine ou une combinaison de ceux-ci qu’ils n’avaient pas pu anticiper et envisagent eux-mêmes d’y rester.

Deux questions clés qui peuvent être posées à cette catégorie de participants sont les suivantes: Ont-ils envisagé travailler dans l'enseignement supérieur? Est-ce le fait de rester en Finlande une option sérieuse?

La réponse à la première question est négative pour sept des douze participants impliqués dans l’ESRM, parce qu'ils se retrouvent dans des domaines d'études où les carrières sont normalement dans le secteur privé. Les participants ont établit des comparaisons entre de meilleures rémunérations salariales et opportunités dans différentes régions géographiques et secteurs professionnels et la combinaison de la faible rémunération et des contrats à court terme caractérisant la plupart des postes d’entrée dans des unités universitaires de base en Finlande (Välimaa, 2001b; Ylijoki, 2003).

En ce qui concerne la décision de rester en Finlande, cinq des participants avaient prévu de rentrer à la maison ou d’émigrer vers un autre pays et quatre participants n'étaient pas sûrs s’ils allaient rester en Finlande. Trois semblaient déterminés à rester au moment de l'entrevue.

Il y avait deux ironies dans le groupe ESRM. La première concernait les quatre participants des domaines d'étude les plus viables (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques). Trois ont dit qu'ils ne resteront pas en Finlande. L'un était ouvert à la

possibilité d’y rester, mais seulement s’il y avait une amélioration des ses chances d’avancement professionnel. Parmi ces quatre, le participant ayant le plus de chances et le désir de poursuivre une carrière dans l'enseignement supérieur avait fermement décidé de continuer dans une autre région du monde. En cas de réussite, elle poursuivra un modèle transnational, accompagnée par au moins trois autres participants à cette étude. Le modèle commence dans les « pays cibles » de la politique finlandaise d'aide, implique de la formation dans la recherche financée par l’Etat en Finlande et se conclut par un emploi dans ces pays que les mêmes documents politiques identifient comme étant nos concurrents les plus redoutés (Ministère finlandais de l'éducation, 2003; Rapport du Groupe de travail, 2002).

Pour ce qui est des huit autres participants à l’ESRM, la deuxième ironie est que quatre d'entre eux espéraient commencer une carrière dans l'enseignement supérieur, même si leur présence, en tant que migrants, serait exceptionnelle au-delà de la phase de doctorat. Parmi ces quatre, trois voulaient rester en Finlande et le quatrième était ouvert à l'idée. Alors que l’ESRM constitue une trajectoire reconnaissable de facto, ces participants ont reconnu qu'ils étaient dans des domaines où aucun migrant n’est arrivé à évoluer des études de doctorat vers une trajectoire à long terme. Comme le dit ce doctorant:

« Je suis intéressé par le système; mais est-ce que le système est intéressé par moi ? Je publierai autant que je pourrai, et je chercherai ensuite un emploi dans mon propre pays. Là, j’ai une chance d’avancer dans l’hiérarchie (académique). J’ai pas trop d’opportunités du fait de ma situation actuelle. »

Le reste des « suspects de service » se retrouvent au niveau 1, tous ayant des emplois permanents. Un lien à la mission est suffisant pour y rester de manière permanente, mais cela ne suffit pas pour avancer lorsqu’il s’agit de personnes dont le travail implique plusieurs liens. Le même est vrai pour le seul administrateur dans ce domaine.

Ce domaine inclut trois étudiants de Master éligibles pour être embauchés par leurs programmes. Tous étaient disposés à poursuivre une carrière dans l’enseignement supérieur, mais se doutaient de cette possibilité en raison d’autres choix plus évidents. Tous les trois ont trouvé des emplois en dehors de l’enseignement supérieur au cours de l’étude.

Discussion: entre et à l’intérieur

L’enseignement en Finlande a été employé dans l’histoire afin de réduire les différences entre les groupes sociaux (Malin, 2005). L’égalité est le meilleur facteur qui puisse expliquer les résultats exceptionnels obtenus par la Finlande dans les enquêtes de l’OCDE sur l’éducation (Välijärvi, 2006; OCDE, 2003).

Toutefois, la population, qui rétrécit et vieillit rapidement, contient désormais un nombre croissant de personnes nées - ou dont les origines se trouvent - à l'extérieur des limites qui, traditionnellement, ont défini à la fois un État-nation et l'identité culturelle de plus de 98 pour cent des 5,2 millions d'habitants de la Finlande. Le type de dynamique que tente de mettre en évidence cette analyse est inattendu en termes de stratification au sein d'un système éducatif normalement associé à son absence. La raison est que l'équité pour les citoyens d’un système universitaire national en expansion et l’internationalization dans une économie mondiale compétitive puisent leurs racines dans deux débats politiques différents.

La logique initiale qui sous-tend l'internationalisation classique de l’enseignement supérieur envisageait une coopération limitée et la circulation des connaissances et des ressources - y compris universitaires - entre les pays (Scott, 1998; Trondal et al., 2003). Pour les générations qui sont proches de la retraite, des indicateurs classiques de l’internationalisation ont été développés lorsque la mobilité académique des universitaires n'était pas un problème (Välimaa, 2001b). Par conséquent, une stratification imprévue des

enseignants et des chercheurs dans l'enseignement supérieur ne peut être considérée comme inhabituelle ou inattendue, étant donné que le mouvement entre pays se transforme en un mouvement entre et à l’intérieur de pays dans un laps de temps relativement court. Le cadre analytique de cette étude (Figure 3) met en lumière ce nouveau mouvement dans les universités finlandaises.

L'évolution des hiérarchies du corps professoral en France, à une époque associée à la crise étudiante, nous a révélé une transformation sociale d’envergure dans un contexte national spécifique (Bourdieu, 1988). La transformation basée sur la démographique en Finlande - et en Europe pour sa plupart – qu’on connait au début du Vingt et unième siècle est différente de la « crise de l'accès » de la fin des années 1960 et du début des années 1970, mais néanmoins l'accès reste une question centrale. La principale différence est que la dynamique de la migration est en train de changer l'ensemble des populations de nombreux Etats européens de manières qui s’attaquent à la notion de la culture nationale. Cela est particulièrement vrai dans les pays nordiques, culturellement homogènes (Forsander, 2004), où la dynamique du changement est arrivée sans être accompagnée par des concepts qui puissent être facilement utilisés pour expliquer, interpréter, voire même la décrire de manière adéquate (Beck, 1992).

Cette analyse offre quelques coordonnées théoriques puisées dans des enquêtes auprès du personnel de l'enseignement supérieur, et offre un aperçu empirique du cœur d'une nouvelle transformation sociale. Cette transformation se reflète, en partie, dans l'amalgame de la stratégie de Lisbonne, due processus de Bologne et des politiques scientifiques visant à rendre les systèmes nationaux d'enseignement supérieur compétitifs au niveau mondial (Bourdieu, 2004; Marginson, 2006; Hoffman, Välimaa et Huusko, 2005 ).

Tout système d'emploi de l'enseignement supérieur donnera des résultats spécifiques au niveau national, si les généralisations analytiques de cette étude sont mises en œuvre. Plus précisément, cette analyse démontre la possibilité de déterminer des relations statistiques entre une gamme complète de caractéristiques ascriptives et de trajectoires de carrière, en termes de modèles de mobilité académique, dans des cadres basés sur les disciplines et dans des domaines de missions universitaires.

La tension qui existe entre une hypothèse de l'équité qui est un fait historique et l’affirmation théorique, avec des bases empiriques, de la stratification, met en lumière les difficultés liées à la dynamique socioculturelle causées par les migrations internationales et les relations ethniques dans des cadres nationaux et institutionnels spécifiques. Ces résultats pourraient être considérés comme représentant une situation et un cadre exceptionnels. Un examen plus approfondi met en évidence néanmoins une série générique de dynamiques.

Les acteurs impliqués dans l’enseignement supérieur de plusieurs Etats et des établissements de ces Etats n'ont pas connaissance des relations existantes entre les caractéristiques ascriptives et les possibilités de carrière des chercheurs migrants. Plusieurs caractéristiques ascriptives qui sont des modèles empiriques de la migration internationale et des relations ethniques n'existent pas en tant que variables actuellement utilisées pour analyser le personnel académique dans de nombreux systèmes nationaux d'enseignement supérieur. Par conséquent, leur rapport avec beaucoup des caractéristiques basées sur la théorie de l'enseignement supérieur ne peut être analysé de manière pertinente.

Les expériences et les perceptions des universitaires migrants et de leurs trajectoires indiquent une situation fondamentalement nouvelle, formée par la dynamique de la mobilité latérale et verticale. La logique démographique et économique qui requiert de la mobilité latérale ne rend pas moins pertinente la discussion des résultats de l'équité dans des contextes nationaux. Toutefois, cette tension introduit une nouvelle complexité lorsqu’elle parle de questions liées à l'accès des étudiants, l'emploi des universitaires et des spéculations

quant à la capacité de l'enseignement supérieur à expliquer des changements dans la société qui ne sont pas compris dans l'enseignement supérieur.

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L’accréditation, le Processus de Bologne et les réactions nationales: l’accréditation comme concept et comme action

TAINA SAARINEN et TIMO ALA-VÄHÄLÄ

Cet article examine l’accréditation comme une des parties de la politique sur la qualité du Processus de Bologne. L’accent est posé ici sur l’analyse du concept d’accréditation dans des documents de politiques de quatre pays (la Finlande, les Pays-Bas, la France et la Suède). L’article se concentre sur les questions suivantes: (i) comment apparaît l’accréditation, en tant que concept et en tant qu’action, dans les rapports nationaux, produits pour contribuer aux réunions ministérielles ?; et (ii) comment est présentée l’accréditation, en tant que concept et en tant qu’action, dans le cadre national et à des acteurs nationaux ?

Introduction La politique sur la qualité du Processus de Bologne se concentre actuellement sur le développement de systèmes comparables d’assurance de la qualité. Les participants au processus, représentés par leurs ministères de l’éducation, sont simultanément des acteurs et des cibles du processus, puisqu’ils planifient les objectifs au niveau européen et les mettent en œuvre au niveau national.

L'accréditation est une question d’un intérêt particulier dans le contexte de l'assurance qualité. Le Communiqué de Berlin de 2003 a présenté et le Communiqué de Bergen de 2005 à renforcé l'objectif de la création de systèmes nationaux d'assurance qualité, qui incluraient « des procédures d'accréditation, de certification ou des procédures comparables ». Ici, le terme d’« accréditation » a été introduit dans les politiques d'enseignement supérieur en Europe e vertu de la nécessité de la transférabilité des diplômes et des politiques du travail. Le Processus de Bologne a introduit l'accréditation dans les politiques sur l'enseignement supérieur européen d'une façon qui semblait impossible dans les années 1990, lorsque la convergence des systèmes d'enseignement supérieur était contestée par les pays membres de l'Union Européenne (O'Callaghan, 1993).

Officiellement, les objectifs relatifs à la qualité du Processus de Bologne sont plutôt sans équivoque, selon les documents du processus. La mise en œuvre au niveau national semble, en revanche, plus problématique (Stensaker et Harvey, 2006; Haug, 2003.) Chaque pays œuvre dans son propre contexte historique, avec ses traditions nationales, ce qui conduit naturellement à des approches différentes pour la mise en œuvre. Le même semble s'appliquer quant à l'assurance de la qualité et à l'accréditation, cette dernière étant, dans certains pays, un élément nouvellement introduit dans le domaine de l'assurance qualité. Nous partirons de l'hypothèse que dans la dimension de l'assurance de la qualité du Processus de Bologne il existe deux tensions opposées. Premièrement, les systèmes nationaux semblent converger là où l'accréditation rejoint l’assurance qualité. Deuxièmement, du fait de différences nationales dans la mise en œuvre des objectifs de Bologne, la notion d'accréditation devient (ou reste) vague sur le plan européen.

Cet article se penche sur ce conflit potentiel des significations et des définitions et des actions attachées au mot « accréditation ». Nous enquêterons autour de « l’accréditation, la certification ou les procédures comparables » dans quatre pays différents: la Finlande, les Pays-Bas, la France et la Suède.

L’accréditation: un terme, des définitions et des pratiques Le mot d'accréditation a reçu plusieurs significations, et il a été défini de différentes façons. L'accréditation vient avec différents modes de mise en œuvre, selon les actions qui lui sont associées. Aussi, il existe des pratiques qui ne portent pas le nom d'accréditation, mais qui sont utilisés dans des contextes similaires. Woodhouse (1999) définit l'accréditation en tant que l'évaluation du fait de savoir si un établissement ou un diplôme peut recevoir un statut particulier. Valimaa (2004), à son tour, définit simplement l’accréditation comme une approbation fondée sur l'évaluation. Comme le met en évidence Kohler (2003), l’accréditation « fait la loi » menant à l'octroi de licences.

Dans le contexte européen, Westerheijden (2001) parle de deux générations de l'accréditation, la première génération étant celle des systèmes mis en œuvre dans les systèmes d’enseignement supérieur de l’Europe de l'Est début des années 1990, et la deuxième celle des systèmes d’accréditation mis en place par le Processus de Bologne, sur la base d’une « transparence européenne ». Van der Wende et Westerheijden (2001) poursuivent cette analyse de l'accréditation autour des thèmes de la transparence et de la mobilité en Europe. Harvey (2004) écrit que l'accréditation se concentre sur les programmes ou sure les établissements. Il définit l'accréditation comme « l’affirmation ou la confirmation du statut, de la légitimité ou de la pertinence d'un établissement, d’un programme (composé de modules) ou d'un module d'études ». Harvey nous rappelle également que l'accréditation n'est ni neutre ni apolitique (Harvey, 2004, pp . 207-208).

L'utilisation du mot « accréditation » a des implications politiques dans les pays participants. Les définitions du mot parlent de la façon dont il devrait être utilisé, plutôt que de décrire comment il est utilisé (Bacchi, 2000) pour un examen plus approfondi des discours sur les politiques. Les définitions du terme « accréditation » conduisent à une sorte d’opérationnalisation de celui-ci, et ces opérationnalisations peuvent varier d'un pays à l'autre, en fonction des besoins. En outre, les définitions et les pratiques attachées à la notion d' « accréditation » initient et orientent le débat sur les politiques sur l'assurance qualité dans l'enseignement supérieur et, par conséquent, les mesures relatives à l'accréditation. Comme nous l'avons déjà spécifié, le Processus de Bologne peut étendre la sphère de l'action sociale, où l'accréditation est appliquée. Ainsi, le Processus de Bologne reconstruit et donne en permanence une nouvelle signification à cette notion.

Dans cet article, nous examinerons les facettes de la notion d'accréditation, la signification qui lui est attachée, et les pratiques (politiques) qu'elle désigne. En d'autres termes, nous allons analyser comment l'accréditation apparaît dans le cadre du Processus de Bologne: - comme mot (quel mot est-il utilisé au niveau national, quel mot reporte-t-on à l'échelle européenne, concernant l'action liée à l'accréditation?) - comme définition (quels types de descriptions sont donnés sur l'accréditation ou les actions connexes? Comment définit-on l’accréditation dans les documents?) - comme action (quelles actions concrètes a-t-on proposé pour répondre à la demande d'accréditation - comme procédures dans le cadre du Processus de Bologne? Quels types de changements liés à l'assurance de la qualité a-t-on proposé?)

Nos données se composent des éléments suivants de documents de politiques sur l'enseignement supérieur: - des documents principaux du Processus de Bologne (déclarations et communiqués); - des documents nationaux produits spécifiquement pour le suivi ou les rapports du Processus de Bologne, à l’attention du public européen ou national;

- des documents nationaux de planification de l'époque précédant et accompagnant le Processus de Bologne.

Des exemples nationaux Un processus international tel que le Processus de Bologne apporte inévitablement de nouveaux essors au niveau des politiques nationales. Les changements au niveau des politiques sont cependant également influencés par le contexte national et local. D'une part, les gouvernements exigent des changements en s’inspirant de modèles puisés internationalement. D'autre part, des exigences similaires suscitent des mises en œuvre différentes dans différents contextes nationaux.

Les quatre études de cas nationaux sur la Finlande, la Suède, la France et les Pays-Bas ont été choisis en partie sur la base de nos études précédentes (Ala-Vähälä, 2003; Ala-Vähälä, 2005; Saarinen, 2005a; Saarinen, 2005b). Les exemples représentent également des traditions différentes de l'enseignement supérieur en général et de l'assurance de la qualité en particulier. On tentera en ce qui suit une brève analyse du développement de systèmes d'assurance qualité, du rôle de l'accréditation dans l'assurance de la qualité, et de la représentation de l'accréditation dans des documents nationaux, d'une part, et dans des documents réalisés pour le Processus de Bologne, de l'autre.

Les Pays-Bas Les origines de la politique néerlandaise d'assurance qualité remontent au milieu des années 1980. Le rapport de la commission « Hoger onderwijs: autonomie en kwaliteit » (L’enseignement supérieur: autonomie et qualité) de 1985 a introduit une nouvelle idéologie de la direction. Dans le but d'améliorer les processus de gouvernance, le document propose que la direction gouvernementale ait lieu à un niveau plus général. La nouvelle idéologie de la direction à distance incluait deux éléments: d'abord, les établissements d'enseignement supérieur devraient avoir davantage de responsabilités pour ce qui est de leurs propres activités, et ensuite, le nouveau système devrait inclure un système adéquat d'assurance de la qualité (Hoger onderwijs: autonomie en kwaliteit [Enseignement supérieur: autonomie et qualité], 5-6.) A la suite de débats politiques, une nouvelle loi sur l'enseignement supérieur couvrant à la fois les universités et les écoles polytechniques, a été acceptée en 1993. Le système d'assurance de la qualité, cependant, a été mis en place quelques années plus tôt par les associations des universités et des écoles polytechniques. En d'autres termes, les universités et les écoles polytechniques avaient des systèmes d'évaluation distincts. Dans le système de l'époque, l'enseignement était évalué discipline par discipline, et chaque programme d'études dans le domaine de l'éducation respectif était audité pendant le processus d'évaluation. Dans le secteur universitaire, ces évaluations ont commencé en 1989, et dans les écoles polytechniques en 1991.

La nouvelle politique d'assurance de la qualité visait principalement le développement de la qualité, ce qui signifie que les audits externes n'entraînaient pas de sanctions directes. D'autre part, si les auditeurs estimaient que la qualité de l'éducation dans certains programmes d'études n'était pas suffisante pour un établissement d'enseignement supérieur, cela était mentionné dans le rapport et les auditeurs donnaient des recommandations pour le développement de la qualité. Dans ce cas, les programmes d'études (et leurs universités ou écoles polytechniques) devaient rapporter aux établissements d’inspection au sujet de leurs actions prises à l'égard des recommandations. S’il n’y avait pas de développements, le gouvernement pouvait recourir à des sanctions, ce qui signifiait que, dans le pire des cas, le gouvernement pouvait retirer le programme d'études de la liste des programmes d’études officiellement acceptés, ce qui faisait que le diplôme concerné n'était plus reconnu officiellement (Jeliazkova et Westerheijden, 2004, p. 304).

Ce système d'assurance de la qualité n'a pas été accepté à l'unanimité par les écoles polytechniques, et celles-ci ont commencé à faire des propositions concernant un nouveau système basé sur l'accréditation dès le milieu des années 1990. La Commission Brouwer, qui a examiné diverses questions dans le domaine de l'offre éducative des écoles polytechniques, a rendu son rapport en 1995, qui recommande que chaque programme d'études polytechniques devrait avoir un financement public afin d’être agréé par un organisme indépendant composé de représentants des organisations syndicales, de l'Association des écoles polytechniques et du Ministère de l'éducation et de la science (Niet meer maar beter [Pas plus, mais de meilleure qualité], 64). Durant la même année, l'assemblée générale de l'Association des écoles polytechniques a appuyé cette initiative (HBO [Association néerlandaise des universités de sciences appliquées], 1995, p. 21).

Durant la deuxième moitié des années 1990, le système d'accréditation fondé sur l'assurance de la qualité a commencé à se développer étape par étape. A la fin des années 1990, les polytechniques ont commencé à établir leurs propres programmes de master indépendamment du système officiel de diplômes de l'époque. Afin de créer un système d'assurance qualité, les écoles polytechniques ont créé une fondation spéciale, le Conseil néerlandais de validation, avec la tâche d’accorder des validations aux nouveaux programmes de master professionnel. Ce protocole a été défini comme une accréditation (Masteropleidingen. Brief bestuur HBO-raad, aan de colleges van bestuur / centrale directies van alle hogescholen [Les programmes de Master. Une lettre aux universités d’enseignement professionnel de la part de l'Association des universités de sciences appliquées des Pays-Bas], 1997; voir aussi le Masteregister du Conseil néerlandais de validation).

Aussi, en 1999, l'association des écoles polytechniques, HBO-raad, a commencé le pilotage de l'accréditation des programmes d'études polytechniques. Ce projet a été appelé « accréditation expérimentale » (proefaccreditering). Les principaux raisons du pilotage a été indiqué dans les instructions de l'accréditation expérimentales (protocole proefaccreditering) et dans le document intitulé « Dix questions sur l'accréditation expérimentale » (Tien vragen proefaccreditering): la nécessité d'une plus grande objectivité: le système à l’essai devait faire clairement une distinction entre les deux fonctions principales: d'abord, valider la qualité de base et deuxièmement, soutenir le développement de la qualité. Selon le document « Protocole proefaccreditering », le système de l'époque combinait ces deux fonctions, d'où un manque d'objectivité. Il faut remarquer ici que l'évaluation de l'accréditation expérimentale, qui a été réalisée en 2002, a montré que l'une des principales motivations pour le pilotage du projet a été la nécessité de la transparence dans la compétitivité des marchés de l'éducation (Goedegebuure et al., 2002, p. 5.) Cette idée de la transparence n'a pas été mentionnée dans les documents originaux, mais après la déclaration de Bologne elle y fait aussi son apparition.

Le processus de création du système actuel d'accréditation a commencé en 2000, lorsque le ministre de l'éducation a mis en place un comité afin de discuter des principes d'un système d'assurance qualité fondé sur l'accréditation (Regeling van de minister van Onderwijs, Cultuur en Wetenschappen, nr. WO / B/2000/39880, dd. 6 november 2000, tot instellen van een Commissie Kwartiermakers Accreditatie in het Hoger Onderwijs [Statut du Ministère de l'éducation, de la culture et des sciences]). Déjà en février 2000, le ministre a envoyé une lettre créant la commission, et offrant les raisons pour un système basé sur l'accréditation. La lettre mentionne la nécessité de la transparence, et fait référence à la Déclaration de Bologne et au besoin de coordination dans le domaine de l'assurance de la qualité. A ce stade, il ne fait aucune mention de l'accréditation dans le cadre des documents du Processus de Bologne et, par conséquent, la lettre du ministre n'a pas fait valoir que l'accréditation a été demandée par le Processus de Bologne. D'autre part, la lettre a présenté

l'accréditation comme une réponse naturelle aux défis du processus de Bologne. Selon la lettre, de plus en plus de pays reconnaissent l'accréditation comme l’instrument d’une plus grande transparence et d’une meilleure garantie de la qualité.

Le comité qui a examiné l'accréditation a fait référence à la Déclaration de Bologne (1999) et au Communiqué de Prague (2001) et a lié le système d’assurance qualité basé sur l’accréditation au Processus de Bologne. Comme les documents antérieurs, il ne prétend pas que le Processus de Bologne exige un système fondé sur l'accréditation, mais il indique qu'un système basé sur l'accréditation est devenu un moyen de répondre aux exigences du Processus de Bologne. Selon le rapport de la commission, de nombreux pays étaient en voie d’introduire un système d'assurance qualité basé sur l’accréditation afin de garantir la qualité de l'enseignement supérieur. (Prikkelen, Presteren, Profileren [Stimuler, accomplir, créer un profil], 2001, p. 8).

En résumé, il est évident que le système d'assurance de la qualité basé sur l'accréditation a commencé à se développer avant le Processus de Bologne. Lorsque le Processus de Bologne est devenu un sujet de discussion, il a été utilisé pour légitimer la mise en œuvre de ce système d'accréditation. Ainsi, il était naturel que le gouvernement néerlandais présente le système d'accréditation en tant que leur réponse aux exigences du Processus de Bologne e, matière d'assurance de la qualité. Le rapport préparé pour la réunion de Berlin (Pays-Bas, 2003) présente en détail les objectifs et les principes de l'Organisation pour l’accréditation des Pays-Bas (NAO), qui a été fondée en 2002. Dans le rapport de la réunion de Bergen (Pays-Bas, 2005), on a signalé le changement de la NAO en l’Organisation néerlandaise-flamande pour l’accréditation (NVAO), ainsi que la nouvelle coopération avec la communauté flamande de Belgique. Dans le rapport 2005 de Bergen, l'accréditation est largement mentionnée.

La France En France, il existe plusieurs systèmes d'assurance de la qualité. Cet article porte sur les systèmes qui traitent de l'évaluation des programmes de diplôme de l'enseignement supérieur (habilitation) et de l'évaluation indépendante des établissements d'enseignement. Ces systèmes existaient déjà avant le Processus de Bologne, mais ce processus a créé des pressions en faveur de leur développement, en particulier autour du système des habilitations. Les habilitations des programmes d'études universitaires ont été menées par le Ministère de l'Éducation. En outre, il existe des systèmes séparés pour les programmes de master en ingénierie et pour les programmes d'économie et de gestion. Toutes ces habilitations accordent un statut de diplôme officiel - Diplôme d'Etat - ce qui signifie qu'elles ont un statut officiel garanti par l'Etat. Les évaluations indépendantes ont été menées par le Comité national d'évaluation, CNE, et ces évaluations ont principalement ciblé les établissements d'enseignement, mais le CNE a également effectué certaines évaluations par disciplines.

La France a été l'un des initiateurs du Processus de Bologne et l'un des quatre signataires de la Déclaration de la Sorbonne (1998). Le rapport de la commission Attali de 1999 a proposé un système à trois niveaux d'études et un nouveau système d'évaluation: chaque unité devait être évaluée durant une certaine période, et les évaluations étaient censées avoir des conséquences sur leurs ressources. Le comité a aussi proposé une nouvelle organisation pour s’occuper de l'évaluation: l'ASE (Agence supérieure d’évaluation). Bien que la France ait aussitôt commencé à développer un système de diplômes à trois niveaux, le système d'assurance qualité s'est développé dans une autre direction que celle suggérée par la commission Attali (« Pour un modèle européen d'enseignement supérieur. Rapport de la Commission Jacques Attali », 1998). Au lieu de créer un nouveau système et une organisation pour l'assurance qualité, le Ministère de l'éducation a progressivement

développé le système d'habilitation, vers les principes de l'accréditation. Cela a impliqué un changement essentiel du contrôle « ex ante » des programmes d'études vers un système d'accréditation.

Selon Chevaillier (2004), jusqu'au milieu des années 1990, le contenu des programmes universitaires a été formulé par le Ministère de l'éducation et l'habilitation a été une sorte de « contrôle de la conformité »: le ministère vérifiait que les programmes d'études respectaient les principes énoncés par le ministère. Le contenu n’était vérifié qu'une seule fois, lorsque les établissements d'enseignement supérieur commençaient leur activité et/ou quand ils sollicitaient de nouveaux programmes d'études. Depuis la fin des années 1990, la situation a changé peu à peu, le gouvernement a créé de nouveaux types de programmes d'études, sans la définition d'un programme national pour ceux-ci. Ainsi, il est devenu évident que l'approbation doit être fondée sur des évaluations d'experts au lieu de règlements «ex ante». Chevaillier estime que cela est devenu absolument clair en 2002, lorsque le gouvernement a décidé de renouveler la structure des diplômes à la suite de la Déclaration de Bologne. Le Ministère de l'éducation a déclaré que les universités doivent faire des demandes de renouvellement de l'ensemble de leurs programmes d'études. Leurs seuls critères d’orientation étaient les critères que le ministère était censé employer pour sa décision d'habilitation (Chevaillier, 2004, 160-161) Ces habilitations sont valables pour une période de quatre ans.

