Laville, transformation de la pratique journalistique

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CAMILLE LAVILLE LES TRANSFORMATIONS DE LA PRATIQUE JOURNALISTIQUE : LE CAS DES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS DE L'AGENCE FRANCE PRESSE DE 1945 À 2005 Thèse en cotutelle présentée à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval, Québec dans le cadre du programme de doctorat sur mesure en communication et science politique pour l'obtention du grade de Philosophioe Doctor (PhD) FACULTE DES ÉTUDES SUPERIEURES UNIVERSITE LAVAL QUEBEC et UNIVERSITE DE PARIS VIII VINCENNES - SAINT-DENIS PARIS, FRANCE pour l'obtention du grade de docteur en Sciences de l'information et de la communication 2007 © Camille Laville, 2007

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CAMILLE LA VILLE

LES TRANSFORMATIONS DE LA PRATIQUEJOURNALISTIQUE : LE CAS DES CORRESPONDANTS

ÉTRANGERS DE L'AGENCE FRANCE PRESSE DE 1945 À2005

Thèse en cotutelle présentéeà la Faculté des études supérieures de l'Université Laval, Québec

dans le cadre du programme de doctorat sur mesure encommunication et science politique

pour l'obtention du grade de Philosophiœ Doctor (PhD)

FACULTE DES ÉTUDES SUPERIEURESUNIVERSITE LAVAL

QUEBEC

et

UNIVERSITE DE PARIS VIII VINCENNES - SAINT-DENISPARIS, FRANCE

pour l'obtention du grade de docteur en Sciences de l'information et de la communication

2007

© Camille Laville, 2007

RESUME en français

L'environnement médiatique, l'entreprise de presse et les pratiques journalistiques ont connu

un changement de configuration entre 1945 et 2005. La configuration formée par

l'environnement médiatique mondial et le jeu des acteurs est passé d'une régulation politique

à une régulation commerciale. Cela entraîne des transformations de la dépêche : éventail

élargi des contenus, fragmentation des textes, multiplication des analyses. Les acteurs

entretiennent des rapports d'interdépendance, les pratiques journalistiques sont marquées par

une forte réflexivité. Les défis du journaliste : conquête permanente de sa clientèle, distinction

et dépassement de ses concurrents, diversité du traitement de l'événement et recherche

perpétuelle de l'approbation de sa hiérarchie. La conception de l'information évolue, passant

de bien public à bien marchand ; si les anciens journalistes affichaient une position de

magistère, la génération actuelle adopte un comportement plus individualiste.

TITRE en anglais

Changes of journalism practice : the case of AFP's foreign correspondents from 1945 to 2005.

RESUME en anglais

The média environment, the news firm and the journalism practice underwent a change of

configuration between 1945 and 2005. The configuration formed by the world média

environment and the play of its participants changed from a political to a commercial

régulation which involved transformations of the journalistic text : widened range of the

contents, fragmented texts and enhanced analyses. The participants maintain interdependent

relationships, and journalistic practices are characterized by a strong reflexivity. A journalist

faces such challenges as permanent conquest of customers, distinction and overtaking of its

competitors, diversity in the treatment of the events, going from public service to commodity.

While former journalists exercised authoritative towards their public, the présent génération

has adopted a more individualistic behavior.

DISCIPLINE - SPECIALITE DOCTORALE

MOTS-CLES

Agence France Presse, Correspondants étrangers, Journalisme, Sociologie, Informationinternationale, Agence de presse, Pratiques journalistiques, Identité journalistique.

INTITULE ET ADRESSE DE L'U.F.R. OU DU LABORATOIRE

Je remercie Jean Charron, pour sa présence, et son aide permanente par delà l'Atlantique.Je le remercie de m'avoir ouvert de nouveaux horizons, et de m'avoir amenée à me dépasser.Je tiens à souligner également son exigence, sa rigueur scientifique, sa patience à mon égardquand il m'arrivait de douter de moi, et finalement je le remercie de m'avoir transmis lapassion qui l'anime à analyser le monde journalistique et son intérêt pour l'humain.

Je remercie Armand Mattelart, pour son soutien, ses encouragements et la confiance qu'ilm'a accordée durant toutes ces années.

Je remercie Patricio Tupper, pour m'avoir initiée à la recherche et m'avoir soutenue tout aulong de mon parcours universitaire. Ses conseils avisés et son esprit d'analyse ont grandementcontribué à la progression de ma recherche, je n'oublierai pas nos discussions souvent animéeset toujours fructueuses qui ont ponctué l'ensemble de ce travail.

Je remercie également l'équipe enseignante du département Information et Communicationde l'université Paris VIII, et tout particulièrement Gisèle Boulzaguet et Marie Thonon quin'ont eu de cesse de m'encourager.

Toute ma reconnaissance va à l'équipe enseignante de l'Institut Français de Presse qui m'aaccueillie deux ans durant comme ATER avec une pensée toute particulière pour JosianeJouet, Rémy Rieffel, Valérie Devillard, Tristan Mattelart, Christine Leteinturier et IsabelleDernier, qui ont toujours été de bon conseil.

Je remercie enfin l'équipe enseignante du département Communication de l'universitéLaval, avec une pensée toute particulière pour Jean de Bonville, Colette Brin et FlorianSauvageau, ainsi que la Faculté des Études Supérieures.

Mes remerciements vont également à Dominique Marchetti pour ses conseils et son écouteattentive.

Je tiens à remercier tous les journalistes de l'Agence France Presse qui m'ont accordétemps et intérêt ainsi que l'équipe du bureau du Caire pour m'avoir accueillie pendant unmois.

Je tiens à remercier ma mère pour m'avoir donné amour et encouragements, ma sœur, pourson écoute et son soutien les soirs de peine, et mon père pour son appui et sa confiance.

Je remercie Thomas Robache, pour avoir été un professeur, un employeur puis un ami quim'a suivi avec encouragements et bienveillance tout au long de ce chemin.

Mes plus sincères remerciements à Magali B. et Magali L. pour être des amies si aimanteset si disponibles. Mes remerciements vont également à Sophie, Hélène, et Rostom pour sestraductions. Leur présence et leur amitié m'ont accompagné tout au long de ce parcours.

Enfin, je remercie tous les membres de mon jury de thèse, Colette Brin, Jean Charron, ArmandMattelart, Rémy Rieffel, Michael Palmer et Patricio Tupper de me faire l'honneur d'assister àma soutenance.

m

Table des matières

INTRODUCTION 1PREMIÈRE PARTIE : FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA QUESTION DERECHERCHE 11

-CHAPITRE 1- PRÉSENTATION DES CONCEPTS 12Section 1 - Environnement médiatique et globalisation 13Section 2 - L'entreprise de presse 20Section 3 -Pratiques et identité journalistiques 24

-CHAPITRE 2 - CADRE THÉORIQUE, DÉFINITION DES IDÉAL TYPES ETMÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE 28

Section 1 - Construction du modèle théorique fondé sur le concept de configuration....291.1 Un cadre général d'analyse fondé sur le concept de configuration 291.2 La méthode idéale typique : définition et cadre d'application 32

Section 2 - Définition des idéal-types 342.1 L'environnement médiatique 352.2 L'entreprise : l'Agence France Presse 372.3 Les pratiques journalistiques 382.4 La dépêche 412.5 L'identité professionnelle journalistique 42

Section 3 - Méthodologie de la recherche 433.1 Le choix d'une méthode qualitative : l'entretien semi - directif auprès de 45journalistes 44

3.1.1 Constitution de l'échantillonnage 443.1.1.1 Le choix du critère générationnel 443.1.1.2 Autres critères 453.1.1.3 Les modes d'accès aux informateurs 46

3.3.2 Élaboration du plan d'entrevue 473.2 L'observation participante : le bureau de l'AFP au Caire 49

3.2.1 Présentation du bureau 503.2.2 Les conditions de l'observation , 50

3.3 Analyse documentaire 513.3.1 L'analyse d'un nombre limité de dépêches 513.3.2 Les manuels de l'agencier 513.3.3 Les documents disponibles sur le réseau intranet de l'AFP : ASAP 52

-CHAPITRE 3- L'ENVIRONNEMENT ET L'AGENCE : 53D'UNE CONFIGURATION À L'AUTRE 53

Section 1 - Une gestion étatique de l'agence 531.1 La naissance de l'agence 531.2 Le statut de 1957 : la mainmise de l'État perdure 551.3 L'état de la concurrence 58

Section 2- 1960-1990 : Entre crises et restructuration 592.1 La remise en cause du système international de production de l'information 602.2 Informatisation et décentralisation de l'agence 602.3 Crise économique et financière de l'agence 622.4 Intensification de la concurrence 63

Section 3 - 1990-2005 : Vers un modèle d'entreprise à visée commerciale 64

IV

3.1 Le redressement économique de l'agence 643.2 Les nouvelles orientations de l'agence 67

DEUXIÈME PARTIE : LA DÉPÊCHE 68-CHAPITRE 4- ANALYSE DES CONTENUS INFORMATIONNELS 70

Section 1 - Hégémonie du fait politique dans les dépêches 711.1 Un traitement prioritaire du fait politique 711.2 Le service diplomatique, joyau de l'AFP 711.3 Un contexte politique national et international qui oriente le contenu des dépêches

72Section 2 - Une société en mutation qui engendre une fragmentation et unediversification des contenus informationnels 75

2.1 Une société en mutation 762.2 L'explosion de l'offre informationnelle réoriente la demande des clients del'agence 78

Section 3 - Un contenu informationnel en mutation 793.1 Dimensions politique, diplomatique et humaine du traitement de l'information ...803.3 De nouvelles thématiques : thématique société et « information divertissante » ...84

3.3.1 l'information sociétale 843.3.1.1 le life style 843.3.1.2 l'information fonctionnelle 86

3.3.2 L'information divertissante 873.3.2.1 le succès des Insolites 893.3.2.2 le fil people 91

3.4 Écrire en couleur 94-CHAPITRE 5- DU JOURNALISME ÉVÉNEMENTIEL AU JOURNALISMESITUATIONNEL. ANALYSE DU MODÈLE JOURNALISTIQUE À TRAVERS LAHIÉRARCHISATION DES DÉPÊCHES 97

Section 1. La première configuration : classification rudimentaire des dépêches et règnedu factuel 97

1.1 Les caractéristiques de la dépêche 971.1.1 Une copie bipolaire : factuels et features 971.1.2 Absence de normalisation de la taille des dépêches 103

1.2 Le journalisme événementiel 106Section 2 -Une hiérarchisation des dépêches revisitée 108

2.1 Développement des dépêches hors factuels 1082.2 Normalisation de la taille de la dépêche 111

Section 3. La seconde configuration : fragmentation de la dépêche et règne dujournalisme situationnel 113

3.1 Les caractéristiques de la dépêche 1133.1.1 Le factuel, mode de traitement traditionnel de la copie agencière 1143.1.2 L'expansion des papiers à attribut 1163.1.3 Une taille de dépêche normalisée 117

3.2 Le journalisme situationnel 1193.2.1 L'évolution de la demande 1203.2.2 Le journalisme de décryptage 1213.2.3 Un journalisme d'analyse fondé sur la parole des experts 124

-CHAPITRE 6-L'ÉCRITURE JOURNALISTIQUE 128Section 1 : Configuration A - Un texte journalistique narratif et descriptif qui induit unstyle journalistique personnel 128

1.1 Conjugaison des textes narratifs et descriptifs 128

1.2 La notion d'objectivité s'incarne à travers une énonciation journalistiquesubjective 131

Section 2 : Processus de normalisation de l'écriture agencière 135Section 3. Homogénéisation et normalisation de l'écriture agencière 137

3.1 Adoption d'un style d'écriture anglo-saxon 1383.2 Le style d'écriture comme outil d'offensive commerciale 140

3.2.1 Évolution du lead 1403.2.2 La recherche de la concision 141

3.3 Spécialisation linguistique et glocalisation de l'information 1433.4 Personnalisation de la copie : l'accroissement de la dépêche signée 155

TROISIÈME PARTIE : PRATIQUES ET IDENTITÉS PROFESSIONNELLES 159-CHAPITRE 7- LA CHAÎNE DE PRODUCTION DE L'INFORMATION 161

Section 1 -Nombre restreint de sources, des artisans de la dépêche nombreux 1621.1 Les sources 162

1.1.1 Un rapport direct aux sources 1621.1.2 Le poids des sources institutionnelles 1631.1.3 Le journaliste de l'AFP comme représentant de l'État français 1642.2.2 La dépêche, produit de la collaboration entre le correspondant et le rédacteur

168Section 2 : Transformations de la chaîne de production 170

2.1 À la conquête de nouvelles sources 1702.2 L'informatisation de l'agence modifie les conditions de la pratique journalistique :redéfinition des tâches professionnelles et renforcement des normes rédactionnelles

171Section 3 - Multiplication des sources et diminution du nombre d'artisans de la dépêche.

1743.1 Les sources : un rapport aux sources transformé, sources multiples, multiformes

1743.1.1 Accès aux sources transformé 1743.1.2 La professionnalisation des sources 1753.1.3 Internet comme source d'information 1783.1.4 Les chaînes d'information en continu : alerte et sources des journalistes 181

3.2 Un journalisme pris entre mimétisme et différenciation 1883.3 Les relations entre le correspondant étranger et le desk 190

-CHAPITRE 8- TECHNIQUES, TRANSMISSIONS ET COMMUNICATIONS 193Section 1 - Les transmissions au temps de la première configuration : autonomie etpolyvalence du correspondant 194

1.1 Un journaliste expert en transmissions 1941.2 Le relatif isolement du correspondant étranger 196

1.2.1 Isolement par rapport à la concurrence et à la rédaction centrale 1971.2.2 Un rédacteur multilingue 199

1.3 Incidences de la technique sur la copie 199Section 2- Transformations des rapports entre le correspondant et le desk et desmodalités de la concurrence 201

2.1 Des ressources multiples à la disposition du correspondant 2012.2 Journalistes sous le contrôle du desk 204

2.2.1 Le service Alerte et Analyse : journalistes sous surveillance 2042.2.1.1 Les call backs : évaluation de la veille concurrentielle exécutée par lesjournalistes 205

VI

2.2.1.2 Notes d'impact et pointages : évaluation des performances commercialesdes journalistes 2082.2.2.1 Une veille concurrentielle permanente 209

2.2.2 Un journalisme réflexif imprégné par la logique d'urgence 210-CHAPITRE 9-IDENTITÉ PROFESSIONNELLE 214

Section 1 - Les journalistes entrés entre 1945 et 1960 2141.1 Formation 2141.2 Un engagement professionnel profond 216

1.2.1 Attachement et engagement professionnels 2161.2.2 Un état de santé fragilisé 2201.2.3 Une fidélité à l'agence au-delà de la mobilité du journaliste inter média 222

1.3 Conception de l'information et du rôle professionnel : L'information comprisecomme bien public et journalisme magister 224

Section 2 - Les journalistes entrés à l'agence entre 1960 et 1980 2262.1 Une formation universitaire et diversifiée 2262.2 Un engagement évolutif: de la fusion à la position de retrait 2292.3 Une conception de l'information en mutation et une conception professionnellepolitisée 231

Section 3 - Les journalistes entrés à l'agence entre 1990 et 2006 2353.1 L'école de journalisme, voie d'excellence 2353.2 Un engagement et un attachement dictés par des intérêts personnels 2373. 3 Une conception commerciale et individualiste du métier 239

CONCLUSION 242BIBLIOGRAPHIE THÉMATIQUE 248BIBLIOGRAPHIE ALPHABÉTIQUE 267LISTE DES FIGURES ET ILLUSTRATIONS 278ANNEXES 280

vu

INTRODUCTION

Notre recherche se donne pour objectif d'identifier et d'expliquer les transformations

des pratiques et de l'identité professionnelles des correspondants étrangers de l'Agence

France Presse depuis cinquante ans. Nous pensons en effet qu'en raison des importants

changements qu'a connus l'environnement médiatique mondial au cours des dernières

décennies, les pratiques et l'identité professionnelles des correspondants étrangers de l'AFP

se sont profondément transformées. Nous expliciterons plus précisément cette hypothèse au

cours de notre introduction. Précisons dès à présent que le concept d'identité professionnelle

regroupe à la fois la conception que les journalistes se font de leur rôle professionnel, leur

statut socio - professionnel ainsi que les valeurs qui guident leur pratique.

Notre choix s'est porté sur le journaliste agencier car il exerce dans un média qui occupe une

place particulière au sein de l'espace médiatique mondial. Historiquement, les agences de

presse sont les premières organisations qui opèrent sur le plan mondial, à tous les niveaux, de

la mise en forme à la distribution en passant par le recueil des informations, constituant à ce

titre un élément incontournable dans la chaîne de production de l'information. De plus,

compte tenu de leur fonction de fournisseur d'informations pour une grande diversité de

médias, nous pensons que les règles traditionnelles du journalisme d'information -

objectivité, « factualité », rigueur, vérification - s'appliquent de manière plus impérative pour

les agenciers que pour les journalistes qui travaillent dans les autres médias. Il est donc

vraisemblable, comme nous le préciserons plus loin, que les facteurs qui contribuent à la

transformation du journalisme contemporain agissent sur eux différemment.

Les transformations du journalisme : une littérature abondante et diversifiée

II a été établi que le journalisme connaît une période de profonds changements. Les nombreux

travaux portant sur l'évolution des pratiques journalistiques empruntent différentes

perspectives. Un premier courant de recherche analyse l'évolution des pratiques

journalistiques sur un plan historique'.

D'autres travaux abordent également la question du changement dans les pratiques

journalistiques mais dans une perspective méthodologique différente. Ainsi, plusieurs

chercheurs ont pris le parti d'orienter leur analyse sur la spécialisation des journalistes. Des

travaux de plus en plus spécifiques sont publiés. Cela répond sans doute à une double

nécessité : celle de restreindre son objet d'étude pour pouvoir mener à terme sa recherche, et

une seconde qui répond à une évolution propre au journalisme contemporain : la

fragmentation. L'éclatement du journalisme entraîne une segmentation des études portant sur

l'évolution du journalisme. De nombreux travaux ont souligné la spécialisation2 de plus en

plus forte des journalistes. Dès la fin des années soixante, Jeremy Tunstall3 a produit une

étude sur les journalistes spécialisés de grands médias britanniques. Une spécialisation qui

peut être fonctionnelle ou thématique. Les travaux portant sur des spécialités du journalisme

se sont multipliés : travaux de Julien Duval4 et Philippe Riutort5 sur le journalisme

économique, travaux de Jean Charron6 sur le journalisme politique, travaux de Sandrine

Lévêque7 sur le journalisme social, les travaux de Patrick Champagne et Dominique Marchetti

' Schudson, Michael, Discovering the News, A Social History of American Newspapers, New York,Basic Books, Inc, 1978, 228 pages. Delporte, Christian, Histoire du journalisme et des journalistes enFrance, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1995, 128 pages. Delporte, Christian, Les journalistes en France,1880-1950: naissance et construction d'une profession, collection le Seuil, Paris, janvier 1999, 450pages.2 A ce sujet, la revue Réseaux a consacré un numéro au mouvement de spécialisation qui saisi laprofession journalistique : Neveu, Erik, Rieffel, Rémy, Ruellan, Denis, « Journalistes spécialisés »,Réseaux n° 111, Paris, 2002, 292 pages.3 Tunstall, Jeremy, Journalists at Work, Londres, Constable, 1971, 304 pages.4 Duval, Julien, Critique de la raison journalistique, les transformations de la presse économique enFrance, Le Seuil, Paris, 2004, 366 pages. Duval, Julien, « Concessions et conversions à l'économie. Lejournalisme économique en France depuis les années 80 », Actes de la recherche en sciences sociales,n°131-132, mars 2000, pp. 56-75.5 Riutort, Philippe, « Le journalisme au service de l'économie. Les conditions d'émergence del'information économique en France depuis les années 50", Actes de la recherche en sciences sociales,n° 131/132,2000, pp. 41-55.6 Charron, Jean, La production de l'actualité : une analyse stratégique des relations entre la presseparlementaire et les autorités politiques au Québec, éditions Boréal, Montréal, 1994, 446 pages.7 Lévêque, Sandrine, Les journalistes sociaux. Histoire et sociologie d'une spécialité journalistique,Rennes, Presses de l'université de Rennes, 2000, 234 pages.

sur le journalisme médical ou scientifique et ou ceux de Dominique Marchetti ou encore

ceux de Bertrand Dargelos sur le journalisme sportif9.

D'autres chercheurs ont focalisé leurs recherches sur des tendances spécifiques du

journalisme contemporain. Ainsi plusieurs chercheurs évoquent le développement du

«journalisme de marché »10. Depuis deux décennies, les exigences commerciales et le

marketing pèsent plus lourdement sur la pratique du journalisme. Le journalisme de marché

ou « market driven journalism » se traduit par la recherche de la rentabilité maximale de

l'activité des journalistes et du fonctionnement des entreprises de presse. Le monde de

l'information tend à devenir un domaine d'activités qui n'est plus entre les mains des seuls

journalistes mais dans lequel les gens d'affaires ont, de plus en plus, leur mot à dire. Ainsi

Mathien observe que la présence croissante des « gestionnaires-décideurs » et des hommes de

commerce au sein de l'entreprise de presse, davantage préoccupés par le marketing et la

communication que par l'information, «fait que les journalistes ne constituent plus le seul et

unique groupe professionnel déterminant dans les entreprises médiatiques »".

D'autres travaux de recherche traitent des mutations survenues sur le marché du travail

journalistique. Alain Accardo12 a ainsi étudié le mouvement de précarisation qui totiche

Champagne, Patrick et Marchetti, Dominique, « L'information médicale sous contrainte. À proposdu « scandale du sang contaminé » » , Actes de la recherche en sciences sociales, n° 101-102, mars1994, pp. 40-62.9 Marchetti, Dominique, « Les transformations de la production de l'information sportive: le cas dusport-spectacle», Les Cahiers du Journalisme, n°ll, décembre 2002. Marchetti, Dominique etDargelos, Bertrand, « Les professionnels de l'information sportive. Entre exigences professionnelles etcontraintes économiques », Regards sociologiques, n°20, 2000, pp. 67-87.10 McManus, John, Market Driven Journalism : Let the Citizen Beware?,, Sage, Londres, 1994. Lathèse de McManus a été reprise par Michel Mathien : Mathien, Michel, « Le journalisme professionnelface aux mutations de l'information et de la communication », Quaderni, n°37, 1998-1999, pp.11-42.Eveno, Patrick, L'argent de la presse française des années 1820 à nos jours, Paris, éditions du Comitédes travaux historiques et scientifiques, 2003, 236 pages.1 ' Mathien, Michel, Les journalistes et le système médiatique, Hachette université communication,1992, page 7.12 Accardo, Alain, dir., Journalistes précaires, Bordeaux, le Mascaret, 1998, 411 pages.

l'ensemble de la profession, alors que Rémy Rieffel a mis en exergue deux qualités exigées

aujourd'hui par les entreprises de presse : la mobilité et la polyvalence.13

En Amérique du Nord, plusieurs chercheurs ont mené des travaux portant sur l'émergence du

journalisme public14. Le journalisme public repose sur une critique de la fonction sociale

traditionnelle du journalisme. Ce concept, nommé également civic journalism, est apparu aux

États-Unis au début des années quatre-vingt-dix. Il porte sur différentes expériences menées

par des journaux pour susciter et encourager la participation démocratique du public. Ces

différentes appellations recouvrent une même réalité : la redéfinition de la position

traditionnelle du journaliste dans la société. Le journaliste ne doit plus se limiter à transmettre

de l'information, il doit susciter le débat démocratique et encourager les actions collectives.