Comme il a été indiqué ci-dessus, les habilitations sont souvent présentées comme la version française de l'accréditation. (France, 2003; France, 2005; Chevaillier, 2004). Toutefois, l'idée d'adapter le système d'habilitation aux exigences du Processus de Bologne a rencontré certaines critiques. Le rapport annuel du CNE de 2002 indique que le système d'habilitation est étrange pour le grand public et le niveau de transparence est faible (Repères pour l'évaluation, 2002, p. 105). Aussi, le rapport des auditeurs de l'Etat estime que la mise en œuvre du marché commun européen de l'éducation exige une amélioration du système d'habilitation. Perez (2003) estime que le système d'habilitation n'est pas consistant: un programme d'études qui a une position déjà établie voit son habilitation généralement approuvée, tandis que les nouveaux programmes d'études peuvent subir une stricte évaluation. Cependant, parfois de nouvelles et/ou petites unités d'enseignement supérieur peuvent profiter d’une discrimination positive (Perez, 2003).

Aussi, le processus d'habilitation est relié aux cycles sur quatre ans des accords-cadres entre les universités et le gouvernement. Le processus prévoit que les accords relatifs aux ressources soient conclus avant la décision d'habilitation, c'est-à-dire lorsque le gouvernement (ou le Ministère de l'éducation) a déjà décidé à peu près sur le volume de l'éducation dans chaque université avant la décision d'habilitation. Le montant des ressources disponibles, à leur tour, est un des critères des décisions d'habilitation, ce qui indique que les intérêts politiques, comme les estimations sur les besoins éducatifs locaux, ont une forte incidence sur la décision d'habilitation des diplômes universitaires. Ceci est souligné par le fait que l'habilitation des programmes d'études universitaires - contrairement aux habilitations des programmes de niveau master en ingénierie et des programmes d'études en sciences économiques et administration des affaires - ne comportent pas d’audits (Ala-Vähälä, 2005, p. 41, 64)

La Finlande En Finlande, l'évaluation est devenue un des mots-clés des politiques sur l'enseignement supérieur dans les années 1980. Au début des années 1990, la récession économique a apporté l’idée de la qualité au premier plan. La qualité a été à ce moment-là considérée comme un facteur compétitif dans les politiques sur l'enseignement supérieur. Du point de

vue de la communauté universitaire, le développement de la qualité devait être mis en œuvre tandis que les ressources étaient coupées (Saarinen, 2005a).

L’épisode suivant des politiques sur la qualité en Finlande a commencé au milieu des années 1990, quand l'assurance qualité commence à être institutionnalisée dans le système d'enseignement supérieur finlandais. L'évaluation est devenue une obligation légale, et le Conseil pour l'évaluation de l'enseignement supérieur finlandais (FINHEEC) a été fondé. Jusqu'alors, le Ministère de l'éducation avait joué un rôle actif dans des expériences d'évaluation institutionnelle. Le FINHEEC a commencé désormais à jouer un rôle de facilitateur des pratiques d’auto-évaluation des universités et des écoles polytechniques. Le FINHEEC a également participé à l'autorisation des écoles polytechniques et l'accréditation des diplômes professionnels. En d'autres termes, le FINHEEC a rempli une variété de tâches. En 2005, la qualité de l'enseignement supérieur finlandais avait acquis le sens du développement de l'enseignement d'une part, et de la sélection d'unités de haute de l’autre (Saarinen, 2005a).

Avec le Processus de Bologne, l'accent passe dans l'évaluation de l'enseignement supérieur finlandais de l'auto-évaluation à l'assurance de la qualité. L'assurance de la qualité a été jusqu'ici un facteur moins important. Les demandes d’accréditation du Processus de Bologne ont mené à l'élaboration d'un système d'audit qui porte sur les systèmes d'assurance qualité des universités et des écoles polytechniques. Un détail intéressant est que, lorsque les audits ont été mis à l'essai, tous les établissements pilotés ont été des polytechniques, et également dans le deuxième tour seulement un sur quatre a été une université. Les audits sont coordonnés par le FINHEEC, qui renforce son rôle en tant que canal des demandes relatives à l'assurance de la qualité du Processus de Bologne en Finlande.

Jusqu'à très récemment, il n’y avait pas et on ne parlait même pas de programmes explicites d'accréditation. Pas plus loin qu’en 2001, dans un mémorandum sur la stratégie internationale pour l'enseignement supérieur (OPM, 2001), il est dit très clairement qu'il n'est pas nécessaire d’introduire l'accréditation en Finlande. Le rapport du Ministère de l'éducation à l’occasion de la réunion ministérielle de Berlin en 2003 (Finlande, 2003) sur les développements en Finlande ne fait pas mention de l'accréditation. Le rôle du FINHEEC est décrit comme celui d’un facilitateur. Dans le rapport de Bergen (Finlande 2005), l'accréditation est mentionnée dans le contexte de l'octroi de licences et de diplômes professionnels spécialisés par les polytechniques. Le rôle du FINHEEC est devenu plus actif, celui-ci étant devenu un organisateur, évaluateur, auditeur.

En 2006, toutefois, le Ministère de l'éducation a publié un mémorandum sur le développement structurel de l'enseignement supérieur (OPM, 2006), où il déclarait que de nouveaux programmes d'enseignement seront accrédités sur la base de leur qualité et des besoins. Si l'accréditation est entrée dans le système finlandais d'enseignement supérieur de manière fragmentée, en tant que mesures détaillées concernant des établissements polytechniques et des diplômes professionnels et coordonnées par le FINHEEC, il semble maintenant que le Ministère de l'éducation est en train d'introduire un système d'accréditation au niveau des programmes (OPM, 2006).

Dans le domaine de l'enseignement supérieur finlandais, il semble y avoir différents types de réactions concernant l’audit. La lenteur des universités d'une part et le degré d'activité des écoles polytechniques de l'autre peuvent avoir des raisons différentes. Ceci ressemble à la situation aux Pays-Bas, où l'accréditation a commencé à être développée dans le secteur polytechnique. D'autre part, l'importance du rôle du Ministère de l'éducation rappelle la France. Pour le moment, cependant, nous n'avons pas les données nécessaires pour mener plus loin l’analyse de ces questions.

La Suède L’« accréditation gouvernementale » en Suède est similaire à celle existante en Finlande. Le droit de décerner des diplômes a été réglementé par la loi sur l'enseignement supérieur de 1993, et ce droit peut être révoqué si certains critères de base ne sont pas respectés. Aussi, les demandes des collèges universitaires ayant atteint le statut d'université sont traitées par le gouvernement. Les principaux types d'évaluation sont les audits institutionnels et les évaluations des programmes. La Suède a commencé les audits en 1995, en se concentrant sur un travail systématique et une culture de la qualité d'une part, et sur l'évaluation des programmes de l'autre. Les processus ont été la « propriété » de l'Agence nationale pour l'enseignement supérieur (HSV) (Wahlen, 2004).

Le Processus de Bologne a également clairement crée une pression en Suède en ce qui concerne le développement de l'accréditation ou de procédures similaires. Le rapport de 2003 sur la promotion des objectifs de Bologne fait référence à l'accréditation professionnelle internationale (Suède, 2003). Le rapport de Bergen (Suède, 2005) mentionne les procédures d'évaluation de la HSV, mais il fait également référence à d'éventuels changements à l'avenir: « Sur la base de la confiance mutuelle et l'acceptation générale des systèmes d'assurance, des principes et des normes générales de l'assurance de la qualité et d'accréditation doivent être développés. »

En Juin 2005, le gouvernement suédois a présenté une proposition de renouvellement de l'enseignement supérieur, sous le titre « Nouveau Monde - Nouvelle Université ». Les principaux changements concernaient le système de diplômes, et la nouvelle législation sur les diplômes est entrée en vigueur au début de 2007. Les objectifs sont très en ligne avec ceux du Processus de Bologne: une augmentation de l'internationalisation et de l'attractivité de l'enseignement supérieur suédois, rendant le système internationalement comparable et compréhensible, et un accroissement de la qualité du système.

L'objectif de l'assurance de la qualité en Suède a été, au cours des cinq dernières années, l'évaluation des programmes. Les dernières étapes de ce programme d'évaluation sont en cours, et à partir de 2007 un nouveau système a été mis en œuvre (HSV, 2006a). La proposition d'un nouveau système a été publiée en Septembre 2006 (HSV, 2006b). La proposition porte sur les années 2007-2012, et comprend cinq composantes: i. un audit de la qualité des programmes de qualité des établissements et leur mise en œuvre, dans un cycle de six ans;

ii. une certaine forme de révisions par discipline et par programmes; iii. la poursuite de l’accréditation de nouveaux programmes pour les établissements qui n'ont pas le droit d'accorder des diplômes eux-mêmes (cela concerne le plus probablement les diplômes de Master sur deux ans de type Bologne); iv. des évaluations thématiques de certains aspects de la qualité (par exemple, l’assistance aux étudiants et le conseil dans les études);

v. l'évaluation de l'excellence dans l'enseignement et l'apprentissage

L'accréditation est utilisée en Suède seulement lorsque des collèges sollicitent le statut d'université ou lorsque des établissements d'enseignement supérieur demandent le droit d'accorder des diplômes (professionnels ou doctoraux), même si plusieurs procédures d’autorisation en vue d’accorder des diplômes pourraient porter le nom d’« accréditation » (HSV, 2003). Les débats actuels sur l'avenir de l'accréditation semblent indiquer que l'accréditation devrait être menée par une organisation « indépendante », mais pour le

moment ni des organisations professionnelles ni le HSV ne semblent pouvoir s'assumer cette responsabilité (Wahlen, 2004).

Discussion: l’assurance de la qualité au niveau national et les demandes d’accréditation dans le cadre du Processus de Bologne L'utilisation du terme « accréditation », ses définitions, et les actions politiques varient nettement d'une étude nationale de cas à l'autre. Les participants au Processus de Bologne ont été contraints, dans le cadre de l'assurance de la qualité, de réagir à la demande de création d'un système « d'accréditation, de certification ou de procédures comparables ». A mesure que l'utilisation du terme « accréditation » est devenue plus fréquente (dans la mesure où les buts des processus sont devenus de plus en plus orientés vers l'accréditation), la signification de « l'accréditation » est devenue plus vague. En outre, il existe de fortes différences dans la façon dont les quatre pays ont mis l'accent sur la dimension de « l’accréditation » du Processus de Bologne.

Par exemple, aux Pays-Bas, l'accréditation a été planifiée et décidée avant que le Processus de Bologne commence. Après l’avènement des demandes d'accréditation dans le cadre du Processus de Bologne, celui-ci a été utilisé pour soutenir les besoins originaux, nationaux. Le Processus de Bologne est utilisé pour légitimer un processus qui avait commencé plus tôt.

La Finlande semble offrir l’exemple d'une tendance contraire. Avant le processus de Bologne, les processus finnois (ainsi que suédois) d'approbation des diplômes pouvaient être décrits comme une « accréditation gouvernementale », qui reflétait l'idée de l'enseignement supérieur comme un bien public. Jusqu'à la réunion de Bergen de 2005, l'accréditation n’a pas été mentionnée ou sa nécessité a été explicitement niée dans les documents politiques. Même alors, le terme a été utilisé seulement dans des rapports du Processus de Bologne à l’intention d’un externe, selon des besoins spécifiques, dans le contexte de l'octroi d’autorisations à des polytechniques et de l’offre de diplômes professionnels spéciaux. Seulement en 2006 le terme « accréditation » est soudainement apparu dans des documents nationaux en langue finnoise, dans le mémorandum sur le développement structurel en 2006 (OPM 2006), dans le cadre de l'accréditation de nouveaux programmes. Il semble que le contenu conceptuel de l'accréditation a augmenté durant le Processus de Bologne pour inclure l’audit de l’assurance qualité, qui a reçu en Finlande le rôle presque euphémistique de « l'accréditation, la certification ou des procédures comparables ».

La France représente une troisième voie. La France a été l'un des signataires de la Déclaration de la Sorbonne (1998). Les réformes engagées à cette occasion se concentrent sur le développement des structures de diplôme. L'accréditation est à peine mentionnée dans les documents officiels. Quand elle l’est, elle apparaît dans des rapports au sujet du processus européen, afin d’appeler le système d'habilitation (ayant trait au droit de délivrer des diplômes) comme de « l’accréditation » au niveau international.

En Suède, il n’y a pas eu de système portant le nom d'accréditation. Toutefois, les évaluations des programmes, ayant lieu tous les six ans, avaient la possibilité d’accorder des sanctions en retirant le droit d’accorder des diplômes. La situation en Suède est actuellement en cours de modification.

Au début de cet article, nous avons émis l'hypothèse que le terme « accréditation » est vague en ce que, d'une part, les systèmes nationaux semblent converger vers la même terminologie, mais d'autre part, les définitions et le contenu opérationnel de « l’accréditation » deviennent (ou restent) floues. Cette situation semble être confirmée par les observations suivantes.

Premièrement, le terme « accréditation » est présenté différemment dans les pays que nous avons examinés. Aux Pays-Bas, où l'accréditation a été très tôt un des objectifs des

politiques, le terme a été adapté de manière systématique. En Finlande et en Suède, l'adaptation a été plus fragmentée, dans des contextes internationaux, à partir de petits éléments de l'assurance de la qualité et surtout en dehors des contextes nationaux d'assurance qualité. En France, le terme « accréditation » a été introduit assez tôt dans le contexte international, mais dans le contexte national, l'ancienne terminologie de l'habilitation l’a emporté.

Deuxièmement, la manière dont le terme « accréditation » est lié à une certaine action politique est variable, non seulement d’un pays à l’autre, mais aussi, parfois, dans un même pays, selon la nature du contexte employé, national ou international. L'utilisation de la terminologie et d’actions stratégiques liées à ces termes suggèrent également que la signification de l'« accréditation » varie. Aux Pays-Bas, le terme « accréditation » est utilisé à la fois au niveau national et dans les documents européens, faisant référence à la même fonction. En France, la plupart des actions mises en œuvre par le ministère (et à l'exception de l'ingénierie et des sciences économiques ou la gestion des affaires) afin d’accepter des programmes de diplôme concernent l'habilitation dans le contexte national, mais l’accréditation dans tous les rapports pour le Processus de Bologne. En Finlande, le terme « accréditation » n'a pas été utilisé à l'échelle nationale jusqu'en 2006, et dans les rapports au sujet de Bologne le terme a été utilisé pour faire référence à des cas isolés de certification de diplômes d’écoles polytechniques et professionnelles particulières, qui n'ont pas été considérées comme une « accréditation » au niveau national. En Suède, le terme « accréditation » n’a également pas été employé habituellement à l'échelle nationale, mais uniquement dans les rapports concernant Bologne, où il a été utilisé pour faire référence à certaines des évaluations professionnelles.

Troisièmement, il existe des différences entre les différents niveaux des procédures pratiques d'assurance qualité, dans la mesure où le rôle d'expert-auditeur ou évaluateur varie d’un pays à l’autre. Aux Pays-Bas, l'accréditation est basée sur des rapports des auditeurs indépendants. En France, d'autre part, le CNE effectue des évaluations indépendantes, mais le processus d'habilitation (appelé « accréditation » pour le lecteur européen) est contrôlé par le Ministère de l'éducation, et n’inclut pas d’audit. En Finlande, le droit de décerner des diplômes a toujours été accordé par l'Etat, et aucune évaluation ou d'audit n’a été intégrée au processus. Les audits des systèmes d'assurance qualité ont été coordonnés, d'autre part, par le FINHEEC, mais ils n'ont pas le droit d’accorder des autorisations. Toutefois, en 2008, les choses devraient changer, puisque le Ministère a déclaré qu'un système d'accréditation des programmes sera mis en œuvre. En Suède, le HSV agit comme un évaluateur indépendant, mais son indépendance a été remise en question, et le système est censé subir des changements.

Conclusions Bien que les participants au Processus de Bologne partagent certains objectifs communs, ils doivent également les mettre en œuvre dans différents contextes nationaux, avec différentes caractéristiques nationales et historiques. En conséquence, chaque ministère de l'éducation examiné ici semble avoir sa propre interprétation du processus de Bologne. Dans certains cas, les politiques au niveau national présentent également le développement de leur système d'assurance qualité d'une manière légèrement différente, selon la destination de la documentation, nationale ou européenne. Ainsi, l'analyse des documents en question semble confirmer notre hypothèse.

Les conclusions, ainsi, sont les suivantes: - dans tous les pays, des changements de politiques concernant l'assurance de la qualité en général et l'accréditation en particulier, ont été mis en œuvre.

- dans tous les pays, les points de départ (les situations existantes) ont été différents. - dans tous les cas, une terminologie différente est utilisée au niveau national. - dans tous les cas, différentes actions ont été mises en œuvre.

Les objectifs du Processus de Bologne semblent uniformes sur papier, mais tantôt que les exigences sont prises au niveau national de nouvelles pressions s'exercent sur eux. Des buts apparemment semblables en matière d’assurance de la qualité peuvent être présentés de différentes façons, en fonction des besoins. Des changements effectués au niveau des structures des politiques n’impliquent pas nécessairement l’existence de changements au niveau des processus politiques. En d'autres termes, les conséquences d'une demande uniforme ne sont pas uniformes.

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La mobilité des étudiants d’une perspective grecque: les avantages et les difficultés exprimées par les étudiants participants

NATASSA RAIKOU et THANASSIS KARALIS

Cet article présente une analyse de la mobilité des étudiants par le biais du programme ERASMUS à l'Université de Patras en Grèce. A travers une recherche basée sur des données officielles, des questionnaires et des entrevues avec des étudiants de l’Université de Patras qui ont pris part à des programmes de mobilité durant la période 2000-2005, cet article examine les manières dont les étudiants grecs perçoivent leur participation au programme ERASMUS, les problèmes et les difficultés qu’ils ont rencontré, ainsi que les avantages qu’ils pensent avoir gagné à la suite de leur participation.

Introduction

L’internationalisation devient rapidement une des questions les plus importantes sur l’agenda de la recherche sur l’enseignement supérieur. Dans le cas des établissements d’enseignement supérieur de l’Union Européenne (UE), cette question fait partie de contextes internationaux, européen et mondiaux (Teichler, 2004) et est liée aux changements dans la nature des universités ainsi qu’aux changements politiques, économiques et sociaux qui ont eu lieu durant les deux dernières décennies dans l’espace européen (Seidel, 1991; Fredriksson, 2003; Froment, 2003).

L’internationalisation de l’enseignement dans l’UE est un phénomène relativement récent, au moins en ce qui concerne les politiques éducatives organisées et ciblées, qui ne sont apparues que vers la moitié des années 1980. Wachter (2003) distingue quatre étapes de l’internationalisation: la première étape a lieu avant la moitié des année 1980 et est définie comme individuelle, parce qu’elle n’impliquait pas des établissements d’enseignement supérieur; la deuxième étape est marquée par la collaboration entre établissements (de la moitié des années 1980 vers la moitié des années 1990); la troisième étape se distingue par une intervention organisée à travers le programme ERASMUS (dès 1995); la quatrième étape commence avec l’avènement du Processus de Bologne et est accompagnée par des réformes dans l’enseignement supérieur et surtout par une nouvelle architecture des diplômes. Selon Teichler (2001), la deuxième étape a été facilitée par l’UE par le biais de la première génération du programme ERASMUS; à compter de 1995, ERASMUS a été intégré dans le programme SOCRATES, subissant un changement programmatique: même si la mobilité des étudiants reste le but principal d’ERASMUS, des activités, des moyens et des buts additionnels liés à la reconstruction des systèmes d’enseignement supérieur ont également été rajoutés au programme (développement de programmes d’études, questions relatives à la reconnaissance, réseaux thématiques).

Un des éléments principaux de l’internationalisation est la mobilité des étudiants. Ce terme concerne le transfert d’étudiants d’un pays vers un autre dans le but d’étudier, à mi-temps ou à plein temps, pour une période plus ou moins longue de temps. La mobilité des étudiants (Szarka, 2003, p. 123) peut être considérée soit comme une mobilité spontanée, concernant des étudiants inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur selon des procédures type sans l’apport d’un programme organisé, ou comme une mobilité organisée, concernant la mobilité soutenue par des programmes éducatifs organisés (comme

le programme ERASMUS). En Grèce, du fait des raisons historiques liées à l’accès limité à l’enseignement tertiaire et l’existence de numerus clausus pour les étudiants admis à l’université, la mobilité spontanée a augmenté dans la période la plus récente (Kontogiannopoulou-Polydorides, Stamelos et Papadiamantaki, 2004). Suivant l’adhésion du pays à l’UE et la création de programmes encourageant et soutenant la mobilité des étudiants, la mobilité organisée fait son apparition à partir de la moitié des années 1990, après que le programme ERASMUS soit devenu un sous-programme de SOCRATES (Parlement Européen et Conseil de l’Europe, 1995; Kokosalakis, 1999; Stamelos et Vassilopoulos, 2004).

Cet article analyse certains des éléments spécifiques de la mobilité organisée des étudiants par le biais du programme ERASMUS en Grèce, en se concentrant sur les manières dont les étudiants grecs perçoivent leur participation dans le cadre du programme, les problèmes et les difficultés qu’ils ont rencontré, ainsi que les avantages qu’ils ont gagné à la suite de leur participation dans des programmes de mobilité.

La conception de l’étude Dans le cas de la Grèce, toutes les données publiées concernant la mise en œuvre de programmes de mobilité se limitent à des macro-approches et aux évaluation officiels des programmes SOCRATES et ERASMUS; cela diffère par rapport à d’autres pays, où les études ont été effectuées au niveau des universités (de Jong et Teekens, 2003; Stronkhorst, 2005).

Cette étude a été effectuée à l’Université de Patras et se concentre sur les étudiants qui ont pris part au programme ERASMUS entre 2000 et 2005. Malgré son histoire relativement brève (elle a été fondée en 1964), l’Université de Patras a été la quatrième à fonctionner en Grèce. Aujourd’hui, l’Université de Patras est la troisième université de Grèce en termes de population étudiante, avec ses 12.500 étudiants qui représentent 7,5 pour cent du nombre total d’étudiants dans le pays (Service statistique national de la Grèce, 2002). Elle comporte vingt-deux départements qui couvrent un large éventail de disciplines et qui fonctionnent dans ses cinq Ecoles, l’Ecole des sciences naturelles, l’Ecole d’Ingénierie, l’Ecole des sciences médicales, l’Ecole des sciences humaines et l’Ecole des sciences économiques et d’administration. Comme toutes les universités de Grèce, l’Université de Patras est un établissement public et ses activités respectent les règles législatives uniformes qui s’appliquent aux universités du pays.

Les données présentées en ce qui suit sont basées sur l’analyse de dossiers et de documents officiels et, pour la plupart, sur des rapports d’avancement et des questionnaires remplis par les étudiants qui ont pris part au programme ERASMUS. Sur les 228 étudiants qui ont participé au programme, un nombre de 144 étudiants ont rempli les questionnaires et les rapports d’avancement spéciaux, dont soixante étaient des hommes (41,7 pour cent) et quatre-vingt-quatre des femmes (58,3 pour cent). Afin d’entreprendre une analyse approfondie, on a considéré nécessaire d’organiser des entrevues structurées avec quatorze étudiants de l’échantillon.

Le sujet de l’étude et la formulation des questions de recherche ont été basés sur certaines questions posées par des études antérieures effectuées en Europe (West, Dimitropoulos, Hind et Wilkes, 2000; Teichler, Gordon et Maiworm, 2001; Westerheijden, 2001; Stronkhorst, 2005):

LES OBSTACLES A LA MOBILITE DES ETUDIANTS (EN PRINCIPAL: LA

RECONNAISSANCE DES ETUDES, LES QUESTIONS LINGUISTIQUES ET FINANCIERES), AINSI QUE DES ASPECTS ET DES DIFFICULTES PRATIQUES

RENCONTREES PAR DES ETUDIANTS QUI ONT PRIS PART A DES PROGRAMMES DE MOBILITE.

LES AVANTAGES ET L’EXPERIENCE GAGNES A TRAVERS LA PARTICIPATION A DES PROGRAMMES DE MOBILITE POUR LES ETUDIANTS ET SURTOUT LA PERCEPTION DES ETUDIANTS CONCERNANT LEUR PARTICIPATION A ERASMUS, EN TERMES UNIVERSITAIRES, CULTUREL ET PERSONNELS.

Sur les étudiants ERASMUS Afin de présenter une image de la mobilité des étudiants à l'Université de Patras, nous considérons que les éléments essentiels sont, d'une part, les raisons pour lesquelles les étudiants souhaitent participer au programme et, d'autre part, les conditions et les problèmes pratiques auxquels ils se trouvent confrontés. Comme on peut le constater à partir des données présentées dans le Tableau 1, la raison principale derrière le choix des étudiants est d'acquérir une expérience européenne, tandis que d'autres raisons incluent le fait d'étudier, de connaître de nouveaux milieux, ainsi que des raisons culturelles. Il faut remarquer que l'apprentissage d'une langue étrangère n'est pas vraiment une des raisons pour lesquelles les étudiants veulent participer à des programmes de mobilité, alors que seulement un petit nombre d'étudiants associent leur décision de poursuivre une bourse ERASMUS à des projets professionnels. Si on exclut l’apprentissage d’une nouvelle langue étrangère, il résulte que les étudiants grecs semblent préférer les études à l'étranger pour les mêmes raisons que leurs camarades d'autres pays. (West et. al., 2000).

Tableau 1. Raisons de la participation à ERASMUS

Raisons de la participation Nombre % Expérience européenne 104 72,2 Raisons universitaires 74 51,4 Nouveau milieu 69 47,9 Raisons culturelles 65 45,2 Projets futurs de carrière 32 22,2 Langue étrangère 7 4,9 Amis à l’étranger 5 3,5

Note: Les participants ont pu choisir plus qu’une seule raison. Source: Raikou (2006)

Pour la majorité des participants (94,2 pour cent) la durée des études comprend entre

trois et six mois, et presque la moitié d’entre eux (42,4 pour cent) mentionnent une durée de seulement trois mois. Même si cette durée est considérée satisfaisante par 106 participants (74,1 pour cent), on devrait remarquer que selon les entrevues, dix sur quatorze étudiants ont attribué cette durée à des raisons organisationnelles, affirmant qu’ils ont suivi le programme suggéré par les coordonateurs de leur établissement de base. Le Tableau 2 présente les pays de choix des étudiants. Si on compare les chiffres du Tableau 2 aux chiffres généraux pour l’UE pour la période comprise entre 1997 et 2000 (Teichler, et. al., o.c.), on peut voir que pour certains pays (comme l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie) les étudiants de l’Université de Patras présentent des préférences similaires à d’autres étudiants européens. Cependant, on doit remarquer le fait qu’il y a relativement peu de mobilité vers le Royaume-Uni, même si le Royaume-Uni occupe la première place dans la sélection des étudiants grecs

en matière d’études universitaires et postuniversitaires à l’étranger et malgré le fait que la langue parlée est une des langues que les étudiants grecs connaissent le mieux.

Tableau 2. Pays hôtes

Pays Nombre % Espagne 30 20,8 France 28 19,4 Allemagne 20 13,9 Italie 15 10,4 Royaume-Uni 11 7,6 Portugal 11 7,6 Autriche 10 6,9 Suède 9 6,3 Belgique 3 2,1 Norvège 3 2,1 Pays-Bas 2 1,4 Finlande 2 1,4 Total 144 100,0

Source: Raikou (2006) Le type de soutien fourni aux étudiants dépend d’un établissement de base à un autre.

Les étudiants qui ont pris part à l’étude ont décrit les services offerts par les établissements hôtes comme étant meilleurs; néanmoins, dans chaque cas, seulement une moindre partie des étudiants ont considéré le soutien reçu durant leurs études ERASMUS comme insatisfaisants. Selon 70,4 pour cent des participants, leurs établissements de base les ont aidés à trouver de l’hébergement, résolvant ainsi un des problèmes fondamentaux pour les étudiants ERASMUS. A partir de ces chiffres, on s’attendait à ce que 86,8 pour cent des étudiants soient satisfaits par le degré d’acceptation de l’établissement hôte; il faut remarquer que sur ce point il n’y a pas de variation pour chaque pays hôte.

Tableau 3. Soutien accordé par l’établissement d’origine et l’établissement hôte

établissement hôte établissement d’origine Soutien Numéro % Numéro % Exceptionnel 44 30,6 18 12,6 Bien 54 37,5 42 29,4 Moyen 28 19,4 58 40,6 Satisfaisant 8 5,6 21 14,7 Insatisfaisant 10 6,9 4 2,7 Total 144 100,0 144 100,0

Source: Raikou (2006) Le problème le plus fréquent mentionné par les étudiants de l'Université de Patras est

celui du financement de leurs études Erasmus. Seulement une moindre proportion (11 pour cent) a considéré suffisante la bourse reçue pour couvrir leurs études ERASMUS, alors que le reste a cherché d'autres sources de financement. Comme on peut le constater dans le Tableau 4, ces nouvelles sources ont été principalement la famille et, dans une moindre mesure, les économies des étudiants eux-mêmes. A ce stade il convient de souligner que, même si l'enseignement supérieur en Grèce est exclusivement offert par l'Etat, les ressources

des familles des étudiants sont la principale source de financement, couvrant la plupart de leurs frais du premier cycle aux études postuniversitaires (Stamoulas, 2005). Il résulte des données issues des entrevues que la cause fondamentale pour le coût élevé des études ERASMUS est la différence entre le coût de la vie en Grèce et dans la plupart des pays d'accueil. Selon des étudiants qui ont pris part à l'étude, les pays qui ont nécessité des fonds supplémentaires ont été l'Espagne, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Tableau 4. Sources de financement

Source Nombre % Famille 126 91,3 Economies personnelles 30 21,7 Fonds publics 2 1,4 Prêt 2 1,4 Université de Patras 2 1,4

Note: Les étudiants peuvent financer leurs études ERASMUS par plus d’une source. Source: Raikou (2006)

Questions académiques Le Tableau 5 présente les écoles ayant des étudiants « mobiles ». On peut voir que les étudiants de l'Ecole des sciences de la santé ne participent pas à des programmes de mobilité à un degré satisfaisant, ce qui est généralement valable au niveau européen pour les étudiants de ce domaine (Commission Européenne, 2005). La mobilité des étudiants de l'Ecole de sciences économiques d'administration est extrêmement faible par rapport à d'autres pays européens, où les études commerciales représentent le domaine bénéficiant du plus haut taux de mobilité (Commission Européenne, ibid.). Cela doit être attribué au fait que l'école n’a été créée que récemment à Patras et ne se comporte que deux départements. En ce qui concerne les autres écoles, les chiffres suivent la moyenne européenne, même si on peut remarquer le pourcentage élevé de participation de l'Ecole de sciences humaines et sociales. La proportion élevée caractérisant cette école est due essentiellement aux deux départements pédagogiques de l'Université de Patras, car - selon les résultats de l'étude - 25 pour cent de l’ensemble des étudiants de l'Université de Patras qui ont rejoint ERASMUS sont venus de ces deux départements. A cet égard, l'Université de Patras diffère sensiblement de la moyenne de l'Union Européenne et de la moyenne nationale (3,2 pour cent et 3,8 pour cent respectivement - Commission Européenne, ibid.). Cet écart doit être attribué au fait que ces deux départements de l'Université de Patras ont développé un nombre important de collaborations avec d'autres établissements européens au cours des dernières années.

Tableau 5. Nombre et proportion des étudiants par discipline de l’établissement d’origine

Discipline Nombre % Sciences naturelles 20 13,9 Ingénierie 59 41,0 Sciences de la santé 8 5,6 Sciences humaines et sociales 53 36,8 Sciences économiques et administration 4 2,8

Total 144 100,0 Source: Raikou (2006)

Les recherches concernant le fonctionnement d’ERASMUS se concentre sur des questions telles que la manière dont les études sont menées dans le cadre des programmes de mobilité, la reconnaissance de ces études et l'application du système ECTS. Il a résulté de presque tous les entretiens organisés au cours de cette étude qu’il existe une façon différente d'organisation des études au sein de chaque institution, mais les étudiants ont déclaré qu'ils se sont adaptés à cela sans trop de difficultés. Dans le cas des étudiants grecs de l'Université de Patras, il y a un niveau relativement élevé de reconnaissance des études; selon les conclusions de cette étude, on a reconnu les études de 80 pour cent des étudiants participants. 63,6 pour cent des étudiants mentionnent qu’ils n’ont pas été tenus de passer des examens écrits dans l’établissement hôte, mais ont été évalués par d'autres moyens (travaux écrits et examens oraux). Dans presque la moitié des cas on a employé le système ECTS, ce qu’on peut apercevoir dans le Tableau 6, qui comprend des proportions des étudiants par pays hôte. On peut donc supposer que les politiques relatives à la reconnaissance et au transfert de crédits avancent peu à peu, au moins pour ce qui est des résultats de cette étude. Cela corrobore l'idée que les problèmes et les difficultés qui se posent dans de tels cas ne sont pas dus seulement à des raisons administratives, mais aussi à la volonté de contrôle national sur les systèmes d'enseignement supérieur (Westerheijden, ibid.).

Tableau 6. Application de l’ECTS par le pays hôte

Pays Oui (nombre) Non (nombre) Oui (%) Autriche 8 2 80,0 Belgique 2 1 66,7 France 14 7 66,7 Allemagne 8 11 42,1 Espagne 12 15 44,4 Italie 5 5 50,0 Royaume-Uni 6 4 60,0 Norvège 1 2 33,3 Pays-Bas 2 Portugal 2 1 66,7 Suède 5 2 71,4 Finlande 1 1 50,0 Total 66 59 52,8

Note: 125 étudiants ont répondu à cette question. Source: Raikou (2006)

Bien que les étudiants de l'Université de Patras ne considèrent pas l'apprentissage d'une

langue étrangère comme l'une des principales raisons de leur participation au programme ERASMUS, il est vrai néanmoins qu’une certaine connaissance de la langue du pays d'accueil est nécessaire pour faire face à la vie quotidienne dans ce pays ainsi que dans leurs études. 59,7 pour cent des étudiants ont déclaré qu'ils avaient suivi des cours de langues préparatoires avant ou pendant leurs études Erasmus et 20,6 pour cent d'entre eux ont soutenu qu'ils ont fait cela dans des écoles privées, hors-domicile ou hors-établissement d'accueil. Il y avait un taux supérieur de participation à des cours linguistiques préparatoires

chez les étudiants dont les pays d'accueil utilisaient l'espagnol et l'italien, tandis que le niveau de participation était relativement faible chez les étudiants dont les pays d'accueil utilisaient une des langues largement connues en Grèce (anglais, français et allemand). Les étudiants en direction de pays scandinaves présentaient un faible taux de participation aux cours linguistiques, ce qui s’explique dans beaucoup de cas - selon les conclusions des entretiens – par le fait que dans ces pays les cours sont aussi offerts en anglais. Comme on peut le constater à partir des chiffres présentés dans le Tableau 7, l'un des effets secondaires de la participation des étudiants au programme ERASMUS a été une amélioration de leurs connaissances en la langue concernée.

Tableau 7. Niveau de compétence linguistique avant et après ERASMUS

Avant Après Niveau de compétence Nombre % Nombre % Aucun 52 36,9 3 2,1 Insatisfaisant 44 31,2 26 18,4 Elevé 40 28,4 71 50,4 Très élevé 5 3,5 41 29,1 Total 141 100,0 141 100,0

Source: Raikou (2006)

Avantages, problèmes et suggestions La question concernant les avantages pour les étudiants suivant leur participation au programme ERASMUS a été une question fermée touchant à trois niveaux différents: universitaire (la contribution d’ERASMUS aux études générales des étudiants), professionnel (de meilleures opportunités sur le marché du travail) et personnel (évaluer les effets de l’expérience selon leur personnalité). Selon les résultats (Tableau 8), la proportion de réponses négatives (‘aucun’ ou ‘peu’) est moindre (en ce qui concerne les avantages universitaires et professionnels) ou non-existante (en ce qui concerne les avantages personnels). Il faut remarquer ici que les étudiants évaluent la contribution d’ERASMUS comme étant très positive au niveau personnel, même si presque la moitié des participants estiment que ses avantages universitaires sont moyens.

Tableau 8. Gains obtenus par les étudiants ERASMUS

Universitaires De carrière Personnels Gains Nombre % Nombre % Nombre % Aucun 2 1,4 3 2,1 Limités 5 3,5 14 9,7 Moyens 64 44,5 53 36,8 4 2,8 Importants 47 32,6 49 34,0 40 27,8 Très importants 26 18,1 25 17,4 100 69,5 Total 144 100,0 144 100,0 144 100,0

Source: Raikou (2006)

Il semble donc que le gain le plus important pour les étudiants ERASMUS de

l’Université de Patras est l’expérience de vivre et d’étudier dans un autre pays. Nous considérons que cela ressort encore plus clairement des réponses données par les étudiants à la question ouverte concernant les expériences et les avantages les plus importants gagnés à

travers leur participation à ERASMUS, où ils ont pu nommer jusqu’à trois expériences différentes (Tableau 9).

Tableau 9. Expériences importantes résultant de la participation à ERASMUS

Expérience Nombre % Vivre dans un autre pays 115 27,6 Nouvelles connaissances 74 17,7 Système d’enseignement différent 60 14,4

Opportunités de carrière 50 12,0 Expérience européenne 48 11,5 Amélioration linguistique 42 10,1 Cours intéressants 23 5,5 Vie en commun 5 1,2 Total 417 100,0

Note: Les participants ont eu la possibilité de mentionner jusqu’à trois expériences différentes. Source: Raikou (2006)

Les données susmentionnées sont corroborées aux entrevues effectuées pour l’étude, où

les participants se sont accordés sur les gains les plus importants de leur participation à ERASMUS: d’un côté, l’expérience de pouvoir vivre dans un autre pays, et de l’autre « l’expérience européenne » qu’ils ont décrit comme la possibilité de vivre dans un autre pays européen et de se sentir comme faisant partie d’un espace européen commun. Les extraits suivants issus des réponses des étudiants à cette question sont caractéristiques:

“Les avantages du point de vue universitaire n’ont pas été aussi importants que l’expérience européenne. Après cela on sent qu’il est plus aisé de voyager, de vivre et de travailler dans d’autres pays d’Europe. On se rend compte que les autres ne sont pas si différents par rapport à soi-même (étudiante, ingénierie chimique).” “C’est une expérience qui nous aide à surmonter toutes les inhibitions et la peur de l’inconnu qu’on peut avoir dans un autre pays, parce qu’on arrive à comprendre qu’en réalité nous ne sommes pas si différents (étudiant, informatique).” “Je l’ai considéré, et je le considère encore, comme une expérience extraordinaire, le fait d’aller à l’étranger, intégrer un autre système avec tant d’aisance et s’adapter immédiatement. Immédiatement après, j’ai considéré très aisé de retourner dans ce même pays, soit pour étudier ou travailler (étudiante, éducation).” “C’est une expérience unique de vivre en tant que citoyen européen parmi d’autres nationalités, sans différences (étudiante, biologie).” “Suivant cette expérience j’irais facilement dans un autre pays, différent de celui que j’ai visité (étudiant, sciences économiques).” “Ce qui m’a impressionné c’est que même si nous sommes venus de différents pays et de différentes cultures, nous avons pu communiquer, faire les même choses, cohabiter et collaborer, vivre ensemble sans le moindre problème (étudiante, éducation).”

La plupart des participants (61,7 pour cent) ont affirmé qu’ils n’on rencontré aucun problème particulier au cours de leurs études ERASMUS. De ceux qui ont reconnu avoir eu des problèmes, la plupart (21 cas) ont invoqué le problème de l’accommodation, pendant que d’autres problèmes rencontrés plus rarement ont été liés à des difficultés d’organisation, à la bureaucratie et au coût de la vie. Si on met de côté le coût de la vie, nous considérons que les facteurs restants constituent une sorte de déficit d’adaptation caractérisant les étudiants grecs, puisque des problèmes comme l’hébergement ne sont plus considérés sérieux par d’autres étudiants européens (Teichler, 2001). IL faut aussi remarquer que seulement un étudiant de l’ensemble des étudiants participant à l’étude a eu des difficultés dues à la différence du niveau des études entre l’établissement d’origine et celui hôte. Ce fait, ainsi que les résultats présentés dans le Tableau 8, mène à la conclusion que les étudiants qui ont participé à l’étude ne perçoivent pas de différences de taille par rapport au niveau des études. Nous considérons cette conclusion comme particulièrement importante, étant donné que l’efficacité de l’enseignement et la qualité des études offertes par les universités grecques – par comparaison à celles d’autres pays de l’UE – ont fait l’objet de nombre de discussions publiques durant la dernière décennie.

L’expérience de la participation à ERASMUS est considérée positive par la très grande majorité des étudiants (Tableau 10), ce qui est en accord avec la moyenne européenne (Teichler, o.c.), même si presque la totalité des participants (96,9 pour cent) ont répondu que les procédures du programme doivent être améliorées.

Tableau 10. Evaluation générale des études ERASMUS

Evaluation Nombre % Exceptionnel 62 43,1 Très satisfaisant 70 48,6 Moyen 12 8,3 Satisfaisant Insatisfaisant Total 144 100,0

Source: Raikou (2006)

Conclusion Ce document présente les résultats d'une étude sur la mobilité des étudiants à l'Université de Patras, qui constitue aussi la première tentative de recherche au niveau de l’université en Grèce. Des données antérieures existent seulement à un macro-niveau, par le biais d’études d'évaluation effectuées par des autorités nationales ou européennes. Les principales questions traitées par cette étude sont la manière dont les élèves perçoivent l'expérience de leur participation à ERASMUS, les avantages qu'ils croient avoir obtenu de leur participation et les problèmes et les difficultés auxquelles ils sont confrontés.

Les étudiants de l'Université de Patras sont disposés à participer à des programmes de mobilité principalement pour faire l'expérience d'étudier dans un autre pays européen, faire l'expérience d'un environnement différent et aussi pour des raisons culturelles. La durée des études est plutôt courte pour la majorité des étudiants et varie de trois à six mois, tandis que pour près de la moitié des étudiants, elle est à peine de trois mois. Même si le soutien que les étudiants reçoivent de leur établissement d’origine et de leur établissement hôte est tout à fait satisfaisant, ils continuent d’avoir certains problèmes, dont les plus importants sont les suivants: (i) le coût des études, qui pour la plupart des étudiants est très élevé; cela fait que les familles des étudiants doivent prendre la charge des coûts supplémentaires; (ii) la langue

parlée dans le pays d'accueil, ce qui détermine la plupart des étudiants à assister à des cours de préparation linguistique avant ou pendant leurs études ERASMUS, qui sont souvent payés par les étudiants eux-mêmes; (iii) l'hébergement et d'autres questions pratiques et d’organisation qui constituent encore des problèmes pour les étudiants grecs. Nous considérons qu'il est important de remarquer que dans un cas sur cinq il n'y a pas eu de reconnaissance des études, alors que dans un cas sur deux le système ECTS n'a pas été utilisé. Toutefois, les étudiants qui ont participé à ERASMUS ont affirmé qu'ils ne se sont pas confrontés à des problèmes significatifs d'adaptation à leur nouvel environnement universitaire et que le niveau des études ne diffère pas beaucoup entre l’établissement d’origine et celui hôte.

Pour conclure, on peut dire que les étudiants qui ont participé à l’étude voient leurs études ERASMUS point comme une étape isolée de leurs études, mais comme une expérience générale qui fait partie d’un processus continu, ayant des effets et des avantages non seulement au niveau universitaires mais surtout au niveau du développement personnel. L’expérience européenne et l’expérience da la vie dans un autre pays semblent être les gains les plus importants tirés des études ERASMUS, que les étudiants participants évaluent d’une manière particulièrement positive.

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Le cadre culturel et les obstacles objectifs pour les étudiants arabes de deux collèges publics d’Israël

NITZA DAVIDOVITCH, DAN SOEN et MICHAL KOLAN

Le présent article expose les résultats d’une enquête effectuée en 2005 sur 459 étudiants juifs et arabes dans deux collèges publics d’Israël. L’étude vise à éclaircir le sujet de l’accès des étudiants arabes à l’enseignement supérieur par comparaison à celui des étudiants juifs suivant les obstacles objectifs à l’accès reflétés dans les profiles d’admission, ainsi que le contexte socio-économique des étudiants juifs et arabes des deux collèges publics. Les analyses indiquent que ces deux campus universitaires représentent un lieu de rencontre pour deux groupes très différents de population, fait ayant d’importantes conséquences sur l’accès et les politiques d’admission, ainsi que sur les programmes d’aides aux étudiants. Les conclusions de cette étude représentent la première étape d'un examen plus approfondi des questions relatives à l'égalité des chances et à l'accès à l'enseignement supérieur pour les étudiants arabes, et indiquent certains moyens potentiels pour réduire les écarts entre les étudiants arabes et leurs homologues juifs.

Introduction: les changements du système d’enseignement supérieur en Israël Beaucoup de changements ont eu lieu dans l'enseignement supérieur en Israël depuis les années 1990, correspondant à l'évolution des objectifs des établissements d'enseignement supérieur en Israël (Ayalon et Yogev, 2002; Volensky, 2005). Les changements sociaux, orientés vers une plus grande égalité et la démocratisation de l'enseignement supérieur en Israël et dans le monde (Yaoz et Iram, 1987; Volensky, 2005), ont ouvert les portes des universités aux groupes de population qui n'avaient jamais été candidats à l'enseignement supérieur.

De 1992 à 2002, la Commission pour l'enseignement supérieur a certifié une trentaine de nouveaux collèges, comme moyen d'égalité sociale et de justice, en promouvant les populations à faible statut socio-économique (SSE) et en augmentant l'accès à l'enseignement supérieur dans le secteur arabe (Volensky, 2005, 342). Au cours de cette période, le taux de croissance moyen des universités et des collèges a été de 3,6 pourcent et respectivement de 11,9 pourcent (Volensky, 2005, 340). En même temps, la réponse des universités a été de doubler le nombre d'étudiants inscrits (Bureau central des statistiques, 2002b, 19), tandis que le nombre d'étudiants des collèges régionaux a également augmenté. En 2005, plus de la moitié des étudiants d’Israël étaient inscrits dans différents collèges universitaires.

La présente étude examine les profils d'admission socio-économique des étudiants juifs et arabes dans deux collèges publics d’Israël afin de découvrir si les étudiants de ces deux groupes ont un accès similaire à l'enseignement supérieur, ou si l'admission et les profils socio-économiques reflètent des obstacles objectifs à l'admission dans l'enseignement supérieur. Deux collèges régionaux ont été sélectionnés, qui ont été établis essentiellement pour satisfaire les besoins sociaux et pour promouvoir l'égalité et la justice sociale (Yisraeli, 1997, Comité pour le budget et le planning, 1997).

La participation à l’enseignement supérieur de la population arabe en Israël L'enseignement supérieur est l’un des moyens les plus importants du développement de la mobilité socio-économique. Il est considéré comme une composante du «capital humain» et

comme un élément essentiel dans le développement et les processus de croissance des individus et des sociétés (Sagi, Steinberg et Pehiraladin, 2002).

Contrairement à la société juive en Israël, qui a été définie comme une société moderne depuis le début, la société arabe après la Guerre d'Indépendance a été principalement rurale, la population traditionnelle ayant un accès limité aux services d'éducation. A la veille de la Guerre d'Indépendance, le système éducatif public arabe ne comprenait que 30 pourcent des enfants d'âge scolaire (Tibawi, 1956, 270). Depuis la création de l'État et l'application de la Loi sur l'enseignement obligatoire à l'ensemble de la population (1948-1990), le nombre d'élèves dans le système d'éducation public arabe a augmenté, passant de 12.000 à environ 220.000 (Mazawi, 1997, 171). Entre 1990 et 2003, ce système a augmenté de 70 pourcent, comparativement à un taux de croissance de seulement 19 pourcent dans le secteur juif (Administration de l'économie et des budgets, 2004, 58). Un changement dans la bonne direction a été indiqué au début du vingt et unième siècle, alors que le pourcentage relatif des étudiants arabes par rapport à la population générale des étudiants de premier cycle a dépassé l’«obstacle» des 10 pourcent. De 1990 à 2001, la participation de la population arabe à l'enseignement supérieur a augmenté de 220 pourcent alors que la population générale des étudiants a augmenté de seulement 125 pourcent pour la période correspondante (Comité pour le budget et le planning, 2003, 146). La nationalité est l’une des principales raisons ayant contribué à l'augmentation du nombre des étudiants arabes dans l'enseignement supérieur, ces dernières années. La puissance économique de la propriété foncière et sa valeur en termes de stratification sociale dans la société arabe ont diminué, conduisant au concept de nationalisation en matière d'éducation (Mazawi, 1997, 172). Étant donné que l'éducation et la réussite en matière d’éducation sont des ressources ne pouvant être expropriées, elles sont perçues par les arabes d’Israël comme un instrument majeur dans la guerre sur l'Al-Somoud, définissant l'identité nationale et les racines de leur existence future en Israël en tant que collectif. Ainsi, une classe moyenne s'est développée au sein de cette population, dont le statut est principalement attribuable à sa capacité à fournir des services de spécialisation professionnelle, basés sur le niveau d'instruction (ibid).

Néanmoins, le pourcentage des étudiants juifs pour 1000 résidents juifs est passé de 4,2 en 1957 à 20,6 en 1996. Bien que le pourcentage des étudiants arabes ait augmenté de manière significative, il est demeuré beaucoup plus réduit que le pourcentage d’étudiants juifs, étant passé de 0 pour 1000 habitants en 1957, à 6,3 pour 1000 habitants en 1996 (Alhaj, 1996).

Parmi les quatre facteurs cités (Benziman, 2002) pour la faible présence des étudiants arabes dans l'enseignement supérieur, le premier facteur concerne les importantes différences de niveau de scolarité entre les étudiants juifs et arabes.

Bien que le taux de participation à l'éducation en Israël pour le groupe d'âge des 15-18 ans soit plus élevé que la moyenne dans les pays de l'OCDE (Administration de l'économie et des budgets, 2004), il existe une grande différence dans les taux de participation scolaire entre les populations juives et arabes. Pour la population juive, le taux de participation en 2003 était de 98,8 pourcent tandis que pour la population arabe, il était de 88,8 pourcent (ibid, 68). Bien que les deux populations aient vu une forte augmentation des taux de participation au fil du temps (79,5 pourcent pour la population juive et 51,3 pourcent pour la population arabe en 1979), l'écart demeure grand et peut s'expliquer en partie par les différences dans les taux d'abandon scolaire entre les deux populations (9,1 pourcent et respectivement 4,6 pourcent dans les populations juives et arabes, en 2002).

Les différences entre les populations se reflètent également dans le pourcentage d'étudiants se présentant aux examens Bagrut. Dans la dernière décennie, il y a eu une forte

augmentation du pourcentage de lycéens dans ce groupe d'âge passant les examens Bagrut (de 52 pourcent de tous les élèves en 1990 à 71 pourcent en 2002) (Administration de l'économie et des budgets, 2004, 73). Néanmoins, l'écart entre les deux secteurs demeure important. En 2002, 75 pourcent de tous les élèves juifs passaient les examens Bagrut, tandis que seuls 65 pourcent du secteur arabe le faisait (ibid.).

Le pourcentage d'élèves pouvant passer les examens pour obtenir un diplôme Bagrut dans ce groupe d'âge a également augmenté au cours de la dernière décennie, mais les différences entre les deux secteurs restent importantes. En 2002, 52 pourcent des membres de ce groupe d'âge de la population juive pouvaient passer les examens pour obtenir un diplôme Bagrut, alors que seuls 34 pourcent des élèves arabes dans ce groupe d'âge y étaient éligibles.

En outre, un diplôme Bagrut ne garantit pas le droit d'admission ou d'option aux établissements d'enseignement supérieur en Israël. Les conditions d'admission de base pour les universités sont d’obtenir au moins 4 points à l’examen Bagrut d’anglais et au moins 3 points à l’examen Bagrut. En 2003, seuls 84,6 pourcent de tous les élèves admissibles à l’examen pour le diplôme Bagrut satisfaisaient ces exigences, avec une grande différence entre les populations juives et arabes (Svirski et Atkin, 2004, 11): 86,7 pourcent, 71,8 pourcent et respectivement 66,4 pourcent pour les secteurs juif, arabe et Druze.

Ceci peut s’expliquer par les résultats obtenus aux cycles primaire et secondaire, où les élèves arabes obtenaient en mathématiques, anglais, sciences et technologie, des résultats beaucoup plus faibles que ceux des élèves juifs. Par exemple, la moyenne des élèves juifs en 3ème est de 75, presque deux fois plus élevée que la moyenne dans le secteur arabe (40).

Depuis les années 1970, sous la pression des établissements d'enseignement supérieur, un examen psychométrique a été présenté comme critère de sélection et d'admission des étudiants aux universités, en plus des résultats reflétés pas leurs diplômes Bagrut. Toutefois, des arguments ont été exprimés contre la discrimination créée par les examens psychométriques pour des groupes socio-économiques défavorisés d’Israël. Les porte-paroles arabes ont fait valoir que la traduction des essais en arabe n'était pas toujours compréhensible pour les élèves arabes, que le raisonnement verbal dans la section des tests psychométriques était fondé sur l’arabe littéral, tandis que la langue de tous les jours des élèves était l’arabe dialectal, très différent de l’arabe littéral. De plus, tandis que les mathématiques sont étudiées à l'école arabe sur des manuels en hébreux, cette section du test psychométrique était en arabe (Volensky, 2005, 235-236). Sur la base d'un rapport établi en 2004 par le Centre Musawa pour les droits des citoyens arabes, les arabes constituaient 15,1 pourcent de tous les candidats aux établissements d'enseignement supérieur en 2003. Leur poids parmi les candidats aux demandes rejetées était deux fois supérieur, 29,6 pourcent (Barhoum, 2004). En outre, le pourcentage des candidatures des étudiants arabes vivant dans 21 villages différents était plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale des taux de rejet, qui était 23,7 pourcent. Le taux de rejet dans les villes juives ne dépassait pas les 30 pourcent, tandis que le taux de rejet dans plusieurs villes arabes atteignait 60 pourcent. En d'autres termes, au cours des dernières années, la tendance des individus appartenant au secteur arabe d'accéder à l'enseignement supérieur a sensiblement augmenté, mais ils continuent à se heurter à des problèmes considérables.