Une autre évolution du journalisme contemporain est désignée alternativement sous les termes

de tabloïdization du journalisme15, marketization/l5 ou encore popularization'7. La

tabloïdization est un processus qui se caractérise par une accentuation des aspects dramatiques

et sensationnels des événements et privilégie des réalités comme les faits divers, les scandales,

la vie des célébrités ou le sport. Ce type de contenus est associé à un format spécifique qui

privilégie les effets visuels. Plusieurs observateurs jugent sévèrement ce type de journalisme

car, non seulement la tendance à la tabloïdization fait craindre une uniformisation des

contenus et un nivellement par le bas, mais ils y voient une remise en question de l'existence

3 Rémy, Rieffel, «Vers un journalisme mobile et polyvalent?», Quaderni n°45, automne 1991,pp.153-169.

' Watine, Thierry, « Journalistes : une profession en quête d'utilité sociale », Les Cahiers duJournalisme n° 2, Lille, décembre 1996, 396 pages. Beauchamp, Michel, Watine, Thierry,« Journalisme public et gestion des enjeux sociaux : étude de la campagne 'spécial emploi' du journalLe Soleil de Québec», Communication, vol.19, n°2, hiver 1999/2000, pp. 91-121. Beauchamp,Michel, Watine, Thierry, « Le journalisme public aux États-Unis : émergence d'un nouveau concept »,in Les Cahiers du journalisme, n°l, juin 1996, pp. 142-159. Le lecteur pourra également se reporter aunuméro spécial des Cahiers du journalisme, « Le journaliste acteur de société », n°2, décembre 1996,200 pages.15 Connell, Ian, « Mistaken identities : Tabloid and broadsheet news discourse ». Javnost-The Public,Vol. 5, n° 3, 1998, pp. 11-31. Bird, S.Elizabeth, « News we can use : An audience perspective on thetabloïdisation of news in the United States ». Javnost-The Public, vol. 5, n° 3, 1998, pp. 33-49.16 Fairclough, Norman, Media discourse, Edward Arnold, Londres, 1995, 224 pages.17 Dahlgren, Peter, Télévision and the public sphère, Sage, Londres, 1995. Eide, Martin, « A new kindof newspaper ? : Understanding a popularization process », Media, culture & society, vol. 19, n°2,1997, pp. 173-182.

même de la sphère publique. La popularisation du journalisme rendrait de plus en plus faible

la marge de manœuvre dont dispose l'audience potentielle de ces médias pour former sa

propre opinion. La notion d'infotainment (le terme est le produit de la contraction de

information et de entertainmeni) est apparentée à celui de tabloïdization. Elle désigne plus

particulièrement la présence de plus en plus marquée d'éléments de divertissement dans

l'information; plus encore, c'est l'information elle-même qui, pour attirer les auditoires,

adopte les formes, le ton et le registre du divertissement. L'infotainment se conjugue avec la

tabloïdization dans la mesure où l'information est vendue comme un produit de

divertissement, « les données sont converties dans les catégories suivantes : l'intérêt humain

et les soft news »18. A propos de la presse quotidienne, McManus écrit : « (...)/'intérêt des

journaux s'est déplacé vers de sujets tels que laparentalité, les loisirs et le shopping (...) »19

Si les travaux portant sur les transformations du journalisme contemporain sont nombreux,

leurs auteurs traitent d'un changement particulier et omettent de les intégrer dans un processus

de transformation global du journalisme. A cet égard, François Demers propose une

explication politique aux transformations du journalisme contemporain. Considérant le cas du

journalisme au Québec, il y voit un processus de « destruction créatrice » qui mène à une

« déstructuration- restructuration » du journalisme. Selon lui, on passe d'un journalisme

classique à un journalisme « fonctionnel », pragmatique, qui correspond au changement du

système politique. Demers situe en effet ce processus dans le contexte du déclin de l'État-

Providence au profit d'un État libéral. Ce changement se traduit sur le plan des pratiques

d'information, par le repli de l'éditorial, la montée de l'information ludique et la promotion de

l'enquête. La remise en cause de l'État-providence conduit alors à une nouvelle logique de

l'information. «Ayant perdu son axe central et pôle d'attraction : le politique, l'information

devient un territoire où la hiérarchie des contenus et des priorités est déterminée par le

18 Djupsund, Goran, Carlson, Tom, Trivial Stories and Fancy Pictures, Suède, 2001, page 65 : « thematerial is converted in catégories ofhuman interest and soft news » (traduction réalisée par l'auteur).19 McManus, John, Market Driven Journalism : Let the Citizen Beware?, Sage, Londres, 1994, page 7: « Newspapers are now moving 'to embrace such topics asparenting or hobbies or shopping (...) »(traduction réalisée par l'auteur).

marché/public »20. Il s'ensuit une modification de la hiérarchie des objets du discours de

presse : «Avant les contenus de l'information s'organisaient dans un ordre hiérarchique de

priorités et de valeurs qui s'éloignaient graduellement du centre/sommet, c 'est-à-dire de la

politique pure et dure, passant par les réalités sociales et économiques susceptibles de

traduction, puis les arts de la haute culture, puis le sport, puis les arts populaires, jusqu 'au

sang et aux potins. Aujourd'hui chaque domaine de couverture peut s'autonomiser et

développer ses propres façons de faire, ses pratiques dominantes et même ses normes

éthiques». Me Quail21 abonde dans le même sens en évoquant la dépolitisation de la vie

sociale, qui serait directement liée à la perte de prestige des institutions politiques dans les

médias. La perte de puissance de l'État dans la société et l'augmentation de la logique

commerciale conduisent le journalisme à revêtir de nouveaux habits.

Les chercheurs québécois, Jean Charron et Jean de Bonville procèdent depuis plusieurs

années à une analyse globale de la transformation du journalisme au sein du Groupe de

recherche sur les mutations journalistiques (GRMJ) de l'université Laval. Ils ont publié en

2005 avec la collaboration de Colette Brin22, une synthèse de leurs recherches présentant

conjointement une théorie du changement journalistique et des recherches empiriques

réalisées par plusieurs chercheurs nord-américains. Ils proposent une théorie des changements

paradigmatiques du journalisme. Les auteurs constatent que les transformations que connaît le

système médiatique depuis une vingtaine d'années conduisent les journalistes à procéder à des

ajustements dans leurs pratiques et leurs normes professionnelles; ces ajustements conduisant

à l'émergence d'un nouveau paradigme journalistique. Après le développement du

journalisme d'opinion (qui se maintient jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle) et journalisme

d'information (apparu au début du vingtième siècle), nous assisterions à l'émergence du

journalisme de communication. Ce paradigme journalistique se caractérise notamment par une

conception différente de l'information : « (...) La notion d'information recouvre, dans le

journalisme contemporain, un champ sémantique beaucoup plus large que la stricte

20 Demers, François, « Impacts des nouvelles technologies de l'information et de la communication(NTIC): Déstructuration (et restructuration?) du journalisme », Technologies de l'information etSociété. Vol. 8. No 1, pp. 55-70.21 Mac Quail, Denis, « Research into Political Communication and the Current Crisis of Media anDemocracy », revue de l'Institut de sociologie, n°l-2, université libre de Bruxelles, 1995, pp. 47-57.12 Brin, Colette, Charron, Jean, de Bonville, Jean (sous la direction de), Nature et transformation du

journalisme, Théorie et recherches empiriques, les Presses de l'université Laval, Québec, 2005, 454pages.

« actualité » ; les objets dont traite la presse et la manière de les aborder se diversifient.

L'élargissement de la notion d'information tient aussi au fait que le journaliste s'adresse à un

public perçu comme un ensemble de consommateurs plutôt que de citoyens »23.

Selon les auteurs, le nouveau paradigme du journalisme de communication serait le produit

des stratégies des acteurs qui participent au système de presse : « Par des innovations et par

l'imitation de ces innovations, de nouvelles pratiques, et de nouvelles conceptions émergent et

se répandent jusqu 'à constituer une nouvelle orthodoxie professionnelle, c 'est-à-dire un

nouveau paradigme journalistique ».24 Ils en déduisent que cette matrice transforme non

seulement les pratiques, mais la fonction sociale de la presse, l'identité sociale des

journalistes, le rapport au public et les modèles et postulats dont se réclame le journalisme.

L'accentuation des fonctions expressive et phatique (le « contact ») du discours d'information

tend à faire du journalisme nord-américain une pratique de communication, au sens fort du

terme.

Notre thèse s'inscrit dans la démarche empruntée par ces chercheurs dans la mesure où notre

travail vise à identifier les transformations des pratiques et de l'identité journalistiques, mais

aussi à les inscrire dans un processus global de transformations du journalisme.

Le choix des correspondants étrangers de l'Agence France Presse

Les agenciers font bel et bien partie du système médiatique mondial - et ce qui affecte le

système les affecte aussi -, mais ils occupent dans ce système une position qui leur est

spécifique, d'où l'intérêt de les étudier spécifiquement.

D'autre part, nous avons choisi de circonscrire notre étude aux correspondants étrangers car

nous considérons que les journalistes producteurs de l'information internationale sont

!3 De Bonville, Jean, Charron, Jean, « Le paradigme du journalisme de communication : essai dedéfinition », Communication, vol.17, n°2, 1996, page 75.24 De Bonville, Jean, Charron, Jean, « Le paradigme du journalisme de communication : essai dedéfinition », Communication, vol. 17, n°2, 1996, page 88.

susceptibles d'avoir ressenti avec davantage d'intensité que les autres journalistes certaines

transformations de l'environnement mondial de l'information et leurs répercussions au sein de

leur entreprise. La position géographique du correspondant par rapport à l'agence nous laisse

penser que celui-ci est plus que tout autre journaliste également susceptible d'être soumis à

des tensions provenant de l'environnement. Comme tout journaliste, il est également

susceptible d'être soumis à des pressions provenant de l'entreprise, il est possible toutefois

que ces pressions soient moins fortes compte tenu de son éloignement.

Enfin, l'Agence France Presse, première agence de presse à avoir été créée, a conservé depuis

sa création un statut particulier, semi - étatique. Ce statut ne lui permet pas d'adopter une

stratégie libérale à l'image de ses deux concurrentes, Associated Press et Reuters, l'AFP mène

en parallèle une logique d'usager et une logique commerciale. Elle dispose par ailleurs de

moyens financiers qui sont moindres en comparaison des deux autres agences internationales

et qui limitent ses capacités de développement.

L'ancienneté de l'AFP, son budget financier réduit et son statut laissent à penser qu'elle

rencontre des difficultés à suivre l'évolution de son environnement. Pour autant, l'AFP

souhaite rester un des principaux fournisseurs d'information sur le plan mondial et elle tente

de s'adapter aux changements de son environnement.

Nous pensons que les changements opérés au sein de l'agence, de la pratique et de l'identité

de ses journalistes vont être d'autant plus aisément identifiables dans cette agence que les

changements initiés par la direction sont discontinus. Les caractéristiques de l'agence et de

ses pratiques sont particulièrement distinctes en fonction des périodes temporelles. Si les

journalistes disposent de caractéristiques particulières en fonction du poste qu'ils occupent, du

média pour lequel ils travaillent, pour autant, ils sont tous confrontés aux mêmes changements

de leur environnement, même s'ils les éprouvent à des degrés différents. Cependant les

observations des chercheurs (sur la subjectivité, les nouvelles thématiques, la tabloïdization,

le sensationnalisme, Yinfotainment, etc.) et leurs explications portant sur les médias

(concentration et fmanciarisation de la propriété, financement publicitaire, concurrence sur le

marché publicitaire, etc.) ne s'appliquent que partiellement aux agences de presse, qui ne sont

pas des « médias » au même titre que les autres. Par ailleurs on peut penser qu'en raison de

leur fonction dans le système médiatique - fournisseur d'informations brutes et factuelles

destinées à une grande variété de clients disséminés un peu partout dans le monde - les

agences sont plus attachées aux normes du journalisme traditionnel et moins disposées à les

changer. Bref le cas des agences de presse demeurent un point d'ombre dans le débat actuel

sur les transformations du journalisme, d'où la pertinence de la thèse.

La partie empirique de notre démarche (observation et analyse des données) portera

exclusivement sur les journalistes agenciers de l'Agence France Presse qui ont exercé dans un

bureau étranger de l'agence entre 1945 et aujourd'hui. Nous avons réalisé des entretiens semi-

dirigés auprès de quarante-cinq journalistes de trois générations successives. Ces entretiens

ont été complétés par une période d'observation participante menée par la chercheuse durant

un mois au bureau du Caire, en Egypte.

La démarche

Nous consacrerons la première partie de notre thèse aux fondements théoriques de notre

question de recherche : comment aborder le changement journalistique ? Nous présenterons

successivement les concepts mis en œuvre à cet effet et la construction de notre cadre

théorique fondé sur le concept de configuration, au sens que lui donne Norbert Elias.

Nous faisons l'hypothèse que l'environnement médiatique, l'entreprise de presse et les

pratiques journalistiques ont connu un changement de configuration entre 1945 et 2005. La

configuration formée par l'environnement médiatique mondial et le jeu des acteurs s'est

caractérisée par un changement progressif de son mode de régulation, évoluant d'une

régulation à dominante politique à un mode de régulation dans lequel les considérations

économiques et commerciales se font plus présentes. La régulation qualifie les rapports entre

les différents acteurs de l'environnement médiatique mondial, et notamment ceux

qu'entretient l'Agence France Presse avec ses différents partenaires. Dans la configuration du

début de la période étudiée, les principes qui régissent ces rapports sont de nature politique et

économique. Toutefois, les choix stratégiques de l'AFP et les pratiques des journalistes sont

orientés vers une finalité davantage politique que commerciale. Progressivement, il va y avoir

un déplacement des orientations des acteurs de la production d'information. La finalité

économique prend le pas sur la finalité politique, nous considérons alors qu'à la fin de la

période, la régulation de la configuration est davantage d'ordre économique. L'AFP et ses

journalistes adoptent des stratégies qui sont guidées par une motivation avant tout

économique. Afin de mettre en relief les caractéristiques distinctives des deux configurations,

nous construirons pour chacune un idéal type de l'environnement médiatique, de l'entreprise

de presse, de la dépêche, des pratiques et de l'identité professionnelle des journalistes.

Nous achèverons notre première partie par une première analyse de l'évolution de l'Agence

France Presse. Dans la seconde partie, nous analyserons la dépêche tant du point de vue de ses

caractéristiques formelles que de ce qu'elle donne à voir et à lire des transformations des

pratiques et de l'identité journalistiques. Nous étudierons successivement les contenus

informationnels, la hiérarchisation de la dépêche et enfin l'évolution de l'écriture des

agenciers. Dans la troisième partie de notre thèse, nous procéderons à l'analyse des pratiques

journalistiques selon deux axes : la chaîne de production de l'information et l'évolution des

techniques de transmission et de communication. Le dernier chapitre sera consacré aux

transformations de l'identité professionnelle du journaliste qui nous permettra à la lumière des

entretiens que nous avons menés, de déterminer une identité professionnelle propre à chacune

des trois générations de journalistes.

Comme nous l'avons précisé plus haut, notre cadre théorique s'articule selon trois niveaux,

mais ce qui nous intéresse tout particulièrement ce sont les transformations survenues au

niveau micro sociologique, loin de négliger les deux autres niveaux d'analyse, nous porterons

un intérêt tout particulier aux pratiques et identité professionnelles des journalistes.

10

PREMIERE PARTIE : FONDEMENTS THEORIQUESDE LA QUESTION DE RECHERCHE

11

-CHAPITRE 1- PRÉSENTATION DES CONCEPTS

Dans ce chapitre, nous nous proposons de définir les différents concepts en jeu dans notre

recherche, à savoir l'environnement médiatique et la globalisation, l'entreprise de presse et les

pratiques et identité professionnelles journalistiques. Nous les articulerons ensuite au sein de

notre modèle théorique que nous présenterons dans le chapitre suivant.

Poser la question de l'évolution des pratiques et de l'identité professionnelle des

correspondants étrangers de l'AFP depuis 1945 requiert un certain nombre de concepts pour

désigner les facteurs qui interviennent directement ou indirectement dans la pratique

quotidienne des agenciers et dans la construction de leur identité professionnelle. Le

journaliste est un acteur qui agit en fonction de son environnement que ce soit au niveau

micro sociologique ou au niveau macro sociologique. La pratique et l'identité professionnelle

du journaliste sont donc le produit d'une interaction entre plusieurs environnements qui se

superposent25 et influencent considérablement le journaliste. Comme nous le préciserons dans

le second chapitre, nous distinguons trois niveaux d'analyse, à chaque niveau d'analyse

correspond un ou plusieurs facteurs que nous présentons dans le premier chapitre, parmi

lesquels, l'environnement médiatique mondial (niveau macro sociologique), l'entreprise de

presse (niveau meso sociologique), la pratique journalistique et l'identité professionnelle

(niveau micro sociologique).

25 Notre méthode s'inspire de celle des chercheurs Jean de Bonville et Jean Charron qui mènent desrecherches portant sur les mutations du journalisme. Afin d'élaborer leur modèle explicatif, ils ontréalisé une figure représentant les différents paramètres constitutifs de leur problématique. Constituéedes différentes variables qui participent à la pratique journalistique, cette figure distingue notamment,le texte journalistique, le texte journalique, la pratique journalistique, les journalistes, l'organisation depresse, la production médiatique, les médias, les sources d'information, les sources de financement, lepublic, les pratiques culturelles et les valeurs, les institutions socioculturelles, le droit et le systèmepolitique et l'économie. Brin, Colette, de Bonville, Jean et Charron, Jean, Nature et transformation dujournalisme. Théorie et recherches empiriques, Presses de l'Université Laval, Québec, 2005, chapitre3: « Les mutations du journalisme modèle explicatif et orientations méthodologiques », pp. 87-120.

12

Section 1 - Environnement médiatique et globalisation

Lorsque nous évoquons l'environnement médiatique mondial, nous nous situons d'un point de

vue macro-sociologique. L'environnement médiatique mondial désigne à la fois les différents

acteurs médiatiques pris séparément (les bailleurs de fonds, les entreprises de presse, les

annonceurs, etc.) et les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres.

Depuis une vingtaine d'années, les relations entre les différents acteurs de l'environnement

médiatique mondial se sont intensifiées de telle sorte qu'aujourd'hui la grande majorité des

analystes qualifient cet environnement de « globalisé ».2 Le concept de globalisation et celui

de mondialisation sont, pour certains chercheurs, interchangeables; pour notre part nous

opérons une distinction entre les deux concepts. Nous devons préciser que l'emploi du terme

"globalisation" dans notre travail ne constitue pas un anglicisme. Il ne désigne pas la même

réalité que la notion de mondialisation. Le terme « globalisation » a été directement emprunté

à la langue anglaise to "globalize" dans les années soixante; la notion de globalisation a

réellement pris de l'amplitude dans les années quatre-vingt et renvoie avant tout à l'extension

de la sphère économique et commerciale à toutes les autres sphères de la société. Le terme de

« mondialisation » désigne plutôt un processus historique qui conduit les individus, les

activités humaines et les structures politiques à entretenir des rapports d'interdépendance

croissants et à multiplier les échanges entre eux. La globalisation se distingue de la

mondialisation notamment d'un point de vue chronologique, puisque la globalisation se situe

dans le prolongement de la mondialisation. En terme d'échelle, la globalisation traduit un

niveau d'interdépendance supérieur à la mondialisation. L'interconnexion entre les différentes

dimensions est considérée comme une caractéristique essentielle de la globalisation des

médias. « La multidimensionnalité ne doit pas être comprise comme une simple addition de

26 Les ouvrages portant sur le phénomène de globalisation sont nombreux, nous proposons ici unesélection d'ouvrages dont la lecture nous semble primordiale pour saisir les enjeux de ce mouvement :Michalet, C. A., Qu'est ce que la mondialisation ?, La Découverte, Cahiers Libres, 2002 ; Hirst,Thompson, J. B, Globalization in Question, Cambridge, Polity Press, 1996, 336 pages; Held, David,Mac Grew, Anthony, Goldblatt, David, Perraton, Jonathan, Global Transformations, Politics,Economies and Culture, Stanford, 1999; Laidi, Zaiki, Le temps mondial, éditions Complexe,Bruxelles, 1997, 313 pages; Mattelart, Armand, La mondialisation de la communication, PUF, 4e éd.,Paris, juin 2005, 126 pages; Mattelart, Armand, Histoire de l'utopie planétaire, La Découverte, Paris,2005, 422 pages ; Badié, Bertrand, La fin des territoires, Fayard, 1995, 276 pages.

13

sphères différentes » , les différentes dimensions fonctionnent de façon simultanée et en

interdépendance.

Le concept de globalisation a fait l'objet de plusieurs interprétations témoignant ainsi de la

difficulté à circonscrire la globalisation à son seul concept théorique. Nous pouvons recenser

trois courants de pensée qui procèdent à la théorisation du mouvement de globalisation : les

hyperglobalistes, les sceptiques et les transformationnalistes. Les hyperglobalistes considèrent

la globalisation comme un phénomène essentiellement économique qui se traduit par la fin de

l'État Nation. Le second courant de pensée qui regroupe les sceptiques considère que la

globalisation est un mythe28. Ils considèrent que la globalisation et la régionalisation

constituent des tendances contradictoires. Par ailleurs, les sceptiques ne considèrent pas

l'internationalisation comme préfigurant l'émergence d'un nouveau pouvoir étatique central

et rejettent l'idée selon laquelle le pouvoir des gouvernements et des États serait sapé par

l'intervention de la politique globale. Enfin le troisième courant de pensée de la globalisation

défend la thèse transformationnaliste. Les transformationnalistes considèrent que la

globalisation est le moteur central de changements rapides à la fois sociaux, économiques,

culturels et politiques, modifiant ainsi la structure des sociétés modernes et celui de l'ordre

mondial. Si nous devions nous situer dans une école de pensée, celle des

transformationnalistes correspondrait à notre approche dans la mesure où nous considérons la

globalisation comme un mouvement qui au-delà de la transcendance des frontières

territoriales et étatiques, se caractérise par son aspect multidimensionnel.

Toutefois, à plus d'un titre, nous n'utiliserons pas le concept de globalisation comme seul

facteur explicatif des transformations journalistiques tant du point des pratiques que de

l'identité des journalistes. Si, nous considérons à l'instar d'Armand Mattelart que le concept

de globalisation constitue avant tout un « prêt à porter idéologique » : « Le terme de

globalisation évoque incontestablement les nouvelles modalités de l'interdépendance des

économies ainsi que des cultures. Il n'empêche qu'il s'enchâsse dans une configuration

idéologique. La représentation de la « communauté globale » qu 'il charrie exprime une façon

particulière de découper le processus historique d'unification du monde. Ce biais fait d'un

27 Michalet, C. A., Qu 'est ce que la mondialisation ?, La Découverte, Cahiers Libres, 2002, page 20.28 Hirst, Thompson, J. B, Globalization in Question, Cambridge, Polity Press, 1996, 336 pages.

14

phénomène aux dimensions multiples, symboliques et réelles, le socle d'une pensée unique.

(...) L 'environnement d'atopie sociale qui a présidé à son intronisation comme sens commun

pour désigner l'état et l'avenir de la planète est pour beaucoup dans le flou qu'il

entretient.»7' D'autre part, il faut distinguer la globalisation des médias et la globalisation de

la diffusion de l'information et la globalisation de sa réception. Si nous pouvons évoquer la

globalisation des moyens d'information, des entreprises d'information, le message délivré par

les médias est loin d'être global si on entend par globalisation, l'homogénéisation des

contenus.

Enfin, nous considérons que la nature des processus qui régissent une société est diverse. « La

société moderne ne forme pas un tout unifié, un système intégré mû par une force unique. Il y

a des logiques et des tendances multiples qui interfèrent. La modernité est

multidimensionnelle »30, en conséquence la globalisation ne peut à elle seule être considérée

comme seul facteur explicatif des transformations de l'environnement médiatique.

Au regard de notre objet de recherche, nous portons notre intérêt sur des dimensions de

l'environnement médiatique associées à la globalisation : l'hyper concurrence, les nouvelles

technologies, l'effacement des frontières politiques et territoriales.

• La dimension économique

Le système global des médias se caractérise notamment par des aspects économiques

spécifiques. La globalisation se traduit par un processus de concentration qui mène à un

contrôle de la distribution du contenu des médias par un petit nombre de multinationales. La

concentration peut être définie comme « un processus économique et financier qui caractérise

un marché marqué à la fois par la réduction du nombre des acteurs et l'augmentation de leur

29 Mattelart, Armand, «Vers une globalisation» In Flichy, Patrick et d'Iribarne, Alain,« Communiquer à l'ère des réseaux », Réseaux n°100, 2000, pp. 83-84.30 Giddens, Anthony, entretien, Sciences Humaines, n°84, juin 1998, page 39.

15

envergure »31. Ce processus de concentration peut revêtir deux types de concentration : une

concentration verticale et une concentration horizontale.