Un autre facteur agissant contre la croissance des taux de participation des arabes à l'enseignement supérieur concerne les problèmes que rencontrent les diplômés d’université arabes à trouver un emploi approprié (Raly, 2003). Les diplômés d’université arabes rencontrent des obstacles dans la recherche d'un emploi convenable après l'obtention du diplôme et, par conséquent, de nombreux jeunes arabes doutent du rapport coût-efficacité de

l'enseignement supérieur. En Israël la situation est que plus le niveau de scolarité d'un citoyen arabe est élevé, plus ses chances de trouver un emploi correspondant à ses compétences sont faibles (Institut israélien pour la démocratie). Ce fait est illustré par les données de l’emploi dans le secteur public par domaines: par exemple, en 1995, sur 641 hauts fonctionnaires du gouvernement, seuls 3 sont arabes et sur 1.059 membres des conseils d'administration des entreprises, seuls 15 sont arabes (ibid). En 2000, sur les 400 employés du Ministère de l'environnement, seulement 10 étaient arabes, sur les 27.330 employés du Ministère de la santé, seulement 1.731 étaient arabes, sur 150 employés du Ministère de la sécurité intérieure, seul 1 était arabe; sur 300 employés du Ministère des travaux et des logements, 3 sont arabes; sur les 2.700 employés du Ministère de l'éducation, 118 étaient arabes, sur les 180 employés du Ministère des communications, pas même un employé n’était arabe, ce qui est également la situation à l'Aéroport Ben Gourion. Sur les 445 juges, 19 seulement étaient arabes et, sur les 5.999 enseignants universitaires, seuls 50 sont arabes (Soen, 2003, 379).

Parmi les autres facteurs freinant les taux de participation des étudiants arabes dans les établissements d'enseignement supérieur se trouvent les difficultés à s'adapter à l'éducation, en termes de différences de langue, de culture et les obstacles financiers. En outre, les universités et les collèges ont peu de systèmes de soutien visant à faciliter l'intégration des étudiants arabes dans les établissements universitaires.

Le pourcentage d’étudiants non-juifs en Israël dans les établissements d'enseignement supérieur est beaucoup plus faible que leur poids dans la population, mais il est plus élevé dans les universités que dans les collèges (Soen et Davidovitch, 2004). Par exemple, les étudiants non-juifs constituaient 9,0 pourcent de la population totale des universités en 2000, mais seulement 6,1 pourcent dans les collèges cette année-là (Bureau central des statistiques, 2002b, 19, 17).

L'écart entre les collèges est également important. Dans certains collèges, les étudiants arabes constituent un large pourcentage de la population étudiante. Par exemple, au Collège universitaire de Zfat, la moitié des étudiants sont arabes, au Collège universitaire de Galilée Occidentale plus de 40 pourcent des étudiants sont arabes. En revanche, dans d'autres collèges, le pourcentage des étudiants arabes est beaucoup plus faible (1 pourcent ou moins) (Davidovitch, Kolan et Soen, 2006). Au moment de cette étude, les étudiants arabes constituaient une petite minorité de seulement 1,2 pourcent de tous les élèves au Collège universitaire de Judée et Samarie. Les données du Bureau central des statistiques indiquaient que le potentiel pour les arabes d'accroître leur taux de participation aux établissements d'enseignement supérieur dans le district nord augmentera au fil du temps, en raison du profil démographique de ce district, dans lequel les arabes constituent la majorité (Bureau central des statistiques, 2002b, 2-28). En outre, il est estimé qu'en raison de l'augmentation du poids des titulaires de diplômes Bagrut chez les jeunes arabes, leur demande pour l'enseignement supérieur en général augmentera. Par conséquent, on peut également s'attendre, en raison du nombre croissant de jeunes femmes arabes fréquentant l'enseignement supérieur, à ce que leur poids relatif dans l'organisme national d’étudiants augmente.

Justification de l’étude L'accès à l'enseignement supérieur exige une large perception de l'ouverture systémique, des informations disponibles sur les universités et les collèges, et des conditions d'étude, la capacité à répondre aux exigences financières, environnementales et universitaires des collèges et des universités. En raison de la concurrence entre les étudiants, causée par la

capacité limitée des établissements d'enseignement supérieur, les personnes possédant certains attributs ont une meilleure chance de réussite. Dans ce contexte, deux types d'attributs peuvent s’influencer les uns les autres: les attributs individuels (la situation économique personnelle, les précédents résultats scolaires, etc.) et les attributs collectifs tels que l'origine ethnique et la ville de résidence (Shay, 1993). La présente étude vise à explorer et à comparer les étudiants juifs et arabes au sujet de ces attributs qui, on le considère, nuisent de manière significative à l'admission et à la persévérance dans les études universitaires.

L’objectif de l’étude La présente étude vise à examiner si l’opportunité d’élargir l'accès à l'enseignement supérieur a effectivement vu le jour pour les étudiants arabes des deux collèges étudiés, suivant la politique officielles du Conseil pour l'enseignement supérieur, (Hershkovitz, 2000; Ratner, 2002).

L'étude a comparé deux groupes d'étudiants - arabes et juifs – de deux campus appartenant à des collèges publics d’Israël, avec une attention particulière aux facteurs contribuant à l'intégration et à la réussite dans l'enseignement supérieur. Sur la base des données du Bureau central des statistiques, le profil socio-économique des étudiants des collèges est, en moyenne, sensiblement inférieur à celui des étudiants universitaires. Compte tenu de cette réalité, l'équipe de recherche a proposé les questions suivantes de recherche:

Y A-T-IL DES DIFFERENCES DANS LES ATTRIBUTS DES ETUDIANTS ARABES ET JUIFS, ET SI OUI, QUELLES SONT-ELLES?

Y A-T-IL DES DIFFERENCES DANS LES ATTRIBUTS ECONOMIQUES DES PARENTS DES ETUDIANTS JUIFS ET ARABES, ET SI OUI, QUELLES SONT-ELLES?

Y A-T-IL DES DIFFERENCES DANS LES PROFILS D'APPLICATION (LES EVALUATIONS PSYCHOMETRIQUES, LA MOYENNE A L’EXAMEN BAGRUT) DES ETUDIANTS ARABES ET JUIFS, ET SI OUI, QUELLES SONT-ELLES?

Les réponses à ces questions devraient fournir une explication à la principale question de la recherche concernant les obstacles objectifs à la mise en œuvre de la politique du Conseil pour l'enseignement supérieur d’établir des collèges publics en Israël comme une opportunité pour la population arabe du pays.

Les hypothèses de l’étude sont les suivantes :

LES DIFFERENTS ATTRIBUTS INDIVIDUELS DES ETUDIANTS ARABES INDIQUENT QUE LEUR PROFIL SOCIO-ECONOMIQUE EST NETTEMENT INFERIEUR A CELUI DES ETUDIANTS JUIFS, BIEN QUE LE PROFIL SOCIO-ECONOMIQUE DES ETUDIANTS JUIFS DES DEUX COLLEGES SOIT EGALEMENT PLUS FAIBLE QUE LA MOYENNE NATIONALE.

LES RESULTATS DE L'ANALYSE SOCIO-ECONOMIQUE DES ATTRIBUTS DES PARENTS D'ETUDIANTS ARABES INDIQUENT:

- davantage d'étudiants arabes travaillent tout en fréquentant le collège, par rapport aux étudiants juifs. - en raison de la structure traditionnelle des familles arabes, le pourcentage de femmes arabes étudiant est plus faible que celui des étudiantes juives.

LES PROFILS DES CANDIDATS (LES EVALUATIONS PSYCHOMETRIQUES ET LA MOYENNE BAGRUT) SONT POUR LES ETUDIANTS ARABES NETTEMENT DIFFERENTS DE CEUX DES ETUDIANTS JUIFS: ALORS QUE LA MOYENNE BAGRUT DES ETUDIANTS ARABES EST PLUS ELEVEE QUE CELLE DES ETUDIANTS JUIFS, LES RESULTATS DE LEURS EVALUATIONS PSYCHOMETRIQUES, EN PRENANT EN CONSIDERATION TOUTES LES SECTIONS DE L'EXAMEN, SONT PLUS FAIBLES, ET EMPECHENT LEUR ADMISSION.

Méthode et outils de recherche L’étude a été menée dans deux collèges publics d’Israël. Des questionnaires ont été distribués aux étudiants arabes et juifs dans les deux collèges.

Dans cette étude, 85 étudiants arabes, représentant 97,7 pourcent de tous les étudiants arabes fréquentant le Collège de Judée et Samarie, et 140 étudiants arabes fréquentant le Collège de Galilée Occidentale, représentant 30,4 pourcent de tous les étudiants arabes au sein de cet établissement ont participé à l’étude. En outre, 97 étudiants juifs du Collège de Judée et Samarie, et 137 étudiants juifs du Collège de Galilée Occidentale ont été échantillonnés. 459 questionnaires ont été distribués aux étudiants: 225 aux étudiants arabes et 234 aux étudiants juifs.

Il a été utilisé un questionnaire basé sur l'étude réalisée par Davidovitch (2004). Celui-ci contenait des questions relatives aux contextes individuels et financiers des étudiants (le sexe, l'âge, l'état matrimonial, la situation d'emploi), des points relatifs à la situation économique de la famille des élèves (situation financière de la famille, source de financement des frais de scolarité, l’éducation des parents, la taille de la famille), et des attributs relatifs aux résultats scolaires des étudiants (moyenne Bagrut, résultats psychométriques).

Résultats et discussion Il est admis que les personnes possédant des attributs spécifiques aient une meilleure chance de réussite dans l'enseignement supérieur. Plus précisément, deux catégories d'attributs agissent et ont un impact sur la réussite scolaire: des attributs individuels (statut économique personnel, résultats scolaires précédents, etc.) et des attributs collectifs tels que l'origine ethnique et la ville de résidence (Shay, 1993). L’étude visait à explorer et à comparer les étudiants juifs et arabes en termes de ces ensembles d'attributs, que l’on estime nuire sensiblement à l'admission et à la poursuite des études universitaires.

En général, l'étude a révélé que les attributs individuels et collectifs des étudiants arabes étaient inférieurs à ceux de la population juive. Cette constatation met en lumière les obstacles objectifs pour les candidats et les étudiants arabes dans l'enseignement supérieur. Comme indiqué plus haut, la principale question de recherche était de savoir si une véritable opportunité existait pour les étudiants arabes des deux collèges examinés. Pour arriver à une conclusion sur cette question, nous avons exploré trois dimensions:

La première dimension était liée à des différences dans les attributs des étudiants arabes et juifs. Les données de genre indiquaient que les étudiants femmes constituent la majorité des étudiants juifs et arabes (58 pourcent de tous les étudiants arabes et environ 66 pourcent de tous les étudiants juifs). Contrairement au Collège de Galilée Occidentale, le Collège de Judée et Samarie a plusieurs facultés dans lesquelles les étudiants hommes constituent la majorité absolue. En termes d'âge, l'âge moyen des étudiants arabes est inférieur à la moyenne d'âge des étudiants juifs.

La deuxième dimension concernait les attributs socio-économiques des parents des étudiants. Alors que la moyenne du revenu des ménages juifs est plus ou moins égale au revenu national moyen (fait qui définit les étudiants comme ayant un profil moyen inférieur), le revenu du ménage des étudiants arabes est inférieur à la moyenne (basse). Cette différence est exacerbée en raison des différences dans la taille des familles dans les deux groupes: 2,37 chez les étudiants juifs et respectivement 5,73 chez les étudiants arabes.

Les profils éducationnels reflètent également de grandes différences entre les parents des deux groupes d'étudiants. Bien que le profil éducationnel des parents des deux groupes d'étudiants soit faible, il existe une grande différence d'éducation des parents, en faveur des parents des étudiants juifs. Environ 34 pourcent des pères des étudiants arabes (contre 10 pourcent des pères des étudiants juifs) possédaient uniquement un diplôme d'enseignement primaire. Un peu moins de 15 pourcent des pères des étudiants arabes (comparativement à environ 30 pourcent des pères des étudiants juifs) possédaient un diplôme universitaire.

La troisième dimension concerne les profils des candidats étudiants arabes et juifs. Une analyse des données conduit à d'importants résultats. Tout d'abord, la moyenne des élèves arabes éligibles pour passer l’examen Bagrut (91,7) était beaucoup plus élevée que la moyenne de leurs collègues juifs (86,3 pourcent). Deuxièmement, parmi les étudiants ayant offert une évaluation psychométrique dans leurs dossier pour l’admission, la moyenne psychométrique parmi les étudiants juifs (537,5) était beaucoup plus élevée que celle des étudiants arabes (471,2).

Ces résultats confirment plusieurs, mais pas toutes les hypothèses de l’étude.

La première hypothèse, affirmant que le profil socio-économique des étudiants arabes serait sensiblement inférieur à celui de leurs homologues juifs, a été pleinement confirmée. Il en est de même de la troisième hypothèse affirmant que les résultats à l’examen Bagrut des étudiants arabes seraient meilleurs, et leurs évaluations psychométriques seraient inférieures à celles de leurs collègues juifs. En revanche, la seconde hypothèse qui prédit un pourcentage plus élevé d’étudiants possédant un emploi et un pourcentage plus faible d'étudiantes parmi les étudiants arabes n'a pas été confirmée.

Compte tenu des résultats présentés, il apparaît que les collèges ont en effet offert des opportunités aux étudiants arabes. Il peut être supposé qu’en raison de leur point de départ éducationnel, une grande partie de ce groupe aurait été empêché de fréquenter l'enseignement supérieur en l'absence des politiques libérales d'admission aux collèges. C'est également vrai en ce qui concerne leurs ressources socio-économiques plus limitées. Il peut être supposé que l’option relativement peu coûteuse de la vie dans les dortoirs au Collège de Judée et Samarie, et la possibilité relativement facile de se déplacer au Collège de Galilée Occidentale sans être obligé de louer un appartement et de payer un loyer mensuel, tout en fréquentant le collège, aient favorisé les demandes d’inscriptions des étudiants arabes.

Toutefois, les conclusions de cette étude indiquent plusieurs domaines dans lesquels les étudiants arabes sont confrontés à des obstacles objectifs en matière d'accès et de réussite dans les établissements d'enseignement supérieur. Tout d'abord, la majorité des étudiantes arabes choisissent la pédagogie (dans le Collège de Galilée Occidentale) et les sciences humaines et sociales (au sein du Collège de Judée et Samarie, qui n'a pas de faculté de pédagogie). Malgré le large éventail de programmes d'études, les étudiantes arabes n’exploitent pas les opportunités et choisissent des disciplines traditionnellement destinées aux femmes, en raison de l'influence de la structure familiale traditionnelle dans la société arabe.

En deuxième lieu, l'importante différence d'âge entre les étudiants arabes et juifs met en lumière la nécessité pour les établissements d'examiner les difficultés objectives des étudiants provenant de leur relatif manque de maturité. L'enseignement supérieur en Israël a été orientée par tradition vers les étudiants plus âgés, comme par exemple les étudiants ayant effectué leur service militaire, ou ayant beaucoup voyagé à l'étranger. L'ouverture du système d'enseignement supérieur pour de nouvelles populations, telles que la population arabe, doit tenir compte du fait que les étudiants arabes s’y inscrivent directement après avoir terminé leurs études secondaires. Les écarts d'âge et de maturité affectent leur capacité à dépasser les défis posés par les études universitaires, fait dont les établissements d'enseignement supérieur doivent tenir compte dans la conception des politiques d'admission visant à améliorer l'accès de la population arabe à l'enseignement supérieur.

Troisièmement, les étudiants arabes n’ont pas un accès égal aux sources d'aide financière. Les israéliens ayant effectué leur service militaire, en revanche, reçoivent des subventions et ont accès à de nombreuses bourses d'études et programmes d'aide financière. Fait intéressant, malgré la disparité dans l'accès public à des bourses financées, et en dépit de la disparité dans le développement socio-économique des étudiants arabes et juifs, les étudiants arabes reçoivent davantage de soutien financier de leurs familles que les étudiants juifs. Cela est vrai en dépit du fait que les ménages arabes comptent davantage de personnes, ce qui implique que les parents doivent soutenir financièrement un plus grand nombre d'enfants qui fréquentent les établissements d'enseignement supérieur, et que les familles arabes sont moins riches.

Quatrièmement, les profils des candidats arabes et juifs à l’admission aux deux collèges indiquent une disparité entre les systèmes éducatifs d'école secondaire des deux secteurs. Les étudiants arabes accèdent à l'enseignement supérieur avec moins de préparation académique, ce qui constitue encore un obstacle dans leur tentative de concurrence avec leurs homologues juifs.

Enfin, le système d'enseignement supérieur en Israël est conçu pour des étudiants de langue hébraïque dont la mentalité est loin de l’esprit traditionnel d'un village. Les différences de langue et de mentalité érigent un autre obstacle pour les étudiants arabes. De nombreuses études ont été menées sur la corrélation entre les variables liées à la culture et à la réussite scolaire (Biggs, 1976; Lerner, 2000; Silver et Silver, 1997). Selon les chercheurs étudiant la rencontre des étudiants arabes en Israël avec la réalité des universités et des collèges, le fait de créer une rencontre culturelle n'est pas simple. Lorsque les étudiants arabes pénètrent le système de l'enseignement supérieur, ils ne sont pas seulement exposés à des méthodes d'enseignement différentes et à une langue étrangère qui n'est pas leur langue maternelle et qu’ils ne maitrisent souvent pas assez (Bashi et Tusia-Cohen, 1994); non seulement ils rencontrent une culture avec des valeurs très différentes des leurs, mais c'est aussi la culture du groupe majoritaire. De ce fait, leur sentiment de marginalisation et d'aliénation de leur propre culture est intensifié (Layish, 1991). C’est un véritable choc culturel.

En conclusion, le présent article démontre que, par leur indulgence et des politiques d'admission souples, les collèges publics nouvellement créés en Israël prennent des mesures pour atteindre les objectifs sociaux définis par la Commission de l'enseignement supérieur dans sa résolution sur l'action positive dans la politique d'admission des étudiants arabes. Néanmoins, des mesures devraient aussi être prises pour augmenter la présence des étudiants arabes dans l’enseignement supérieur, pour combler les lacunes économiques entre les deux groupes et pour renforcer le climat de soutien socio-éducationnel et d’orientation dans les études, tout en ménageant leur sentiments religieux. Des actions positives seraient

nécessaires concernant les exigences d'admission aux établissements universitaires, le renforcement des préprogrammes universitaires préparant les étudiants aux études universitaires, ainsi qu’un soutien financier aux étudiants arabes pour les aider à réussir leurs études universitaires.

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DR

Des comparaisons internationales dans le financement de l'enseignement supérieur DOMINGO DOCAMPO

L'utilisation d'indicateurs appropriés des dépenses publiques et privées, identifiant des différences statistiquement importantes dans les politiques de financement, constitue une base solide d'évaluation du rôle des gouvernements dans la promotion de l'enseignement supérieur. Sur la base d'un ensemble d’indicateurs soigneusement sélectionnés de l'OCDE, le présent article explore les effets des politiques de financement de l'éducation, des dépenses dans les domaines de la recherche et du développement (R & D), et des niveaux de taxation, sur les taux d'inscription à l'enseignement supérieur. Les résultats de l'analyse statistique des données confirment l'existence de deux approches distinctes de financement de l'enseignement supérieur, l'approche scandinave et l'approche anglo-américaine et aident à définir leurs caractéristiques.

Introduction

L'éducation, dans l'ensemble, est considérée comme un bien public, car elle réunit habituellement les critères de non-exclusion et de non-rivalité (Mankiw, 1998: 220). Le consensus dans les pays développés autour du caractère de «bien public» de l'enseignement primaire et secondaire est dominant. En tant que biens publics, l'enseignement primaire et secondaire doit être également accessible à tous et ne peut donc pas être offert pour en tirer profit (Fisher, 2006: 158). Par conséquent, le soutien de l'Etat vise chaque école pour qu'elle puisse offrir une qualité standard à la plus grande partie de la population, quel que soit l'accès (près de 100 pourcent dans le cycle primaire et au collège et presque autan pour le lycée, selon des indicateurs récents des pays de l'OCDE) (OCDE, 2006, p. 280-281).

Le consensus disparaît au sujet de l'enseignement supérieur. Selon la théorie économique standard, l'enseignement supérieur se traduit en effet par un excédent important d'externalités positives, dans le sens qu’une personne éduquée apportera du profit à la société dans son ensemble par la production de biens meilleurs, en fournissant de meilleurs services, en payant davantage d'impôts, et en conduisant à un meilleur gouvernement (Mankiw, 1998, p. 205).

Il y a peu de disputes autour de la valeur sociale de l'enseignement supérieur, compte tenu de l'effet externe positif qu'il confère à la société en général. Du point de vue des bénéficiaires de l'éducation, une personne possédant un diplôme d’enseignement supérieur aura plus d’avantages, jouira de meilleures opportunités pour réussir sa carrière et gagnera plus d'argent qu’une personne sans instruction. Il est donc incontestable que bien que l'enseignement supérieur conserve la plupart des caractéristiques d'un bien public, les bénéfices privés individuels sont très apparents. Par conséquent, il est fait valoir que l'enseignement supérieur devrait être payé au moins en partie par les étudiants, que ce soit avant ou après l'obtention du diplôme.

L'équité n’est pas en soi attachée à la gratuité de l'enseignement, elle devrait être liée à la capacité du système d'enseignement supérieur de tenir compte de toutes les aspirations des jeunes, indépendamment de leur situation socio-économique de base (Barr, 2004: 266). Dans l'ensemble, et en particulier dans la plupart des pays européens, les politiques

gouvernementales n'ont pas été particulièrement fructueuses pour aider dans la mesure souhaitée les étudiants issus de milieux socio-économiques défavorisés à fréquenter l'enseignement supérieur. Ainsi, il existe une raison pour affirmer que la gratuité de l'enseignement supérieur peut en fait être régressive, impliquant un transfert de la part des pauvres vers les riches (Ischinger, 2006, p. 18; Jongbloed, 2004, p. 1; Barr, 2004, p. 267). Néanmoins, la question est si attachée à l'idéologie, que les preuves concernant des bourses recueillies au cours des vingt dernières années n'ont pas permis d'ouvrir un débat public, sauf pour un petit nombre de pays dans la tradition anglo-américaine (le Royaume-Uni en 2003; l’Australie en 1987; et la Nouvelle-Zélande suivant la même voie).

Il est regrettable mais vrai qu’une large mise en question du rôle du financement public dans l'enseignement supérieur fait défaut dans la société (Fisher, 2005, p. 2). En Europe continentale c’est une question non-discutable, un tabou, que les dirigeants des universités et les politiciens reconnaissent. Un débat pertinent serait d'évaluer les bénéfices apportés par chaque personne éduquée et de comparer les avantages obtenus par les diplômés d’université, il ne devrait donc pas être difficile de partager les coûts en conséquence. Les gouvernements ont un moyen d'internaliser les bénéfices découlant de l'éducation en évaluant l'évolution de la courbe de la demande pour l'enseignement supérieur et en introduisant des subventions déplaçant le point d'équilibre vers l'objectif souhaité. Dans le même ordre d'idées, la valeur accordée par les gouvernements aux bénéfices de l'enseignement supérieur peut être déduite sur la taille de la subvention.

Mis à part les pays scandinaves, les pays de l'OCDE dépensent en général entre 0,8 et 1,5 pourcent de leur PIB en subventions pour l'enseignement supérieur, avec une moyenne de l'OCDE situé à 1,3 pourcent. Tous les États prévoient pour les étudiants de payer leur part, bien que les différences quantitatives soient importantes. La plupart des pays de l'OCDE chargent des frais nominaux pour les services de l'enseignement supérieur, tandis qu'un petit nombre d'entre eux permettent une contribution plus importante des étudiants et offrent, en général, des crédits de l’Etat pour soutenir la poursuite des études universitaires.

Le résultat général est que, dans un petit nombre de pays, l'effort total pour l'enseignement supérieur dépasse nettement la moyenne de l'OCDE. Ce sont les pays qui accordent une valeur plus grande au rendement de l'enseignement supérieur. Les pays scandinaves accordent une grande valeur sociale à l'éducation en général et à l'enseignement supérieur en particulier. D'autres pays, affirment le droit à l'enseignement supérieur comme un droit universel tout en sous-finançant le secteur de l'enseignement supérieur, et attribuent dans la pratique une valeur sociale inférieure à l'éducation, en contradiction avec ce qu'ils affirment en principe. Il est difficile de remettre en question le statu quo; des chiffres constants indiquent que le débat sur le financement de l'enseignement supérieur reste ouvert.

Dans le présent article, les comparaisons internationales sont basées sur des indicateurs pertinents pour identifier des différences statistiques entre les pays. Le débat sur le caractère de «bien public» de l'enseignement supérieur doit être continué, à travers un examen des indicateurs internationaux de l'effet des politiques sur le taux d’inscriptions aux universités.

L'enseignement supérieur est-il véritablement un bien public? Pour certains, l'idée de l'enseignement supérieur comme bien public est liée à l'idée que sans l'intervention de l'État, le marché ne fournit pas les dispositions appropriées pour tous les citoyens (Hufner, 2003, p. 340). Toutefois, cela suppose l'inclusion de tous les citoyens parmi lesquels il y en a qui soit ne veulent pas, soit ne sont pas en mesure de participer aux bénéfices obtenus à travers l'enseignement supérieur et, par conséquent, ils auront aussi leur

mot à dire sur le degré de bénéfices privés pouvant résulter de l'enseignement supérieur pour les étudiants ou les établissements eux-mêmes (Fisher, 2006: 159).

Certaines objections auxquelles les partisans de la gratuité de l'enseignement supérieur doivent répondre sont présentés (Barr, 2004), suivies par un résumé du débat autour de la question la plus difficile, à l'exclusion des simples positions idéologiques comme celle affirmant que l'enseignement supérieur est un droit fondamental, devant par conséquent être gratuit, pour les mêmes raisons qu’un argument similaire pourrait être employé d’autant plus pour la nourriture et le logement.

Le principal argument en faveur de la gratuité de l'enseignement supérieur est que l'enseignement supérieur devrait être entièrement financé à travers les impôts parce que les diplômés d’université gagnent en moyenne davantage que les non-diplômés d’université (OCDE, 2006, p. 121; Dearden et al., 2005, P. 9; DEST, 2003, p. 8). Par conséquent, en vertu des impôts supérieurs étant perçus sur le revenu des diplômés d’université, ces derniers remboursent en fait l'éducation reçue. A cela, Barr propose des contre-arguments:

l'impôt sur le revenu est payé par beaucoup plus de non-diplômés d’université que de diplômés d’université, ce qui fait que la gratuité de l'enseignement supérieur soit inéquitable horizontalement;

un contribuable face à l’argument d’«une bonne affaire» pourrait demander que tous les coûts de développement des entreprises à succès, qui paient davantage d'impôts, soient également entièrement subventionnés ;

il y a des limites à la fiscalité, notamment en raison de pressions politiques, qui se confrontent à d'autres priorités pour les dépenses publiques.

Il peut être affirmé qu'il existe des pays où un grand pourcentage de la population n'a pas accès à l'enseignement supérieur, indiquant que l'équité horizontale devrait au moins être abordée. D'autre part, le consensus de l'opinion publique sur l'importance de la connaissance et les avantages apportés à la société à travers la recherche et le développement, est presque partout au-delà du débat partisan. De même, il est de plus en plus largement admis que l'amélioration de l'éducation est la seule façon de relever le défi posé par la mondialisation.

Si une partie ou la totalité de ces situations existaient dans un pays, il y aurait une forte raison pour subventionner le secteur de l'éducation tertiaire. Comme il sera exposé, c'est le cas dans les pays scandinaves.

D'autres pays ont essayé d'améliorer la qualité de l'enseignement supérieur à travers la contribution des étudiants et de leurs diplômés. Il est intéressant d’observer que l'équité n'est pas en jeu dans la majorité des pays ayant opté pour cette solution (OCDE, 2006, p. 270). En particulier, l'opinion publique américaine estime que l'éducation au collège est un atout très précieux et souhaite autant de personnes que possible d'y avoir accès. Hart et Teeter ont mené une enquête nationale en 2003, et ils ont constaté que l'opinion publique était divisée au sujet de l'état de l'enseignement supérieur entre droit fondamental et bien devant être gagné. Un fait remarquable est que, en dépit de cette fracture, il n'existe pas d’écart important sur cette question (droit ou privilège), montrant clairement comment l'opinion publique américaine perçoit effectivement les avantages à la fois publics et privés de l'enseignement supérieur (Teeter et Hart, 2003, p. 8).