Lorsque la concentration est particulièrement intensive et se développe dans différents

secteurs de production, on parle alors d'intégration multisectorielle. « Une intégration est dite

multisectorielle lorsqu 'une entreprise contrôle plusieurs types de médias différents et dans le

même temps se trouve impliquée dans d'autres activités connexes »32. Les conglomérats

médiatiques incarnent cette intégration multisectorielle même si l'origine de leur création se

situe au XIXème siècle. La globalisation des médias se traduit donc par la réduction du

nombre de groupes médiatiques. Dans son ouvrage « The Media Monopoly »33, Ben

Bagdikian souligne que le nombre de groupes médiatiques a diminué considérablement, « en

1996, le nombre de corporations médiatique disposant d'un pouvoir de domination dans la

société était au nombre de dix »34. John B. Thompson35 ajoute une dimension géopolitique

transnationale à la notion de conglomérat médiatique. Les conglomérats médiatiques mènent

une politique d'expansion de leur activité hors de leur région d'origine. Les intérêts

industriels et financiers sont de plus en plus importants et participent aux politiques globales

expansionnistes et de diversification.

Sur le plan économique, l'environnement médiatique mondial se traduit également par une

intensification de la concurrence. Le contexte de concurrence voire d'hyper concurrence n'est

pas seulement dû au processus de globalisation mais à la révolution industrielle des sociétés.

Nous reprendrons à notre compte la notion d'hyper concurrence telle que définie par Charron

et de Bon ville36, l'hyper concurrence désignant à la fois une intensification du jeu

31 Raboy, Marc, Les médias québécois, presse, radio, TV, inforoute, Montréal, Gaétan Morin, 2000 (2e

éd.), p.386, in « La concentration de la presse à l'ère de la convergence », dossier remis à lacommission de la culture de l'Assemblée Nationale du Québec, CEM, sous la direction de F.Sauvageau, février 200132 Sauvageau, Florian, La concentration de la presse à l'ère de la convergence, dossier remis à lacommission de la culture de l'Assemblée Nationale du Québec, CEM, février 2001, page 10.33 Bagdikian, Ben, The Media Monopoly, Beacon Press, 1997, 251 pages.

Bagdikian, Ben, The New Media Monopoly, Beacon Press, 2004, 368 pages.34 Bagdikian, Ben, in News, a Reader, Tumber Howard, Oxford University Press, 1999, page 150 : «in1996, the number of média corporations with dominantpower in society is doser to ten.»35 Thompson, J. B., The Media and The Modernity, a social theory ofthe Media, Polity Press, 1995.36Charron, Jean, de Bonville, Jean, «Le journalisme et le marché: de la concurrence à l'hyperconcurrence », chapitre 8 in Brin, Colette, Charron, Jean, de Bonville, Jean, Nature et transformation

16

concurrentiel, des rapports d'interdépendance et un élargissement du champ dans lequel la

lutte concurrentielle se joue. « L'attention du consommateur est aujourd'hui sollicitée par une

offre d'information qui atteint un volume et une diversité sans précédent, les conditions

techniques de réception des messages rendent cette attention très volatile, voire capricieuse,

le consommateur jouit aujourd'hui de la possibilité de passer d'un message à l'autre

librement, rapidement (...) les conditions techniques de production permettent aux

journalistes de savoir en temps réel ou presque comment les concurrents couvrent les

événements en cours; ils ont aussi la possibilité de savoir en temps réel ou presque comment

les concurrents couvrent les événements en cours (...) » .

• La dimension technologique

L'apparition de nouvelles techniques est assimilée à la dimension technologique de la

globalisation. En effet, les techniques de production, de transmission et de distribution de

l'information se sont modifiées considérablement ces vingt dernières années.

Nous distinguons quatre développements décisifs :

- Le développement du câble a permis une très grande capacité de transmission de

l'information.

- L'extension des satellites de communication. Les satellites sont intégrés dans les

réseaux de télécommunication habituels. Les satellites permettent d'introduire des

programmations directes par satellite. Ils constituent de nouveaux systèmes de

distribution en dehors des réseaux de programmation territorialisés et sont donc par

nature transnationaux.

- L'utilisation croissante des méthodes digitales de processus d'information et de

stockage. La digitalisation de l'information combinée au développement des

technologies électroniques ont amélioré considérablement la capacité de stockage et de

transmission de l'information et ont été les fondements de la convergence des

du journalisme, théorie et recherches empiriques, Les Presses de l'Université Laval, Québec, 2005,pp. 273-316.37 Brin, Colette, Charron, Jean, de Bonville, Jean, Nature et transformation du journalisme, théorie etrecherches empiriques, Les Presses de l'Université Laval, Québec, 2005, page 275.

17

technologies de l'information et de la communication. L'information peut alors être

convertie d'un support médiatique à un autre. La convergence des supports

médiatiques induit une convergence des langages.

- La miniaturisation des outils.

• La dimension politique et géopolitique

La conceptualisation de la globalisation a été développée par différents chercheurs anglo-

saxons et français. Bien qu'ils explorent parfois des voies divergentes comme nous allons le

constater, ces chercheurs partent d'un postulat commun : la globalisation met fin au modèle

étatique traditionnel.

La globalisation transcende les frontières traditionnelles de l'État. Bien qu'ils restent des

acteurs incontournables, les États et les gouvernements doivent s'adapter à une nouvelle

réalité. Le modèle westphalien qui décrivait « le développement de l'ordre mondial constitué

d'États souverains (...) »38 n'a plus cours. Si auparavant on déterminait un État par son

territoire, sa souveraineté, son autorité, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les flux

interrégionaux et globaux ont transformé et étendu les espaces et nécessairement dépassé les

limites territoriales traditionnelles. La globalisation fait éclater la notion de territoire, le

pouvoir réel transcende les frontières et les politiques globales mettent fin aux distinctions

traditionnelles entre les affaires intérieures et l'international, entre l'interne et l'externe, entre

la politique territoriale et la politique extérieure.

La globalisation telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui a engendré non pas la fin de l'État

mais un nouveau contexte et de nouvelles structures de l'État. C'est le lieu du Politique qui a

changé.

î8 Held, David, Mac Grew, Anthony, Goldblatt, David, Perraton, Jonathan, Global Transformations,Politics, Economies and Culture, Stanford, 1999, page 30.

IX

Des concepts connexes à celui de globalisation politique ou géopolitique seront développés

dans cette recherche. Toutefois, il nous semble important d'associer la globalisation à deux

logiques : la régionalisation et la glocalisation. La globalisation s'est accompagnée de la

création ou du renforcement de groupes régionaux. Ces nouveaux groupes régionaux sont

définis par les auteurs de l'ouvrage « Global Transformations » comme « un ensemble d'États

voisins qui partagent des points communs, qui pratiquent de nombreuses interactions, et qui

souhaitent développer une coopération institutionnalisée par une structure multilatérale

officielle. »39

Loin d'aller à rencontre du mouvement de globalisation, ces regroupements régionaux

participent à la construction d'un monde interrelié en contribuant à une meilleure

identification des acteurs et luttant ainsi contre l'exclusion de certains pays du mouvement de

globalisation. La globalisation ne peut être comprise comme un "tout global" mais comme

une mise en interrelation de différents groupes aux points communs aussi divers que la

langue, la tradition, les intérêts idéologiques, économiques. La glocalisation constitue un autre

concept satellite de la globalisation politique. La glocalisation correspond à une

interpénétration du local dans le global. Ce terme désigne la nécessité pour les entreprises et

les médias d'un compromis entre les exigences de la mondialisation des marchandises et

celles des habitudes ou des cultures locales. Pour le chercheur en science politique, Zaiki

Laidi, le « temps mondial »40 (qu'il identifie à la globalisation) est une matrice qui s'actualise

en permanence, c'est le lieu de tous les enchaînements mais aussi de toutes les disjonctions.

Ces enchaînements et disjonctions donnent lieu à l'apparition de médiations sociale, culturelle

et régionale qui n'ont pas nécessairement pour objet de choisir entre le global et le local mais

bien de réconcilier ces deux réalités, c'est-à-dire « diffuser le global dans le local ».

Ce concept met en évidence le rapport entre la diffusion globalisée par les médias et

l'appropriation localisée de l'information. « L'appropriation des produits médiatiques est

toujours un phénomène localisé, dans le sens où il induit des individus particuliers qui sont

19 Held, David, Mac Grew, Anthony, Goldblatt, David, Perraton, Jonathan, Global Transformations,Politics, Economies and Culture, Stanford, 1999, page 74.40 Laidi, Zaiki, Le temps mondial, éditions Complexe, Bruxelles, 1997, 313 pages.

19

dans des contextes socio-historiques particuliers, et qui exploitent les ressources dont ils

disposent pour donner un sens aux messages médiatiques et les incorporer à leurs vies. »41

Section 2 - L'entreprise de presse

L'entreprise de presse est un concept essentiel de notre analyse, elle constitue la « variable

intermédiaire » en ce sens que la structure de l'entreprise de presse, sa nature, sa position sur

le marché, son statut économique, son organisation conditionnent, en aval, la pratique

journalistique et sont eux - mêmes influencés, en amont, par l'environnement médiatique

mondial.

L'entreprise de presse possède toutes les caractéristiques communes à l'ensemble des

entreprises : elle a un mode de propriété et de financement, une méthodologie de gestion, des

moyens techniques de production, une culture organisationnelle, etc. Mais, en tant

qu'entreprise de presse, elle comporte des caractéristiques spécifiques, comme celle, par

exemple, de relever d'une « économie de l'information ». L'ensemble des caractéristiques de

l'entreprise de presse, qu'elles lui soient spécifiques ou non, influencera la pratique

journalistique et le texte journalistique lui-même.

L'agence de presse répond aux critères de définition de l'entreprise de presse; toutefois elle se

distingue des autres entreprises de presse par certains aspects. Avant de déterminer les

dimensions du concept d'agence que nous prendrons en compte, nous nous devons de

distinguer les différents qualificatifs associés au terme d'agence. On parle indifféremment

d'agence d'information ou d'agence de presse, d'agence d'information de presse mondiale,

internationale, globale ou transnationale. Les différents niveaux d'actions seront discutés plus

41 Thompson, J. B., The Media and the Modernity, a social theory of the Media, Polity Press, 1995,page 174 : « The appropriation of média products is always a localized phenomenon, in the sensé thatis always involves spécifie individuals who are situated in particular, social - historical contexts, andwho draw on the resources available to them in order to make sensé of média messages andincorporate them into their lives.» (traduction réalisée par l'auteur).

20

tard dans le développement de notre réflexion; toutefois nous nous devons de justifier le choix

des terminologies que nous utiliserons au cours de notre recherche. Dans son ouvrage, « The

International News Services », Jonathan Fenby définit les agences de presse internationales

comme «des organisations à caractère commercial qui ont pour unique objet de recueillir,

distribuer, vendre et fournir de la manière la plus rapide et la plus exacte possible de

l'information internationale.»42 En 1953, l'UNESCO définit l'agence de presse comme

Une entreprise qui a principalement pour objet, quelle que soit sa forme juridique de

rechercher des nouvelles et d'une façon générale des documents d'actualité ayant

exclusivement pour objet l'expression ou la représentation des faits et de les distribuer

à un ensemble d'entreprises d'information, exceptionnellement à des particuliers en

vue de leur assurer, contre paiement d'une redevance, et des conditions conformes aux

lois et usages du commerce un service d'information aussi complet et impartial que

possible. 43

C'est cette définition que nous retiendrons dans notre recherche et à laquelle on pourra se

référer chaque fois que nous mentionnerons le concept d'agence de presse. Dans un souci de

clarté, le terme d'agence de presse internationale sera employé en référence aux trois agences

considérées comme telles : l'Agence France Presse, Associated Press (AP) et Reuters.

Nous considérons l'agence de presse comme un système producteur d'information. L'agence

de presse est comprise comme l'entreprise qui dicte les règles de conduites et les normes à ses

salariés, notamment à travers un cahier des charges précis : le Manuel de l'agencier. L'agence

de presse est également considérée dans sa dimension économique, comme pourvoyeuse d'un

produit consommable qui a une valeur économique : l'information. Elle est donc comprise

comme une structure soumise à une demande.

Les clients de l'agence de presse sont les médias, les entreprises et les institutions financières

et les acteurs politiques. Les médias sont les programmateurs radio, télévisuels, les journaux

42 Fenby Jonathan, The International News Services, Schocken Books, New York, 1986, 275 pages.43 UNESCO, Les agences télégraphiques d'information, Paris, 1953, 229 pages.

21

et les pourvoyeurs de contenu en ligne. Parmi les entreprises et les institutions financières, on

distingue les producteurs d'information et les courtiers en informations. Les clients peuvent

également être des « traders », des analystes et des investisseurs. Les principaux clients

politiques sont le gouvernement français, les représentants de l'État à l'étranger (ambassades),

et les organismes soutenus par l'État.

Enfin, l'agence de presse est comprise comme système interagissant avec l'environnement

médiatique mondial. Appréhendée comme une configuration (au sens que lui donne Norbert

Elias), l'entreprise de presse est vue comme un système d'échanges généralisés. Ce système

d'échanges est nourri par les apports des individus et des groupes qui constituent le collectif

de travail formé par l'entreprise.

Entre les années soixante-dix et les années quatre-vingt, les travaux sur les agences de presse

se sont multipliés. Nous distinguons deux courants d'analyse. Le premier, descriptif,

concentre son intérêt sur les pratiques, les conditions de production et le rapport à

l'environnement. Les travaux de Michael Palmer et Oliver Boyd Barrett, publiés en 1980 sous

le titre « Le trafic des nouvelles, les agences mondiales d'information »44, restent malgré sa

date de parution ancienne, une source d'information incontournable en matière de recherche

sur les agences de presse. Le second courant d'analyse développé sous l'impulsion de

l'UNESCO et de la publication en 1980 du rapport Mac Bride aboutit à des études engagées.

À la fin des années quatre-vingt et durant les années quatre-vingt dix, nous avons assisté à un

regain d'intérêt pour les agences de presse45, qui s'explique par la transformation de leur

environnement. Certains de ces travaux traitent de la situation des agences face aux

transformations de leur environnement concurrentiel, notamment lorsqu'elles se trouvent

confrontées à l'émergence des chaînes internationales d'information4 .

44 Boyd Barrett, Oliver, Palmer, Michael, Le trafic des nouvelles, les agences mondiales d'information,éd. Alain Moreau, Paris, 1980, 712 pages.45 Plusieurs travaux portant sur l'avenir des agences de presse ont été publiés à la fin des années quatrevingt et au cours des années quatre-vingt dix, parmi eux : Baudelot, Philippe, Les agences de presse enFrance, Paris, SJTI, Paris, La Documentation française, 1991. Mathien, Michel, Conso, Catherine, Lesagences de presse internationales, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1997, 128 pages. Fenby, Jonathan,The International News Services, Schocken Books, 1986, 275 pages.46 Pigeât, Henri, Les agences de presse, institutions du passé ou médias d'avenir, Paris, les Études dela Documentation Française, Paris, 1997, 130 pages.

22

Nous puiserons également dans les travaux d'Oliver Boyd Barrett et Terhi Rantanen47 qui

s'inscrivent dans le cadre de l'économie politique. Les deux auteurs analysent le

fonctionnement des agences de presse en fonction des conditions de production, des pratiques

et se penchent sur le concept d' « agence » en opposition à celui de « structure » dans la

théorisation de la globalisation. En effet, les deux auteurs considèrent que les agences de

presse sont les premières organisations médiatiques mondiales et qu'elles jouent elles-mêmes

un rôle déterminant dans le processus de globalisation de l'information. Leur approche

contribuera à éclairer notre analyse du point de vue macro sociologique.

Enfin, Michael Palmer a publié plusieurs travaux sur les agences de presse mondiales réalisés

dans une perspective historienne, qui bien que différente de la nôtre, n'en est pas moins

pertinente à notre problème de recherche48. Michael Palmer a procédé à plusieurs analyses de

la copie agencière, ainsi il a étudié la copie agencière portant sur la Yougoslavie entre 1991 et

200049. Il a également concentré ses recherches sur les contraintes professionnelles dans

lesquelles les journalistes étrangers exercent, en portant un regard particulier sur l'urgence

inhérente à leurs pratiques et sur la nécessité pour les agenciers de satisfaire une multiplicité

de clients médias et non médias50.

White, Patrick, Le village CNN: La crise des agences de presse, Presses de l'Université de Montréal,Montréal, 1997, 192 pages.

Tupper Patricio, « IPS, quarante ans après. Une offre internationale hors normes », revue de l'AFRI,Association française des relations internationales, La Documentation française, volume VI, 2005, pp.991-1010.47 Boyd Barrett, Oliver, Rantanen, Terhi, The Globalization o /News , Sage Publications, 1998, 230pages.48 Palmer, Michael, « L'information agencée, fin du siècle, Visions du monde et discours enfragments », Réseaux n°75, Cnet, Paris, 1996, pp. 87-110.

Palmer, Michael, Des petits journaux aux grandes agences, Paris, Aubier, Historique, 1983, 352pages.49 Palmer, Michael, Quels mots pour le dire ? Correspondants de guerre, journalistes et historiensface aux conflits yougoslaves, Paris, coll. l'Harmattan, 2003, 232 pages.50 Palmer, Michael, « Agencer l'urgence en Irak », in Charon, Jean-Marie et Mercier, Arnaud (sous ladirection de), Armes de communication massive, information en Irak 1991-2003, CNRS, Paris, 2004,pp. 122-127 pages.

Palmer, Michael, « News : ephemera, data, artefacts and...quality control - Iraq now and then »,Journalism, London, Thousand Oaks CA and New Delhi, 2003, vol 4 (4) : pp. 459-476.

Vitalis, André, Têtu, Jean-François, Palmer, Michael, Castagna, Bernard (sous la direction de),Médias, temporalités et démocratie, éditions Apogée, PUF, Rennes, 2000, 269 pages.

23

Section 3 -Pratiques et identité journalistiques

Les pratiques professionnelles se réfèrent aux usages et aux savoir-faire des journalistes et des

médias. Les pratiques professionnelles sont ancrées dans un système normatif composé de

normes formelles et informelles. Le sociologue Raymond Boudon définit les normes comme

des manières défaire, d'être, de penser qui orientent d'une manière diffuse l'activité

des individus en leur fournissant un ensemble de références idéales, et du même coup

une variété de symboles d'identification, qui les aident à se situer eux-mêmes et les

autres par rapport à cet idéal. 5 '

Les règles formelles correspondent aux codes et aux conventions définies par l'entreprise de

presse. Ces normes explicites sont produites notamment par le biais de documents officiels

(comme par exemple les conventions collectives négociées avec les syndicats). Au sein de

l'Agence France Presse, les règles qui régissent le comportement, la rédaction et les valeurs

du journaliste sont présentées notamment sous la forme d'un manuel de l'agencier délivré à

tout journaliste entrant. À ce document, s'ajoutent des notes régulières de la rédaction en chef

aux différents bureaux. Les normes de rédaction des dépêches et de traitement de

l'information sont particulièrement prégnantes en matière d'information internationale

agencière. Les conflits relatifs à ce genre de normes sont plus courants dans les agences que

dans les autres entreprises de presse. Il s'agit de veiller à la normalisation du discours de

l'agence en tous points du globe.

Les règles informelles correspondent aux règles implicites que le journaliste acquiert lors de

sa formation et à travers sa pratique quotidienne, en côtoyant ses confrères. L'initiation au

journalisme consiste en effet, pour une bonne part, en l'imitation et l'intériorisation de ce que

font les autres journalistes. Ce sont des règles de ce genre qui, par exemple, permettent au

51 Boudon, Raymond, Bourricaud François, Dictionnaire critique de la sociologie, Quadrige, Paris,juillet 2002, page 417.

24

journaliste de juger de l'intérêt journalistique d'un événement ou encore de structurer

convenablement les éléments d'information dans une dépêche. Ces règles, bien

qu'informelles, n'en sont pas moins fondamentales du point de vue du problème de recherche

qui nous occupe, puisqu'elles contribuent à la définition de ce qu'est, pour un agencier, la

pratique concrète et quotidienne du journalisme. Loin d'être statiques, les pratiques évoluent

au rythme des changements environnementaux; de nouveaux usages et savoir-faire

apparaissent, se développent et vont peu à peu devenir la règle.

Analyser les pratiques journalistiques consiste non seulement à étudier les nonnes et les règles

qui guident le journaliste au quotidien, mais également à étudier les rapports qu'il entretient

avec les différents acteurs qui interviennent dans le processus de production de la dépêche.

Dans notre travail, nous porterons notre attention sur les interactions entre le journaliste, ses

sources d'information, sa hiérarchie, les techniciens (quand ils sont présents) et ses pairs.

Les pratiques journalistiques propres aux agenciers ont été relativement peu analysées, outre

les travaux d'Oliver Boyd Barrett et Michael Palmer que nous avons déjà cités, Eric Lagneau

a publié des travaux récents portant sur l'écriture agencière et l'éthique journalistique. Éric

Lagneau cherche notamment à mettre en évidence les spécificités du travail des journalistes

d'agence et à définir le style agencier. En associant la notion de style journalistique

développée par Cyril Lemieux et celle de rhétorique journalistique développée par Jean-

Gustave Padioleau, Éric Lagneau53 définit les caractéristiques du style agencier : célébration

de l'urgence, fiabilité de l'information, mise en forme agencière, contraintes d'écriture. Par

ailleurs, à la spécificité du style, il confronte une autre spécialisation, la spécialisation

thématique.

>2 Lagneau, Éric, « Agencier à l'AFP : l'éthique du métier menacé », Hermès, n°35, Les journalistesont-ils encore du pouvoir, CNRS, Paris, 2003, 340 pages.

Lagneau Éric, « Le style agencier et ses déclinaisons thématiques, l'exemple des journalistes del'Agence France Presse », Réseaux n°l 11, 2002.53 Lagneau, Éric, « Le style agencier et ses déclinaisons thématiques, l'exemple des journalistes del'Agence France Presse », Réseaux n°l 11, 2002.

25

Enfin, si les pratiques changent, l'identité professionnelle des journalistes change aussi, en

vertu du rapport dialectique qui existe entre identité et pratique. L'identité professionnelle se

définit en effet en fonction de la pratique, et vice-versa. L'identité professionnelle des

journalistes ne se réduit pas à des normes, des règles et des croyances sociales abstraites

auxquelles les journalistes seraient amenés à adhérer; elle se construit également à travers les

actions quotidiennes et les interactions entre les journalistes eux-mêmes et avec les cadres et

les responsables de leur entreprise. L'identité professionnelle est donc le produit de

l'interaction du discours et de la réalité. Elle est un discours sur la réalité et une réalité

modelée par le discours. Il existe une dualité entre le modèle idéal imaginé et le modèle

pratique caractérisé par les tâches quotidiennes.

Nous entendons par identité professionnelle, la conception que développent les

journalistes de leur propre rôle, la conception qu'ils ont de l'information mais aussi

leur formation, leur statut, leur rapport à l'entreprise de presse. Le concept d'identité

professionnelle ne renvoie donc pas à la conception que le public se fait du métier

journalistique54, ni même au processus de professionnalisation du corps journalistique,

deux thèmes qui ont fait l'objet de nombreux travaux. En effet, la littérature et les

travaux de recherche qui portent sur l'identité journalistique ont porté un grand intérêt

à l'identité professionnelle du journaliste, notamment pour souligner la difficulté d'en

repérer des contours clairement définis. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur

l'identité professionnelle du journaliste en s'appuyant sur une approche socio-

historique55 de la construction de cette identité. Les travaux portant sur l'identité

professionnelle des journalistes soulignent leur lent processus d'institutionnalisation56

alors que les travaux sur la profession tendent à mettre en évidence un métier aux

frontières fluctuantes, ce que le chercheur Denis Ruellan nomme le

54 Rémy, Rieffel (In Rieffel, Rémy, « Pour une approche sociologique des journalistes de télévision »,Sociologie du travail, n°4, Paris, 1993, page 373) évoque ici la sphère sociale du journaliste, c'est-à-dire l'image qu'il renvoie dans l'opinion, son influence sur l'orientation du débat public.5 Les travaux de Christian Delporte sont à cet égard éclairants. Delporte, Christian, Histoire du

journalisme et des journalistes en France, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1995, 127 pages. Les journalistesen France (1880-1950), naissance et construction d'une profession, édition du seuil, Paris, 1998, 456pages.

Delporte, Christian, Les journalistes en France (1880-1950), naissance et construction d'uneprofession, édition du seuil, Paris, 1998, 456 pages.

26

«professionnalisme du flou»57. Notre approche de l'identité professionnelle

s'apparente à la démarche de Rémy Rieffel dans ses travaux sur l'élite des

journalistes58. Dans son ouvrage, il analyse l'identité journalistique à partir de la

manière dont se pensent les journalistes, leur conception du métier, la définition de

leur rôle professionnel.

57 Ruellan, Denis, le professionnalisme du flou, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 1993,240 pages.58 Rieffel, Rémy, L'élite des journalistes, les hérauts de l'information, Sociologie d'aujourd'hui, PUF,Paris, 1984, 220 pages.

27

-CHAPITRE 2 - CADRE THEORIQUE, DEFINITION DES IDÉALTYPES ET MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

Nous posons comme hypothèse générale que, depuis les années cinquante, les pratiques

journalistiques des correspondants étrangers de l'AFP et la façon dont ils conçoivent leur rôle

se sont considérablement transformées en raison de l'évolution de la configuration

médiatique. Sur le plan analytique, il faut voir cette évolution comme le passage lent et

progressif d'une configuration à une autre, sans rupture apparente. Cependant, pour saisir

cette évolution, nous élaborons une représentation idéal-typique de chacune des deux

configurations de manière à en dégager, théoriquement, les traits essentiels et distinctifs et à

les opposer comme les deux extrémités d'un continuum. Notre hypothèse peut alors être

formulée ainsi : la configuration médiatique des années 1945-1960 (configuration A) et les

pratiques journalistiques spécifiques qui lui sont associées se rapprochent davantage d'un côté

du continuum alors que celles des années 1990-2005 (configuration B), suivant une évolution

dont il faudra relever les principaux déterminants, se situent plutôt de l'autre côté.

L'élaboration de ces idéal-types donne lieu à la formulation d'un grand nombre d'hypothèses

que nous tenterons ensuite de valider sur la base de notre recherche empirique.

Avant de présenter les deux configurations, il nous faut présenter les critères à partir desquels

les configurations A et B ont été construites. Nous caractérisons et opposons les deux

configurations en fonction des quatre dimensions suivantes :

- la « densité » du système, c'est-à-dire le nombre et la diversité des acteurs dans le système ;

- la nature et l'intensité de la concurrence dans le système ;

- les modes de transmission de l'information ;

- le mode de régulation de la configuration, c'est-à-dire les principales logiques qui animent le

jeu des acteurs dans le système.

28

Section 1 - Construction du modèle théorique fondé sur le concept deconfiguration

Plusieurs facteurs économiques, politiques, techniques influencent l'activité journalistique.

Ces facteurs influent de manière conséquente sur le nombre et la nature des acteurs (joueurs),

les jeux de tension entre les acteurs, la nature et le volume de leurs échanges et enfin le mode

de régulation de ces échanges. Ces facteurs vont influencer le fonctionnement des différents

systèmes avec lesquels les journalistes interagissent. Parmi eux, nous retiendrons, d'une part

le système médiatique et d'autre part l'agence de presse comme système particulier de

production de l'information. L'environnement médiatique mondial constitue un premier

système, l'entreprise de presse un second système qui s'insère au premier.

1.1 Un cadre général d'analyse fondé sur le concept de configuration

Nous faisons l'hypothèse que ces facteurs n'influencent pas avec la même intensité l'activité

journalistique, ni même toutes les dimensions selon les moments historiques. Au final, ils

interagissent les uns avec les autres pour former un « système » de facteurs c'est-à-dire une

configuration, au sens que Norbert Elias donne à ce terme.59

Une configuration est, suivant Norbert Elias, « est un champ social, de taille variable, au sein

duquel les individus sont liés entre eux par un ensemble de dépendances réciproques et dont

l'équilibre de tensions est variable selon les époques »60; elle désigne toute situation concrète

d'interdépendance, de la partie de cartes à la Nation. « Ce qu 'il faut entendre par

configuration, c 'est la figure globale changeante que forment les joueurs, elle inclut non

seulement leur intellect, mais toutes les personnes, les actions et les relations réciproques

(...). Cette configuration forme un ensemble de tensions. L'interdépendance des joueurs,

condition nécessaire à l'existence d'une configuration spécifique est une interdépendance en

tant qu'alliés mais aussi en tant qu'adversaire. »61 La configuration se caractérise par la

relation d'interdépendance qui lie les actes, que les acteurs aient ou non conscience du

59 Elias, Norbert, Qu 'est ce que la sociologie, éditions de l'Aube, Paris, 1991, 222 pages.60 Elias, Norbert, Qu 'est ce que la sociologie, éditions de l'Aube, Paris, 1991, 222 pages.61 Elias, Norbert, op.cit., page 157!

29

caractère interdépendant de leurs rapports. Toutefois, même si la dépendance est réciproque,

elle n'est pas nécessairement équilibrée. C'est pourquoi Norbert Elias distingue les

« established » (les établis) des « outsiders » (les étrangers, les intrus). Les « established », les

anciens, se posent dans leur spécificité et tiennent les nouveaux ( « les outsiders ») à distance.

Dans la perspective de Norbert Elias, le comportement des « established » vise à préserver les

situations en opposant précisément leur cohésion sociale aux « outsiders ». Ces derniers sont

soumis à des logiques d'exclusion.

L'ensemble des facteurs (incarnés dans des réalités concrètes : des entreprises, des acteurs,

des techniques, etc.) forment une configuration, par définition instable, changeante, en tout

cas à l'échelle historique. Cet ensemble de facteurs ou cette structure se transforme au fur à

mesure que les facteurs qui la constituent (les facteurs économiques, culturels, techniques,

etc.) et les relations entre ces facteurs (par exemple l'innovation technique qui favorise de

nouvelles initiatives économiques) se transforment. Dans notre modèle explicatif, nous

retiendrons trois types de facteurs qui nous paraissent exercer une influence particulièrement

importante sur l'activité journalistique et sur son évolution : les facteurs économiques,

politiques et techniques. Ces facteurs peuvent influer de manière directe sur les pratiques des

journalistes. Ainsi l'apparition du téléphone portable satellitaire a modifié immédiatement la

pratique journalistique des correspondants étrangers qui peuvent désormais envoyer leur

dépêche sans délai en tous points du globe. Ces facteurs peuvent également influencer

indirectement la pratique des journalistes. Ainsi la concentration de la propriété des médias

agit d'abord sur l'environnement médiatique mondial et le fonctionnement de l'entreprise de

presse, les journalistes en ressentent les effets par le biais de leur entreprise dont les objectifs

peuvent évoluer. Pour saisir la complexité du processus de changement, notre modèle

théorique introduit trois niveaux d'analyse : le niveau macro sociologique (l'environnement

médiatique), le niveau meso sociologique (l'entreprise de presse) et le niveau micro

sociologique (les pratiques des journalistes).

Notre recherche se donne pour objectif d'analyser comment les changements de

l'environnement médiatique mondial affectent le fonctionnement de l'agence et la pratique et

l'identité des journalistes agenciers. Nous avons construit notre modèle théorique selon trois

niveaux d'analyse. Au niveau macro-sociologique, nous nous situons du point de vue de la

société dans son entier et plus précisément, au niveau de l'environnement significatif de

30

l'agence. Celle-ci est en effet en relation avec d'autres instances qui appartiennent à différents

systèmes, plus ou moins emboîtés (notamment aux systèmes politique, économique, culturel,

médiatique). C'est le cas plus particulièrement des sources d'information et autres

fournisseurs d'information ou de services, des clients, des compétiteurs et des bailleurs de

fonds.

Nous analysons ces relations en tant que configuration dans la mesure où les journalistes se

situent au cœur d'un réseau d'interdépendances englobant tous les types de relations du niveau

macro social au niveau micro, et qui façonnent leur pratique et leur identité professionnelle.

Par ailleurs, le concept de configuration accorde une place centrale à l'historicité considérant

que « les hommes, leurs modes de relations et leurs formes de sensibilités qui leur sont

associés sont des produits historiques dont les caractéristiques varient en fonction des

époques »62. Par ailleurs ces hommes et ces modes de relations forment un système, c'est-à-

dire « un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des

mécanismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la stabilité

de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent

d'autres jeux. »63 Les rapports entre les acteurs du système ou de la configuration obéissent

donc à des « règles du jeu » ou à une régulation, elle-même changeante. La régulation peut

être comprise comme un principe de fonctionnement du système, une finalité, qui impose en

quelque sorte sa logique aux autres dimensions de la configuration et donc aux choix des

joueurs dans cette configuration.

Nous pouvons donc reformuler notre hypothèse de la façon suivante: entre la fin de la

Deuxième Guerre mondiale et aujourd'hui, il y a eu une reconfiguration du système

médiatique mondial dont fait partie l'AFP, en conséquence, les règles du jeu qui régissent

l'action des journalistes et que, par leur action, ils contribuent en retour à reproduire et à

modifier, s'en sont trouvées profondément modifiées. Plus précisément, la configuration

médiatique que forme l'environnement médiatique mondial et le jeu des acteurs (niveau

macro sociologique) s'est caractérisée depuis les années cinquante par le passage d'une

12 Corcuff Philippe, Les nouvelles sociologies : constructions de la réalité sociale, Armand Colin,coll. 128, Paris, 2004.63 Crozier, Michel, Friedberg, Erhard, L'acteur et le système, le Seuil, Point Essais, Paris, 1977, page286.

31

régulation à dominante politique vers une régulation à dominante économique. Dans les

années cinquante et soixante, l'AFP (et ses journalistes) fait des choix stratégiques orientés

vers une finalité politique, quitte à ce que ces choix paraissent irrationnels du point de vue

d'une finalité économique. Depuis quelques années, ces choix sont davantage conditionnés et

justifiés par des calculs économiques et commerciaux. Suivant notre hypothèse, le

déplacement progressif d'une configuration à régulation politique du système de production

de l'information à une configuration à régulation économique (1990-2005) s'accompagne

d'une modification de la pratique et de l'identité journalistiques. Cette hypothèse sera

développée ultérieurement.

Le changement du mode de régulation de la configuration amène l'agence (niveau meso

sociologique) à faire des choix différents, à modifier ses stratégies et ses politiques. Ce sont

ces changements de nature organisationnelle qui amènent les journalistes à donner à leurs

pratiques concrètes des inflexions nouvelles.

Le niveau micro sociologique se situe du point de vue des individus, les correspondants

étrangers de l'AFP et à leur expérience individuelle. Nous posons comme seconde hypothèse

que le changement de configuration induit indirectement (c'est-à-dire suivant les choix

stratégiques de l'agence) une transformation des pratiques et de l'identité journalistique.

Chaque configuration correspondant à des pratiques et identité journalistiques spécifiques.

1.2 La méthode idéale typique : définition et cadre d'application

Le passage d'une configuration politique à une configuration à régulation économique s'opère

sans rupture apparente, comme un déplacement progressif le long d'un continuum. La

méthode idéal-typique proposée par Max Weber facilite l'analyse de tels phénomènes socio -

historiques. Elle consiste, en l'occurrence, à élaborer une représentation théorique épurée (un

idéal-type) de chacune de ces configurations (politique et économique) définies en opposition

l'une par rapport à l'autre, de manière à les poser comme les deux extrémités d'un continuum.

Ces deux extrémités (ces types conceptuellement purs) sont théoriques ; elles n'existent pas

dans la réalité, en tout cas elles ne se présentent pas dans la réalité sous cette forme épurée ;

32

elles servent plutôt de balises ou de repères théoriques et méthodologiques pour guider

l'observation. La recherche empirique consistera à montrer que, de la fin des années quarante

jusqu'aux années soixante, la configuration « réelle » se rapproche davantage du type pur

« configuration à régulation politique » alors que, depuis les années quatre-vingt-dix, le mode

de fonctionnement de l'environnement médiatique mondial se rapproche davantage du pôle

« configuration à régulation économique ». Reste à expliquer pourquoi et comment on est

passé de l'un à l'autre.

La méthode idéale-typique formalisée par le sociologue Max Weber permet de constituer une

vision globale et pertinente de la nature des interactions passées et en cours entre les formes

de pratique et d'identité du journalisme d'une part, et les transformations de l'environnement

international de l'information et de l'entreprise médiatique au cours du temps historique,

d'autre part.

La méthode idéal-typique est particulièrement utile dans le champ des sciences sociales qui

ont à éclaircir le fonctionnement et la nature d'un monde particulièrement complexe : le

monde social. Max Weber a tenté, en proposant cette méthode de résoudre les problèmes

soulevés par les écarts - souvent importants - entre la réalité sociale telle qu'elle peut être

observée ou mesurée et les représentations, globalisantes ou partielles, que sont les théories et

les modèles. Au lieu de chercher à réduire ces écarts à tout prix, ce qui reste la stratégie de

recherche la plus répandue, Max Weber64 a, au contraire, cherché sinon à les amplifier du

moins à les rendre le plus évident possible eh les construisant volontairement et

méthodiquement. C'est alors dans la compréhension de la nature et de la signification de ces

écarts que se joue en bonne partie le progrès des connaissances sur le monde social.

Construire un idéal type, c'est donc accentuer « unilatéralement » tel ou tel caractère de

l'objet étudié, choisir quelques critères particulièrement significatifs, mais isolés et bien

identifiés, puis construire ainsi une figure idéale du phénomène social auquel on s'intéresse.

L'idéal type n'a pas vocation à décrire la réalité. Son principe est de produire des concepts les

64 Weber, Max, « L'objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales », in Essaissur la théorie de la science, Pion / Presses Pocket, coll. « Agora », n° 116, 1992, pp. 117-201.

33

plus univoques possibles afin de les comparer à la réalité sociale constituée en objet de

recherche.

Nous proposons d'utiliser la méthode idéale typique pour présenter deux configurations de

l'environnement médiatique mondial. Nous avons construit chaque idéal type des

configurations en isolant quatre critères qui nous apparaissent particulièrement significatifs et

que nous avons énumérés au début de ce chapitre : la « densité » du système (le nombre et la

diversité des acteurs), la nature et l'intensité de la concurrence à laquelle la configuration

donne lieu, les modes de transmission de l'information et finalement le mode de régulation de

la configuration. Nous procédons à la définition de deux idéal types correspondant à deux

périodes : un premier idéal type correspondant à la configuration A et un second idéal type

correspondant à la seconde configuration (configuration B) qui caractérise la génération

d'agenciers qui ont expérimenté les deux types de configuration de l'environnement

médiatique.

Section 2 - Définition des idéal-types

Dans la configuration A, les quatre dimensions évoquées précédemment se caractérisent, par

hypothèse, de la façon suivante :

• un nombre restreint de joueurs, auxquels correspond une offre d'information

relativement limitée ;

• une concurrence circonscrite et homogène ;

• des techniques de transmission peu fiables, laborieuses et limitées ;

• une régulation de la configuration à la fois politique et commerciale.

La configuration B se caractérise par hypothèse, de la façon suivante :

• un grand nombre de joueurs dans le système et une offre d'information surabondante ;

• une concurrence nébuleuse et hétérogène ;

• des techniques de transmission quasi simultanée, sûres, au volume illimité ;

• une régulation de la configuration à dominante commerciale.

À la lumière de ces quatre critères, nous allons examiner notre objet à chaque niveau

d'analyse; l'environnement médiatique mondial (niveau macro sociologique), l'agence de

presse (niveau meso sociologique) et au niveau micro sociologique, les journalistes (la

dépêche, les pratiques journalistiques et l'identité professionnelle du journaliste). Pour chaque

niveau nous allons esquisser un idéal-type. Il s'agit en somme d'élaborer un réseau

d'hypothèses à partir duquel nous pourrons ensuite entreprendre l'analyse empirique de notre

objet d'étude.

2.1 L'environnement médiatique

1

2

3

4

Configuration A

Faible concurrence

Concurrence homogène

Transmissions fragiles, au volume limité

Offre d'information limitée

Configuration B

Hyper-concurrence

Concurrence nébuleuse et hétérogène

Techniques de transmissions quasi-simultanées, sûres au volume illimité

Offre d'information surabondante

1- L'Agence France Presse fait face à une concurrence relativement faible lors de la

configuration A en comparaison de la concurrence à laquelle elle est confrontée aujourd'hui.

En effet, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la concurrence est circonscrite aux

quatre autres agences internationales, AP, Reuters, UPI et TASS. Les concurrents de l'AFP

sont donc des acteurs aisément identifiables. Le passage d'une configuration à l'autre se

traduit par une intensification de la concurrence, au point que nous pouvons qualifier le

contexte dans lequel évolue l'AFP aujourd'hui d'hyper concurrentiel.

2- La configuration A se caractérise également par une concurrence homogène. Les

concurrents de l'AFP ont un principe de fonctionnement relativement similaire et produisent

des informations dont la nature et le format sont comparables. Mais la multiplication des

supports de diffusion de l'information et le processus de concentration des entreprises de

presse ont modifié considérablement la nature de la concurrence, nous pouvons donc qualifier

la concurrence de l'AFP au sein de la configuration B de nébuleuse et hétérogène.

3- La configuration A se caractérise par la faillibilité des moyens de transmission. Limités et

fragiles, ils ne permettent pas aux agences de varier les contenus et les formats de

l'information. Puis, les innovations techniques se multiplient et participent du processus de

reconfiguration de telle manière que la transmission des dépêches se fait à un rythme

extrêmement rapide lors de la seconde configuration.

4- Au sein de la configuration A, la production de l'information est le fait d'un petit nombre

d'acteurs, les agences et quelques correspondants étrangers de grands journaux et de radios,

tandis que la production de l'information, au sein de la configuration B, est assumée par une

diversité et une multiplicité d'acteurs, parmi lesquels, les agences de presse internationales,

régionales et nationales, mais également les chaînes d'information en continu et les sites

Internet.

36

2.2 L'entreprise : l'Agence France Presse

1

2

3

4

5

Configuration A

Organisation de l'entreprise centralisée

Ingérence de l'État dans la gestion del'Agence France Presse

Une couverture des desks déterminée par lesintérêts politiques de la France.

Contrôle de la copie réalisé a posteriori parle siège

Clientèle homogène et constituée des médiaspresse écrite et radio

Configuration B

Organisation régionale de la production

Intervention plus limitée de l'État dans lagestion de l'AFP

Les intérêts français ont une incidence relativesur le contenu des dépêches.

Contrôle de la copie réalisé a priori et a

posteriori par le siège

Clientèle diversifiée, média et hors média

1- Dans le cadre de la configuration A, l'organisation de l'Agence France Presse est

centralisée, tous les services et les postes décisionnaires de l'agence ainsi que les services de

traduction sont situés au siège de l'agence, place de la Bourse, à Paris. Le processus de

reconfiguration s'accompagne d'une décentralisation de la production et de la distribution des

dépêches. Lors de la configuration B, la couverture de l'information par l'agence s'effectue

selon un nouveau mode d'organisation, l'AFP compte cinq bureaux régionaux : une région

Europe-Afrique dont le bureau régional est à Paris, la région Moyen-Orient dont le bureau

régional est à Nicosie (Chypre), la région Amérique du Nord dont la direction régionale se

situe à Washington et la région Amérique Latine dont le bureau régional se situe à

Montevideo.

2- Dans la configuration A, l'AFP est un organisme public, et bien qu'en 1957, son statut

devienne mixte, elle reste dépendante économiquement des abonnements de l'État. Les

rapports de dépendance économique qui lient l'AFP à l'État français ont des conséquences

importantes sur le fonctionnement, l'organisation et la position de l'agence sur le marché

mondial de l'information. La configuration A se caractérise par une mainmise de l'État sur la

gestion de l'Agence France Presse. Dans la configuration B, bien que l'État reste le principal

bailleur de fonds de l'agence, sa participation au budget de l'agence est proportionnellement

moins importante en comparaison de la configuration A. Par ailleurs, son intervention dans la

gestion de l'AFP est moindre en comparaison de la configuration A.

37

3- Lors de la configuration A, la couverture de l'information est affectée par des critères

politiques et idéologiques. Ainsi, certains pays liés historiquement et politiquement à la

France sont intégrés dans la zone géographique française. Ce sont donc les intérêts politiques

de la France qui déterminent la couverture de chaque desk, souvent en dépit de la logique

géographique, ce qui n'est plus le cas dans la configuration B.

4- En matière d'information internationale, le siège exerce une tutelle sur la production des

bureaux étrangers lors de la configuration A. La rédaction en chef centrale contrôle en effet la

production et la diffusion des dépêches issues de l'étranger. Le contrôle se fait a posteriori de

la production de la dépêche, les techniques de transmission ne permettant pas un contrôle a

priori. Lors de la configuration B, le contrôle de la copie est effectué non seulement a

posteriori mais également a priori par le siège et par le bureau régional.

5- Lors de la configuration A, la clientèle de l'AFP est constituée d'une part des services

publics usagers de l'État, et d'autre part des titres de presse écrite et de quelques radios. La

clientèle est donc relativement homogène contrairement à la configuration B où la clientèle de

l'agence est fortement diversifiée.

2.3 Les pratiques journalistiques

1

2

3

4

5

6

7

8

Configuration A

Autonomie par rapport au desk

Relative autonomie par rapport auxconcurrents

Evaluation sporadique de la copie

Un nombre limité de sources

Journalisme événementiel

Une course contre le temps ralentie par lafragilité des techniques de transmission

Rapports directs avec les sources

Le journaliste en tant que témoin est expert

Configuration B

Sous le contrôle du desk

Réflexivité

Evaluation rationalisée de la copie

Multiples sources

Journalisme situationnel

Le règne de l'urgence

Rapports indirects avec les sources

Recours aux experts

1- Lors de la configuration A, l'organisation centralisée de l'agence conjuguée aux difficultés

de transmission font que le journaliste est rarement en contact avec ses pairs de l'AFP, ni

même en contact avec la rédaction en chef centrale. Il travaille de manière autonome et exerce

un grand contrôle sur son propre travail. La situation est radicalement différente lors de la

configuration B, où le journaliste est en relation permanente avec le bureau local voire le

bureau régional dont il dépend via son téléphone portable ou par le biais de son ordinateur. Le

directeur du bureau est en mesure de diriger l'activité du journaliste sur le terrain. Les

journalistes deviennent des exécutants.

2- Lors de la configuration A, le journaliste dispose d'une certaine autonomie par rapport aux

concurrents. En comparaison avec la configuration B, le journaliste ne dispose pas de moyens

techniques lui permettant de prendre connaissance des productions de ses confrères en temps

réel. La réflexivité du journaliste - c'est-à-dire sa capacité à s'auto évaluer au regard des

informations produites par ses concurrents et d'adapter sa copie si besoin est - est donc très

faible. La configuration B place le journaliste dans une situation de réflexivité maximum. Le

journaliste est donc soumis à une double source de réflexivité, qui s'exerce d'une part depuis

le siège, et d'autre part depuis son propre bureau local. Le journaliste est en situation de

réflexivité en temps réel. Il suit ce que sort la concurrence et ajuste simultanément sa copie en

fonction de celle-ci.

3- Dans la configuration A, la copie agencière est soumise à une évaluation sommaire

contrairement à la configuration B, où l'AFP a mis en place un processus d'évaluation

rationnel.

4- Dans la configuration A, les journalistes disposent d'un nombre limité de sources : presse

locale, interlocuteurs privilégiés et sources officielles. La reconfiguration s'est accompagnée

d'une multiplication des sources d'information de l'agence. Lors de la configuration B, les

journalistes dispose de sources d'information supplémentaires telles les chaînes d'information

en continu et Internet.

39

5- Au sein de la configuration A, le travail du journaliste est centré sur l'événement. Si le

journaliste peut effectuer des analyses et des commentaires de l'événement, il produit

rarement des dépêches portant sur une situation sans qu'un événement en soit le prétexte. Lors

de la configuration B, si le journaliste continue de produire des dépêches portant strictement

sur l'événement, il produit également de nombreuses dépêches d'analyse. Non seulement il

narre l'événement, mais il donne des indications sur le contexte, sur les causes et les

conséquences, il facilite la compréhension de l'événement par le public.

6- Lors de la première configuration, les moyens de transmission disponibles ne permettent

pas de transmettre un grand nombre de mots de manière rapide et sûre. Par ailleurs, les

concurrents de l'AFP ne disposent pas de moyens de transmission plus rapides que ceux de

l'AFP. La course contre le temps se réalise donc à un rythme plus lent qu'aujourd'hui. En

effet, la configuration B se caractérise par le règne de l'urgence. La course contre le temps se

réalise extrêmement rapidement et s'évalue maintenant en secondes. La pression temporelle

s'est généralisée à l'ensemble de la production et s'exerce désormais sur la rédaction et la

diffusion des autres types de dépêches.