Deux approches de financement de l'enseignement supérieur Barr (2004) caractérise la nature des politiques de l'enseignement supérieur suivant deux modèles «stylisés»: Dans le «modèle anglo-américain», la politique voit l'enseignement supérieur comme étant hétérogène et encourage la diversité, diverses formes de financement, ainsi que des comparaisons internes au sujet de la qualité. Dans le «modèle

scandinave», la politique se fonde sur l'hypothèse que les établissements d’enseignement supérieur sont homogènes et les traite par conséquent comme étant égaux, ainsi que tous leurs programmes (Barr, 2004, p. 267).

Il n'est pas difficile de constater que les modèles Barr ne sont pas sans des hypothèses implicites soulignant certains mots choisis, car il est beaucoup plus facile d’associer la qualité à la diversité qu’à l'uniformité. Il sera tenté de reformuler les deux modèles de façon à éliminer les hypothèses inutiles avant d'analyser les données disponibles.

Le modèle scandinave serait caractérisé par des impôts très élevés, un fort engagement envers la R & D, des dépenses publiques importantes dans l'enseignement supérieur et de grands effectifs inscrits. Le modèle Anglo-américain devrait plutôt être associé à des impôts beaucoup moins élevés et à d’importantes dépenses privées dans l'enseignement supérieur, tout en étant fortement engagé dans le domaine R & D et ayant de grands effectifs inscrits.

Afin de tester les caractéristiques mentionnées, il doit être utilisé des données provenant des plus récentes compilations internationales proposées par l'OCDE et la Banque mondiale. Pour cette étude, ont été sélectés les pays nordiques, un certain nombre de pays d'Europe continentale, dont quatre des plus importants d'entre eux, certains pays d'Asie et plusieurs grands pays anglo-américains.

Données pour des comparaisons internationales Les données sélectionnées concernent les indicateurs suivants:

I1: Dépenses publiques d'éducation en pourcentage du PIB. I2: Dépenses publiques pour l'enseignement supérieur en pourcentage du PIB. I3: Les dépenses privées pour l'enseignement supérieur en pourcentage du PIB. I4: Total des dépenses pour l'enseignement supérieur en pourcentage du PIB. I5: Impôts pour un employé moyen. I6: Taux brut de scolarisation. I7: Les dépenses de R & D en pourcentage du PIB.

DÉPENSES PUBLIQUES: LES INDICATEURS I1 ET I2 (OCDE, 2006, TABLEAU B4.1), MESURENT LES DÉPENSES PUBLIQUES DIRECTES POUR LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT AINSI QUE LES SUBVENTIONS PUBLIQUES AUX MÉNAGES (COMPRENANT LES SUBVENTIONS POUR LES FRAIS DE SUBSISTANCE) ET AUTRES ENTITÉS PRIVÉES.

DÉPENSES PRIVÉES ET DÉPENSES TOTALES POUR L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR: LES INDICATEURS I3 ET I4 (OCDE, 2006, TABLEAU B2.1B) MESURENT LE MONTANT NET DES DÉPENSES PRIVÉES OU TOTALES (PUBLIQUES ET PRIVÉES) ALLANT AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT.

L’INDICATEUR I5 (OCDE FACTBOOK 2007 - STATISTIQUES ÉCONOMIQUES, ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES: FINANCES PUBLIQUES, IMPÔTS) MESURE LES IMPÔTS DE L'EMPLOYÉ MOYEN COMME UN POURCENTAGE DES COÛTS SALARIAUX POUR LES PERSONNES SEULES SANS ENFANTS, À 100 POURCENT DU REVENU MOYEN.

L’INDICATEUR I6 CORRESPOND AU TAUX BRUT DE SCOLARISATION: LE NOMBRE D’ÉTUDIANTS INSCRITS COMME POURCENTAGE DU NOMBRE DE JEUNES DANS LE GROUPE D'ÂGE OFFICIEL. L'INDICATEUR DU NOMBRE D’ÉTUDIANTS INSCRITS DE L’OCDE PRÉSENTE CERTAINES INCOHÉRENCES

DANS LA DISTINCTION ENTRE LES TYPES A ET B D’ÉTUDIANTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. NOUS AVONS FONDÉ NOTRE ANALYSE SUR L’INDICATEUR DE SCOLARISATION DATA QUERY DE LA BANQUE MONDIALE (WORLD BANK, 2007, ET THE ECONOMIST (2006) POUR LES DONNÉES MANQUANTES).

L’INDICATEUR I7 (OCDE FACTBOOK 2007- ÉCONOMIE, SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT ET TECHNOLOGIE, DÉPENSES DE R & D), CORRESPOND AUX DÉPENSES INTERNES BRUTES DE R & D PAR RAPPORT AU PIB.

Analyse statistique Les comparaisons sur des paires de variables révèlent le regroupement des pays. Il résulte que les données confirment l'existence de deux approches: scandinaves et anglo-américaine de l'enseignement supérieur, confirmées par l'utilisation appropriée d'outils statistiques. Sur le plan, les sigles suivants seront utilisés: Australie AUS, CAN Canada, Danemark DEN, FRA France, Finlande FIN, GER Allemagne, Italie ITA, JAP Japon, KOR Corée du Sud, Pays-Bas NET, NOR Norvège, SPA Espagne, Suède SWE, Royaume-Uni UK, États-Unis d'Amérique USA.

Les tableaux 1 et 2 indiquent une série d'indicateurs pour un certain nombre de pays de l'OCDE et la matrice de corrélation.

Tableau 1. Indicateurs bruts

Pays I1 I2 I3 I4 I5 I6 I7 AUS 3,6 1,1 0,8 1,5 28,3 72,2 1,6 CAN 3,3 1,7 1,0 2,4 31,6 60,2 2,0 DEN 4,8 2,5 0,1 1,8 41,4 73,9 2,5 FIN 4,1 2,1 0,1 1,8 44,6 89,5 3,5 FRA 4,0 1,2 0,2 1,4 50,1 56,0 2,2 GER 3,1 1,2 0,1 1,1 51,8 51(a) 2,5 ITA 3,6 0,8 0,2 0,9 45,4 63,1 1,1 JAP 2,7 0,6 0,8 1,3 27,7 54,0 3,1 KOR 3,5 0,6 2,0 2,6 17,3 88,5 2,9 NET 3,4 1,3 0,3 1,3 38,6 59,2 1,8 NOR 4,8 2,3 0,1 1,5 37,3 80,5 1,6 SPA 2,8 1,0 0,3 1,2 39,0 65,7 1,1 SWE 4,8 2,2 0,2 1,8 47,9 83,7 4,0 UK 4,0 1,1 0,3 1,1 33,5 60,1 1,9 USA 3,9 1,5 1,6 2,9 29,1 82,4 2,7

(a) ce tableau provient de The Economist (2006) Sources: OCDE (2006), OCDE (2007), La Banque Mondiale (2007)

Tableau 2. Matrice de corrélation des indicateurs bruts

Indicateur I1 I2 I3 I4 I5 I6 I7 I1 1,00 0,80 -0,30 0,19 0,27 0,56 0,28 I2 1,00 -0,42 0,23 0,38 0,45 0,30 I3 1,00 0,77 -0,84 0,31 0,17 I4 1,00 -0,53 0,61 0,43

I5 1,00 -0,27 0,03 I6 1,00 0,42 I7 1,00

Source: l’auteur, 2007

La figure 1 illustre la cohérence des politiques publiques de financement à tous les niveaux de l'éducation, ainsi que pour le secteur de l'enseignement supérieur.

Figure 1. Les dépenses publiques dans l’enseignement tertiaire vs. les dépenses publiques dans l’enseignement.

I2 vs. I1

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KORJAP

ITA

GER FRA

FIN

DEN

CAN

AUS

I1

I2

Source: l’auteur, 2007

Trois des pays scandinaves se placent vers le haut pour ces deux indicateurs, à une certaine distance de la Finlande et des trois pays suivants (les États-Unis, la France et le Royaume-Uni). Elle montre également comment l'Allemagne, le Japon et l'Espagne enregistrent des retards pour ces deux indicateurs. Le coefficient de corrélation, 0,80, est très élevé dans ce cas.

La Figure 2 reflète clairement le regroupement des quatre pays scandinaves autour des positions les plus élevés pour les dépenses publiques et pas loin du sommet pour les dépenses totales pour l'enseignement supérieur. Le coefficient de corrélation est faible, 0,23, parce que le Canada, la Corée et les États-Unis se situent bien au-dessus de la ligne de régression et placent le reste des pays en dessous. L’écart devient ainsi plus évident.

Figure 2: Les dépenses totales dans l’enseignement tertiaire vs. les dépenses publiques dans l’enseignement tertiaire.

I4 vs. I2

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KOR

JAP

ITAGER

FRA

FINDEN

CAN

AUS

I2

I4

Source: l’auteur, 2007

La figure 3 montre les informations pertinentes sur la relation entre le total des dépenses pour l'enseignement supérieur et les investissements dans la R & D, avec un coefficient de corrélation de 0,43. Au-dessus de la ligne de régression (plus haut pour les dépenses totales dans l'enseignement supérieur), nous trouvons les pays candidats aux deux modèles indiqués auparavant, avec la Finlande et la Suède légèrement en dessous de la ligne de régression en raison de leur engagement record envers la R & D.

Figure 3: Les dépenses totales dans l’enseignement tertiaire vs. les dépenses de R&D.

I4 vs. I7

AUS

CAN

DEN FIN

FRAGER

ITA

JAP

KOR

NET

NOR

SPA

SWE

UK

USA

I7

I4

Source: l’auteur, 2007

Ensuite, la figure 4 montre un net groupement des pays scandinaves, et indique une corrélation positive (0,38) entre les dépenses publiques dans l'enseignement supérieur et les charges des salariés moyens, tandis que la figure 5 indique une corrélation négative (-0,53), lorsque le montant total des dépenses dans l'enseignement supérieur est pris en compte, et révèle les trois principaux acteurs dans les pays du modèle anglo-américain (le Canada, la Corée et les États-Unis).

Figure 4: Les charges pour un employé moyen vs. les dépenses publiques dans l’enseignement tertiaire.

I5 vs. I2

USAUK

SWE

SPA NORNET

KOR

JAP

ITAGERFRA

FINDEN

CANAUS

I2

I5

Source: l’auteur, 2007

Figure 5: Les charges pour un employé moyen vs. les dépenses publiques dans l’enseignement tertiaire.

I5 vs. I4

USAUK

SWE

SPANOR

NET

KOR

JAP

ITA

GER FRA

FINDEN

CAN

AUS

I4

I5

Source: l’auteur, 2007

Les figures 4 et 5 indiquent le fait que le financement privé dans l'enseignement supérieur est fortement corrélé (0,84 en valeur absolue) avec de faibles niveaux d’impôts pour le salarié moyen. Le groupe des pays nordiques est très apparent, combinant un impôt élevé sur le revenu avec d’importantes dépenses (publiques ou totales) dans l'enseignement supérieur.

Les figures 6 et 7 sont claires. Il y a de fortes corrélations dans les deux cas (0,45 et 0,61 respectivement) et les groupements deviennent très évidents.

Figure 6: Le nombre d’inscriptions vs. les dépenses publiques dans l’enseignement tertiaire.

I6 vs. I2

AUS

CAN

DEN

FIN

FRAGER

ITA

JAP

KOR

NET

NOR

SPA

SWE

UK

USA

I2

I6

Source: l’auteur, 2007

Figure 7. Le nombre d’inscriptions vs. les dépenses totales dans l’enseignement tertiaire.

I6 vs. I4

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KOR

JAP

ITA

GER FRA

FIN

DEN

CAN

AUS

I4

I6

Source: l’auteur, 2007

L’écart entre les pays des deux modèles, scandinave et anglo-américain et le reste des pays est clairement montré dans la Figure 7. La corrélation 0,61 est importante et montre comment l’augmentation des dépenses (soit publiques soit privées) a un grand impact sur les inscriptions.

Afin de caractériser les deux modèles, nous avons effectué une analyse factorielle sur l'ensemble des indicateurs et nous avons sélectionné les principales composantes (les facteurs indiquant une valeur Eigen supérieure à un). Une matrice et les caractéristiques communes sont extraites des indicateurs à travers l'analyse factorielle et sont présentées au tableau 318.

Tableau 3. Composantes extraites des 7 indicateurs à travers l’analyse factorielle

Indicateurs PCA 7 Indicateur I1 I2 I3 I4 I5 I6 I7

Coeff1 0,68 0,64 0,34 0,78 -0,22 0,87 0,63 Matrice des

composantes Coeff2 0,59 0,67 -0,93

-0,51 0,87 -

0,06 0,03

Valeurs à haute probabilité d’apparition

Extraction 0,81 0,85 0,97 0,86 0,80 0,77 0,40

Source: l’auteur, 2007

Le tableau montre que tous les indicateurs, à l’exception d’I7, présentent des valeurs à haute probabilité d’apparition, ce qui fait que le discriminant vienne des deux principales composantes statistiquement significative. En fait, les deux composantes expliquent ensemble une bonne partie (plus de 78 pourcent) de la variance dans les données, comme l'indique le tableau 4.

Tableau 4. Pourcentage expliqué de variance (analyse factorielle de 7 indicateurs)

Composante Valeurs Eigen % de Variance % Cumulatif 1 2,85 40,74 40,74 2 2,62 37,44 78,18 Méthode d’extraction: L'analyse en composantes principales. Source: l’auteur, 2007

L’image des deux composantes des pays inclus dans l'étude, ainsi que l'emplacement des coefficients pour calculer les scores des composantes, est présentée à la figure 8. Elle montre le parfait groupement des pays nordiques sur le premier quadrant et fournit la signature de l'approche scandinave. L’approche anglo-américaine apparaît sur le quatrième quadrant: le regroupement est flou, parce que l'écart est plus grand que chez les pays 18 Les valeurs à haute probabilité d’apparition mesurent la variance de chaque variable (indicateur dans notre cas) expliquée par les principales composantes. Plus il existe de caractéristiques communes, plus grand sera l’impact de l’indicateur dans la sélection des axes ou des facteurs. La matrice coefficient de l’analyse factorielle contient les poids utilisés pour mesurer les résultats totaux des principales composantes.

scandinaves. L'Australie progresse vers la zone anglo-américaine et le Royaume-Uni est encore loin en raison de sa faiblesse actuelle avec des chiffres présents plus faibles dans le financement de l'éducation et le nombre des inscriptions.

Figure 8. L'analyse en composantes principales (ACP) 7 indicateurs

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KOR

JAP

ITA

GER FRA

FIN

DEN

CAN AUS

I7

I6

I5

I4

I3

I2I1

-2 .5 0

-2 .0 0

-1 .5 0

-1 .0 0

-0 .5 0

0 .0 0

0 .5 0

1 .0 0

1 .5 0

-1 .5 0 -1 .0 0 -0 .5 0 0 .0 0 0 .5 0 1 .0 0 1 .5 0 2 .0 0

Source: l’auteur, 2007

L’analyse factorielle des deux modèles

Les coefficients de la première composante (Tableau 3) correspondant à la plus grande valeur Eigen, signalent clairement un lien entre des dépenses importantes publiques et totales et un grand nombre d'inscriptions. La deuxième série de coefficients, correspondant à la deuxième valeur Eigen plus grande, indique un poids négatif pour l'effort privé et positif pour les impôts et les dépenses publiques élevés. Ils fournissent des signatures claires pour les deux modèles en cours de discussion.

Un nombre important d'inscriptions constitue une caractéristique commune des deux modèles. En fait, une large part de la variance de l'indicateur I6 est expliquée à travers les indicateurs I1 et I4, ainsi que l'indique le Tableau 5.

Tableau 5. Statistiques de l’analyse de régression pour I6 en utilisant les autres indicateurs de base

Analyse de régression multiple (1) Modèle R Carré Ajusté Sig. F-test Estimateurs: (Constant), I4, I1 0,58 0,51 0,005 Non-standardisés standardisés Sig. t-test Coefficients B Beta Sig. (Constant) 16,52 0,27 I4 11,60 0,52 0,02 I1 8,98 0,47 0,03 Source: l’auteur, 2007

Le Tableau 5 montre l'analyse de régression effectuée sur l'ensemble des données, avec I6 comme variable dépendante et le reste des indicateurs choisis comme variables indépendantes. La méthode de régression appliquée est l'analyse par régression multiple en étapes, dans laquelle le logiciel de statistiques pour les sciences sociales de SPSS Inc (SPSS) sélectionne les indicateurs ayant une signification statistique lorsqu'ils sont utilisés comme facteurs prédictifs. Le tableau montre que, même avec des erreurs ajustées par R², du fait de la rareté des données, plus de 50 pourcent de la variance de l'indicateur I6 est expliquée conjointement par les indicateurs I1 et I4.

La Figure 9 montre les chiffres de scolarisation par rapport à ceux prédits par des indicateurs I1 et I4.

Figure 9: Le nombre d’inscriptions vs. le nombre d’inscriptions prévues (I1-I4) I6 vs. I1-I4

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KOR

JAP

ITA

GER FRA

FIN

DEN

CAN

AUS

I4

I6

Source: l’auteur, 2007

Afin de finir l'analyse factorielle préliminaire, deux aspects importants du jeu de données doivent être vérifiés, à savoir: la mesure Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) de l'échantillonnage et l'adéquation du test de sphéricité Bartlett19. Nous pouvons voir que l'association des axes choisis par l'analyse statistique constitue un très bon discriminateur, mais, comme l’indique le Tableau 6, la mesure KMO n'est pas appropriée pour une bonne analyse factorielle.

19 Le test de sphéricité Bartlett, Bartlett (1954) et la mesure Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) de l’adéquation de l’échantillonnage sont générés par le logiciel statistique SPSS pour aider à mesurer la factorialité des données. Pour l’adéquation de l’analyse factorielle, le test de sphéricité devrait suffire (p<0.05). L’index KMO indique des valeurs de 0 à 1. Plus il approche 1, mieux c’est. La valeur minimum pour continuer est 0,5 et 0.6 suggère une bonne analyse factorielle, (Tabachnik et Fidell, 1996, Chapitre 13).

Tableau 6. KMO et Test Bartlett pour les 7 indicateurs

La mesure Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) de l'échantillonnage 0,45 Approx, Chi-Carré 82,96 Le test de sphéricité Bartlett Df 21 Sig, 2,57E-09 Source: l’auteur, 2007

La suppression de l’indicateur I4 de l'analyse ne se traduit pas par un manque d’information, puisque l'information qui porte sur l'indicateur est également intégrée dans les indicateurs I2 et I3, mais elle peut considérablement améliorer la factorialité des données, comme l'indique le Tableau 7.

Tableau 7. Statistiques de l’analyse factorielle utilisant 6 indicateurs

La mesure Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) de l'échantillonnage 0,64 Approx, Chi-carré 41,40 Le test de sphéricité Bartlett Df 15 Sig, 2,78E-04 Variance Totale Valeurs Eigen % de Variance % Cumulatif 2,62 43,71 43,71 2,05 34,16 77,87 Méthode d’extraction: L’analyse en composantes principales. Source: l’auteur, 2007

La mesure KMO est ainsi adéquate et les valeurs Eigen expliquent un bon 78 pourcent de la variance présentée dans les données (comme prévu puisqu’il n’y a eu aucune perte d'information), comme le montre les Tableaux 7 et 8.

Tableau 8. Valeurs à haute probabilité d’apparition extraites de 6 indicateurs (tous à l’exception d’I4) à travers l’analyse factorielle

Indicateur I1 I2 I3 I5 I6 I7 Extraction 0,82 0,84 0,92 0,84 0,83 0,42 Source: l’auteur, 2007

Les résultats des principaux indicateurs, ainsi que la matrice des indicateurs sont illustrés dans la Figure 10.

Figure 10: 6 Indicateurs ACP (I4 disparait)

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KOR

JAP

ITA

GER FRA

FIN

DEN

CAN AUS

I7I6

I5

I3

I2I1

-2 .5 0

-2 .0 0

-1 .5 0

-1 .0 0

-0 .5 0

0 .0 0

0 .5 0

1 .0 0

1 .5 0

-1 .5 0 -1 .0 0 -0 .5 0 0 .0 0 0 .5 0 1 .0 0 1 .5 0 2 .0 0

Source: l’auteur, 2007

Le graphique illustre le regroupement des pays scandinaves dans le premier quadrant. L’approche anglo-américaine apparaît sur le quatrième quadrant avec un groupement encore plus vague qu’avant. Ce groupement pourrait en fait être appelé modèle coréen-américain. Les signatures des deux modèles peuvent être extraites de l'emplacement des coefficients correspondant aux deux indicateurs principaux. Ainsi positionnés, les deux modèles indiquent un grand nombre d’inscriptions et volume important de R & D. Le modèle scandinave est associé à des dépenses publiques importantes et, dans une moindre mesure, à des charges élevées pour les salariés moyens semblant être la signature de l'Europe continentale. Le modèle anglo-américain est associé à d'importantes dépenses privées dans l'enseignement supérieur et à de faibles taux d'imposition (l'image miroir de l'indicateur I5 se trouve sur le quatrième quadrant).

Prédiction de l’indicateur des inscriptions Le Tableau 2 indique une corrélation positive entre les indicateurs I1, I4, I6 et I7, et une corrélation faible dans le cas d’I7. Les autres indicateurs permettent de mesurer la relation entre l'effort public et l'effort privé pour les dépenses de l'enseignement supérieur, et entre ces dernières et le niveau d'imposition. Le premier groupe d'indicateurs est lié à des aspects communs aux deux modèles: l’enseignement non-tertiaire considéré comme un véritable bien public, l'enseignement supérieur correctement financé (dépenses totales), l'engagement envers la R & D et un nombre important d’inscriptions. D'autre part, les indicateurs I2, I3 et I5 indiquent une grande fracture dans le financement de l'enseignement supérieur (demander ou pas d'importantes contributions de la part des étudiants ou des diplômés), et leur relation avec le niveau des charges sur le salarié moyen.

Les deux groupes d'indicateurs seront désormais traités séparément, mais l'élimination d’I6 de la première série reste à déterminer, étant le meilleur indicateur pour le nombre futur d'inscriptions. Chaque groupe d'indicateurs devrait jouer le rôle d'une échelle unidimensionnelle, puisque seule la première valeur Eigen de chaque échelle devrait être supérieure à 1. En outre, les deux principaux indicateurs de chaque échelle (groupe

d'indicateurs) devraient être pratiquement non corrélés pour garantir un pouvoir discriminateur raisonnable. Selon les caractéristiques assumées, les candidats aux modèles scandinave et anglo-américain devraient partager les évaluations positives sur la première échelle (I1, I4, I7), tout en se trouvant à l’opposé dans la deuxième échelle (I2, I3, I5). Le Tableau 9 indique les valeurs Eigen de l'analyse des indicateurs principaux pour les deux ensembles d'indicateurs.

Tableau 9. Statistiques de l’analyse factorielle des deux sous-séries d’indicateurs

Variance totale I1-I4-I7 Valeurs Eigen >1 % de variance 1,60 53,70 Variance totale I2-I3-I5 Valeurs Eigen >1 % of Variance 2,10 70,70 Méthode d’extraction: L’analyse en composantes principales. Source: l’auteur, 2007

L'analyse confirme l'unidimensionnalité des échelles. Une fois enlevés les deux principaux indicateurs des deux échelles, la corrélation est calculée et ses résultats presque négligeable (-0,03) confirment la prévision initiale. Le Tableau 10 montre l'analyse de régression effectuée sur l'ensemble de données, avec I6 comme variable dépendante, et le reste des indicateurs choisis comme variables indépendantes, avec les deux principaux indicateurs extraits de ces deux sous-ensembles (I147-I235). La méthode de régression appliquée est à nouveau l'analyse de régression multiple par étapes.

Tableau 10: Statistiques de la seconde régression sur le nombre d’inscriptions

Analyse de régression multiple (2) Modèle R carré Ajusté F-test Sig. Indicateurs: (Constants), PC(I147) 0,51 0,47 0,003

Non-standardisé Standardisé t-test Sig, Coefficients B Beta Sig, (Constant) 69,33 4,409E-13 PC(I147) 9,31 0,71 0,003 Source: l’auteur, 2007

Le Tableau 10 montre que désormais 47 pourcent de la variance dans l'indicateur I6 est expliquée par la seule variable indépendante, PC (I147), principal indicateur extrait du groupe d'indicateurs I1, I4 et I7. Dans ce cas, la constante montre aussi un effet significatif, mesuré par le test t dans le Tableau 10, ce qui rend le facteur prédictif plus fiable.

La Figure 11 indique le tableau du nombre d’inscriptions versus celui prédit par PC(I147).

Figure 11: Le nombre d’inscriptions réelles vs. nombre d’inscriptions prévues par CP (I1-I4-I7)

I6 vs. CP(I1-I4-I7)

USA

UK

SWE

SPA

NOR

NET

KOR

JAP

ITA

GERFRA

FIN

DEN

CAN

AUS

CP(I1-I4-I7)

I6

Source: l’auteur, 2007

Les signatures des deux modèles Ensuite, la Figure 12 indique le tableau des scores des deux principales composantes (une pour chaque série de coefficients) des pays étudiés.

Avec les deux échelles non-corrélées, nous avons deux régions résumant le débat présent

autour des deux modèles. Sur le premier quadrant, les résultats correspondent au modèle scandinave et les pays du quatrième quadrant correspondent pleinement au modèle anglo-américain. Comme il a déjà été mentionné, la première série de coefficients (I1, I4 et I7)

fournit les signatures communes caractéristiques, tandis que la deuxième (I2, I3 et I5) fournit la signature pour la différence entre les deux modèles.

L’échelle du succès Enfin, l'indicateur I6 est à nouveau ajouté à l'ensemble des caractéristiques communes des deux modèles (I1, I4 et I7) pour réaliser une échelle. Le Tableau 11 offre les statistiques de l'échelle, y compris une mesure Alpha de Cronbach de sa fiabilité. La valeur de cette mesure est supérieure à 0,7, seuil standard de fiabilité (DeVellis, 1991.).

Tableau 11. Statistiques de l’analyse factorielle de l’échelle (I1-I4-I6-I7)

La mesure Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) de l'échantillonnage 0,60

Approx, Chi-carré 13,96 Le test de sphéricité Bartlett Df 6 Sig, 0,03 Statistiques de fiabilité Alpha de Cronbach 0,72 Variance totale Valeurs Eigen >1 % de variance 2,62 56,79 Méthode d’extraction: L’analyse en composantes principales.

Source: l’auteur, 2007

La Figure 13 offre l’image des résultats des principales composantes du sous-ensemble d'indicateurs (I1-I4-I6-I7), donnant un clair aperçu des politiques de l'enseignement supérieur révélées efficaces pour garantir des chiffres importants de scolarisation.

Conclusions L'analyse a montré comment les modèles des pays scandinaves et anglo-américains répondent au défi du financement de l'enseignement supérieur, bien qu’en utilisant différentes méthodes de financement. De même, les investissements dans la R & D semblent importants dans ces deux modèles, confirmant l’analyse exploratoire initiale. Plus important encore, les effets de ces politiques peuvent être perçus dans les taux de scolarisation dans l'enseignement supérieur.