7- Au sein de la configuration A, le journaliste entretient des rapports directs avec ses sources,

contrairement à la configuration B, où les sources sont bien plus nombreuses et plus

diversifiées que dans la configuration précédente. Ainsi avec le développement d'Internet,

elles sont accessibles à tous et à distance. Le journaliste entretient donc des rapports indirects

avec les sources.

8- Le journaliste de la configuration A étant considéré comme un expert en regard des

situations qu'il décrit et commente, il fait peu ou pas appel à des points de vue extérieurs, il

analyse et interprète les événements. Le journaliste de la configuration B doit produire un

grand nombre de dépêches d'analyse et dans un temps record, aussi fait-il appel aux experts

pour commenter l'actualité.

40

2.4 La dépêche

1

2

3

4

5

Configuration A

Écriture personnalisée et peu normalisée

Règne du factuel

Faible éventail des thématiques :l'information politique et générale sérieuseest privilégiée

Faible distinction entre les dépêches

Taille des dépêches peu normalisée

Configuration B

Écriture fortement normalisée

Faits et contexte associés dans une mêmedépêche

Large éventail des thématiques : thématiquesvariées.

Forte distinction entre les dépêches

Taille limitée des dépêches

1- L'écriture des dépêches telle qu'elle apparaît lors de la configuration A est personnalisée

et peu normalisée, contrairement à la dépêche de la configuration B où l'écriture

journalistique est universalisée.

2- La dépêche de la configuration A est essentiellement tournée vers l'événement, la dépêche

factuelle est le genre par excellence. La dépêche de la configuration B se distingue de la

première dans la mesure où elle associe narration des faits, présentation du contexte et

analyse.

3- Dans la configuration A, le champ thématique de l'information est relativement restreint.

L'information politique et l'information générale sérieuse constituent la matière principale de

la production de l'agence à privilégier l'information politique et diplomatique « sérieuse » à

l'information sociétale et au divertissement. Dans la configuration B, l'éventail des

thématiques abordées dans les dépêches est très large. Les thématiques politique et

diplomatique privilégiées dans la configuration A, sont concurrencées par l'économie, la

thématique société ou life style, le divertissement et le sport.

4- Dans la configuration A, l'AFP dispose d'un système de genre plutôt rudimentaire en

matière de dépêches contrairement à la configuration B, où la différenciation entre les

dépêches est extrêmement forte.

41

5- Dans la configuration A, en dépit des difficultés de transmission, la taille des dépêches est

relativement importante, contrairement à la configuration B, où la taille des dépêches est

limitée.

2.5 L'identité professionnelle journalistique

1

2

3

4

5

6

Configuration A

Journalisme masculin

Formation et culture générale, littéraire etpolitique

Mobilité des journalistes entre plusieursmédias

Journaliste indépendant du siège

Les journalistes conçoiventl'information comme un bienpublic

Les journalistes exercent unefonction de magister auprès deleurs lecteurs

Configuration B

Journalisme mixte

Formation professionnelle et techniquespécialisée

Fidélité à l'agence motivée notamment par laprécarisation de la profession

Journaliste sous surveillance

Les journalistes développent une conceptioncommerciale de l'information

Les journalistes se perçoivent commepourvoyeurs d'un bien marchand.

1- Au sein de la configuration A, les femmes journalistes sont peu nombreuses, elles ne sont

pas envoyées à l'étranger car elles sont considérées comme trop fragiles; par conséquent les

hommes constituent presque exclusivement le contingent des correspondants étrangers. Le

passage d'une configuration à l'autre s'est accompagné d'une accession des femmes aux

postes de correspondant étranger.

2- Le journaliste de la configuration A a reçu une formation de culture générale, littéraire et

politique. Le journaliste de la configuration B, quant à lui, dispose d'une formation

professionnelle et technique spécialisée.

3- Bien que le journaliste de la configuration A témoigne d'un attachement particulièrement

fort envers l'agence, la mobilité du journaliste de l'AFP à un autre média existe, le chômage

est très relatif, et le journaliste souhaite explorer d'autres formes de journalisme. Le

42

journaliste de la configuration B témoigne, quant à lui, d'un fort attachement à l'agence guidé

par des considérations matérielles.

4- Dans la configuration A, la technique ne permet pas à la rédaction centrale d'avoir un

contact régulier avec son journaliste, aussi le journaliste exerce son métier dans une grande

indépendance. Le journaliste travaille de manière autonome, et exerce un grand contrôle sur

son propre travail. Ce n'est pas le cas du journaliste de la configuration B, qui est sous la

surveillance permanente du bureau régional dont il dépend mais aussi de la rédaction centrale.

5- Dans la configuration A, les journalistes conçoivent l'information comme un bien

public tandis que dans la configuration B, l'information est essentiellement conçue

comme un bien marchand.

6- Les journalistes exercent une fonction de magister auprès de leurs lecteurs lors de la

configuration A, tandis que les journalistes de la configuration B considèrent qu'ils sont avant

tout des pourvoyeurs d'un bien marchand.

Section 3 - Méthodologie de la recherche

Notre démarche de recherche vise donc trois objectifs :

1. Identifier les évolutions dans la pratique et l'identité journalistique.

2. Établir les relations entre ces évolutions et les facteurs de changements supposés. Pour

cela nous dessinerons deux modèles idéaux typiques de configuration auxquels nous

associerons deux formes idéales typiques de journalisme.

3. Nous devrions être alors en mesure de déterminer l'origine et la nature du processus de

changement qui fait que les journalistes intègrent, luttent ou participent à l'évolution de leurs

pratiques et de leur identité journalistique.

Pour répondre à ces objectifs, nous avons conjugué trois techniques de recherche : des

entrevues semi-dirigées auprès des journalistes de trois générations; un stage d'observation

43

d'un mois dans le bureau de l'AFP au Caire et l'analyse d'une sélection de dépêches et de

documents internes de l'agence.

3.1 Le choix d'une méthode qualitative : l'entretien semi - directif auprès de 45

journalistes

Compte tenu des objectifs de notre recherche, nous faisons appel à la méthode qualitative de

l'entrevue semi-dirigée. Ce type d'entrevue nous permet de faire ressortir l'expérience et les

perceptions d'un informateur, en l'occurrence l'agencier exerçant à l'étranger, dans un

domaine spécifique, la production de l'information internationale dans un bureau étranger de

l'AFP. Cette méthode souple nous permet d'analyser le sens donné par les journalistes à leurs

pratiques actuelles ainsi qu'à leurs expériences passées.

3.1.1 Constitution de l'échantillonnage

Pour analyser les changements, il nous faut des points de comparaison dans le temps. La

composition de l'échantillon des journalistes porte sur trois groupes d'âge qui représentent

des « générations »65 différentes de journalistes. Pour chaque groupe d'âge, nous avons

interrogé quinze journalistes ayant exercé ou exerçant leur fonction à l'étranger. Comme nous

avons travaillé avec un petit échantillon, nous ne pouvons pas prétendre à sa représentativité

statistique; il n'empêche que les différences observées entre les trois groupes d'âge suffisent à

valider ou invalider nos hypothèses.

3.1.1.1 Le choix du critère générationnel

La génération peut être définie comme « une catégorie abstraite, un produit de l'imaginaire

social, qui contribue à classer et hiérarchiser les hommes au sein de la société et à organiser

65 Nous avons préféré employer le terme de « génération » plus usuel que celui de « cohorte » employéen démographie, le terme de génération est ici employé comme synonyme de cohorte de naissance, lacohorte de naissance se rapportant à un groupe de personnes nées pendant une période déterminée.

44

le temps » . Par génération, nous entendons désigner un ensemble d'individus appartenant à

un même groupe d'âge, dont la principale caractéristique est d'avoir été témoins

d'événements communs ou d'avoir participé à des expériences historiques communes, les

conduisant à développer une vision commune du monde. Le critère génerationnel nous semble

donc être le plus adéquat pour comprendre le processus de changement dans la production de

l'information en recueillant le discours de journalistes appartenant à trois générations

distinctes.

Afin d'obtenir des discours les plus caractéristiques qui soient, nous avons constitué des

catégories discontinues. La première catégorie est composée de journalistes en fin de carrière

ou en retraite (soixante ans et plus) dont la pratique s'est effectuée dans le cadre de la

première configuration, et qui, selon notre hypothèse, seront critiques en regard de l'évolution

des pratiques journalistiques, telles qu'ils les observent aujourd'hui, de l'extérieur. La

seconde catégorie est composée de journalistes encore en exercice qui ont dû s'adapter,

comme on le suppose, au changement de configuration (entre 45 et 55 ans) et qui, ayant

connu auparavant un contexte différent, sont susceptibles de nourrir un regard critique sur les

tendances nouvelles induites par le changement de configuration. La dernière catégorie est

composée des journalistes plus jeunes (de 25 à 40 ans) qui ont débuté leur carrière dans la

deuxième configuration et qui, pensons-nous, adoptent « naturellement », pourrait-on dire, des

pratiques et des conceptions en phase avec les exigences de la configuration économique.

3.1.1.2 Autres critères

Si le critère génerationnel est déterminant dans la constitution de la population étudiée, nous

avons également pris en compte d'autres critères dans l'échantillonnage de notre population

de journalistes. Nous avons construit notre échantillon avec la méthode dite des « choix

raisonnes », c'est-à-dire que nous avons composé notre échantillon au regard de variables

jugées pertinentes du point de vue de la représentativité de notre échantillon. C'est ainsi que

66 Attias-Donfut Claudine, «La génération, un produit de l'imaginaire social», in L'identité,l'individu, le groupe, la société, coordonnée par Jean-Claude Ruano-Borbalan, éditions SciencesHumaines, Auxerre, novembre 1999, page 157.

45

nous avons varié les lieux géographiques couverts par les journalistes, leurs fonctions

(journaliste rédacteur, envoyé spécial, directeur de bureau, directeur adjoint), leur statut

(local, régional et siège), leur sexe et leur nationalité. Nous présentons ci-dessous un tableau

décrivant le profil des journalistes interrogés.

Tableau descriptif des profils de journalistes interrogés

sexe

Femmes

Hommes

statut

statut siège

statut régional

statut local

stringer

nationalité

Français

Espagnol

Anglais

Libanais

Algérien

Poste occupé lors del'entretien

Journaliste au seind'un service

Directeur adjoint

Directeur de bureau

Totaux

Génération

25-40 ans

6

9

10

2

2

1

13

2

14

1

15

Génération

45-55 ans

4

11

15

12

1

1

1

12

3

15

Génération

60 ans et plus

2

13

14

1

15

6

4

5

15

Totaux

12

33

39

3

2

1

40

2

1

1

1

32

5

8

45

3.1.1.3 Les modes d'accès aux informateurs

46

Afin de mener nos entrevues, nous avons effectué des séjours en Amérique du Nord, en

Russie et au Moyen-Orient, nous permettant de mener des entrevues avec des journalistes en

poste à l'étranger au moment de l'entretien. Toutefois, compte tenu de notre localisation

géographique, une grande part de nos entrevues ont été menés à Paris, siège de l'AFP. Ceci ne

constitue pas une barrière à la réalisation de nos entrevues dans la mesure où l'AFP pratique

la polyvalence et l'alternance depuis 1978 en imposant une rotation entre la fonction

d'agencier au sein du siège et celle d'agencier à l'étranger selon un rythme de changement, en

principe quadriennal. Les journalistes que nous avons rencontrés au siège avaient occupé

plusieurs postes à l'étranger, et bon nombre d'entre eux sont repartis en poste à l'étranger entre

le début et la fin de l'enquête.

Nous avons essuyé un seul refus de participation à l'enquête. Les journalistes se sont montrés

vivement intéressés par notre travail de recherche, considérant que l'activité d'agencier était

méconnue et que les évolutions considérables de leur contexte de travail justifiaient leur

participation à cette recherche.

Enfin, précisons que nous avons effectué ces entrevues conformément aux règles éthiques

établies par le Comité d'Éthique de la recherche de l'Université Laval (CERUL)67.

3.3.2 Élaboration du plan d'entrevue

67 Conformément à ces règles, nous assumons pleinement les obligations éthiques qui incombent àtoute recherche portant sur des sujets humains. Les entrevues, d'une durée en moyenne d'une heure ettrente minutes, ont fait l'objet d'un enregistrement audio. Chaque participant pouvait mettre fin àl'entrevue en tout temps, sans avoir à fournir de raison, ni à subir de préjudice quelconque. Lesparticipants ont été prévenus que les propos recueillis lors de ces entrevues pouvaient être cités dansdes rapports de recherche ou des articles scientifiques produits par la chercheuse, mais dans le respectde leur l'anonymat. Les enregistrements audio seront détruits après le dépôt final de la thèse et lesVerbatim seront conservés sous forme anonyme et accessibles à d'autres chercheurs que sous cetteforme.

Pour garantir la confidentialité des personnes interviewées, les noms des personnes n'apparaissent suraucun document. Les personnes sont identifiées par un code ; seule la chercheuse a accès à la liste des •noms correspondants aux codes. Les propos des journalistes ne seront jamais versés à leurs dossiersd'employés. Un formulaire de consentement a été signé par chaque répondant. ( Annexe C-l)

47

Notre guide d'entrevue a été construit à partir des différents questionnements qui sous-tendent

notre recherche. Nous avons testé préalablement le guide d'entrevue dans le cadre d'entretiens

exploratoires auprès de cinq journalistes. Le guide d'entretien comportait les thèmes suivants :

• présentation des journalistes interrogés, de leur parcours et d'un bref descriptif de leurpratique

• fonction, statut et parcours professionnel de la personne interrogée

• formation, raisons de ce choix professionnel et de l'entreprise

• description d'une journée de travail

Le rapport aux sources

• description des sources utilisées

• la place des chargés de communication

La nature de l'information

• les critères utilisés dans la sélection de l'information

• l'évolution des thèmes couverts : nouvelles thématiques (notamment le « life style »),le fil people.

• le découpage de la copie

• le format et la nature des papiers : papiers factuels et papiers d'analyse, papiersprévus.

• l'encadrement du bureau de veille Alerte et analyse, le contrôle du desk sur la copie.

Les normes agencières et les principes de l'agencier

• les valeurs et principes du journaliste

• le manuel de l'agencier

L'écriture rédactionnelle

• le registre et le style

• le rapport au client et au lecteur

Les innovations techniques

• les évolutions techniques et leurs effets sur les pratiques du journaliste : revue desdifférents outils (tandy, télex, antenne satellite, biper, téléphone portable diversesgénérations, Internet; réseaux télévisés par câble ou satellite)

• les chaînes d'information en continu comme sources d'information, alerte.

48

• les chaînes d'information en continu comme concurrentes

• Internet comme source d'information

• Internet comme concurrent

La concurrence

• l'identification des concurrents

• la notion de suivisme entre les médias

Le journaliste et l'Agence France Presse

• l'attachement des journalistes à l'agence

• les spécificités de l'agencier par rapport aux journalistes exerçant dans un autre média;

• regard du journaliste sur la manière de pratiquer le journalisme d'agence dans le passéet maintenant.

L'évolution des contenus

• l'évolution de la demande des clients

• la thématique économique

• la thématique transnationale

• la thématique « société et divertissement »

Au terme de l'entrevue, des énoncés à qualifier ont été soumis à chaque journaliste68. Les

journalistes devaient qualifier dix-neuf énoncés portant sur des points particuliers, ne

demandant pas a priori un discours de leur part. Ces énoncés formulés sous la forme

d'affirmations « fortes » ont présenté un intérêt certain pour la recherche car ils ont donné lieu

à un discours spontané de la part des répondants. Les Verbatim recueillis lors de cet exercice

sont venus compléter ceux obtenus lors de l'entrevue.

3.2 L'observation participante : le bureau de l'AFP au Caire

1 Annexe C-2

49

3.2.1 Présentation du bureau

Le bureau dans lequel nous avons réalisé notre enquête de terrain est situé en Egypte, au

Caire. Ce bureau constitue avec onze autres bureaux69 le réseau de couverture de la région du

Moyen-Orient; ils sont tous sous la responsabilité d'un bureau régional, situé à Nicosie

(Chypre). Ce bureau régional emploie actuellement une soixantaine de personnes partagées

entre trois desks de langue, dont le desk général arabe.

Lors de l'enquête, le bureau du Caire comportait douze personnes de nationalité et de statut

très divers; auxquels s'ajoutaient deux journalistes soudanais du bureau détaché de Khartoum.

Seul le directeur disposait du statut siège, le reste de l'équipe était composé de deux

journalistes égyptiennes employées en contrat local depuis une dizaine d'années, une

journaliste française recrutée en statut régional depuis quinze jours rédigeant exclusivement

en anglais, deux journalistes égyptiens employés localement. Le directeur adjoint, employé en

statut local est fréquemment envoyé à Bagdad pour couvrir la résolution du conflit. Enfin, le

bureau compte également deux photographes, un égyptien et un chilien, et deux techniciens et

une secrétaire. Outre l'actualité égyptienne, le bureau du Caire couvre également le Soudan.

3.2.2 Les conditions de l'observation

Afin d'intégrer un bureau de l'AFP à l'étranger, nous avons effectué une demande de stage en

journalisme auprès de l'agence. Nous avons informé le directeur du bureau du Caire de notre

statut de chercheur et des objectifs généraux de notre recherche. Les autres journalistes du

bureau n'en ont été informés qu'au moment où nous leur avons sollicité un entretien. Nous

avons donc réalisé ce stage aux côtés de trois stagiaires en journalisme inscrits en troisième

année de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, ce qui nous permettait d'avoir un contact avec

déjeunes aspirants.

69 Les bureaux du Moyen-Orient sont situés à Amman, Bagdad, Beyrouth, Damas, Doha, Dubaï, Gaza,Jérusalem, Koweït, Riad et Téhéran

50

Notre statut de stagiaire en journalisme nous laissait toute liberté de prendre des notes sur les

pratiques et les comportements des différents acteurs du bureau. Quelques jours avant la fin

de notre période d'observation, nous avons procédé à des entrevues semi-dirigées avec les

journalistes du bureau.

3.3 Analyse documentaire

3.3.1 L'analyse d'un nombre limité de dépêches

Le texte journalistique, ici la dépêche, porte les traces de l'identité journalistique70 mais

également des pratiques journalistiques qui sont à l'origine de ces dépêches. Aussi l'analyse

d'un certain nombre de dépêches est un outil complémentaire dans la compréhension des

pratiques et de l'identité de l'agencier. Nous avons eu un libre accès aux archives de l'AFP au

siège de l'agence, toutefois l'archivage des dépêches sous un mode thématique ne facilite pas

une analyse diachronique de la dépêche.

Nous ne prétendons pas procéder à une analyse de contenu, ni même à fournir une analyse

exhaustive des dépêches de l'AFP. Nous avons procédé à une sélection raisonnée des

dépêches en fonction de nos hypothèses, nous avons porté un intérêt tout particulier au style

d'écriture, au format, à la longueur pour l'ensemble des dépêches, et nous avons souhaité

disposer, pour les dépêches récentes, des différents formats de dépêches diffusées

actuellement par l'agence.

3.3.2 Les manuels de l'agencier

Nous avons procédé à une analyse des trois manuels de l'agencier publiés respectivement en

1971, 1982 et 2004. Le manuel de l'agencier regroupe l'ensemble des règles journalistiques

70 Charron, Jean, « Parler de soi en faisant parler les autres. Identité journalistique et discoursrapporté ». In Rieffel, Rémy et Watine, Thierry. Les mutations du journalisme en France et auQuébec. Paris: Éditions Panthéon Assas. 2000b, pp. 83-117.

51

prescrites par la rédaction en chef et constitue à ce titre un outil particulièrement pertinent en

vue d'analyser l'évolution des normes et des pratiques rédactionnelles.

3.3.3 Les documents disponibles sur le réseau intranet de l'AFP : ASAP71

Au cours de l'enquête de terrain, nous avions un libre accès au réseau intranet de l'Agence

France Presse, ASAP, qui s'est révélé une source d'information particulièrement riche tant par

la diversité des acteurs qui interviennent sur ce réseau, que par l'exhaustivité des informations.

En effet, tous les documents publiés ces sept dernières années sur le réseau sont conservés;

outre la rédaction en chef centrale qui diffuse un grand nombre de documents normatifs

{Manuel de l'agencier, rapport de couverture, mise à jour des normes en fonction de

l'évolution de l'information, communication à l'ensemble des salariés, nominations), d'autres

acteurs interviennent sur le réseau : les syndicats, la direction $ Alerte et Analyse, un comité

créé pour l'équité homme-femme en termes de recrutement, etc.. .

71 ASAP est aussi l'abréviation en anglais de « as soon as possible », une indication supplémentaire del'importance accordée à la rapidité par l'agence ?

52

-CHAPITRE 3- L'ENVIRONNEMENT ET L'AGENCE :

D'UNE CONFIGURATION À L'AUTRE

Michael Palmer et Boyd Barrett ont mené une étude particulièrement pertinente sur

l'évolution de l'AFP et sur ses consœurs étrangères. D'autres ouvrages sont venus s'ajouter à

cette étude et ont procédé à une analyse de l'évolution de l'Agence France Presse. Ce chapitre

n'a pas pour objectif de relater l'histoire de l'agence, mais plutôt de souligner à travers

l'évolution du statut et du financement de l'agence, le passage d'une configuration à

régulation politique conjuguée à une concurrence relativement limitée, à une autre

configuration, où les préoccupations commerciales et de rentabilité ont progressivement

préséance sur les « calculs » politiques.

Section 1 - Une gestion étatique de l'agence

La création de l'AFP s'inscrit dans une configuration médiatique où les rapports entre les

différents acteurs s'établissent en fonction de priorités essentiellement politiques. Outre la

relance du secteur informationnel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'État

français voit dans l'AFP, le moyen d'affirmer sa présence à l'étranger.

1.1 La naissance de l'agence

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'État est le bâtisseur de la reconstruction de la

France en matière d'information. Il promulgue des lois et des ordonnances qui réorganisent le

système informationnel de la France et subventionne largement cette reconstruction. L'État

justifie ses mesures comme le seul moyen permettant de redresser le système informationnel

français, et notamment afin d'en garantir la transparence et l'objectivité. En s'arrogeant lui

seul la relance du secteur informationnel, il va instaurer un contrôle absolu du contenu dans

les secteurs de la radio et de la télévision (monopole sur la radio en mars 1945 puis sur la

télévision en 1949). Les premières manifestations de cette implication voient le jour lors du

processus de décolonisation des anciens territoires français.

L'Office français d'information qui avait été créé par le gouvernement de Vichy à

partir de la branche Information de l'agence Havas devient l'Agence France Presse par

les ordonnances du 30 septembre 1944 et lui donne provisoirement le statut

d'établissement public administratif. Les ordonnances visent notamment à permettre le

développement de la presse libre en dehors de toute emprise d'une puissance

économique ou politique. L'ordonnance du 30 septembre 1944 créé un organisme

provisoire chargé de recueillir l'information et de la diffuser en France et à l'étranger.

L'Agence France Presse est un établissement public doté d'une personnalité civile et

de l'autonomie financière. En réalité l'agence ne parvient pas à être autonome

financièrement. Bien qu'héritière d'Havas, l'AFP n'a pas hérité de sa branche

publicité, ce qui la rend financièrement dépendante de l'État dans la mesure où les

abonnements publics (ministères et ambassades notamment) et la subvention du

ministère de l'information constituent la recette principale de l'agence.

Ponctuellement, l'État ajoute par ailleurs des subventions supplémentaires pour

combler le déficit budgétaire. L'État est à la fois le principal bailleur de fonds et le

principal client de l'agence. Les rapports de dépendance économique qui lient l'AFP à

l'État français ont des conséquences importantes sur le fonctionnement, l'organisation

et la position de l'agence sur le marché mondial.

Pendant douze ans, l'AFP dispose d'un statut provisoire qui la place sous la dépendance

financière et administrative du gouvernement. Le gouvernement peut nommer et révoquer à

son gré le directeur de l'agence, ce qu'il ne manquera pas de faire, puisque l'AFP change de

directeur sept fois en neuf ans. Palmer et Boyd Barrett évoquent à ce propos « la valse des

directeurs » et relatent avec force témoignages dans leur ouvrage, les nominations

« politiques » successives à la tête de l'agence. La nomination d'Yves Morvan dit Jean Marin

à la tête de l'agence en 1954 met fin à cette instabilité de la direction, il occupera en effet ce

poste pendant près de vingt ans.

54

1.2 Le statut de 1957 : la mainmise de l'État perdure

Si l'état du système informationnel français pouvait justifier l'intervention de l'État après la

guerre, une décennie plus tard, son intervention se justifie plus difficilement. Pour autant,

l'État va conserver sa mainmise sur l'AFP tout en donnant l'apparence d'une nouvelle

indépendance par le vote d'un nouveau statut de l'agence en 1957.

Le statut de l'Agence France Presse est revisité et passe sous le contrôle conjoint de l'État et

de la presse française. Il est composé de deux organismes. L'agence dispose d'un conseil

d'administration composé de quinze membres, huit représentants des directeurs d'entreprises

françaises de publication de journaux quotidiens désignés par les organisations

professionnelles, deux sièges réservés aux représentants de l'ORTF (Office de radiodiffusion

télévision française), trois sièges destinés aux représentants des établissements publics et des

ministères abonnés à l'agence, et enfin deux sièges réservés aux représentants du personnel.

Quant au conseil supérieur, il veille au respect des obligations de l'agence : veiller à

l'objectivité de l'information, fournir une information exacte, impartiale et digne de confiance

à ses clients français et étrangers et s'assurer de l'existence d'un réseau d'établissements lui

conférant le caractère d'un organisme d'information à rayonnement mondial. Il est composé

de huit membres : son président, un magistrat de la Cour de cassation, deux représentants des

directeurs d'entreprises de publication des journaux quotidiens désignés par les organisations

professionnelles les plus représentatives, un représentant de la radio-diffusion télévision

française, et deux membres cooptés (l'une parmi les personnalités ayant exercé de hautes

fonctions à l'étranger, l'autre ayant exercé de hautes fonctions outre-mer). Enfin s'ajoute à ces

deux organismes, une commission financière chargée de la gestion financière de l'agence

composée de deux membres de la Cour des comptes et d'un expert nommé par le ministre des

Finances. La composition du conseil d'administration pourrait laisser penser à une

prééminence des entreprises de presse sur l'administration de l'Agence France Presse, mais la

composition des deux autres organismes met en exergue l'intervention de l'État dans la

direction de l'agence. Ce statut place l'agence en porte-à-faux vis-à-vis de la concurrence

dans la mesure où l'AFP est la seule agence mondiale à entretenir de tels rapports de

dépendance vis-à-vis de l'Etat. «L'environnement doctrinal gui a entouré l'élaboration du

statut relève d'une tradition très française, fort éloignée de la volonté farouche des médias

anglo-saxons de tenir l'État à distance »72.

À plusieurs reprises, les journalistes de l'AFP tentent de faire modifier le statut de l'agence

sans jamais y parvenir. Ainsi en mai 1968, une assemblée générale des journalistes de l'AFP

vota par 286 voix contre 133 (avec 24 abstentions et 550 inscrits) une résolution critiquant le

statut inadapté et réclama un nouveau statut garantissant la représentation majoritaire du

personnel et l'indépendance financière de l'agence. À chaque crise interne de l'agence et à

chaque nouvelle nomination du directeur général, la question du statut de l'AFP est évoquée,

mais rarement entendue par les dirigeants. Le 19 juin 2006, Pierre Louette, à la tête de l'AFP

depuis décembre 2005 affirme : « Dès mon arrivée, j'ai précisé que je n 'avais aucune

vocation à réformer les statuts de l'agence. Cela ne fait pas partie de mes préoccupations. Je

note juste que les statuts de l'AFP n 'ont pas empêché l'agence de vendre ses produits à

l'international et d'être probablement la première agence généraliste en Asie et au Moyen-

Orient. En outre, ces statuts sont sévères sur l'éthique et la déontologie journalistique, des

valeurs plus que jamais indispensables dans le monde actuel de l'information de masse. »

Dans la mesure où elle est financée majoritairement par l'État, et que son statut permet

à l'État d'imposer ses dirigeants, l'Agence France Presse apparaît aux yeux de ses

clients, des acteurs internationaux comme de ses concurrents comme une agence au

service de l'État français et est surnommée la « soft Tass » en référence à l'agence

nationale russe TASS. Michael Palmer souligne que la réputation de l'AFP a été

particulièrement mise à mal du fait même des hommes politiques français. « A aucun

moment il y a eu en France une analyse réelle de la situation de l'AFP. Les membres

du gouvernement ont examiné le cas de l'agence dans les moments de crise du

« dossier l'AFP » davantage comme un exercice de gestion de crise que comme la

gestion d'opérations complexes sur les positions nationales et internationales de

72 Pigeât, Henri, Les agences de presse, institutions du passé ou médias d'avenir ?, La DocumentationFrançaise, 1997, page 91.

"Louette, Pierre, « L'AFP ne perdra pas d'argent en 2006 », Le Figaro, 19 juin 2006, page 29.

56

l'AFP. Les considérations franco-françaises déforment les visions des dirigeants

français, ce qui ne contribue pas à la réputation internationale de l'AFP, et détruit la

réputation soigneusement acquise grâce à la crédibilité de ses informations »1A.

L'AFP constitue un outil de la diplomatie française. Les rapports qu'entretient l'AFP

avec l'Etat est une spécificité de l'agence, en effet les agences de presse à dimension

internationale présentes en 1945 n'entretiennent pas de tels rapports de dépendance

avec l'État.75

L'agence subit de nombreuses critiques sur les liens étroits qu'elle entretient avec l'État

français non seulement de la part des journalistes extérieurs à l'agence mais également de la

part des dirigeants de l'agence, après qu'ils aient quitté leurs fonctions. Ainsi, M. Nègre

dénonça dans un article paru dans le Monde en date du 24 mars 1948, la dépendance de l'AFP

à l'État qui ne lui permettait pas de fonctionner en toute indépendance. Des journalistes

exerçant dans des quotidiens français critiquent les rapports étroits entre l'agence et l'État,

Albert Mousset dans le Monde du 28 février 1952 remet en question les rapports entre le

gouvernement français et l'AFP : «Ainsi au moment où la libre circulation des informations

est solennellement proclamée par les organismes internationaux, ONU, UNESCO, etc., les

démentis et les mises au point sont moins recevables qu 'ils ne le furent jamais, et, les

déformations les plus grossières de la vérité viennent encore aggraver la tension politique

entre l'Est et l'Ouest (...) Le problème de l'agence d'Etat reste épineux, d'abord parce que

les partis y voient - à tort ou à raison- une position clé qu 'ils se disputent ou cherchent à

noyauter, ensuite parce que l'agence a cessé d'être le circuit obligatoire de la grande

information par suite du développement de la technique des communications » . Gilles

Martinet, journaliste à l'Observateur publie deux articles (21 et 28 février) dans lesquels il

remet en cause le système même de l'AFP.

74 Palmer, Michael. «At no time was there a considered analysis in France of the situation at AFP.Government politicians examined in times ofcrisis of 'AFP file ' as an exercise in crisis -management,rather than a considered understanding of AFP 's complex national and international opérations andstanding. Franco-french considérations regrettably distort the visions of government politicians,which doès not help the international reptutation of AFP, and undoes the painstakingly acquiredréputation for credibility».75 Au lendemain de la seconde guerre mondiale, hormis l'AFP, les quatre autre agences mondiales,Reuters, AP, UP et INS disposent d'un statut différent de l'AFP, qui les placent en dehors de la tutellede l'État. Ainsi AP (Associated Press) est une coopérative à but non lucratif, UP (United Press) et INS(International News Services) sont des coopératives fondées par les propriétaires de grands journaux.Quant à Reuters, elle constitue une quasi-coopérative sous le contrôle de NPA et PA. En 1958, UP etINS s'allient pour former l'agence de presse UPI et adopter un statut privé et commercial.76 Études de presse, « la presse à travers la presse », Paris, 1952, page 316.

57

L'agence affiche une ambition d'agence internationale et étend son réseau de couverture à

l'étranger. Le 1er octobre 1958, l 'agence ouvre un bureau à Pékin, dix ans plus tard, l 'agence

ouvre un service en arabe (1 e r janvier 1969). Toutefois, le statut et l 'organisation vont freiner

ces ambitions d'agence internationale. L'organisation de l 'agence est centralisée, le siège,

Place de la Bourse est constitué du desk central de l 'agence, où s'effectuent la réception de

toutes les dépêches des quatre coins du monde et également le travail de réécriture. L 'AFP est

la plus centralisée des agences internationales. « Cette concentration importante a été justifiée

par l'AFP parce qu'elle lui permet une plus grande commande et permet des économies

d'échelle : par exemple, la main d'œuvre, même la main d'œuvre spécialisée, peut être

déplacée d'un bureau à un autre en fonction des besoins » . Si les services de l 'AFP

distribués aux clients français sont diversifiés, la copie distribuée par l 'agence aux clients

étrangers est identique, l 'agence se contente de la traduire en plusieurs langues par ses

services. «Les clients hors de France ne reçoivent, en général, qu'un service unique,

transmis de Paris au centre régional dont ils dépendent ; le bureau local n 'y ajoute rien ou

peu de choses »78.

1.3 L'état de la concurrence

L'État organise la concurrence sur le plan national de l 'agence. En effet les ordonnances

décident la suppression de six autres agences de presse existant sur le territoire national. Sur

le plan national, outre l'ACP, l'AFP se heurte à deux agences étrangères concurrentes, AP et

Reuters qui ont développé des services en français, mais ne visent pas les mêmes objectifs. Si

AP tente de vendre ses informations en français sur la France, Reuters et UPI concentrent

leurs efforts sur la vente des informations étrangères en langue française.

77 Boyd Barrett, Oliver, The International News Agencies, page 80 : « This heavy concentration wasjustifiée by AFP on the grounds that it gave it greater control and permitted économies ofscale : forinstance, manpower, even «specialist » manpower, could be rotated from desk to desk as the needarose » (traduction réalisée par l'auteur).78 Boyd Barrett, Oliver, Palmer, Michael, Le trafic des nouvelles, les agences mondialesd'information, éd. Alain Moreau, Paris, 1981, 712 pages

Au dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle, les agences de presse avaient conclu

un accord afin de se partager la couverture informationnelle mondiale. Bien que les agences

de presse mettent fin au cartel en 1934, dix ans après les aires géographiques couvertes par

chaque agence sont encore marquées par les lignes de partage. Ainsi, l'AFP en tant

qu'héritière de l'agence Havas voit son implantation actuelle fortement marquée par celle

d'Havas : l'AFP est aujourd'hui fortement implantée en Amérique Latine (dans le partage du

monde, des aires de couverture, l'Amérique Latine était revenue à l'AFP).

L'AFP se heurte aux agences anglo-saxonnes, AP, United Press, INS qui n'ont jamais cessé

de fonctionner et ont donc connu une expansion conséquente pendant la guerre. La période

d'après-guerre est également marquée par la création de nombreuses agences nationales, ainsi

l'agence allemande DPA (Deutsch Press Agentur) voit le jour en 1948, suivie par l'agence

égyptienne, MENA {Middle East News Agency). Les agences nationales ne constituent pas

une concurrence aux agences de presse internationales pour plusieurs raisons. L'agence

nationale peut avoir des visées essentiellement politiques comme ce fut le cas pour l'agence

espagnole EFE jusqu'à la fin du franquisme en 1975. D'autres agences comme l'agence

égyptienne MENA se destinent à être avant tout des agences régionales.

Le nombre réduit de producteurs de l'information internationale peut s'expliquer par la faible

diversité des supports et par l'inefficacité des moyens de transmission qui rend le travail des

correspondants difficile et peu rentable, particulièrement pour les journaux et les stations de

radio, qui s'en remettent aux agences. Les capacités réduites de transmission et le petit

nombre d'acteurs font de l'information internationale une denrée rare et valorisée. Ceux qui la

produisent, c'est-à-dire les agences de presse, sont donc en position de force et fixent l'agenda

international de l'information.

Section 2-1960-1990 : Entre crises et restructuration

L'avènement de la guerre froide avait scindé le monde des agences de presse en deux camps,

selon l'axe politique et idéologique Est-Ouest. Le bloc de l'Ouest réunit les agences

59

occidentales, AP, AFP, Reuter et UPI, qui font face à l'agence soviétique, TASS79, les enjeux

politiques étaient donc encore prééminents dans le fonctionnement du système médiatique

mondial et dans la stratégie de développement de l'AFP. Toutefois, avec la fin de la guerre

froide, les enjeux politiques vont s'amoindrir ; l'agence, confrontée à une concurrence de plus

en plus aiguë, va alors s'engager dans un processus de transformation de son mode de

production.

2.1 La remise en cause du système international de production de l'information

À la fin des années soixante-dix, l'UNESCO diffuse un rapport intitulé «News dépendance :

the case for a new world information order » (novembre 1977) qui précise que les

informations en provenance et au sujet des pays du Tiers Monde sont relatées dans des

perspectives ethnocentriques et confirment l'idée selon laquelle la vision de la réalité des pays

tiers mondistes est structurée à partir de la demande des pays occidentaux. Cette thèse est

confirmée par Oliver Boyd Barrett et Michael Palmer au cours de leur enquête publiée sous le

titre de « Trafic des Nouvelles » dans laquelle ils soulignent que les agences d'information

réorganisent le flux événementiel, produisant ainsi des catégories, créant une hiérarchie. Ce

débat a placé au centre les agences de presse occidentales, dont l'AFP, soulignant le

déséquilibre Nord Sud en termes de flux informationnels et posant plus largement la question

de l'influence des médias dans la représentation sociale que le public se fait du monde.

2.2 Informatisation et décentralisation de l'agence

L'AFP à l'instar de ses principaux concurrents, AP et Reuters, informatise son système de

production de l'information, réalise au cours des années soixante-dix et des années quatre-

vingt de lourds investissements technologiques et crée de nouveaux produits.

Le 9 octobre 1973, le conseil d'administration décide l'informatisation de la rédaction, deux

ans plus tard, le 25 novembre 1975, les syndicats signent un protocole sur l'informatisation du

1 TASS, Telegrafnoïe Agvenstvo Sovetskovo Soïouza,, est fondée en 1925.

60

desk, le processus d'informatisation peut alors débuter, le desk latino-américain est le premier

à être informatisé en 1976. Les concurrents de l'AFP procèdent eux aussi, à l'informatisation

de leur production ; Reuters s'était engagé la première dans l'informatisation dès 1964 ; quant

à AP, elle procède à l'informatisation de ses réseaux de distribution quelques années avant

l'AFP (1972). Au début des années quatre-vingt, l'AFP débute une seconde phase

d'informatisation et accélère son développement technique. Ainsi elle inaugure le 1er janvier

1981 la banque de données Agora sur la base des dépêches de l'AFP, le 15 octobre 1984,

l'agence crée le service audio AFP, qui sera complété quelques mois plus tard, par la création

d'un service photographique international (le 1er janvier 1985).

C'est à cette même période, que la direction de l'agence entend procéder à une réorganisation

du système de production de l'information. Elle procède à la décentralisation de ses services

étrangers. La décentralisation peut être assimilée à une délocalisation de la production

informationnelle, cela permet à l'agence de disposer d'une main d'œuvre locale moins

onéreuse et de réduire les frais généraux. Par ailleurs, l'implantation de desks régionaux

répond également à des motifs d'ordre rédactionnel et commercial. Les journalistes d'un desk

régional sont plus à même de comprendre les centres d'intérêt des clients locaux et régionaux

et donc en mesure de produire une copie qui soit adaptée à leurs besoins spécifiques, ce que

confirme un directeur de bureau que nous avons interrogé : « Si on est à Paris, même si on a

un télescope, on n 'a pas une bonne vue : le diable niche dans les détails. »

Au terme de la décentralisation de l'agence en 1997, celle-ci compte cinq desks régionaux, le

desk Europe-Afrique situé au siège à Paris, ainsi qu'un desk latino-américain (Montevideo),

un desk Amérique du Nord (Washington), un desk Moyen-Orient (Nicosie), un desk Asie

(Hong Kong).

Toutefois, au sein de l'agence, la régionalisation s'est faite dans la douleur. Les journalistes

contestent la régionalisation considérant « qu 'elle n 'estpour la direction qu 'un moyen d'avoir

les mains libres à Paris et de recruter ailleurs un personnel docile et bon marché. » Par

ailleurs, ils jugent que le découpage régional répond davantage à des critères politiques que

géographiques comme le soulignent deux journalistes interrogés :

80 Huteau, Jean, Ullman, Bernard, AFP, Une histoire de l'Agence France Presse : 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992, page 456.

61

- La régionalisation, ça a été Yalta bis, saufqu 'à Yalta il y avait des critères.

- La régionalisation a un costume mal taillé.

- On [la direction] n 'apas vraiment réfléchi en termes d'un certain nombre de critères

invariables (...). // n'y a pas eu d'études scientifiques de la division régionale, on a

pratiquement entériné le fait accompli de l'histoire. Pourquoi l'Iran est-elle présente

au Moyen-Orient, quand la Turquie est présente en Europe, et l'Afghanistan en Asie ?

(...) C'est une division institutionnelle. A l'AFP on aime bien l'institutionnel.

Les journalistes de l'AFP acceptent d'autant moins la régionalisation des desks que leur

agence fait face à une crise financière qui conduit la direction à supprimer 300 emplois, soit

15% du personnel ainsi que les services magazines, écoutes et contrôle. 450 journalistes sur

les 750 employés par l'AFP fondent une société des rédacteurs. Après huit jours de grève,

Henri Pigeât, président directeur général de l'AFP, présente sa démission au conseil

d'administration de l'agence.

2.3 Crise économique et financière de l'agence

L'Agence France Presse connaît entre 1970 et 1990, une grave crise économique dont les

causes sont multiples.

Pour faire face à la concurrence, l'Agence France Presse a dû procéder à de lourds

investissements techniques que nous avons évoqués précédemment. Par ailleurs, elle a entamé

un processus de régionalisation de l'information, qui vise à terme l'augmentation des revenus

issus des médias étrangers, notamment en proposant une copie adaptée à leurs besoins. A ces

dépenses, s'ajoute la hausse des frais de collecte de l'information à l'étranger et les charges

salariales des journalistes, qui sont présentées par Henri Pigeât comme une véritable menace

pour la survie de l'agence.

62

Le déficit de l'agence ne cesse de se creuser, il s'élève à 31.5 millions en 1982, auquel

s'ajoute l'année suivante le coût des investissements techniques réalisés. En 1983, le déficit

de l'AFP correspond à 84,52 millions de francs, soit 10% de son chiffre d'affaires.81 La

dépendance financière de l'agence vis-à-vis de l'État s'accentue, « En 1981, 60pour cent des

ressources proviennent alors des abonnements des services publics, et même 65 pour cent si

l'on y ajoute les abonnements de la radio et de la télévision officielle, 15 pour cent sont

apportés par la presse française et 15 pour cent sont tirés des ventes à l'étranger. »

2.4 Intensification de la concurrence

Sur le plan national, l'autre principale agence d'information française, l'ACP ne bénéficiant

pas du soutien de l'État, connaît des difficultés financières telles qu'elle est mise en faillite en

1992. L'Agence France Presse devient la seule agence d'informations générales française .

Sur le plan international, Reuters s'est spécialisée dans la production et la diffusion de

l'information économique et financière bien avant les autres agences. Si « en 1950 : les

informations financières et commerciales étaient une rubrique négligeable dans les journaux

d'information générale américains ; en 1970 elles représentaient entre une et cinq pages de

la plupart des quotidiens »83, Reuters a su tenir compte de cette évolution du marché

informationnel et adopter sa stratégie de développement en conséquence. A partir de 1963,

Gérard Long, nouveau directeur de l'AFP depuis 1961 juge que l'information doit être

compétitive, il développe un service appelé Money Monitor, qui lui permet de collecter et de

distribuer les cours des devises mondialement. Outre la communication des devises, le

système de Reuters permet aux institutions financières de passer leurs ordres d'achat et de

vente par les ordinateurs de l'agence. Cette stratégie permet à Reuters de multiplier ses

profits : «De 1976 à 1980, les recettes de Reuters doublent. En 1981, ses bénéfices après

81 Huteau, Jean, Ullman, Bernard, AFP, Une histoire de l'Agence France Presse : 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992, page 428.82 Huteau, Jean, Ullman, Bernard, AFP, Une histoire de l'Agence France Presse : 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992, page 424.83 Boyd Barrett, Oliver, Palmer Michael, Le trafic des nouvelles, les agences mondiales d'information,éd. Alain Moreau, Paris, 1980, page 350.

63

impôt passent de 3.25 millions de livres sterling (36 millions de francs) à 13.9 millions de

livres sterling (156 millions de francs). »84

Section 3 - 1990-2005 : Vers un modèle d'entreprise à visée commerciale

Les enjeux politiques qui prévalaient dans la première configuration ont laissé place aux

impératifs commerciaux. L'AFP doit faire face à une concurrence accrue, quant à l'État, sans

évoquer de désengagement vis-à-vis de l'agence, il exige de l'AFP un retour à l'équilibre

budgétaire.

3.1 Le redressement économique de l'agence

Les difficultés financières vécues par l'agence au milieu des années quatre-vingt ont provoqué

une réaction de la part de l'État français, qui ne souhaite plus assumer les déficits de l'agence.

À partir de 1991, Claude Moisy, PDG de l'AFP lance un plan quadriennal de rétablissement

des finances de l'agence. Cela se traduit notamment par une suppression de salariés, une

contribution plus forte de l'État et enfin une hausse de 5% des tarifs d'abonnement des

quotidiens.

En 1992, si l'AFP avait un chiffre d'affaires d'un peu plus d'un milliard de francs, son déficit

est estimé à 28 millions de francs. Ses recettes proviennent à 86% des divers organes

médiatiques, le reste étant fourni par des produits « non média » comme la vente d'utilisation

de canaux d'information (les satellites) par exemple. Les deux principaux pourvoyeurs de

fonds sont la presse, à 37%, et l'État, par le biais des ministères et des administrations, à 49%.

Entre 1993 et 2002, l'AFP parvient à accroître son chiffre d'affaires, lui permettant de

dépendre dans une moindre mesure des abonnements de l'État. En effet, la part des

abonnements de l'État dans le chiffre d'affaires a considérablement diminué, passant de

84 Huteau, Jean, Ullman, Bernard, AFP, Une histoire de l'Agence France Presse : 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992, page 416.

64

48.2% en 1993 à 37.8% en 2002. Toutefois la situation financière de l'agence est telle, que

l'AFP conclu le 20 novembre 2003, un contrat d'objectifs et de moyens avec l'État couvrant

la période 2004-2007. Dans ce contrat, l'État s'engage à maintenir une progression de ses

abonnements supérieurs à l'inflation tandis que l'AFP s'engage à parvenir à rééquilibrer ses

finances grâce au développement de ses recettes commerciales et à un effort de gestion. Par

ailleurs, afin de financer le déficit de 45 millions d'euros cumulés sur les quatre années

précédentes (2000-2003), l'AFP signe un crédit-bail sur son immeuble, Place de la Bourse.

Grâce au respect strict du contrat d'objectifs et de moyens, l'AFP parvient en 2005 à

l'équilibre budgétaire, et le chiffre d'affaires en 2006 est évalué à 270 millions d'euros. Par

ailleurs, l'agence a réduit considérablement sa dette et la direction envisage à terme le rachat

du siège historique de l'agence.

65

Tableau représentant les objectifs fixés par l'État dans le contrat d'objectif et de moyens2003-2007 (en millions d'euros)

Abonnement de

l'État

Évolution

CA France

Evolution

CA International et

événements sportifs

Evolution

CA Filiales

Evolution

Total recettes

commerciales

Évolution

Total personnel

Évolution

Charges (hors

personnel)

Évolution

Marge

d'exploitation

Évolution

2003

98,6

70,2

61,1

23,8

155,1

181,8

69,9

2,0

2004

101,6

3,0%

72,2

2,8%

65,3

6,9%

25,9

8,8%

163,4

5,4%

185,1

1,8%

72,8

4,1 %

7,0

250,0%

2005

104,0

2,4%

74,3

2,9%

67,2

2,9%

28,2

8,9%

169,7

3,9%

189,6

2,4%

71,9

-1,2%

12,2

74,3%

2006

106,1

2,0%

76,2

2,6%

73,2

5,9%

31,0

9,9%

180,4

6,3%

196,8

3,8%

73,9

2,8%

15,8

29,5%

2007

107,7

1,5%

78,1

2,5%

75,8

3,6%

33,9

9,4%

187,8

4,1 %

202,7

3,0%

73,7

-0,3%

19,1

20,9%

Sources : loi des finances 2005, Assemblée Nationale.8S

85Assemblée Nationale, loi des finances pour 2005. Disponible sur : < http://www.assemblee-nationale.fr/12/budget/plf2005/discussion.asp> (consulté le 12.05.05).