Alors que le groupe scandinave est bien rassemblé, ce n'est pas le cas du groupe anglo-américain, avec l'Australie et le Canada ne se conformant pas à son modèle, et leur distance face aux États-Unis et à la Corée du Sud est remarquable pour des raisons différentes: l’Australie se montre faible en matière de dépenses totales dans l'enseignement supérieur et la R & D, tout comme le Canada pour le volume des inscriptions et les dépenses de R & D. Le Royaume-Uni a lancé en 2003 un projet qui permettra d’augmenter le total des dépenses dans l'enseignement supérieur, mais ses effets ne sont pas encore pleinement visibles. En outre, les effectifs et les dépenses en matière de R & D ne sont pas importants. La plupart des pays de l'Europe Continentale ne se conforment à aucun des deux modèles. Le Japon est plus proche du modèle anglo-américain, mais ses chiffres en matière de financement de l'enseignement supérieur (public et privé) sont très faibles.

L'enseignement supérieur est en cours de devenir une aspiration universelle. Les pays luttent pour augmenter l'accès à l'enseignement supérieur, mais diffèrent dans leur façon de partager les coûts avec les étudiants et les diplômés d’universités. Le présent article a montré comment des défis sont abordés avec succès, en ce qui concerne les effets sur les effectifs, dans deux modèles différents qui ont été caractérisé statistiquement, en utilisant un ensemble d'indicateurs pertinents.

Monter sur l'échelle des investissements dans l'enseignement supérieur est un processus long et coûteux, à moins de prendre des résolutions fermes pour mettre en place des dépenses publiques dans l’éducation, comme véritable priorité nationale, ou des dispositions

pour partager les coûts entre les étudiants, les diplômés et les contribuables. Les étudiants ont prouvé leur volonté d’assumer des risques pour une bonne récompense et la valeur de leur effort. Il y a deux générations, la Corée comptait parmi les pays les plus pauvres et ses normes éducatives étaient bien en dessous de la moyenne OCDE. Aujourd'hui, un nombre étonnant de 97 pourcent des 25 à 34 ans des Coréens ont terminé l'enseignement secondaire, de loin le nombre le plus élevé parmi les pays de l'OCDE et ses chiffres pour l'enseignement supérieur sont tout aussi impressionnants (Schleicher et Trembly, 2006, p. 26).

Dans l'ensemble, les pays s’inscrivant dans les deux modèles du présent article constituent des exemples de succès en matière d'éducation. Ils se sont fixés des objectifs ambitieux auxquels d’autres peuvent aspirer et ont commencé au lieu de seulement parler d'équité, à vraiment la mettre en place20. D'autres pays ont théoriquement assumé le défi du modèle scandinave, mais sans parvenir à appliquer un ensemble cohérent de politiques pour en réaliser les objectifs. Les contributions des étudiants et des diplômés sont faibles ou négligeables, reflétant en partie des accords de financement conçus pour une époque différente, mais l'apport des étudiants a rapidement augmenté au cours des deux dernières décennies et les demandes concurrentielles pour les dépenses publiques ont pressé les dépenses d'éducation. Les pays ont volontairement adopté l'expansion, mais peu d'entre eux ont pris des mesures politiques adéquates (Ischinger, 2006: 18).

John Kenneth Galbraith affirmait qu’ayant le choix de prouver que des changements ne sont pas nécessaires, la plupart des gens tentent de le faire. Le dernier volume de Regards sur l'éducation issu par OCDE (2006) conseille autrement: accepter les repères internationaux de performance du système éducatif comme base de l'amélioration, sans chercher des raisons pour lesquelles les systèmes éducatifs ne devraient ou ne pourraient pas être comparés.

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20 Ibid., «Si de plus en plus de gouvernements adoptent la massification, peu d’entre eux acceptent de tirer les bonnes conclusions de leur enthousiasme: soit qu’ils doivent soit offrir les fonds demandés (comme le font les pays scandinaves), soit qu’ils doivent permettre aux universités de demander des frais d’études de manière réaliste. De nombreux gouvernements ont tenté d’éviter ceci à travers une administration plus serrée, mais la direction ne peut pas combler le manque de ressources. »

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Pourquoi les étudiants portugais vont-ils à l'étranger pour obtenir leurs doctorats ? EMILIA RODRIGUES ARAUJO*

L'objectif du présent article basé sur des données collectées à travers des interviews vise la mobilité des doctorants portugais, soulignant principalement (i) leur motivation pour étudier et vivre dans différents environnements culturels à l’étranger, (ii) les intérêts personnels et professionnels, et (iii) leur capacité à faire face aux conséquences de la mobilité, à la fois dans leur vie privée et dans leur développement professionnel. En outre, l'auteur du présent article tente d'avancer des idées sur l'élaboration des politiques et le lancement effectif de programmes permettant d’améliorer la vie et le développement scientifique des étudiants et d’apporter autant que possible des réponses à l’agenda politique européen contradictoire dans le domaine.

Introduction

Le présent article insiste sur l'idée qu’en dépit de la politique de valorisation de la mobilité en termes physiques, il est nécessaire de réfléchir davantage à l’hypothèse de bon sens voyant la mobilité comme une panacée pour résoudre plusieurs problèmes, ainsi qu’étant le résultat d'une bonne conscience scientifique. En général, les résultats du présent article nous conduisent à penser que la mobilité n'est pas toujours le choix des individus, elle n'est pas non plus un indicateur du niveau de développement scientifique d’un certain pays.

La présente enquête vise exclusivement la mobilité des doctorants portugais, leurs motivations et leurs intérêts. Sont discutées en outre les conséquences de la mobilité, tant pour la vie personnelle et pour le développement scientifique, ainsi que pour l'élaboration des bonnes politiques. Après avoir présenté la méthodologie, sont identifiées les principales tendances d'internationalisation de la recherche des Portugais en matière de doctorat. Ensuite, l'auteur formule l'hypothèse centrale traitant la mobilité sur trois échelles d'analyse: l'organigramme, le personnel et l'institutionnel. La première approche vise les perceptions du processus doctoral dans d'autres pays. La seconde hypothèse tient compte de l'influence des variables familiales et personnelles dans le processus de décision. La troisième hypothèse tente de déconstruire les perceptions que les doctorants ont de l'importance et de l'étendue des réseaux. L'auteur conclut en examinant le domaine de la recherche européenne et signale certaines questions essentielles en matière de programmes d'intégration et de mobilité.

Méthode

Il a été utilisé trois principales sources d'information: (i) les données fournies par l'Observatoire portugais de la science et de l'enseignement supérieur, (ii) les informations recueillies au moyen d'entrevues avec des doctorants portugais, et (iii) les informations fournies par une enquête menée sur 1800 enseignants portugais de deux universités, composée de questions liées aux conditions de travail, aux perspectives professionnelles et aux représentations de la pertinence de la mobilité vers l'extérieur. Le premier type de

*L'auteur de l’article est extrêmement reconnaissant envers Dr Louise Ackers pour ses suggestions en ce qui concerne le traitement théorique du sujet, ainsi que pour les informations sur la mobilité et l'excellence dans le projet de l'Espace européen de la recherche (MOBEX).

données a été principalement axé sur les informations les plus récentes sur les doctorats déjà effectués à l'étranger. Les entrevues ont été réalisées entre les années 2000 et 2003 et se référent à deux moments différents dans l'expérience des personnes interrogées: au cours de la phase initiale de leur doctorat et après avoir soutenu la thèse de doctorat dans le pays d'accueil. Pour la phase initiale, trente-huit entrevues ont été menées dans tous les domaines scientifiques avec les doctorants travaillant dans deux universités portugaises. Sur trente-huit participants, neuf poursuivaient leurs études doctorales à l'étranger. Par conséquent, deux ans plus tard, en 2003, ils ont été de nouveau contactés pour suivre leur évaluation de leur séjour à l'étranger. L'étude a été effectuée en 2003 sur tous les enseignants des deux universités concernées. Il a été suivi la méthode probabiliste de l'échantillon: 1800 questionnaires ont été envoyés, sur lesquels seuls 273 ont été retournés. Malgré le faible taux de réponse, ces résultats ont été utilisés, car ils ont été très cohérents, comparé à ceux obtenus à partir des entrevues individuelles avec les enseignants.

Les principaux aspects des modèles de mobilité des portugais: le cas des doctorants Prenant en considération plusieurs sources d'information sur le cas portugais, nous pouvons diviser les plus importants problèmes auxquels le Portugal est confronté à l'heure actuelle en ce qui concerne les ressources humaines dans le domaine de la recherche et du développement en trois points principaux:

i. L'enseignement supérieur (les universités et les centres de recherche) traverse une période de crise économique conduisant à une diminution du recrutement des jeunes chercheurs.

ii. Le personnel dans le domaine de la recherche comprend de plus en plus des personnes n’ayant pas trouvé un emploi désirable sur le marché du travail et qui choisissent de travailler dans la recherche avec des bourses.

iii. Il existe une tendance croissante de fonder la recherche scientifique sur les travaux des jeunes chercheurs travaillant en tant qu’enseignants, ou dans le cadre des bourses de recherche dans les centres de recherche et les universités.

À la lumière de ces indicateurs, on peut comprendre pourquoi les étudiants, dans la mesure où ils peuvent obtenir une source de financement pour leur doctorat, préfèrent aller dans un autre pays, même s’ils considèrent ce départ comme une expérience difficile, en raison des différences culturelles et de l'absence des réseaux sociaux et familiaux.

Les principales tendances Les données de Cabinet portugais pour la Planification, la stratégie et les relations internationales (2007) et Auriol (2007) nous permettent d’indiquer que le nombre de chercheurs portugais partis à l'étranger afin d’effectuer leur doctorat a augmenté de 1970 à 1998. Ensuite, le pourcentage a diminué jusqu'en 2001. Après 2001, il y a eu une tendance de régularisation. Les chiffres actuels se situent entre 160 et 180 par an. Le Royaume-Uni, la France, les Etats-Unis et l'Espagne sont les pays les plus fréquemment choisis. En 2005, toutefois, l'Espagne est remarquable, étant le pays choisi par 23,5 pourcent des doctorants à l'étranger. Le Tableau 1 indique le pourcentage de personnes titulaires d'un doctorat obtenu à l’étranger.

[Tableau 1. ici]

Les diplômes étrangers de docteur sont recherchés dans différents domaines scientifiques, toutefois, ce fait est particulièrement évident pour la biologie, les mathématiques, la physique, l’électrotechnique et l'informatique, l’ingénierie, l'économie, les études de gestion, le droit et la psychologie21. En 2005, l’ingénierie et l’informatique présentaient les taux les plus élevés pour les titulaires d'un doctorat obtenu au Royaume-Uni, tandis les Etats-Unis étaient davantage recherchés pour les mathématiques, et l'Espagne pour les études en sciences sociales et humaines, comme par exemple l'éducation et la psychologie.

Il est à noter cependant que, malgré le fait que l'expérience de se rendre à l'étranger semble être quasiment « naturelle » à la vie portugaise, il existe des contraintes politiques et économiques déterminant ces choix. À cet égard, les deux principaux aspects affectant le cas portugais devraient être soulignés: avant les années 1980, la science et la mobilité académique étaient considérées acquises par les doctorants désirant faire de la recherche et poursuivre une carrière académique; l'absence de programmes au Portugal, le manque de structures institutionnelles et les barrières à l'entrée des femmes dans les milieux universitaires ont été les principaux facteurs déterminant le départ. À l'heure actuelle, cette situation a changé et les institutions sont de plus en plus déterminés à soutenir les partenariats entre les individus et les institutions, non seulement localement mais aussi au niveau international, en augmentant le soutien financier pour les bourses. Le besoin d'être en contact avec d'autres chercheurs et de définir des réseaux d'interdépendance est clair dans l'esprit des jeunes chercheurs décidant d'étudier à l’étranger. Toutefois, il existe d'autres motivations devant être considérées, comme le révèlent les lacunes et les contradictions entre la politique et les programmes officiels et la vie des gens. Dans la section suivante, ces ambiguïtés seront explorées en commençant par la présentation des trois principales hypothèses concernant les raisons de la mobilité au stade de l'obtention du diplôme et impliquant trois dimensions: l'organigramme, le personnel et l'institutionnel.

Les raisons du départ: les aspects organisationnels d'une thèse de doctorat

D’un point de vue plus phénoménologique, le discours pour aller à l'étranger est extrêmement individualiste, étant centré sur les préoccupations personnelles et les plans concernant la famille et vie professionnelle. Même si les personnes interrogées ne sont pas en mesure de divulguer clairement leur dynamisme et leur motivation de départ, il est possible de citer trois principales hypothèses, interconnectées: (i) une représentation très favorable du processus d’effectuer des études doctorales à l’étranger; (ii ) des motifs personnels extrêmement puissants dans la formation de la décision d'aller dans un autre pays; et (iii), il est estimé que se rendre dans un autre pays est directement lié à cette perception de l’importance des réseaux nationaux et internationaux pouvant être créés.

Une représentation du processus doctoral La première hypothèse se réfère à une large représentation du processus de la thèse elle-même. Étant fondée sur l'expérience personnelle ou sur d'autres types d'informations fournies par des amis ou d'autres enseignants, ces premières représentations semblent être fondamentales dans le choix du chemin à suivre. En ce qui concerne les données de la recherche actuelle, le tableau qui suit présente les moyens pour comprendre les raisons de la réussite des doctorats dans les limites d’un temps donné.

21 Similairement à la situation d'autres pays, jusqu'en 1980, le diplôme de docteur au Portugal était désiré surtout par les hommes.

[Tableau 2. ici]

Malgré l'existence de stratégies différentes en matière d'obtention d’un doctorat, il est évident que la majorité des titulaires d’un doctorat sont d'avis que se rendre dans un autre pays, où ils pensent que le doctorat est bien structuré, en particulier au niveau du tuteurage, est la meilleure stratégie à suivre afin d’obtenir le diplôme de docteur à temps. Et comment peut-on déconstruire cette représentation? Le fait est que, même si le contrôle est un élément essentiel de la discussion concernant le succès de doctorat, il existe quelques différences entre les pays européens. Il existe des mécanismes plus réglementés dans les pays où cette mesure est bien appliquée et où les unités de recherche dépendent dans une large mesure des doctorats pour poursuivre la recherche innovatrice. C'est le cas du Royaume-Uni, où le contrôle lui-même fait l'objet de plusieurs mesures «institutionnelles», selon lesquelles l'université, le superviseur et le doctorant sont profondément engagés ensemble afin de conclure avec succès la thèse dans un certain délai, normalement déterminé par les délais des bourses (Delamont et al, 1997). Le Portugal est en train de prendre les premières mesures pour effectuer des changements dans les processus et les procédures de tuteurage impliquant, sans aucun doute, des changements dans les milieux universitaires et des évaluations de carrière dans la distribution de travaux universitaires, ainsi que dans les structures de recherche. L'importance accordée au tuteurage est également liée à l'excellence des programmes doctoraux. Ceux-ci sont considérés comme le meilleur moyen de bien diriger un projet de recherche, car ils familiarisent les étudiants aux exigences du travail qu'ils sont censés faire et leur permettent d'acquérir et de développer un ensemble de compétences considérées comme fondamentales pour les recherches autonomes. En effet, l'un des principaux aspects concernant le tuteurage tient à la réglementation du temps. Bien que certains doctorants affirment que la thèse est mieux conçue sans être toujours limité par les délais, la majorité estime qu'il est nécessaire de fixer des délais et des programmes sur le plan du travail devant être accompli, comme il est exprimé par le texte suivant extrait de la déclaration d’une personne interrogée à ce sujet:

« Les objectifs à atteindre obligent à maintenir un rythme constant. Si j'avais effectué mon doctorat ici ... on a l'impression que c’est seulement après avoir formalisé le projet de la thèse et après l'avoir eu approuvé, que vous avez quelque chose de tangible. »

L'adaptation du doctorat est relativement nouvelle au Portugal. En effet, la thèse elle-même était réalisée principalement par des gens prêts à poursuivre une carrière universitaire. Grâce au Processus de Bologne et à la pression croissante de la concurrence au sein des universités, l’enseignement postuniversitaire est en cours de modification suivant plusieurs types de règles, certaines d'entre elles tout à fait contradictoires. Dans les universités portugaises, ces changements influent sur l'identité des personnes concernées, dans la mesure où leur statut est également modifié en conséquence. Plus récemment, en raison des exigences de Bologne et d'autres pressions internationales, il y a eu une augmentation du nombre de doctorats, même si de nombreux doutes subsistent quant à leur véritable mise en œuvre, de sorte qu'il est difficile d'affirmer qu'il existe une transformation et des changements réels.

L'importance des motivations privées et familiales La section précédente a montré que la mobilité des scientifiques au niveau de l'obtention du diplôme est subordonnée aux représentations concernant les meilleurs moyens d'achever un doctorat à temps, en prenant en considération des facteurs organisationnels et institutionnels associés à l'organisation de la recherche. Maintenant, la deuxième hypothèse envisage un

lien entre les trajectoires de mobilité, et les motivations et les aspirations plus personnelles. Il est supposé que certaines variables sociodémographiques, comme par exemple le sexe et l'incidence sur le cycle de vie peuvent influencer et déterminer un projet de mobilité, même si elles ne sont pas sérieusement envisagées au niveau de l'élaboration des politiques, car ces dernières tendent à ne retenir que les avantages et les fruits de la mobilité, sans tenir compte de l’échelle réduite sur laquelle les gens conçoivent leur vie (Ackers, 2004).

En effet, contrairement à l'hypothèse que la mobilité académique indique un niveau élevé de disponibilité du personnel à déménager et à demeurer pendant de longues périodes dans un autre pays, les données de la présente étude indiquent que les jeunes chercheurs perçoivent leur projet de se rendre à l'étranger comme un effort auquel ils s'engagent afin de faire avancer leur carrière. Bien que considérée importante, l’idée d'étudier à l'étranger cause de l’anxiété, car elle exige une importante planification et réorganisation. Le type de relations des personnes au Portugal est au cœur de l'imposition des limites de temps sur l'expérience d'aller plus loin, car la décision de partir devient plus difficile quand il existe des liens de famille, et en particulier des enfants. En effet, la majorité des scientifiques interrogés sont partis à l'étranger mais la plupart d'entre eux admettent avoir eu des raisons d’agir différemment liées à la famille et aux réseaux sociaux. C'est ce qui ressort pour les deux sexes, mais ce dilemme est plus intensément vécu par les femmes qui ne veulent pas laisser leurs enfants, ou n'ont pas la possibilité d'être accompagnées par leurs conjoints. Les données, tout comme les conclusions d’Ackers (2004), indiquent que le fait d'être seul, sans aucune relation, semble être le profil le plus approprié pour choisir un programme impliquant la mobilité. Sinon, l’alternative consiste à se rendre à l'étranger avec sa famille, ce qui n'est possible que lorsque des ressources financières existent (ex. une bourse), la seule alternative étant si le partenaire décide également de prendre un congé professionnel ou d'interrompre son activité professionnelle. Comme le souligne Ackers (2004) au sujet des stratégies concernant développées afin de faire face aux exigences de la mobilité en Europe, il existe une tendance plus forte pour les femmes à suivre leur mari que vice-versa.

Malgré les différences individuelles, les gens sont d'accord que l'un des principaux effets que cette migration temporaire a sur leur vie concerne leurs projets personnels et familiaux. Cela est perceptible dans les remarques faites au cours des entrevues. Par exemple, une personne interrogée affirmait:

« En ce moment, je voudrais faire de même. Mais mon seul problème est que j'aurais besoin du soutien de ma famille. Tout dépendra de savoir si ma famille est prête à être avec moi (...). Le sujet doit être soigneusement examiné à la maison (...) » (E2)

Les relations affectives sont les éléments structurels de la décision de partir à l'étranger et sont aussi une source d'anxiété et de détresse, en particulier lorsque les gens se sentent attachés à des modèles traditionnels de socialisation. Bien que les doctorats soient généralement effectués par ceux aspirant à une carrière dans les milieux universitaires et dans la recherche, le fait-même de penser à faire un doctorat implique une évaluation de plusieurs autres changements, affectant inévitablement la vie personnelle et celle de la famille et des amis ». Ackers (2004, p. 18) fait valoir à cet égard que la mobilité représente une pression supplémentaire sur la vie des gens, qu’ils anticipent dès le début, en essayant de répondre à plusieurs exigences. Par conséquent, dans la plupart des cas, après avoir achevé un doctorat, une tentative est faite pour mesurer l'intensité de l'expérience. Habituellement, ceux qui sont prêts à faire un doctorat commencent assez tôt à planifier leur temps, l'estimant entre trois et six années de leur vie. Généralement, parce que la conclusion d'un doctorat est considérée comme une tâche importante dans leur vie, deux types de stratégies sont suivies en ce qui concerne la gestion du temps biographique: tous les

événements pouvant se produire et qui, dans leur esprit, pourraient affecter la possibilité d’effectuer le doctorat sont prévus, et si nécessaire, celui-ci est ajourné. En utilisant des mesures d'anticipation ou en temporisant, les gens gèrent des événements personnels comme le mariage, le divorce, le fait d’avoir des enfants, un déménagement, un changement d'université ou l'achat d'une maison.

L’ensemble de l'expérience indique que la période du doctorat est conçue comme une « phase » (Araújo, 2005). C’est comme une suspension de leur vie pour une certaine période. Il est généralement prévu d'aller à l'étranger, d’obtenir son diplôme de doctorat et puis de revenir. L'idée générale pour la période pendant laquelle ils vont travailler « là-bas » est de travailler davantage d'heures qu’au Portugal. Ainsi, ils ont des stratégies efficaces de contrôle de la variable temps, compensant ainsi l'ensemble de l'expérience. Toutefois, ils ne font pas pleinement l'expérience de la vie dans ses différentes dimensions (le politique et le culturel sont les deux domaines les plus pertinents). Ils sentent psychologiquement que temps est trop long quand ils sont à l’étranger, et qu'il « s’envole » quand ils sont au Portugal, où ils ont diverses façons de se divertir. Une personne interrogée a écrit que:

"Le temps passe vite quand je suis au Portugal (...) Quand je suis à l’étranger, j'ai moins d'amis, il n'y a que le travail. Tout est déjà défini: du matin au soir, il n'y a que le travail et le laboratoire ".

Ainsi, le temps devient une séquence d'actions se succédant très lentement, en partie parce qu'ils suivent le même rythme quotidien. Par conséquent, l'intensité des rythmes de travail leur donne l'impression que le temps coule plus vite. Une personne interviewée partage ses inquiétudes au sujet du sentiment d’isolement dans un pays étranger:

«Parfois, je me demande si j'ai fait le bon choix. (...) Il est vraiment difficile d'être loin de sa famille et de ses amis. Il est terrible de ne pas pouvoir parler le portugais».

Individuellement, le choix de partir (qui n'est pas un choix mais une obligation institutionnelle) exige des changements concernant la famille et les engagements sociaux. Par conséquent, les contraintes économiques et les attentes des sexes sont des déterminants importants dans l’ensemble du processus de décision. En effet, il ya une tendance générale pour ceux qui, avec un partenaire et des enfants, refusent l'idée de partir au loin pour obtenir leur doctorat. Au total, quatre profiles et voies semblent se former sur le nombre de différentes stratégies individuelles pour gérer plusieurs restrictions.

Profiles

LES EPOUX EMMENENT LEURS FAMILLES LES EPOUX QUITTENT LEURS FAMILLES

CELIBATAIRES AYANT UN PARTENAIRE

CELIBATAIRES N’AYANT PAS DE PARTENAIRE

Les personnes interrogées étant parties à l'étranger étaient pour la plupart célibataires et sans enfants. Certaines d'entre elles ont, cependant, des partenaires au Portugal. Parmi ce groupe, nous avons trouvé un aspect particulier en ce qui concerne le sexe: les hommes ont tendance à être plus rapides en assumant le besoin d'aller à l'étranger, qui suppose l'acceptation et la collaboration de leurs partenaires. Les jeunes femmes ont plus souvent tendance à craindre d'avoir à rompre avec leurs partenaires ou même de les perdre pendant leur absence. Même en tenant compte des limites méthodologiques de cette étude qualitative, ne permettant pas de généraliser, les femmes ayant l'intention de se déplacer à l'étranger, « décident » souvent de ne pas avoir de relation affective stable au Portugal. Pour

les doctorants mariés, il s'agit d'un profil très masculin. Que ce soit de quitter ou de prendre leurs familles, les hommes semblent être très à l'aise en ce qui concerne leur aspiration à aller à l'étranger. Le désir est de prendre leur famille avec eux, plus particulièrement lorsque leurs enfants ont moins de cinq ans. Dans certains cas, cela a été réalisé avec la collaboration de leurs épouses, qui ont abandonné leurs carrières pendant deux ou trois ans et sont restées au foyer dans les pays d'accueil. Mais cela s'est produit seulement dans les cas où l’épouse a pu obtenir un congé de l’employeur.

Dans la majorité des cas, les femmes n'ont pas cette possibilité et l’aide financière qu’elles pourraient obtenir pour soutenir un programme de mobilité (même avec une bourse de recherche) ne suffit pas à subvenir aux besoins de la famille dans un pays d'accueil où, en règle générale, les coûts de la vie sont plus élevés qu’au Portugal. Ainsi, la plupart d'entre elles choisissent de quitter leur famille au Portugal et d’accroître la fréquence de leurs visites à la maison. Je n'ai pas trouvé de cas de femmes ayant quitté leurs familles et enfants au Portugal pour une période dépassant trois mois, mais ceci n'est pas une preuve suffisante pour généraliser. Sans entrer dans un débat théorique sur les motifs pouvant expliquer cette dualité d’options entre les femmes et les hommes, il est indéniable qu'il existe un besoin, au Portugal et en Europe, en général, de mieux réfléchir et programmer les carrières scientifiques et universitaires en prenant en considération les effets du genre, étant donné que le modèle d'une carrière interrompue n’est pas équilibré entre les sexes. Cela est particulièrement le cas lorsque tous les systèmes d'évaluation (à la fois de l'université et des carrières individuelles) semblent se concentrer sur des indicateurs et des critères accumulés dans le temps sans prendre en compte les différences dans le plan affectif dans les voies de la vie des hommes et des femmes (Moguérou, 2006: p 35.).

Les doctorants sont très conscients de la nécessité et de l'importance de l'expérience à l'étranger et de l'impact qu'elle a sur leur vie. Il leur offrira une éducation, le capital humain et les liens avec des institutions étrangères qui joueront un rôle extrêmement important à leur retour au Portugal. Néanmoins, en dépit de l'importance attribuée à l'achèvement d'un doctorat, les étudiants se rappellent que la partie la plus difficile est de faire face à l'isolement social et, parfois, à un sentiment général de discrimination sociale.

L’importance des réseaux

En général, il semble indéniable que les gens sont conscients de l'importance d'intégrer et de développer leurs travaux dans des réseaux de recherche. Trois ans après la première entrevue, ils admettent que les liens qu'ils ont créés avec des chercheurs étrangers ont été essentiels pour leur développement en tant que scientifiques. Les chercheurs ayant été interviewés sont conscients du fait que la mobilité professionnelle est incontestablement importante et qu'elle favorise grandement et fait avancer leur processus de recherche sur le plan international. Cette idée est reconnue par les professeurs et les tuteurs. Les chercheurs estiment que la qualité de leurs travaux de recherche peut dépendre de leur capacité à acquérir d'autres compétences, de l’accès aux différentes informations et du fait d’utiliser des équipements adéquats pour réaliser leurs expériences. En effet, l'ensemble du processus de décision se forme sur plusieurs années, parfois dès la fin du premier cycle universitaire. Les tuteurs du département où les doctorants ont travaillé ont une forte influence sur le processus car ils utilisent leurs propres réseaux afin d'introduire le jeune chercheur et de le faire connaître à l'étranger. Dans l’ensemble, l'expérience à l'étranger est estimée faciliter le contact avec d'autres contextes culturels et favoriser la création de relations avec des réseaux internationaux, fait démontré et considéré comme une véritable conséquence de ce type d'expérience d'internationalisation. Cependant, toutes les personnes interrogées ont compris suivant leur propre expérience qu'il ne suffisait pas de se trouver dans un pays étranger pour

avoir accès à la dynamique des réseaux. Un sentiment d'appartenance permanente à ces réseaux est nécessaire; il est indispensable d'utiliser les technologies de l'information et de rester en permanence connecté. Par conséquent, comme le déclarait Ackers (2003, 2004), faire partie d’un réseau et l’internationalisation n’est pas la seule conséquence du déplacement. Il s'agit d’une posture et d’une façon d'être dans la recherche.