66

3.2 Les nouvelles orientations de l'agence

L'AFP avait enregistré un retard certain par rapport à ses principaux concurrents dans la

diversification de ses activités. Le développement de l'agence se concentre autour de deux

axes : la vidéo, et le multimédia. La participation de l'agence à la constitution d'une chaîne

d'information en continu en Europe, nommée provisoirement CFII, l'a encouragée à

développer une offre vidéo complète.

La branche multimédia, qui correspond à 10% du chiffre d'affaires de l'agence, poursuit son

développement via des partenariats établis avec des entreprises extérieures. C'est le cas d'un

joint-venture signé avec l'entreprise Softbank au Japon ou le prolongement pour trois ans de

l'accord qui lie l'AFP à l'agence photographique américaine Getty.

Au cours de ce chapitre, nous avons tenté d'établir les grandes phases de transformations de

l'AFP au regard de notre hypothèse de départ. Nous avons pu établir que l'Agence France

Presse, malgré son statut et son histoire profondément ancrés dans un cadre national français,

avait amorcé depuis le début des années quatre-vingt dix un virage technique et commercial

dans sa stratégie de développement, qui s'est accompagné par un désengagement récent mais

progressif de l'État.

67

DEUXIEME PARTIE : LA DEPECHE

68

Dans cette seconde partie, nous nous proposons d'analyser les changements survenus dans

l'écriture journalistique des agenciers depuis 1945. Dans notre analyse, nous considérons la

dépêche dans ses caractéristiques formelles mais également comme la manifestation du

discours journalistique.

Les caractéristiques formelles désignent les éléments spécifiques à la dépêche et les règles

auxquelles elle répond. La structure de la dépêche en pyramide inversée86, le format, la taille,

mais aussi le caractère événementiel, l'absence de commentaire, la précision, l'exactitude, et

la concision des informations, sont autant de caractéristiques sur lesquelles nous porterons

notre attention au cours des prochains chapitres.

Nous analyserons également la dépêche comme une manifestation du discours journalistique,

en partant du postulat suivant : « tout discours porte des traces de l'identité de celui qui

énonce »87. En rédigeant la dépêche, le journaliste ne relaie pas seulement l'événement, il

« met en représentation » sa propre identité.

Nous consacrerons le premier chapitre à l'analyse des contenus informationnels. Nous

évoquerons notamment la diversification et la fragmentation des contenus sous l'effet

conjugué des changements sociétaux et de l'explosion de l'offre informationnelle.

Le second chapitre sera consacré à l'évolution du modèle journalistique à travers la hiérarchisation

des dépêches. Nous démontrerons notamment comment le journalisme pratiqué par les agenciers se

caractérise par le passage d'un journalisme événementiel, modèle dominant de la première

configuration à un journalisme situationnel, caractéristique de la seconde configuration. Enfin dans le

dernier chapitre, nous aborderons les transformations de l'écriture journalistique et notamment le

passage d'un style journalistique personnel, relativement libre, caractéristique de la première

configuration à un style d'écriture davantage normalisé.

S(i Cumuie les agences américaines, l'AFP a adopté une piéseulaliuii de ses infuiiiialiuns sous funne depyramide inversée ou de dépêche à tiroirs. Les éléments les plus importants se situent dans le « lead »(premier paragraphe de la dépêche), puis les éléments sont développés du plus important au moinsimportant au fil des paragraphes.17 Charron, Jean, « Parler de soi en faisant parler les autres. Identité journalistique et discoursrapporté ». In Rieffel, Rémy et Watine, Thierry. Les mutations du journalisme en France et auQuébec. Paris: Éditions Panthéon Assas. 2000b, pp. 83-117.

69

-CHAPITRE 4- ANALYSE DES CONTENUS INFORMATIONNELS

Dans ce chapitre, nous nous proposons d'analyser l'évolution des contenus informationnels

des dépêches, c'est-à-dire déterminer quels sont les thèmes dominants et démontrer en quoi ils

coïncident avec une configuration particulière du système médiatique auquel l'agence

appartient. Ainsi, notre analyse nous conduit à souligner une diversification des thèmes

abordés et du mode de traitement de l'événement par les agenciers.

Lors de la première configuration, le mode de traitement est dominé par les thématiques

politiques et diplomatiques et par l'information « sérieuse ». Les bouleversements que connaît

la société à la fin des années soixante et au cours des années soixante-dix - avènement de la

consommation de masse, développement du temps libre et des loisirs, crise des institutions

traditionnelles- associées à un système médiatique fortement concurrentiel conduit l'agence à

élargir progressivement l'objet et le mode de traitement de ses dépêches.

La seconde configuration caractérisée par un contexte hyper concurrentiel, c'est-à-dire un

contexte où grâce à l'innovation technique, la concurrence et ses modalités s'intensifient au

point que les acteurs médiatiques opèrent une surveillance simultanée et permanente de leurs

concurrents. Cette configuration, qui se caractérise également par une clientèle aux intérêts de

plus en plus disparates, donne lieu à une diversification et une fragmentation de l'offre

informationnelle de l'agence. Le mode de traitement sérieux de l'information et les

thématiques politique et diplomatique s'élargissent à des thèmes plus légers et où la

dimension humaine prend une large place. La copie agencière contemporaine se caractérise

donc par l'introduction de l'information sociétale et de l'information divertissante.

70

Section 1 - Hégémonie du fait politique dans les dépêches

1.1 Un traitement prioritaire du fait politique

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les dépêches qui circulent sur les fils de

l'agence traitent majoritairement des domaines politiques et diplomatiques. Cela ne laisse

guère de place à d'autres thématiques comme l'économie, les thématiques de société ou les

loisirs, autant de thématiques qui, tiennent aujourd'hui une place significative dans les

dépêches diffusées par l'agence. L'intérêt présumé des lecteurs, des clients et donc des

journalistes tend quasi-exclusivement vers le politique. Cet intérêt pour l'information

politique, qui est une caractéristique du journalisme « sérieux » tout au long des dix-neuvième

et vingtième siècles, est particulièrement marqué en ces années d'après-guerre, quand les

populations sont particulièrement préoccupées par le retour et le maintien de la paix. Cet

intérêt est visible notamment dans la répartition des services de couverture de l'agence et au

degré d'importance que leur accordent les journalistes. C'est ainsi que conformément aux

intérêts du public, les services diplomatique et politique sont les services les plus considérés

au sein de l'agence. Les informations générales et l'économie constituent alors des services de

moindre importance et disposent de peu de reconnaissance au sein de l'agence comme en

témoigne un ancien journaliste.

L'AFP s'est donnée une image d'elle-même : exprimer l'information de la France dans

le monde, avec l'exemple de la BBC. Les départements nobles quand je suis rentré à

l'AFP, étaient le desk étranger, le service diplomatique et puis le service politique. Le

service informations générales était vraiment mal considéré, moi je n'aurais jamais

travaillé là quand je suis rentré à l'AFP. Le service économique se constituait en

marge, tellement en marge, que l'on ne savait plus où il avait sa place, on ne pouvait

pas y faire carrière, à la différence de Reuters

1.2 Le service diplomatique, joyau de l'AFP

Dans les années cinquante, le service diplomatique était le service le plus prestigieux de

l'AFP et faisait la fierté de son PDG, Jean Marin. Ce service, distinct du service politique qui

71

couvrait la politique nationale, avait pour mission de couvrir l'information politique

internationale et de produire également des papiers d'analyse. La plupart des journalistes qui

exercent au sein de ce service se sont illustrés à l'étranger; bénéficiant d'une grande

connaissance de la politique internationale, ils sont également considérés comme de « grandes

plumes » .

Quand je suis rentrée à l'AFP, être au service diplomatique, c'était la gloire de la

gloire, ça réunissait tous les gens qui avaient fait intelligemment l'étranger, les chefs

de poste, les fameuses plumes. Jean Marin, qui était à l'époque PDG disait : "le

service diplomatique, c'est la cerise sur le gâteau". Il y avait tous les samedis matins,

un papier d'analyse sur la semaine, il était très très repris et c'était très bien écrit.

Dans les années quatre-vingt, le service diplomatique perd peu à peu de son importance. La

crise que traversent les institutions politiques, la dépolitisation du public et le développement

d'autres thématiques, provoquent le déclin, puis la disparition du service diplomatique, ce qui

ne va pas sans susciter du ressentiment chez les journalistes les plus âgés : « Je suis écœurée

qu'on ait littéralement déchiqueté le service diplomatique, qui était Le Grand Service. »

1.3 Un contexte politique national et international qui oriente le contenu des dépêches

L'État et les institutions politiques concentrent un pouvoir important. « II y a trente ans, on

était dans l'institutionnel, c'est l'État et les grandes organisations internationales qui

donnaient le la. » Au lendemain de la guerre, les clients de l'agence sont en grande partie des

journaux nationaux. Or la presse écrite d'après-guerre est une presse politisée, qui accorde

une grande importance aux questions politique et diplomatique et qui reprend volontiers les

papiers de l'agence traitant de l'actualité politique.

La période de la guerre froide, qui tend à maintenir élevée le demande des clients pour

l'information politique internationale, contribue à pérenniser au sein de l'agence la

primauté du politique sur les autres domaines de l'actualité. L'affrontement entre les

blocs de l'Est et de l'Ouest, influence aussi de manière déterminante le contenu même

72

des dépêches. Au sein de l'agence, il est impératif de couvrir l'actualité politique

mondiale au-delà des blocs; aussi le service des écoutes de l'agence est créé afin

d'assurer une veille permanente des médias des pays de l'Est. Ce service permet à

l'agence de couvrir l'actualité internationale au-delà des barrières idéologiques et de

réaliser ainsi plusieurs scoops comme la mort de Staline par exemple88.

Par ailleurs, l'importance accordée aux sujets politiques durant la période d'après-

guerre est liée aux liens particuliers qui unissent l'AFP avec l'État français. Comme

nous l'avons souligné précédemment, l'AFP est créée sur l'initiative de l'État français

qui dote l'agence d'un statut provisoire d'« établissement public»89. En 1957, elle

acquiert un statut mixte qui vise à renforcer son indépendance. Indépendance relative,

puisque la part publique de recettes de l'AFP a parfois dépassé 60%90. On ne s'étonne

pas, dans ces conditions, de constater que les dépêches portant sur la politique

nationale française et sur l'action de la France à l'étranger soient nombreuses dans la

production de l'agence et que les intérêts nationaux y soient mis en valeur, même dans

les papiers traitant d'affaires étrangères.

La proximité de l'AFP avec l'État est un peu structurelle, c 'est la puissance de l'État

gaulliste. Il y avait une façon de travailler dans l'international il y a une trentaine

d'années qui était différente d'aujourd'hui. On travaillait l'international à partir d'une

base nationale très forte et donc on était dans le sillage de la diplomatie nationale, des

entreprises nationales. Lorsque la France fait le Concorde qui est un peu boudé par

les Américains, l'AFP fait tout pour que le Concorde devienne quelque chose

d'accepté sur le plan international malgré le refus des Américains.

Sans être un outil de propagande, l'Agence France Presse se fait donc le porte-parole

du gouvernement. Il n'est pas rare à cette époque que les dépêches reproduisent dans

8 Grâce à son service d'écoute des radios de Moscou et des autres capitales d'Europe de l'Est, l'AFPlance un flash qui tombe un quart d'heure avant l'annonce officielle de ce décès par Radio Moscou. Ladépêche annonçant la mort de Staline est située en annexe A-6.89 Ordonnances de 1945.90 Pigeât, Henri, Les agences de presse, institutions du passé ou médias d'avenir ?, la DocumentationFrançaise, 1996, 130 pages.

73

leur intégralité les discours du général de Gaulle , souvent suivis d'une analyse

« bienveillante » du discours92.

C'était une explication de texte, beaucoup plus qu'un papier d'analyse. Aujourd'hui,

l'analyse est beaucoup plus basée sur le fait que sur le discours. Ça correspondait à

une époque où on était beaucoup plus attaché au discours institutionnel et

politique (...) Le papier d'analyse est aujourd'hui certainement beaucoup plus riche

(..) beaucoup plus proche de la réalité, que les papiers d'analyse d'il y a 30 ans ou

plus, qui étaient beaucoup plus basés sur le discours politique par conséquent sur

l'espoir, "le wishfullthinking". Aujourd'hui, les journalistes et les hommes politiques,

nous ne sommes plus dans la même harmonie.

L'emploi du terme «harmonie » pour qualifier les rapports entre les journalistes de

l'agence et les hommes politiques souligne l'étroitesse des liens qu'entretenaient les

agenciers et les hommes politiques à cette période et qui n'étaient pas étrangers au

mode de financement de l'agence.

91 Une dépêche retranscrivant un discours du général de Gaulle est présentée à titre d'exemple enannexe A-2.92 Pour illustrer le traitement accordé au général de Gaulle par l 'AFP, on peut se reporter à la dépêchediffusée par l 'Agence Française de Presse (avant qu'elle ne devienne l 'AFP) le 12 septembre 1944 surles réactions de la population écoutant le premier discours du général de Gaulle qui est alors présidentdu gouvernement provisoire de la République Française. Si l 'emphase et la solennité du ton dujournaliste peuvent s 'expliquer par le contexte exceptionnel de la libération de la France, la dépêchen 'en reste pas moins particulièrement probante.

74

Dans les années cinquante, le factuel, type de dépêche dominant la production des

dépêches de l'AFP, désigne le compte-rendu de l'actualité politique, militaire et

générale (accidents majeurs, catastrophes naturelles, etc.) et laisse peu de place à

d'autres sujets (affaires sociales et culturelles, nouvelles économiques, etc.). Sur le

plan du registre, l'agence opte pour le ton sérieux et distancié qui convient à

l'information générale et politique et évite de tomber dans ce qui serait perçu comme

de la frivolité.

La primauté du politique sur les autres thématiques conduit ainsi à exclure certains

sujets plus légers qui ne trouvent pas leur place dans le fil de l'agence. Dans les années

cinquante, les journalistes ont une conception de l'information telle, qu'il est

impensable que l'actualité des célébrités puisse être traitée par les journalistes. Or

aujourd'hui, l'AFP consacre à ce type d'information un fil spécifique qui symbolise

l'extension des contenus informationnels et l'allégement des informations diffusées

par l'agence. Le fil people n'est, bien sûr, pas représentatif de l'ensemble des

informations diffusées par l'agence, toutefois il cristallise les divergences de vue entre

les journalistes de l'ancienne génération et ceux des générations plus récentes sur le

bien fondé de diffuser ce type d'informations. Les journalistes entrés à l'AFP durant

les vingt premières années de l'agence sont profondément choqués par la création d'un

fil people à l'agence. « Maintenant, on fait des choses plus futiles. Avant, on ne

s'intéressait pas à savoir si madame Khrouchtchev avait des relations avec monsieur

machin. Maintenant on fait beaucoup plus cela ».

Dans la section suivante, nous allons analyser les processus qui ont conduit à la

transformation des contenus de la dépêche, c'est-à-dire analyser comment et pourquoi

l'agencier a été amené progressivement à couvrir d'autres thématiques et à modifier son mode

de traitement de l'information.

Section 2 - Une société en mutation qui engendre une fragmentation et unediversification des contenus informationnels

75

La transformation des contenus informationnels diffusés par l'AFP s'explique certes par les

transformations de la société, mais plus particulièrement par un élargissement des intérêts des

individus et par les transformations radicales de l'environnement médiatique mondial. Depuis

la fin des années soixante, la société a été traversée par de nombreuses transformations

politiques, économiques et humaines qui ont contribué à redéfinir les lieux de pouvoir et qui

ont ainsi modifié les centres d'intérêts des individus. Jusqu'au début des années quatre-vingt,

la couverture de l'agence était institutionnelle, le politique étant le principal pôle d'attraction

de l'information. L'intérêt pour l'information politique et diplomatique ainsi que pour

l'information dite « sérieuse » s'est reportée progressivement vers d'autres pôles d'intérêt

comme l'économie, le divertissement ou encore l'intérêt humain. La hiérarchie des contenus

et des priorités informationnelles s'en trouve alors profondément modifiée.

Le développement des loisirs, l'avènement de la consommation de masse et la réduction du

temps de travail sont autant d'éléments qui ont conduit à une montée de l'individualisme et

par conséquent à la privatisation des intérêts des individus. L'information médiatique a suivi

et reflète l'orientation de plus en plus privée des individus afin de conserver sa pertinence du

point de vue de sa clientèle, cela conduit alors à une certaine « privatisation » des référents

journalistiques. « Ceux-ci correspondent de plus en plus aux intérêts quotidiens des

consommateurs perçus comme personnes privées, la vie familiale, les hobbies, les sorties. »

Le contexte d'hyper concurrence a accéléré le processus de fragmentation des intérêts et donc

de l'offre informationnelle. Les agences doivent proposer des informations de plus en plus

diversifiées et spécifiques. En conséquence les journalistes tendent à traiter de sujets en marge

de la sphère publique. Les journalistes interrogés confirment que les papiers société et le fil

Life style, distribué par l'agence afin de répondre à ces nouveaux besoins d'informations, ont

connu une forte expansion ces dernières années.

2.1 Une société en mutation

Depuis le début des années soixante-dix, la société connaît une crise de ses institutions. Dans

les années cinquante, l'organisation de la société se faisait autour d'institutions telles que

93 Charron Jean, de Bonville Jean, « Le paradigme du journalisme de communication : essai dedéfinition », Communication. Vol. 17, no 2 (1996b), page 24.

76

l'État, la famille ou l'Église. L'effondrement des idéologies et par la même des institutions

qui les soutenaient conduit à une mise à distance du Politique par les individus. Le

mouvement de globalisation qui s'accélère au cours des années soixante-dix transcende les

frontières traditionnelles de l'État. La transnationalisation du politique modifie les limites de

l'exercice du pouvoir et multiplie le nombre de ses acteurs. Le dépassement des repères

traditionnels de l'exercice du politique, c'est-à-dire des limites territoriales, rend de plus en

plus difficile la localisation du politique. L'exercice du politique est diffus, fragmenté à

l'intérieur de nouveaux groupes, de nouvelles populations et de nouveaux réseaux. Le pouvoir

de décision n'est plus dans les seules mains des acteurs politiques. Les acteurs sont multiples

et le pouvoir fragmenté. D'autres types d'acteurs apparaissent, tels les organisations non

gouvernementales, les entreprises multinationales, les mouvements associatifs etc., qui

traduisent l'émergence de nouvelles formes d'action citoyenne. Ces acteurs constituent de

nouvelles sources pour les journalistes qui ne font plus uniquement appel aux sources

institutionnelles.

La fin de la guerre froide contribue à la fin de l'hégémonie du politique sur toutes les

autres sphères de la société, notamment en modifiant la grille d'interprétation des

affaires internationales. « Pendant près d'un demi-siècle, la grille de polarisation Est -

Ouest a naturalisé la géopolitique comme maître du jeu dans l'ordre et les désordres

du monde. Le bris du cercle vertueux de la croissance au seuil des années soixante-dix

hâte le retour du refoulé des représentations géo - économiques.» 4

Par ailleurs, la « fmanciarisation » et la concentration du capital des acteurs

médiatiques, semblent être aussi des facteurs décisifs dans le passage d'une société à

régulation politique, à une société à régulation économique. La fmanciarisation des

acteurs médiatiques se traduit notamment par une transformation du mode de propriété

des médias. Les médias passent aux mains d'entrepreneurs industriels qui voient en

eux de « nouvelles possibilités de valorisation du capital, induites par les

changements technologiques et par les nouvelles règles du jeu économique

(notamment la libéralisation des marchés, l'internationalisation des structures de

94 Mattelart, Armand, Histoire de l'utopie planétaire, de la cité prophétique à la société globale, laDécouverte, 1999, page 323.

77

production, le mouvement de déréglementation et de privatisation) »95. Une grande

part de ces entrepreneurs industriels ont dû faire appel au capital financier, et

notamment à des investisseurs institutionnels, pour financer le développement de leurs

entreprises médiatiques. Ce changement dans le mode de propriété modifie la stratégie

de l'entreprise de presse, cette dernière répondant de moins en moins à une logique

informationnelle (où les principales fonctions d'un média sont d'informer, de relayer

la parole des différents groupes de la société, etc.) au profit d'une logique de

rentabilité.96

Du point de vue de la société, la mise à distance de la chose politique s'accompagne d'un

intérêt croissant du public pour l'économie, les besoins informationnels se déplacent du pôle

politique vers le pôle économique. Les acteurs économiques mais aussi le grand public,

notamment les actionnaires portent un intérêt considérable à l'information économique et

financière. Dans son ouvrage, Julien Duval explique comment des journaux tels le Monde et

le Figaro sont parvenus à recruter des lecteurs dans la même sphère socio-économique des

cadres moyens ou supérieurs, ce lectorat étant, selon lui, particulièrement concerné par les

questions économiques qui rejoignent ses centres d'intérêt (investissement immobilier,

épargne...).

2.2 L'explosion de l'offre informationnelle réoriente la demande des clients de l'agence

Comme nous l'avons vu dans le troisième chapitre de la première partie consacrée à la

présentation des deux configurations, la seconde configuration médiatique se caractérise

notamment par l'explosion de l'offre informationnelle. Les clients de l'agence exercent leur

activité dans un contexte hyper concurrentiel, où la tâche de plus en plus difficile de s'attacher

des lecteurs, des auditeurs ou des téléspectateurs devient un défi quotidien. Les clients de

l'AFP vont donc faire le choix d'une stratégie de différenciation et de spécialisation

95 Brin, Colette, Charron Jean, de Bonville Jean, Nature et transformation du journalisme : Théorie etrecherches empiriques, Presse de l'Université Laval, Québec, 2005, page 289.96 En France, le départ de Serge July du quotidien Libération suite à sa cession au groupe financierRothschild est à cet égard un exemple pertinent.97 Duval, Julien, Critique de la raison journalistique. Les transformations de la presse économique enFrance, Le Seuil, Paris, 2004, 366 pages.

7 S

maximales. « A force de distinction et de différenciation, certains médias en arrivent à

circonscrire des marchés spécifiques ; le système tend progressivement vers la spécialisation

des discours médiatiques et la segmentation des publics. »98

La production de masse qui caractérise le capitalisme depuis la Seconde Guerre

mondiale entraîne, tout naturellement, une consommation de masse. Au-delà du

simple effet quantitatif, cela modifie profondément la structure sociale et mentale de la

société qui s'oriente vers des revendications privées et particulières. Au cours des

années soixante-dix, la société évolue donc vers un individualisme grandissant.

Les besoins en information sont de plus en plus différenciés en fonction des individus.

Compte tenu de la multiplication des pourvoyeurs d'informations, le public peut se permettre

d'exiger une information qui réponde à ses intérêts aussi disparates soient-ils. L'individu peut

vouloir disposer d'une information économique sur les résultats d'une entreprise précise, et

également disposer d'indications sur des lieux touristiques pour préparer ses prochaines

vacances. Par ailleurs, l'augmentation du temps libre représente un facteur majeur des modes

de vie. Les individus consacrent davantage de temps aux loisirs, à leur habitat, ils disposent

d'un pouvoir d'achat plus grand. En conséquence, les centres d'intérêt se diversifient.

Les besoins informationnels s'élargissent également à des informations portant sur des

questions de société. Nommées d'abord dépêches à « intérêt humain », ces dépêches étaient

produites par le service d'informations générales; puis l'AFP crée un département Société qui

traite de thématiques sociétales dont le fil life style est un des fleurons.

Section 3 - Un contenu informationnel en mutation

L'information produite aujourd'hui par les médias est une information diversifiée et

fragmentée tant du point de vue des contenus que du traitement journalistique. « On ne

pisse pas de la copie froide et bureaucratique, on doit rendre attrayante la copie.

Avant, on accordait une énorme importance à la diplomatie, aux visites des chefs

d'État, maintenant plus personne ne s'intéresse à cela ». Selon ce journaliste, plus

'8 Brin, Colette, Charron, Jean, de Bonville, Jean, Nature et transformation du journalisme, théorie etrecherches empiriques, Presses de l'Université Laval, Québec, 2005, page 305.

7 M

personne ne s'intéresse à ce qui autrefois constituait la catégorie modale de la

production de l'agence : la diplomatie et un style journalistique distant.