Conclusion: le mythe, ou de la vie individuelle à la pratique des politiques de recherche Les discours des personnes au sujet de leurs « options » concernant la mobilité ne peuvent être compris que si l’on tient compte de la position périphérique que le Portugal a longtemps occupée en Europe. À l'heure actuelle, en raison de cette position historique, il est extrêmement difficile de définir dans quelle mesure la mobilité peut être considérée comme un point fort de la politique portugaise de la recherche, ayant contribué à l’internationalisation portugaise et à la participation à des réseaux, et dans quelle mesure elle est le seul moyen que les chercheurs et les gouvernements ont pour faire face à l'absence de stratégies spécifiquement orientées vers le renforcement d’un marché des ressources humaines dans la recherche sur le plan national.

Lorsqu’ils ont déjà un emploi au Portugal, les individus forment généralement un projet de mobilité à l'avance afin de le mettre en œuvre durant un moment où ils sont dispensés des obligations institutionnelles de leur emploi. Cela est favorable dans la mesure où ils peuvent briser des liens de patronage et les autres affiliations institutionnelles, mais c’est également une conséquence de l'absence d'une législation facilitant la mobilité des jeunes. En fait, toutes les personnes interrogées ont été des « assistants » (terme souvent traduit par « conférencier », mais, en fait, il s’agit plus exactement d’un travail d’assistant temporaire en dehors d’une structure de carrière universitaire) qui, selon la loi portugaise n’est pas considéré comme ayant le statut d’un fonctionnaire, et les prive donc des droits des autres enseignants. Par conséquent, ils ont très peu de chances d'obtenir une dispense de leur travail à l'université pour une certaine période de temps, afin de partir à l’étranger sans perdre leurs contrats. C'est aussi un phénomène particulièrement difficile dans le cas des enseignants désirant entreprendre des projets post-doctorat. De plus en plus d’enseignants universitaires, le plus souvent les plus jeunes, ayant déjà achevé leur doctorat, envisagent de faire des études postdoctorales suivant un programme commun (réalisé au Portugal et dans d'autres établissements étrangers), mais se trouvent confrontés à la même impossibilité de partir, même pour un seul semestre, sans crainte de perdre leurs contrats. Etroitement lié à cela, nous pouvons également analyser la mobilité comme étant une conséquence de la pression et de l'ambiance au sein de l'univers universitaire portugais, du fait de l'absence de recrutement des jeunes pour des carrières universitaires dans la recherche et de la pression croissante à appliquer des normes plus élevées dans les évaluations.

Il est clair que les universités et les autorités ne réagissent pas en ce qui concerne la possibilité d’accorder des dérogations de temps (y compris des congés sabbatiques), en raison de la pénurie de personnel pour répondre au volume accru de travail liée aux besoins des structures, de l'enseignement et du tuteurage. La mobilité analysée de ce point de vue, est également une conséquence de l'absence de matériel et d’appui technique dans certains domaines scientifiques, dans la science et surtout dans les laboratoires. Les personnes interrogées, analysent parfois leur propre expérience de la mobilité comme un «sacrifice personnel» expliquant que la mobilité est essentielle pour eux du fait du manque d'équipement afin d’effectuer des tests et d'autres expériences qui les auraient forcé au Portugal à faire une thèse théorique ou prolonger largement le temps de les remplir.

La mobilité dépend également de la représentation du processus doctoral dans d'autres pays, surtout concernant la durée du processus: il est fait valoir qu'il faudrait davantage de temps pour effectuer un doctorat au Portugal qu'à l'étranger. Il faut constater que certaines des personnes interrogées affirmaient clairement que leur séjour à l’étranger n’a pas efficacement contribué à les faire mieux connaître ou découvrir plus profondément les autres contextes culturels. La raison mentionnée était qu'ils avaient tendance à interpréter leur trajectoire de mobilité en fonction du coût d'opportunité, par rapport à leur décision de rester au Portugal. S’embarquer dans un projet de mobilité signifiait pour eux la nécessité de perturber les liens familiaux et à renoncer à la routine quotidienne, partie de leur vie au Portugal. Ainsi, ils avaient tendance à sentir le besoin de travailler le plus possible à l’étranger. Cela semble être la raison principale pour laquelle ils ont tendance à finir leur doctorat plus tôt que leurs collègues demeurés au Portugal. Les données indiquent aussi que les gens se rendant dans un autre pays pour effectuer leur doctorat planifient normalement leur vie personnelle à l'avance, afin de ne pas avoir de liens familiaux, y compris d’enfants. La mobilité est également une fonction de l'absence des opportunités d’emploi dans les milieux universitaires. Ceux qui ne sont pas titulaires de contrats de travail à durée indéterminée comprennent la mobilité comme un moyen d'obtenir une opportunité d'emploi à l'étranger (Gonçalves, Duarte et Saleiro 2005, p. 9; Fontes et al, 2005).

En effet, afin de générer une interdépendance et une collaboration entre les pays européens, il est généralement fait valoir que les débats hégémoniques entre les pays devraient être dépassés, étant donné que l'innovation n'implique pas une discussion de la centralité de certains pays, mais plutôt de la centralité de la connaissance. Il est clair que dans nos sociétés contemporaines la disparition des barrières spatiales et temporelles entraîne de nouvelles formes de développement des connaissances, d'acquisition et d’utilisation. Celles-ci sont détaillées, plus fluides, invisibles et réparties entre les réseaux de plusieurs pays. Toutefois, au moins pour les pays plus périphériques, comme le Portugal, ces idées sont presque idéologiques puisque la possibilité d'une collaboration semble être fortement tributaire à la capacité d'utiliser des moyens analytiques et instrumentaux (tels que le langage), fortement dictée et gérée par les pays plus centraux.

Ainsi, pour conclure, il peut être confirmé que le Processus de Bologne apparaît comme une grande opportunité dans la mesure où l'ensemble des voies temporelles de l'éducation formelle ont été modifiées, y compris les programmes et l'évaluation en matière doctorale. Toutefois, il implique également un besoin de programmes nationaux et internationaux plus unis à travers l’espace, et de politiques conduisant à développer des systèmes internes postuniversitaires afin de mieux répondre aux attentes des futurs chercheurs. Le Processus de Bologne représente un grand défi pour les universités à tous les échelons d’études, mais il est particulièrement difficile dans le cas postuniversitaire, en particulier pour le doctorat et les études postdoctorales, car il existe un réel besoin d'harmoniser les méthodes et les programmes.

Références

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Tribune

Les changements dans les définitions de l'autonomie universitaire: l’exemple du Royaume-Uni et du Japon KEIKO YOKOYAMA

Le but du présent article est d'élucider les différents sens historiques et comparatifs de l'autonomie des universités. Le document examine l'évolution de la définition de l'autonomie des universités au Royaume-Uni et au Japon. Il fait valoir que les définitions de l'autonomie universitaire au Royaume-Uni et au Japon sont traditionnellement différentes. Au Royaume-Uni, l'autonomie universitaire était destinée à protéger les universités des pressions externes. Au Japon, l'autonomie universitaire était comprise par rapport aux directives ministérielles. Les politiques de marché dans ces pays ont changé le sens de l'autonomie universitaire, faisant apparaître «l'autonomie contractuelle» au Royaume-Uni et l'autonomie institutionnelle au Japon.

Introduction

Certains soutiennent que le concept d'autonomie universitaire n'a pas de définition stricte, celle-ci étant déterminée par le contexte dans laquelle elle est utilisée. Guy Neave, par exemple, parle de l'autonomie universitaire comme étant «contextuellement et politiquement définie» (Neave, 1998, p. 31). De même, pour Brian Salter et Ted Tapper, la définition de l'autonomie universitaire n'est pas fixe, elle est relative et évolue dans le temps (Salter et Tapper, 1995, pp. 59-71).

Qui détermine l'autonomie des universités et qui détient le pouvoir d'autonomie dans les universités –les personnes (y compris le corps professoral et les étudiants), les unités ou les établissements individuels? Ces questions sont liées au pouvoir, à l'idéologie et aux parties prenantes. L'autonomie des universités pourrait fonctionner comme une idéologie, le maintien de la puissance du secteur universitaire. Par exemple, dans le contexte britannique, «les universités sont fréquemment appelés par l'Etat à utiliser leur pouvoir idéologique afin de promouvoir ou de résister à un tel changement» (Salter et Tapper, 1994, p. 5).

L'autonomie des universités selon une perspective nationale n'a pas toujours été, cependant, l'idéologie que les universités ont utilisée pour se protéger de la pression exercée par les gouvernements, suggérant de multiples interprétations de l'autonomie universitaire. Neave (1988) qui examine historiquement et comparativement la définition de l'autonomie universitaire, déclarait que dans le modèle napoléonien d'université, l'autonomie reposait sur la subordination des universités à l'État. Dans le modèle humboldtien, la mission de l'État, patron de la culture et de la science, est de protéger cette dernière des pressions sectaires venant de l'intérieur et de l’extérieur du milieu universitaire. L'État, dans ce cas, a fonctionné comme un «organe tampon» contre les pressions externes ressenties par les universités. Le modèle kantien invoquait le dualisme, dans lequel le règlement étatique n'est pas approprié dans le domaine de la philosophie, mais en droit, théologie et médecine. On peut supposer que le modèle japonais soit proche du modèle napoléonien en termes de subordination des universités à l'État.

La relation entre l'autonomie universitaire et le néo-libéralisme au Royaume-Uni et au Japon ainsi qu’en d'autres pays de l'Europe Occidentale et dans les pays anglophones, n'est pas simple. L'autonomie universitaire et le néo-libéralisme pourraient avoir un lien de causalité, dans lequel le néo-libéralisme modifie le sens de l'autonomie universitaire en changeant la relation Etat-université-consommateur et en modifiant par conséquent la valeur dominante dans le secteur universitaire dans son ensemble. D'autre part, l'autonomie universitaire et le néo-libéralisme pourraient être deux idéologies opposées ou complémentaires, utilisées comme «justification» par les parties prenantes.

Le présent article examine le sens de l'autonomie universitaire et ses changements dans les contextes britanniques et japonais, tout en se concentrant sur le pouvoir, l'idéologie, et les parties prenantes. Les sujets de recherche du document sont les suivants:

- Quelles sont les similitudes et les différences dans la définition de l'autonomie universitaire au Japon et au Royaume-Uni?

- Est-ce qu’il existe d'importants modèles convergents ou une diversité des caractéristiques de l'autonomie universitaire au Royaume-Uni et au Japon, quels sont les facteurs communs et les différences? Le néo-libéralisme a-t-il contribué à ces tendances?

La comparaison des deux systèmes est utile pour comprendre les différents effets du néo-libéralisme sur l'autonomie des universités dans les différents cadres d'enseignement supérieur.

Le présent document ne vise pas à comparer la mesure dans laquelle l'autonomie des universités est inscrite dans les secteurs universitaires britannique et japonais. Au contraire, il compare les éléments et les conditions relatives à l'autonomie universitaire, en supposant que le sens de l'autonomie universitaire diffère dans ces deux pays. La conceptualisation de Guy Neave de l'autonomie des universités (1988c) offrant des perspectives historiques et comparatives, est utile pour une analyse conceptuelle des exemples britannique et japonais.

La définition «privée» et «publique» de l'autonomie universitaire L'autonomie universitaire est la valeur déterminant la finalité et la fonction des universités et formant les comportements institutionnels. La définition de l'autonomie universitaire a trait à l'équilibre des forces entre les universités et les parties prenantes externes, dans le cadre d’un établissement.

Guy Neave (1988c) propose les deux concepts contrastants de la «définition privée» et de la «définition publique» et différentes frontières entre les deux pour définir l'autonomie universitaire. La «définition privée» de l'autonomie universitaire est, selon Neave, intégrée dans le droit du personnel universitaire de déterminer la nature de son travail. La «définition privée» renvoie à des objectifs et des fonctions des universités, que les universités déterminent elles-mêmes. L'idée centrale de la «définition privée» est l'auto-détermination des universités. La «définition publique» fait référence à des objectifs et des fonctions des universités déterminés par des parties prenantes externes. La «définition publique» inclut le rôle économique et des fonctions telles que la réponse des universités à l'évolution économique, ainsi que le rôle social et culturel des universités. L'idée centrale de la «définition publique» est l'influence des parties prenantes externes sur les universités. La «définition publique» est ainsi étroitement liée aux idéologies des parties prenantes externes, comme par exemple les gouvernements, la communauté, et les groupes d'intérêt et de pression de la société. La «définition publique» dérive souvent de l'idéologie du gouvernement. Ce type de «définition publique» diffère du type traditionnel de «définition

publique» au Royaume-Uni - qui était étroitement associée à l'Église (jusque dans les années 1830) – et subissait une influence importante de la part de l'idéologie du gouvernement.

Les «définitions privées et publiques» sont utiles pour identifier et comparer les différents types d'autonomie universitaire en termes de relation entre les universités et l'extérieur au niveau international. En dehors des relations avec les parties prenantes externes, il pourrait être également utile d’élucider les relations internes au sein d’un établissement.

La place de la définition de l'autonomie universitaire pourrait dépendre des relations externes et internes des universités. Les relations internes entre les cadres et les unités au sein d'un établissement, ainsi que la relation entre les universités et les parties prenantes externes, forment le sens de l'autonomie universitaire. Le pouvoir interne peut se trouver entre les mains de groupes internes tels que les étudiants, les enseignants et les administrateurs, ou de structures internes telles que les unités de base et les organes directeurs. Il serait erroné de supposer que les valeurs des employés et des unités internes sont entièrement fondées sur des valeurs universitaires, car les employés et les organes de direction peuvent également être influencés par des valeurs externes. Par exemple, les membres non-enseignants de la direction pourraient certainement refléter une voix extérieure. En outre, les vice-chanceliers et les présidents d'universités peuvent choisir de répondre devant l'ensemble de la société et de l'économie nationale, en intégrant des valeurs publiques dans des stratégies entrepreneuriales.

La «définition privée» peut être liée à la liberté universitaire et à l'autonomie institutionnelle. La «liberté universitaire» ou «l'autonomie individuelle» selon Ashby (1974) comprend:

- La liberté de choisir le personnel et les étudiants et de déterminer les conditions dans lesquelles ils peuvent rester à l'université; - La liberté de déterminer le contenu des programmes et les standards des diplômes et - La liberté d'allouer des fonds (les montants disponibles dans les différentes catégories de dépenses).

La liberté universitaire, comme Maurice Kogan et Susan Maton (2000) font observer, se rapporte à l ' «universitaire individuel». Il n’est pas nécessairement protégé par les établissements selon Guy Neave et Frans van Vught (1994) puisque le gouvernement peut garantir la liberté universitaire. L'autonomie institutionnelle, comme la liberté universitaire, peuvent être protégées par l’établissement lui-même ou par le gouvernement. La protection institutionnelle pourrait être fondée sur la Chartes des universités, comme on l'a vu au Royaume-Uni, tandis que la protection gouvernementale pourrait être fondée sur la législation telle que la constitution, les statuts et les lois.

L'exemple de l'autonomie des établissements existe dans la pratique traditionnelle de l'autonomie universitaire japonaise, qui, à l'origine, avait adopté au cours de l'ère Meiji le système allemand de direction.

En conséquence, la définition privée peut être appliquée à des personnes et des unités de base, aux centres universitaires, ou à une combinaison des deux. La définition publique peut également être intégrée à un ou plusieurs niveaux d'un établissement. Par exemple, la définition publique peut être située au niveau de la direction et de la gouvernance, visant la responsabilisation, la communication avec les intervenants externes, par le biais des membres non-enseignants des organes directeurs et l'allocation des fonds internes selon les priorités des autorités centrales.

«Les définitions privée et publique» peuvent coexister dans un établissement. L’étude de Burton Clark sur les universités entrepreneuriales (1998) a des incidences sur l'équilibre entre les définitions privée et publique dans l'économie de la connaissance. Clark souligne que «les groupes universitaires peuvent aider à garantir que les valeurs académiques guideront la transformation» (Clark, 1998, p. 4), suggérant que non seulement les valeurs externes, mais aussi les valeurs académiques «guideront» la transformation. Il a, néanmoins, nié la fonction d'autonomie de la transformation en établissements plus ouverts, estimant qu' «accorder une autonomie formelle à un établissement, ne garantit pas une autodétermination active (Clark, 1998, p. 5)».

La distinction entre «les définitions publique et privée» se fonde sur des perspectives internes. Il peut être supposé qu'un changement de leur équilibre interne soit lié au changement des perspectives et de leurs relations.

Le néo-libéralisme a des implications pour la redéfinition de l'autonomie universitaire, pour l'évolution interne et externe de l’équilibre des forces entre les parties prenantes et le déplacement de la frontière entre «les définitions publique et privée». La logique de la doctrine néolibérale vise à augmenter les pouvoirs des consommateurs tels que les étudiants, leurs parents et les secteurs d'activité et, selon la perspective britannique, que des personnes plutôt que des organes collectifs. Néanmoins, en réalité, ces parties prenantes ne sont pas toujours des acteurs de premier plan dans la gestion néolibérale de l'enseignement supérieur et dans la gouvernance, fait qui crée certains écarts entre le principe et la pratique du néolibéralisme en termes d'acteurs principaux. On peut supposer que le néo-libéralisme ne détermine pas les principaux acteurs et les relations de force entre les parties prenantes. Par conséquent, le néolibéralisme ne produit pas une forme unique d'autonomie universitaire. Le néolibéralisme est plutôt un moteur de changement interne et externe des relations de force et l'idéologie d'une des parties prenantes qui tente de changer et de maintenir les relations de force - par exemple, l’idéologie des gouvernements «pour justifier la participation des autorités centrales dans le secteur universitaire».

Cependant, le schéma commun observé dans une certaine mesure dans les systèmes d'enseignement supérieur appliquant la philosophie néolibérale, comprend un accent sur la définition publique plutôt que sur celle privée, en insistant sur la responsabilité des universités envers les contribuables et la société dans son ensemble. Les autorités centrales, les dirigeants des établissements et, dans le cas des universités entrepreneuriales, les unités de base, sont les principaux acteurs des politiques et des stratégies néolibérales (Clark, 1998; Slaughter et Leslie, 1997).

Dans les contextes britannique et japonais, il a existé au cours des années 1980, ainsi qu’il est indiqué dans la section suivante, un passage d’une «définition privée» à une «définition publique» dans le cas britannique et un maintien de la compatibilité des «définitions publique et privée», dans le cas du Japon.

L’idée d’autonomie universitaire Les points communs et les différences dans l'évolution de l'autonomie universitaire entre le Royaume-Uni et le Japon peuvent être compris dans le contexte d'une mutation des relations entre un organisme de financement et les universités dans le cas britannique, et l'évolution des relations de force entre l'exécutif et les unités des établissements d’enseignement supérieur dans le cas Japonais. L'analyse du changement dans le sens de l'autonomie universitaire exige une approche historique.

Le Royaume-Uni L'autonomie traditionnelle des universités au Royaume-Uni a été fondée sur l'absence d’intervention de l'Etat dans l'enseignement supérieur (Neave, 1988). La participation des autorités centrales dans le secteur universitaire a été limitée à des commissions royales au dix-neuvième siècle, et aux Chapitres Royaux du Conseil Privé (voir Kogan et Hanney 2000). Salter et Tapper (1994) soutiennent que les valeurs traditionnelles universitaires, qui comportaient à l'origine des traditions chrétiennes-helléniques et libérales, avaient une forte puissance idéologique pouvant isoler les universités des autres défis idéologiques, tels que l'idéologie économique.

Depuis 1919, lorsqu’il a été créé un Conseil de financement pour augmenter les fonds de l'enseignement supérieur, «l'autonomie universitaire traditionnelle britannique» de la période d’avant 1992 peut être interprétée en relation avec le rôle et la fonction de la Commission des fonds universitaires (University Grants Commission – UGC). Le début de l'intervention de l'État dans le secteur universitaire et l'érosion de l'autonomie des universités a débuté non pas lors de la création de l'UGC, mais plutôt lors du commencement des négociations entre l'État et UGC, souligne Neave (Neave, 1988, p.38). Les négociations avec le gouvernement ont été selon Neave informelles et fondées sur la confiance de l'État dans les universités. Ces relations informelles entre le gouvernement et les universités sont également remarquées par Martin Trow, qui explique la relation entre l'enseignement supérieur et la société à l'aide de trois notions: la responsabilité, la confiance, et le marché (Trow, 1996). A ce moment-là, il n’existait pas de code de réglementation. Même les chartes des universités ne se référaient pas (et ne le font toujours pas) à la relation entre le gouvernement et les universités, bien qu’elles assurent en principe l'autonomie universitaire.

Neave (1988) et Salter et Tapper (1995) perçoivent les UGC comme un «organisme tampon», ayant créé des relations officieuses entre le gouvernement et les universités. L'UGC, selon ces auteurs, a protégé les universités de la pression de l'Etat et des valeurs économiques et utilitaires, afin de réduire au minimum la réglementation de l'Etat, et de défendre l'autonomie des universités. Salter et Tapper illustrent le peu d'influence des parties prenantes externes (par exemple, les gouvernements, le Comité des comptes publics, le Trésor et le Ministère de l'Éducation et de la Science) sur l'UGC. Ce pouvoir idéologique des universités a par exemple protégé le secteur universitaire de la pression des gouvernements, qui ont tentés de répondre à la demande économique de produire davantage de scientifiques, d'ingénieurs et de technologues dans les années 1950.

Le sens traditionnel de l'autonomie universitaire est interprété au Royaume-Uni comme une idéologie appartenant à la fois aux établissements et aux particuliers (voir, par exemple, Neave, 1988). «L'autonomie universitaire traditionnelle britannique» est garantie au niveau institutionnel par les chartes universitaire et protégée par le style collégial d'autogouvernement (Salter et Tapper, 1995). Des exemples concrets de ce type d'autonomie universitaire au niveau institutionnel comprenaient la possibilité d'offrir des récompenses et de déterminer les règles de leur distribution.

A partir des années 1980, l'augmentation de l’intervention gouvernementale dans la direction des universités et la présence de non-universitaires dans les conseils de financement suggèrent une érosion de «l'autonomie universitaire traditionnelle britannique», définie par rapport à l'isolation des universités de la pression externe. Salter et Tapper (1995) soutiennent que le changement dans la nature de l'UGC a eu lieu dans les années 1980, lorsque l'UGC a commencé à fonctionner comme un «organisme de planification» au nom de l'État. Un cas extrême a été observé dans la composition du Conseil de financement des universités (UFC). La majorité des membres, y compris le président, n’appartenaient pas

à des établissements d'enseignement supérieur, mais au secteur des affaires (Williams, 1997, pp. 282-289).

C. Russell (1993) fait valoir que l'autonomie des universités a diminué à la suite des interventions accrues de l'État dans le secteur universitaire. Salter et Tapper (1995) et Neave (1988) contestent l'affirmation selon laquelle l'autonomie des universités a diminué, en faisant valoir plutôt que le sens de l'autonomie universitaire a été reformulé. Salter et Tapper, par exemple, identifient deux changements de «l'autonomie traditionnelle des universités»: le lien étroit entre l'institutionnel et l'autonomie individuelle dans le système universitaire britannique dans sa forme antérieure a été brisé, et sa reformulation a été liée au cadre dans lequel fonctionnent les conseils de financement, et dans lequel les paramètres de la gestion se sont étendus au-delà des universités au domaine des finances.

L'interprétation de Salter et Tapper, ainsi que celle de Neave sont valables, comme il est indiqué ci-dessous. Neaves a reformulé l'autonomie universitaire pour l'appeler «autonomie universitaire britannique contractuelle» (Neave, 1988). «L’autonomie universitaire britannique contractuelle» peut être conceptualisée à travers deux caractéristiques, contrastant avec les caractéristiques susmentionnées de «l'autonomie universitaire traditionnelle britannique»: (1) une évolution soutenue vers la «définition publique» et (2) davantage d'accent sur une autonomie procédurale plutôt que sur une autonomie de fond.

La transition vers la « définition publique » La première caractéristique concerne la modification de l'équilibre entre les définitions «privée» et «publique», avec une tendance plus grande vers la «définition publique», fait expliqué ci-dessous à l'aide du concept de «frontière » de Neave (1988c). La notion de «frontière» met en lumière le contraste entre les deux concepts de Neave de «définition privée» de l'autonomie universitaire ou normes universitaires, et la «définition publique» ou normes publiques, et les changements d'équilibre entre les deux. La «frontière» entre les deux définitions, selon Neave, a été redéfinie en insistant sur l'idée que les universités font partie de la fonction publique et, par conséquent, les intervenants externes peuvent prendre des décisions concernant la priorité des travaux universitaires.

La «définition publique» de l'autonomie universitaire a pris de l’importance au Royaume-Uni depuis le milieu des années 1980, suivant l'impact croissant des discours, des idéologies et des politiques du nouveau gouvernement de droite du Parti Conservateur et plus tard, de la Troisième Voie du Nouveau Parti Travailliste. Cela implique le renforcement de la notion de responsabilité et par la suite, comme Trow (1996) fait valoir, un retrait de la «confiance» entre le gouvernement et les universités d’avant 1992.

Il ne peut être interprété que l'autonomie universitaire ait été supprimée au Royaume-Uni. Les éléments de «l'autonomie universitaire traditionnelle britannique» sont, dans une certaine mesure, observés dans le secteur universitaire d’avant 1992, même après les années 1980. Des exemples présents de pouvoir de décision des universités sont les subventions en block (financement collectif qui ne fait pas de différence entre les domaines tels que l'enseignement, la recherche, et les activités connexes de chaque établissement, permettant de librement allouer les fonds à l'intérieur, selon les priorités internes, tant que sont respectées les conditions énoncées dans le mémorandum financier avec le Conseil de financement de l’enseignement supérieur (HEFCE), et le statut juridique des universités d’avant 1992 dans la Charte Royale, accordée par l'intermédiaire du Conseil Privé. Les «subventions en block» suggèrent que la valeur traditionnelle d'autonomie universitaire britannique n'a pas disparu. Néanmoins, la mesure dans laquelle les subventions en block et les chartes garantissent un sens traditionnel d'autonomie des universités n'est pas simple,

compte tenu des différentes implications à court et à long terme et d'autres éléments tels que les incitations financières et l'exercice d’évaluation de la recherche (RAE) par le Conseil de financement de l’enseignement supérieur.

Neave (1988c) définit un nouveau type d'autonomie universitaire – «l’autonomie conditionnelle» - pouvant être située plus près de la définition publique de l'autonomie universitaire. Il explique «l'autonomie conditionnelle», ainsi:

«L'autonomie ne peut être exercée qu'à la condition que l’établissement ou le département individuel respectent les normes nationales ou internes qui sont sans cesse renégociées suivant la politique publique. Ainsi, il est possible pour les gouvernements britannique et hollandais de faire valoir que le renforcement du contrôle du cadre n'est pas directement contraire à l'exercice de l'autonomie. Toute restriction introduite par les établissements individuels en réponse à l'évolution des conditions externes est, après tout, une décision prise par les universitaires en toute connaissance de cause (Neave, 1988c, p. 46). »

L'idée centrale de «l'autonomie conditionnelle», qui est, selon Neave, applicable au Royaume-Uni ainsi qu’aux Pays-Bas et à la France, est la notion de «renégociation» entre les normes extérieures des priorités nationales et les normes internes des milieux universitaires. L'explication de Neave du terme «autonomie conditionnelle» indique le pouvoir des universitaires et de leurs établissements à faire preuve d'autonomie, «à condition que l’établissement ou le département individuel respecte les normes nationales ou internes qui sont sans cesse renégociées suivant la politique publique». La mesure dans laquelle les deux intervenants - les gouvernements et les établissements – détiennent le pouvoir dépend de la deuxième caractéristique de l'autonomie universitaire.

L'autonomie des universités suivant 1992 a été redéfinie différemment. Il semble que l'équilibre entre les définitions «privée» et «publique» d'après 1992 soit passé d’une définition notamment «publique» à un mélange de «définitions publique et privée» en raison de l’accent mis sur la «définition privée». Ce changement après 1992 concernant les universités a été étroitement lié à la modification de la législation et au contrôle de la qualité. Le changement législatif a inclus le choix des écoles polytechniques de se soumettre au contrôle des autorités locales conformément à Loi sur la réforme de l'éducation de 1988. Un autre exemple de changement législatif est l'autorisation des anciennes écoles polytechniques d’accorder des diplômes suite à la suppression du Conseil national pour les diplômes universitaires (CNAA) et l'obtention du titre d'université conformément à la Loi sur l'enseignement supérieur de 1992. La modification de la pratique du contrôle de la qualité par l'intermédiaire du CNAA et l’Inspectorat de Sa Majesté pour l'audit du Conseil de la qualité de l'enseignement supérieur et l'évaluation de la qualité de l'HEFCE en 1992 (plus tard l'Agence d'assurance de la qualité dans le système unifié d'audit), suggèrent une augmentation de l'autonomie procédurale.

Il est à noter que l'autonomie universitaire d'après 1992 est, du point de vue juridique, plus restreinte que celle d’avant 1992, en termes de réglementation par l'Etat. La plupart des universités d'après 1992 sont légalement définies par la nouvelle Loi sur l'enseignement supérieur de 1992. Cette Loi stipule que tout établissement d'enseignement supérieur, y compris les établissements d'enseignement supérieur administrés auparavant par les autorités locales d'éducation, devrait être géré conformément aux décisions du gouvernement approuvées par le Secrétaire d'État. En revanche, les universités d’avant 1992 ne sont pas contrôlées par le Secrétaire d'État, elles sont régies par des chartes.

L’autonomie procédurale La dimension pratique de «l'autonomie universitaire contractuelle» se rapporte à la structure de la réglementation gouvernementale au Royaume-Uni, augmentant le «contrôle des produits». Il peut être interprété par l'application de l'argument de Neave que «l'autonomie procédurale» est maintenue dans le cas britannique avec l'augmentation de la réglementation gouvernementale prenant la forme d'un «contrôle des produits» plutôt que d’un «contrôle du processus». L'autonomie des universités dans le contexte du «contrôle des produits» par le gouvernement est non-monolithique, subordonnée à la réalisation des objectifs fixés par le gouvernement, avec des frontières variables.

Le Japon L'origine de «l'autonomie du corps professoral japonais», fondée sur le pouvoir du corps professoral et des départements, peut être attribuée à un incident historique survenu en 1913, quand la décision de licencier sept professeurs prise par Seitaro Sawayanagi, alors Président de l'Université Impériale de Kyoto, a été contestée et renversée par des professeurs et professeurs associés de la Faculté de Droit de l'Université Impériale de Kyoto (Ozaki, 1999, pp. 28-33). Le personnel de la Faculté de Droit a contesté la décision sur deux motifs, devenus des concepts essentiels de l’ «autonomie des professeurs japonais». L'un était que l'autonomie des universités appartient aux comités d’enseignants universitaires. L'autre était la puissance autonome absolue des comités de professeurs que même les présidents d'université ne peuvent contester. Le concept original d'autonomie des comités de professeurs a augmenté pour ne plus se limiter au personnel universitaire, mais pour s’étendre aussi à d'autres domaines, tels que l'enseignement et la recherche. Plus tard, le concept a également été utilisé dans le contexte des relations avec le gouvernement, le ministère, et le corps militaire (avant 1945).

En conséquence, le lieu du pouvoir dans la forme traditionnelle de l'autonomie universitaire au Japon était attribué aux comités du corps professoral, qui avaient le pouvoir de désigner et de nommer les membres du corps professoral. Cette «autonomie des professeurs japonais» ou «autonomie des départements» (gakubu jichi) a été marquée par deux problèmes: la puissance significative de petites unités comprenant des chaires ou des départements et l'absence du pouvoir de direction des présidents d'université, et, par conséquent, l'absence de consensus à l’intérieur des établissements. L’«autonomie des professeurs japonais» n'est pas une idéologie utilisée par les établissements, mais plutôt par le comité professionnel (kyojukai), un organe directeur du corps des enseignants universitaires.

L’«autonomie des professeurs japonais» n'est pas comprise en relation à la protection du secteur universitaire des pressions venant du gouvernement, mais plutôt par rapport aux règlements ministériels. En conséquence, l’«autonomie des professeurs japonais» est liée à la fois à la «définition privée» et à la «définition publique». Cette relation particulière entre les définitions «privée» et «publique» peut être considérée comme l'un des principaux facteurs limitant les conflits visibles entre les définitions «privée» et «publique» au Japon. La «définition privée» pouvait être observée en principe, tandis que la «définition publique» se manifestait dans la pratique des réglementations gouvernementales, de sorte que des tensions entre les définitions «privée» et «publique» ne sont pas apparues, du moins ouvertement.

La continuité de l’«autonomie des professeurs japonais» a été respectée entre 1952 (fin de l'occupation américaine) et le milieu des années 1990 en ce qui concerne les points suivants: (i) le pouvoir appartenant aux comités d’enseignants, et (ii) la coexistence des

définitions «publique» et «privée». Premièrement, un facteur essentiel pour la continuité de l'autonomie des départements au cours de cette période a été l’attitude conservatrice du secteur universitaire, ce dernier ayant résisté aux propositions des autorités centrales d’apporter des changements dans la gouvernance et la gestion des universités à travers l’élimination du pouvoir des comités d’enseignants. En second lieu, la «définition publique» de l’«autonomie des professeurs japonais» n'a pas été conceptuellement contraire à la «définition privée» dans les périodes d’avant et d'après la guerre. La «définition privée» et la «définition publique» de l'autonomie universitaire se placent sur le plan des principes et de la pratique, de sorte que les deux types de valeurs ne sont pas en tension (Kaneko, 1998).

Les différents lieux de la «définition privée» sur le plan des principes, et de la «définition publique» dans la pratique, avec une notion indéterminée et ambiguë de l'autonomie universitaire, se trouvent en relation avec les différentes fonctions des universités publiques et privées. Kaneko (1998), met l'accent sur le concept d'autonomie des universités par rapport au contrôle gouvernemental (le concept de contrôle de l'État est adjacent à la responsabilité envers l'Etat dans son texte) pour expliquer l'ambiguïté de l'autonomie universitaire dans le cadre des fonctions différentes des universités publiques et privées (pour différencier les fonctions socio-économiques des universités publiques et privées) (Amano, 1998; Yano, 1996). Il explique que le principal facteur dans la confrontation implicite entre l'autonomie universitaire et le contrôle gouvernemental a été incorporé dans la double fonction, particularité de l'enseignement supérieur japonais. Les universités nationales ont choisi la modernisation et le développement économique, tandis que les universités privées ont choisi de répondre à la demande individuelle d'accès aux opportunités éducationnelles. En d'autres termes, la demande de responsabilité a été exaucée par les universités publiques - qui ont répondu aux besoins économiques de l’Etat - tandis que le secteur privé a principalement répondu aux besoins individuels et sociaux. Ce double mécanisme a masqué selon Kaneko l'écart de sens entre l'autonomie universitaire aux niveaux des principes et de la pratique - la garantie législative de l'autonomie universitaire et une pratique minimale de l'autonomie universitaire. Selon lui, le fait que la séparation des fonctions entre les universités publiques et privées n'a pas encore été modifiée suggère que la confrontation implicite entre le sens traditionnel de l'autonomie universitaire et la responsabilité a continué.

A partir des années 1990, le pouvoir des présidents d'université, la diminution de l’influence des comités d’enseignants sur la politique du Ministère de l'Education, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie (MECSST), et l'introduction des mécanismes de contrôle de qualité externe suggèrent un changement dans la définition de l'autonomie universitaire japonaise. La redéfinition de l'autonomie universitaire, mentionnée dans le présent document sous le nom d' «autonomie institutionnelle japonaise», a deux caractéristiques principales: (1) une centralisation du pouvoir dans le cadre institutionnel, (2) une augmentation de l'autonomie financières et de gestion des établissements, et (3) le déclin de «l'autonomie de fond». Le premier point est que la politique MECSST sur les pouvoirs des présidents d'université a été mise en œuvre vers la fin des années 1990 et le début des années 2000. Les changements institutionnels liés aux pouvoirs des présidents d'université sont liés à l’organisation institutionnelle plaçant les dirigeants des universités dans des corporations universitaires nationales, et l’introduction de fonds spéciaux que les présidents d'universités peuvent utiliser librement. Les effets de l'augmentation du pouvoir des présidents d'université sur les comités d’enseignants devraient être approfondis à travers des recherches empiriques.

Le deuxième point de l'augmentation de la liberté institutionnelle dans les domaines financier et de la gestion est lié à l'accent mis sur l'auto-gouvernance et l'autogestion de

l'université. Les nouveaux discours des universités tels que l’«auto-autonomie» (syutaisei) et l’«autodétermination» (jisyusei) dans les rapports du Conseil des Universités et, plus tard, dans les Dossiers blancs de l'éducation dans les années 1990, indiquent trois questions: premièrement, le discours d'auto-autonomie et d'auto-détermination venait initialement de l'autorité centrale plutôt que des universités; deuxièmement, les concepts d'auto-autonomie et d'auto-détermination dans ces documents ne sont pas liées à «l'autonomie du corps professoral japonais»; et, pour finir, l'auto-autonomie et l'autodétermination ont tendance dans le contexte politique à être utilisées au sujet des politiques ministérielles sur la gouvernance des établissements, comme par exemple la délégation des pouvoirs aux présidents d'université.

Le troisième point est que les types d'autonomie par rapport à la réglementation gouvernementale ont changé depuis les années 1990. Le changement peut être compris par l'application des concepts de Neave et van Vught d’ «autonomie procédurale» et d’ «autonomie de fond» (1994). L' «autonomie procédurale» signifie «le pouvoir d'un établissement d'enseignement supérieur de déterminer les moyens à travers lesquels ses objectifs et ses programmes seront poursuivis», tandis que l' «autonomie de fond» est «le pouvoir d'un établissement d'enseignement supérieur de déterminer ses propres objectifs et ses programmes» (p. 7). L' «autonomie procédurale» des universités japonaises a augmenté en partie dans les domaines de l’équilibre du curriculum et de la durée des études, au cours des années 1990. Il peut être interprété que l’ «autonomie de fond» a commencé à diminuer en raison de l'introduction du mécanisme externe d'assurance qualité en 2002, qui met l'accent sur la production et le contrôle de la qualité à base de performance. Il est trop tôt pour examiner comment et dans quelle mesure ces produits de contrôle par les autorités centrales affectent l’ «autonomie de fond», étant donné que la méthodologie pour faire le lien entre le mécanisme d'évaluation mis en place (2002) et la distribution des fonds dans l'enseignement et la recherche n’est pas encore mise au point.

Le changement de l’«autonomie des professeurs japonais» à «l'autonomie institutionnelle japonaise» n'est pas manifeste dans l'équilibre entre les définitions «privée et publique». On peut dire que le changement en matière d'autonomie universitaire concerne le lieu du pouvoir d'autonomie au sein des établissements d’enseignement supérieur.

Conclusion Le présent article fait valoir que le néo-libéralisme a similairement changé le sens de l'autonomie universitaire au Royaume-Uni et au Japon, où la définition publique et l'autonomie procédurale ont été également soulignées. Toutefois, la voie du changement et la nouvelle définition de l'autonomie universitaire diffèrent entre les deux. Au Royaume-Uni, le changement était lié aux changements entre le gouvernement et le Conseil de financement, en insistant sur la responsabilité et en mettant au défi le sens traditionnel de l'autonomie universitaire. La nouvelle autonomie des universités au Royaume-Uni met l'accent sur la «définition publique» et sur la continuité de l'autonomie procédurale. Au Japon, d'autre part, l'autonomie universitaire traditionnelle a mis l’accent sur la «définition publique», ainsi que sur la «définition privée». Le changement a été plutôt observé dans les relations de pouvoir à l’intérieur des établissements en augmentant le pouvoir des présidents d'université, suivant la conviction qu’un établissement centralisé ou géré de manière autonome entrepreneuriale, peut répondre plus efficacement au marché qu’un établissement décentralisé. La nouvelle autonomie universitaire au Japon, met en lumière l'autonomie procédurale à travers la politique ministérielle de déréglementation et diminue l'autonomie fondée sur le pouvoir du corps professoral.

On peut supposer que les facteurs de l'effet différent du néo-libéralisme sur l'autonomie des universités au Royaume-Uni et au Japon se fondent sur différents points de départ en termes de sens traditionnels d'autonomie universitaire, ainsi que sur différentes interprétations du néo-libéralisme, et sur des groupes socioculturels, politiques, et des conditions économiques différentes.

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Education and Cultural Diversity (L'éducation et la diversité culturelle) de Sandu Frunzặ et Michael S. Jones (Eds.), Cluj-Napoca [RO]: Provopress, 2006, 263 pp. ISBN 978-973-87225-5-2.

L’ouvrage contient une partie des interventions de l'atelier « Multicultural Education in the Central and Eastern European Region, the New Independent States, and Central Asia » [l'Education multiculturelle dans la Région de l’Europe Centrale et de l’Est, dans les nouveaux États indépendants et en Asie Centrale]. Vingt articles contenant des études sur les pays, la mise en œuvre des politiques et les débats académiques forment le volume.

La diversité culturelle et le multiculturalisme stigmatisent le vingt et unième siècle plus que jamais auparavant. Au cours des deux dernières décennies, diverses parties du monde ont assisté à la formation de nations et d’Etats ethniques légitimes. À la suite de l'ère soviétique et de la dissolution de la Yougoslavie, les Etats d'Europe Centrale et de l’Est ont dû faire face à plus d'une trentaine de différents groupes ethniques revendiquant l'indépendance, dont nombreux ont réussi, que ce soit comme États indépendants ou comme minorités reconnues. Cette période de transformations a entraîné des réformes et des changements structurels dans les idéologies et les attitudes, processus reflété aussi dans le secteur de l'éducation. Le multiculturalisme a ainsi gagné en importance dans les politiques éducationnelles, générant la réforme des programmes d’enseignement. Ainsi que l’affirmait Sandu Frunza : « …dans un avenir proche, nous espérons être en mesure de réaliser les objectifs suivants: sensibiliser l'opinion publique des pays de la région d'Europe Centrale et de l’Est, des NEI et d’Asie Centrale, promouvoir la tolérance, l'ouverture d'esprit, et la diversité; établir un cadre pour mettre au point un réseau et la collaboration entre les chercheurs, les militants, les politiciens et les représentants des médias impliqués dans l'éducation multiculturelle; connecter les enseignants et les chercheurs dans un domaine avec les ONG et d'autres praticiens consolider une véritable société civile active (p.7). »

L’ouvrage présente les débats théoriques et les résultats de la recherche sur les questions multiculturelles dans l'éducation. Les résultats des recherches, ainsi que des exemples de pratiques en Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Macédoine, Moldavie, Ukraine, Ouzbékistan, et Liban sont examinés par les auteurs. Les concepts d'inter-culturalité, de diversité culturelle, de sexe, d'origine ethnique, de multi-confessionnalisme, d'acculturation, d'appartenance religieuse et de migration y sont analysés à travers des exemples. Il est aussi présenté un « garrot » du multiculturalisme dans l'éducation, soulignant le besoin croissant d’une meilleure compréhension, d'acceptation et d'affirmation de la diversité. Les problèmes du multiculturalisme dans l'éducation ne sont donc pas seulement une question de compréhension, mais aussi d'acceptation politique par la société, avec des obstacles à surmonter. Le présent ouvrage constitue une lecture essentielle pour les personnes impliquées dans et intéressées par le multiculturalisme, la diversité culturelle et par son reflet dans les milieux éducationnels. FATMA MIZIKACI

Understanding Mass Higher Education: Comparative Perspectives on Access [Comprendre l'enseignement supérieur de masse: des perspectives comparatives sur l'accès] de Ted Tapper et David Palfreyman (éds.), (Woburn Education Series), Londres et New York: Routledge/Falmer, 2005. xv-269 pp. ISBN 0-415-35491-9. La présente collection offre un aperçu illustratif de la transition actuelle d’un système d’enseignement supérieur d'élite à un système d'enseignement supérieur de masse dans les systèmes d’éducation de différentes parties du monde, ainsi qu'une analyse de la situation présente et des perspectives des études universitaires dans les pays étudiés. Les contributeurs à l’ouvrage mentionné traitent de questions telles que: - les pressions économiques, politiques et sociales ayant conduit à une transition en matière d'éducation de la forme d'élite à celle de masse; - les résultats sociaux et économiques des actions politiques visant à encourager une telle expansion du secteur et les réactions des parties prenantes à celle-ci (en particulier en ce qui concerne le déplacement des charges financières en résultant); - le discours politique engendré par ce changement; - le nouveau scepticisme causé par la hausse des taux d'abandon scolaire, le sacrifice de l'autonomie institutionnelle et l’augmentation des interventions bureaucratiques des acteurs étatiques et supra-étatiques; - les stratégies envisagées pour assurer une meilleure intégration des groupes défavorisés, selon le cas; - le changement (perçu et présent) des objectifs universitaires. Les auteurs investiguant les problèmes ci-dessus mentionnées discutent des processus et des structures de l'enseignement supérieur aux États-Unis (considérés comme ayant déclenché le mouvement de massification de l'enseignement supérieur en Europe), au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Allemagne, en Pologne, aux Pays-Bas, dans les Pays Nordiques et en Australie. Les expériences dans chacun de ces pays ont contribué à une meilleure compréhension de ce changement complexe devant conduire, du moins en Europe, à une harmonisation avant 2010, à la suite de la Déclaration de Bologne.

Les contributeurs soulignent les différentes demandes (souvent contradictoires), les contraintes et les opportunités découlant de la diversité de l'enseignement supérieur au niveau national (Écosse et Pays de Galles) ou régional (Pays Nordiques), avec des traditions et des racines historiques profondes. En dépit de la diversité de leurs affiliations institutionnelles de fonctionnement au sein de différents systèmes d'enseignement supérieur, tous les contributeurs parviennent à la conclusion exprimée par les éditeurs, à savoir que « l'élargissement est une fiction réelle plutôt que camouflée » (p. 247)

La pression des actions politiques a encouragé la transition de l'enseignement supérieur d’un enseignement d'élite à un enseignement de masse, alors même que les valeurs des pays étudiés faisaient l'objet d'un débat. Cela s’est reflété dans une variété de groupes sociaux où l'accroissement des taux de participation à l'enseignement supérieur a été encouragé, allant des groupes universels (y compris socio-économiquement défavorisées) à des groupes plus spécifiques (tels que les minorités ethniques, ou les personnes handicapées). Cela, bien sûr, implique des actions de réforme et de réaction continues dans les pays non préparés aux résultats de cette expansion (les États-Unis l’étaient). Par conséquent, les décideurs de l'enseignement supérieur ont dû repenser les modes d'accès aux universités (par exemple, admission ouverte non-sélective en France contre numerus fixus aux Pays-Bas). Le libre accès génère des problèmes liés à qui devrait payer pour la production des diplômes en masse: l’ensemble des contribuables ou plutôt les familles des étudiants? En outre, en Grande-Bretagne du moins, ce système d'élargissement a conduit à une plus grande intervention de étatique bureaucratique et pas à une moindre.

Le phénomène de massification de l'enseignement supérieur, bien que quantitativement similaire dans le nombre des étudiants représente, qualitativement parlant, une expérience différente dans les pays étudiés. Les Américains, première nation avec un système d’enseignement supérieur de masse, ont été en mesure « de garder la compréhension de l'enseignement supérieur », même en apportant une amélioration significative du système (p. 225). Le système Britannique d'enseignement supérieur, d'autre part, a conservé son ancien type d'éducation d'élite dans les universités, telles qu’Oxford et Cambridge, en parallèle de la création des soi-disant « nouvelles universités », plus orientées vers l'expansion. En Australie, les principales exigences sont les suivantes : « utilité, efficacité, productivité et économie » (p. 17), tandis qu'en Italie « les modifications visaient à assurer un équilibre différent entre les connaissances et les compétences » (p. 87). Si, pour les universités françaises l'accent est passé vers « la transmission des connaissances (l'enseignement) et le développement des connaissances (recherche) » (p. 47), les institutions allemandes visaient « à créer des établissements d’élite compétitifs à l'échelle internationale » « tout en pendulant entre Bildung versus Ausbildung ». Les Pays-Bas ont construit des « processus de différenciations [visant] à élargir l'éventail des choix des étudiants » (p. 95), tandis que les Pays Nordiques ont mis l'accent sur la décentralisation du système d'enseignement supérieur puisqu’ « il a existé une décentralisation des étudiants et de leur distribution dans les programmes d’enseignement, pour laisser ces décisions aux établissements » (p. 136).

Le remodelage d’un l'enseignement supérieur de masse a également eu lieu en Pologne, ancien pays communiste où l'UE a joué un rôle influent dans la promotion de l'accès à l'enseignement supérieur, à travers des programmes tels que TEMPUS. La Pologne, comme la Roumanie, pays de l’auteur du compte rendu (dont le système d'enseignement supérieur n'est pas abordé dans l’ouvrage), a signé la Déclaration de Bologne visant à harmoniser son système éducatif avec celui européen à travers l'introduction du Système européen de transfert et d'accumulation de crédits (ECTS).

En conclusion, l’auteur du présent compte rendu estime qu'il s'agit là d'un précieux ouvrage basé sur des faits et des réalités vérifiés à travers des données bien documentées. Malgré le fait que les pays dont il a été question ont parfois trébuché dans la mise en œuvre d’un système d’enseignement supérieur de masse (d’où les débats sur les conséquences négatives des systèmes d'enseignement supérieur à accès en masse sur les traditions historiques et régionales), une fois l'équilibre entre la diversité éducationnelle et le changement établit, de tels exemples de controverse et de conflits disparaîtront. LUCIA PAVELESCU

Notes sur les auteurs

Enseignement Supérieur en Europe 32 4 2007 ALA-VÄHÄLÄ, Timo, MA, Etudiant doctoral Adresse: Groupe pour l’enseignement supérieur, Département des études de management, Université de Tampere, FI-33104 Tampere, Finlande. Téléphone: +358 040 734 1466; E-mail: [email protected] ARAUJO, Emília Rodrigues, Dr., Enseignant et chercheur Adresse: Département de sociologie, Centre des sciences sociales, Université de Minho, Campus de Gualtar, 4710-057 Braga, Portugal. Téléphone: + 253 604 212; +253 604 280; Fax: +253604697; E-mail: [email protected] BAYER, Manfred, Professeur EmériteAdresse: MIKOM, Fakultät 1 Gerhard-Mercator-Universität Duisburg, Bismarckstr. 62 Technologiezentrum I, 47057 Duisburg/German, Université de Duisburg-Essen, Allemagne. Téléphone: + +49 (203) 379 2871 E-mail: [email protected] DAHLGREN, Lars Owe, ProfesseurAdresse: Département de sciences et de formation dans le domaine du comportement, Université de Linköping, SE-58183, Linköping, Suède. Téléphone: +46 13282120; E-mail: [email protected] DAVIDOVITCH, Nitza, Dr., Chef Adresse: Unité pour le développement et l’évaluation universitaires, Centre universitaire Ariel de Samarie, Israël. Téléphone: +972-3-9066103; Fax: +972-3-9368891; E-mail: [email protected] DOCAMPO, Domingo, Professeur Adresse: Département de la théorie des signaux et la communication, ETSE Telecomunicación, Universidade de Vigo, 36310 Vigo, Espagne. Téléphone: +34 986812134; +34 647343030; E-mail: [email protected] HANDAL, Gunnar, Professeur EmériteAdresse: Institut de recherches sur l’éducation, PO Box 1092, Blindern 0317 Oslo, Norvège. Téléphone: +47 930 31893; E-mail: [email protected] HOFFMAN, David M., Adresse: Equipe de recherche sur les études sur l’enseignement supérieur, Institut pour la recherche sur l’éducation, Université de Jyväskylä, P.O. Box 35 (KTL) FIN-40014 Finlande. Téléphone: +358 14 260 3209; Fax: +358 14 260 3201; E-Mail: [email protected] KARALIS, Thanassis, Lecteur en enseignement tout au long de la vie Adresse: Département de sciences de l’éducation et de la jeune enfance, Université de Patras, P.O. Box 1397, 26504, Rion, Patras, Grèce. Téléphone: +30610 969340; Fax: +30610 997672; E-mail: [email protected] KOLEN, Michal, Dr., Directeur général adjoint

Adresse: Collège de la Galilée de l’Ouest, POB 2125 Acre, Israël. Téléphone: +972 (0)4 9015207; Fax: +972 (0)4 9015202; E-mail: [email protected] LOUVEL, Séverine, Dr., Professeur assistant en sociologie Adresse: Institut de sciences politiques, Université de Grenoble, BP 47, 38040 Grenoble Cedex 9, France. Téléphone: +33 04 76 82 55 33; Fax: +33 04 76 82 58 43; E-mail: [email protected] MIZIKACI, Fatma, Dr. Adresse: Campus de l’Université technique du Moyen Orient du Chypres du Nord, Kalkanli, Guzelyurt, Mersin 10, Turquie. Téléphone: +90 392 661 2910; Fax: +90 392 661 2009; E-mail: [email protected] PAVELESCU, Lucia, Dr., Secrétaire scientifique Adresse: Département d’études anglaises, américaines et canadiennes, Faculté de lettres et des arts, Université “Lucian Blaga” de Sibiu, Bdul. Victoriei 5-7, 550024 Sibiu, Romania. Téléphone: +40 269 21 60 42; +40 269 21 55 56; Fax: +40 269 21 27 07; E-mail: [email protected] RAIKOU, Natassa, Membre du corps d’administration, Adresse: Corps d’administration, Unité administrative centrale, Université de Patras, Building A, P.O. Box 1397, 26504 Rion, Patras, Grèce. Téléphone: +30610 996606; Fax: +30610 996606; E-mail: [email protected] SAARINEN, Taina, MA, Etudiant doctoral Adresse: Institut pour la recherche sur l’éducation, Université de Jyväskylä, Pohjolankatu 1 as 3, FI-20100 Turku, Finlande. Téléphone: +358 50 544 3505; Fax: +358 14 260 3201; E-mail: [email protected] SOEN, Dan, Professeur, Chef Adresse: Département interdisciplinaire de sciences sociales et humaines, Département multidisciplinaire de sciences sociales, Centre universitaire de Samaria, Israël. Téléphone: +972 3 906 6309; Fax: +9721 3 643 432; [email protected] SZKUDLAREK, Tomasz, ProfesseurAdresse: Université de Gdansk, Institut pour l’éducation, Ul. Krzywoustego 19, 80-952 Gdansk, Pologne. Téléphone: +48 58 5572047; E-mail: [email protected] YOKOYAMA, Keiko, Dr., Chercheur invité Adresse: Centre d’études sur l’enseignement supérieur et postsecondaire [Center for the Study of Higher and Postsecondary Education], Université de Michigan, 610 E. University Ave, CSHPE, SOE, Université de Michigan, Ann Arbor, MI 48109-1259, Etats-Unis. Téléphone: +1 734 647 1974; Fax: +1 734 764 2510; E-mail: [email protected]