Si l'AFP conserve son rôle traditionnel de fournisseur d'information politique et générale, elle

a dû, pour répondre aux besoins de ses clients, élargir l'éventail des thèmes abordés dans ses

dépêches et en modifier le traitement. Nous proposons dans cette section d'analyser trois

changements importants au chapitre du contenu des dépêches : l'importance accordée

dorénavant à la dimension humaine des événements (le human interest), le développement de

l'information sociétale et la part croissante de l'information divertissante, dont nous

analyserons trois manifestations : le fil life style, le fil people et la rédaction des insolites".

3.1 Dimensions politique, diplomatique et humaine du traitement de l'information

Les événements, notamment les conflits, étaient autrefois principalement traités sous les

angles politique et diplomatique. L'information provenait de sources officielles,

gouvernementales ou étatiques et exprimait les points de vue officiels et institutionnels.

Aujourd'hui, le journaliste dispose d'une plus grande diversité de sources (les organisations

non-gouvernementales, les associations diverses, les organismes transnationaux, les

entreprises et même de simples citoyens, etc.); or, les sources non officielles et non-étatiques

mettent en relief des aspects différents des événements, notamment la dimension humaine et

l'aspect tragique des faits.

Aujourd'hui le statut international de l'information ne dépend pas seulement de

l'institutionnel mais dépend de tous les autres acteurs de la société. Ce qui donne son

statut international à un événement, c'est le côté tragique d'un événement, ce n'est pas

seulement la guerre en tant que guerre, mais en tant qu 'effet sur la société.

Si aujourd'hui, la dimension humaine des événements et des conflits a acquis une

grande importance dans la représentation qu'en donnent les médias, ce n'est pas

seulement parce que l'éventail des sources disponibles s'est élargi; c'est aussi pour

répondre à la demande des clients. L'importance croissante de la dimension humaine

99 L'information insolite est un fait relaté sur le mode de la narration, le texte est généralement court,et relate un fait surprenant où les dimensions humoristiques et parfois dramatiques sont privilégiées.

80

dans la couverture d'un événement s'inscrit en effet dans une configuration du

système médiatique où les contraintes de la concurrence sont de plus en plus fortes et

exigeantes. Les journalistes doivent en effet produire des histoires susceptibles de

susciter l'intérêt et de retenir l'attention d'un public extrêmement sollicité; l'accent

mis sur les dimensions humaine ou dramatique des événements y contribue, comme le

souligne cette jeune correspondante de l'AFP fréquemment envoyée sur des zones de

conflit. « Les histoires humaines, ce qui se cachent derrière (les événements), tout le

monde aime ça. Derrière une guerre, il y a toujours des gens qui souffrent, il faut

mettre un visage sur tous ces gens, il faut mettre un nom. Il faut rapprocher les gens

des lecteurs ».

Mais si l'humain fait vendre, il est néanmoins peu probable que le journaliste lui-

même soit motivé uniquement par des préoccupations commerciales. Il agit surtout en

fonction d'une certaine conception du journalisme qui s'est définie progressivement à

mesure que les contraintes commerciales sont devenues de plus en plus fortes. Les

« sujets humains » semblent donc correspondre à une forte demande de la part du

public. Dans un contexte de surabondance de l'information, le journaliste doit plus que

jamais lutter pour intéresser le public, aussi met-il l'accent sur les aspects de

l'événement auxquels le public de ses clients pourrait s'identifier. L'information mise

désormais sur des phénomènes psychologiques d'identification et de proximité. L'effet

d'identification et la proximité confèrent à la dimension humaine de l'information une

valeur particulière qui peut devenir décisive dans un contexte où l'attention du public

est en permanence sollicitée dans une surabondance d'information.

Enfin, l'accroissement du traitement humain dans les dépêches d'agence est dû aussi

au fait que le public est habitué à ce type d'information privilégié par la télévision. La

télévision est un médium de l'image et de l'instantané, apte à impressionner l'esprit et

les sens, mais moins apte que l'écrit à informer en profondeur, aussi le journalisme

télévisuel laisse-t-il une large place aux conséquences des conflits et non plus

seulement à leur dimension institutionnelle comme le souligne ce correspondant

étranger. « La mère qui perd ses enfants, le village qui est détruit, la fameuse image de

l'enfant palestinien qui est tué dans les bras de son père par un soldat israélien : les

télévisions ont donné à travers l'image ce que l'on ne peut pas restituer par l'écrit

comme le fait l'image, l'émotion. »

81

Par ailleurs, les médias écrits connaissent une crise du lectorat importante depuis une

vingtaine d'années100, qui s'explique en partie par la part croissante de la télévision et

d'Internet dans la consommation médiatique des individus. Les journaux cherchent

donc à « tirer leur épingle du jeu » en s'adaptant à ce lectorat davantage attiré par la

télévision que par la lecture.

Ce journalisme d'intérêt humain, qui s'écarte sensiblement du journalisme

d'information politique et général traditionnel est perçu positivement par certains

journalistes de la plus jeune génération, qui y voient l'expression d'une conception «

humaniste » de leur métier. Certains conçoivent même leur profession comme un

engagement « humanitaire » qui consiste à mettre en lumière des conflits ou des

populations auxquels l'opinion internationale et les pôles décisionnaires ne portent pas

d'intérêt.

Une journaliste ayant le statut siège et qui a plusieurs fois couvert le conflit irakien

souligne l'importance de donner la parole aux populations : « En Irak, il faut raconter

autre chose que la liberté, c'est un pays inconnu. Il y a des milliers d'histoires, des

gens qui n'avaient pas de noms, qui n'avaient pas de prénoms, qui avaient

complètement été annihilés pendant des années et qui avaient plein de choses à dire. »

La mise en valeur de la dimension humaine serait donc une manière de concilier une

vision humanitaire et noble du journalisme avec les intérêts commerciaux de l'agence.

Cependant, les contraintes de l'organisation, notamment la pression temporelle qui

pèse sur les journalistes rendent difficile la pratique de ce journalisme « humaniste ». «

C'est des journées énormes et en même temps, quand je vais sur le terrain en

reportage, j'arrive toujours à faire plus. Il y a des histoires que je garde pour moi, et

je me dis, un jour je les ferai pour un magazine. » Le journalisme humanitaire semble

relever de l'apostolat, comme l'illustre le cas de cette journaliste free lance (pigiste) de

10 Le lectorat de la presse quotidienne française a diminué considérablement, ainsi le nombre dequotidiens d'information générale est passé de 28 à 10 à Paris entre 1946 et 2001, et de 175 à 56 enprovince. Au cours de la même période, le tirage des quotidiens a reculé, de 15 millions en 1946 à 9millions en 2001. Entre 1946 et 2001, le nombre d'exemplaires tirés pour 1.000 habitants a diminué de370 à 150, soit une baisse de 60 %. (sources : Rapport d'information publié le 7 juillet 2004 (N° 406)au Sénat par Paul Loridant. Disponible sur <http://www.senat.fr/rap/r03-406/r03-4060.html> (consultéle 15.10.04). La presse écrite nationale d'information générale et politique est donc particulièrementtouché par une diminution de son lectorat ; depuis 1990, sa diffusion a diminué de 15% depuis 1990,les recettes ont diminué de 14%. En volume, son chiffre d'affaires a diminué de 31%.

H 2

l'AFP qui a pratiqué pendant deux ans cette forme de journalisme en Amérique Latine.

Son statut de stringex lui a permis d'échapper partiellement aux contraintes

commerciales de l'entreprise, ainsi elle a pu disposer du temps nécessaire pour couvrir

pendant deux ans le génocide des Indiens d'Amérique Latine. « Étant donné que

j'étais free lance, j'étais capable de passer un mois dans un village de prendre le

temps de les écouter, de les mettre en confiance. » Le coût de son engagement

journalistique était avant tout financier : «en moyenne sur deux ans, j'ai gagné trois

cents dollars par mois ».

Nous constatons que cette conception du métier ne peut s'actualiser que si le journaliste

dispose d'un laps de temps suffisamment important pour vivre au contact des populations.

Cela engage un coût financier qui ne peut pas être supporté par les médias en général et par

l'AFP en particulier, dont la situation financière est particulièrement difficile.101

3.2 Le développement de l'information économique

Le 1er avril 1968, l'agence amorce un large développement du service économique102 qui

était alors relégué à un rang secondaire. Le développement de l'information économique et

financière est significatif de la diversification des thèmes couverts par l'AFP, mais questionne

également le statut de l'information. En effet, à ses débuts l'information économique et

financière consiste essentiellement dans la transmission de données brutes, chiffrées.

Aujourd'hui les agences produisent de plus en plus de dossiers, d'analyses103, mais la

distinction entre les données chiffrées et le reste de l'information économique est toujours

fortement marquée. Le desk économique de l'AFP est divisé en deux sous-services, l'un traite

de l'information économique, l'autre du reportage économique. Le service consacré à

l'information économique traite essentiellement des données brutes, d'informations chiffrées,

101 La politique actuelle de l'agence ne vise pas à encourager le journalisme de reportage ni lesinitiatives personnelles des journalistes. La recherche de la rentabilité, la politique de réduction descoûts et la normalisation des pratiques journalistiques au sein de l'agence sont autant de facteurs quiexpliquent cette réduction du reportage. Nous aborderons plus longuement cette question dans latroisième partie.102 A propos du traitement de l'information économique et des pratiques journalistiques spécifiquesqui s'y rattachent, on peut notamment se référer aux travaux de Julien Duval. « Concessions etconversions à l'économie. Le journalisme économique en France depuis les années 80 », Actes de larecherche en sciences sociales, n°131-132, mars 2000, pp. 56-75.103 Une dépêche extrait d'un dossier est présentée en annexe, A -14.

83

des résultats des entreprises, des cours des monnaies, de la Bourse, tandis que celui du

reportage économique produit des dépêches plus longues. Le premier service existe de longue

date au sein de l'agence, le service de reportage économique est plus récent et s'inscrit dans la

tendance à valoriser le «journalisme situationnel » dont il sera question plus loin dans la

thèse, c'est-à-dire un journalisme où la contextualisation et l'analyse des informations sont

privilégiées. Par ailleurs, l'existence de deux services économiques témoigne de l'importance

que l'on accorde aujourd'hui aux affaires économiques.

3.3 De nouvelles thématiques : thématique société et « information divertissante »

Si le traitement de l'événement s'est sensiblement modifié, la montée de nouvelles

thématiques informationnelles marque l'extension du concept d'information ou du moins la

transformation de sa nature. Bien que l'économie et le sport constituent des thématiques

privilégiées au sein de l'Agence France Presse et disposent chacune d'un fil qui leur est

propre, le développement d'autres thématiques répond à une évolution de la demande. Nous

traiterons ici de deux thématiques qui nous paraissent particulièrement pertinentes à cet

égard : l'information sociétale et l'information divertissante104.

3.3.1 l'information sociétale

3.3.1.1 le life style

L'appellation life style désigne donc à la fois les intérêts personnels des individus mais aussi

les dépêches portant sur des thématiques à la mode. Régulièrement les journalistes proposent

à leurs clients des séries magazines dont le thème n'est initié ni par l'actualité, ni par les

clients, mais par ce que les journalistes pressentent comme étant des sujets qui pourraient

104 Le développement d'informations divertissantes au sein des fils de l'agence s'inscrit dans lemouvement de Y infotainment (contraction des termes : information et entertainment). Les règles deproduction de l'information ont atteint un nouveau stade : si pendant une longue période lesinformations divertissantes étaient intégrées aux valeurs professionnelles des journalistes, aujourd'huiles informations sont produites comme un divertissement. A propos de la notion à'infotainment, lelecteur pourra se reporter aux travaux de Brants, K. (1998), «Who's afraid of infotainment ? »European Journal of communication 30 (3), pp.315-336.

intéresser le public. « C'est un truc où il n'y a pas d'actu, c'est du magazine à l'état pur, un

sujet qui n'a pas d'actualité brûlante. On décide défaire des sujets sur les trains par exemple,

parce que quelqu 'un a décidé dans un bureau quelque part que ça serait intéressant. »

Les papiers magazines sont plus longs et exigent un investissement plus important des

journalistes pour la recherche d'information, des illustrations; l'écriture des papiers magazine

est par ailleurs moins soumis à des contraintes de style. Aussi, constituent-ils pour les

journalistes un moyen de s'extraire de la pression quotidienne et de l'urgence. Par ailleurs, la

rédaction des papiers magazines permet aux journalistes de s'investir dans des produits

inédits, distinctifs, tout en répondant aux demandes des clients pour des sujets uniques,

colorés et de société.

La demande des clients pour ce type de sujets s'est multipliée. Un audit réalisé en 2003 par

l'agence auprès de sept quotidiens régionaux, les quotidiens parisiens, TF1, France 2, France

3, et trois radios précisait que parmi les principaux reproches adressés à l'agence, les clients

regrettaient que l'AFP soit encore faible dans les secteurs qui touchent au life style105. « Les

gens aiment bien avoir des histoires humaines, et je ne parle pas des faits divers. Sur la

France, il faut qu'on parle de l'Islam, des homosexuels, tous ces sujets qui sont à la mode, il

faut qu'on renvoie aux gens une image d'eux-mêmes ». Le journaliste associe l'intérêt pour les

faits de société au fait que les gens s'y reconnaissent. Le journaliste recherche un effet

psychologique d'identification entre les sujets et le public, il ne traite pas de sujets parce

qu'ils relèvent de l'intérêt public, mais parce qu'ils sont à la mode et qu'ils font l'objet d'une

demande importante au moment où il rédige. Cette recherche d'adéquation entre l'information

et les préoccupations des individus s'inscrit dans ce qu'Yves Lavoinne nomme « le

journalisme de communication »106 : «Dans la rhétorique de la communication, (...), prime

la relation entre le journaliste et l'auditeur (interlocution) ou le lecteur (allocution). La

105 Audit de l'AFP, automne 2003, annexe B-7.

La notion de «journalisme de communication» a été évoquée pour la première fois par YvesLavoinne In « Le journaliste saisi par la communication », In Martin, Marc, Histoire et médias.Journalisme et journalistes français, 1950-1990, Paris, Albin Michel, 1990, pp. 161-173. Jean Charronet Jean de Bonville (In Charron, Jean, de Bonville, Jean, « Le paradigme du journalisme decommunication : essai de définition, Communication. Vol. 17, no 2 (1996b), pp. 51-97.) ont repris àleur compte cette notion dans leur analyse du changement journalistique. Les deux auteurs pensent lestransformations du journalisme comme un changement paradigmatique conduisant à l'émergenced'une nouvelle forme de journalisme : le journalisme de communication.

85

nouvelle, son intérêt cessent de s'imposer d'eux-mêmes ; désormais, il faut signifier au

destinataire qu 'il est concerné. »107

La rédaction de sujets qui s'apparentent au life style ou à la culture rencontre parfois des

résistances auprès de journaux et journalistes de l'agence qui ne considèrent pas ce type

d'information comme étant de première importance. Ainsi ce journaliste, spécialiste de la

rubrique cinéma explique, « les sujets société, tendance, life style, il y a plein de bureaux que

ça n'intéressent pas du tout. C'est dur de changer les mentalités, moi j'ai du mal à revendre

mes festivals en province, eux [les journaux] ils ne couvrent que la politique et le faits

divers .» Ici, il s'agit moins d'un effet de génération entre les innovateurs qui valoriseraient le

life style et les anciens qui privilégieraient la politique et les faits divers, qu'un clivage entre la

capitale et la province. En effet, les informations nationales présentes dans les médias locaux

sont essentiellement constituées de politique, d'économie, voire de faits divers. Les médias

locaux ou régionaux sont moins enclins à publier des sujets de tendance, life style ou culturels

car ces sujets sont perçus de la part des lecteurs comme des sujets typiquement parisiens. Par

ailleurs, de nombreux sujets traitant de la culture ou du life style traitent majoritairement de

l'actualité de la capitale.

3.3.1.2 l'information fonctionnelle

Les journalistes doivent traiter de diverses manières un même événement et donner une

couverture plus vivante, qui réponde aux multiples intérêts des individus. Outre la multiplicité

des thèmes abordés par l'agence, les journalistes produisent davantage d'information

fonctionnelle, c'est-à-dire une information qui traite des aspects pratiques de la vie

quotidienne des lecteurs comme le bricolage, des conseils pour l'achat d'une voiture etc. Les

besoins d'information fonctionnelle du public peuvent s'expliquer par la hausse du temps

consacré aux loisirs, conséquence de la réduction et de l'aménagement du temps de travail108.

107 Lavoinne, Yves, « Le journalisme saisi par la communication ». In Martin, Marc (dir.), Histoire etmédias. Journalisme et journalistes français, 1950-1990. Actes du colloque de Nanterre, Paris, AlbinMichel, 1991, pp. 163-164.IO8Entre 1970 et 2002, le nombre d'heures travaillées a régressé dans 14 pays des 19 pays de l'OCDEpour lesquelles les données sont disponibles, OCDE, Synthèses, Différentes facettes du temps detravail : évolution récente du temps de travail, mars 2005, 8 pages.

86

Le contexte de surabondance conduit les journalistes à produire de l'information fonctionnelle

afin de répondre aux demandes explicites des clients qui eux-mêmes constatent que le public

apprécie ce genre d'information. « Une information service allant au devant des intérêts de

ses publics dans le domaine de la santé, des loisirs et de la consommation. Fonctionnant

comme l'interface entre une offre de biens, de services, de conseils et des publics de

consommateurs (...) ».

Ainsi, les journalistes relient-ils un sujet général aux préoccupations singulières des

individus. « Pour un sujet sur l'environnement, il faudra faire tous les sujets sur le

protocole de Kyoto, tous les papiers scientifiques et politiques, mais il faudra faire

aussi du concret, du quotidien comme les gestes à faire en cas de canicule ». Cela

traduit non seulement un élargissement des angles de traitement de l'événement, un

souci de rendre proche du lecteur des sujets globaux, mais aussi une modification

significative de la hiérarchisation de l'information. L'information pratique est placée

sur le même plan que l'information politique et globale. L'objectif des journalistes est

de faire jouer « un effet de proximité », il s'agit de rendre l'événement pertinent dans

la vie quotidienne des individus. La proximité accroît la valeur et la pertinence, donc

l'attrait de l'information.

3.3.2 L'information divertissante

L'information divertissante et le divertissement proprement dits, prennent une part de plus en

plus importante dans les médias. Chalaby considère que le divertissement est devenu le

contenu qui génère le plus de revenus pour les nouveaux médias et que le marché médiatique

n'est plus pour longtemps dominé par l'information dite sérieuse, « Quel que soit le format, le

divertissement est devenu le contenu privilégié par les nouveaux médias. »' . Sans établir un

constat aussi radical qui touche plus fortement Internet que les autres médias, force est de

109 Neveu, Erik, Sociologie du journalisme, collection Repères, Paris, avril 2001 , page 97.110 Chalaby, Jean K., « Journalism Studies in an Era of Transition in Public», What is JournalismStudies, Journalism, 2000, pp. 33-39: « In eitherformat, entertainment has become the content that isprivilégiée by newly established média organization» (traduction réalisée par l'auteur).

87

constater une augmentation de dépêches ayant pour objet le divertissement, comme le sport

ou certains sujets du life style; voire à visée divertissante, comme l'information people ou la

catégorie des insolites.

Cette tendance n'est pas spécifique à l'agence et peut être généralisée à de nombreux

médias et pays. Une étude réalisée par «Journalism.org» en 1998 et intitulée

« Changing Définitions of News » a mis en évidence cette évolution en constatant

qu'entre 1977 et 1997, le nombre d'informations traitant de l'actualité des célébrités

ou de divertissement a triplé, passant de une nouvelle sur cinquante à une nouvelle sur

quatorze. '"

Cette évolution de l'information ne fait pas l'unanimité auprès de tous les journalistes. Les

journalistes les plus anciens notamment considèrent que ce type d'information n'a pas sa place

sur les fils de l'agence. Lorsqu'ils exerçaient les fonctions d'agencier, ils produisaient des

informations « sérieuses », leur conception de l'information était plus étroite qu'aujourd'hui.

Les journalistes de la seconde génération (dont l'âge varie de 45 à 55 ans), qui ont été les

témoins et les acteurs de cette redéfinition de l'information, ont conscience de l'importance de

la demande pour ce type d'information, d'autant plus que bon nombre d'entre eux dirigent ou

ont dirigé par le passé des bureaux; à ce titre ils ont une conscience aiguë des objectifs

commerciaux de l'agence. Aussi, ces derniers admettent qu'il est essentiel de produire ce type

d'information, sans pour autant verser dans l'exagération.

On fait de l'information divertissante pour des raisons commerciales, mais notre rôle

n'est pas de divertir, on n'est pas un cirque. On peut diversifier l'information, on peut

faire des problèmes de société, de l'insolite, mais notre rôle n'est pas défaire un

cabaret, un casino.

1 The Project for Excellence in Journalism « Changing Définitions of News », 6 mars 1998.Disponible sur : <http://www.journalism.org/resources/research/reports/definitions/default.asp>(consulté le 10.02.05) : «D'une pour cinquante histoires, à une pour quatorze » (traduction effectuéepar l'auteur).

88

Une grande majorité (78%) des journalistes âgés de 45 à 60 ans de notre échantillon refusent

l'idée que divertir compte aujourd'hui autant qu'informer.

3.3.2.1 le succès des Insolites

La production des Insolites ne constitue pas un phénomène récent pour l'agence; toutefois, ce

type d'information a connu une expansion sans précédent au cours des dix dernières années.

A cet égard, Dominique Marchetti considère qu'il y a une nouvelle définition dominante de

l'actualité internationale qui accorde une place importante aux « événements imprévus,

surprenants, «décalés» (faits divers, histoires humaines, etc.) »"2; le développement des

Insolites participe de ce mouvement.

L'information insolite a connu un succès grandissant avec l'apparition d'Internet. Les

sites d'information tels Yahoo ou Voilà diffusent tous les insolites publiés sur les fils

des trois agences mondiales. Ce type d'information connaît un grand succès auprès des

internautes qui s'échangent fréquemment ce type de dépêches, ce que confirme un

journaliste en poste à Londres :

A Londres, un des papiers les plus repris de tous ceux quej 'ai fait est un papier sur un

perroquet qui aurait appartenu à Churchill. Le propriétaire expliquait qu 'il était un

peu vieillissant mais qu'il continuait d'insulter les gens comme Churchill insultait les

nazis. C'est une dépêche qui a fait le tour ins-tan-ta-né-ment. C'est vraiment l'épisode

qui n 'a aucun intérêt, dans l'échelle de la gravité, c 'est au niveau 0 ou 1. Mais c 'est le

truc insolite, original, ce genre de sujet ça marche toujours.

112 Marchetti, Dominique, "La fin d'un Monde, les transformations du traitement de la politiqueétrangère dans les chaînes de télévision françaises grand public ». In Arnaud Lionel, Guillaunet Louis,Les Frontières du politique, enquête sur les processus de politisation et de dépolitisation, Res Publica,2005, pp. 49-77.

Dépêche AFP, Insolite ; Charlie, l'un des perroquets de Winston Churchill, fête cette annéeses 104 ans et continue de maudire Adolf Hitler et les nazis, comme le lui avait appris sonmaître. Londres, 19.01.04 :

LONDRES (AFP) - Charlie, l'un des perroquets de Winston Churchill, fête cette année

ses 104 ans et continue de maudire Adolf Hitler et les nazis, comme le lui avait appris

son maître.

Selon le quotidien Daily Mirror, Charlie, une femelle ara comme son nom ne l'indique

pas, est sans doute le plus vieil oiseau vivant en Grande-Bretagne. À la mort en 1965

de l'ancien Premier ministre, héros de la Seconde guerre mondiale, Charlie avait été

acheté par Peter Oram, propriétaire d'une animalerie à Reigate (sud de Londres).

Si son plumage bleu et or a quelque peu perdu de sa superbe avec les années, le

perroquet a apparemment gardé toute sa tête: parmi ses expressions préférées figurent

toujours les "Putain de Hitler" et "Putains de nazis" qu'il prononce "avec l'inflexion

caractéristique de Churchill", explique le Daily Mirror. Ces mêmes jurons avaient

autrefois choqué maints généraux ou amiraux lors de réunions de crises avec le

Premier ministre, rappelle le journal.

"Pour dire la vérité, Charlie est dans un état un peu négligé mais elle est très populaire

auprès des visiteurs", a expliqué au quotidien une employée du magasin de jardinage

de M. Oram, qui accueille l'oiseau depuis 12 ans. "Nous y sommes tous très attachés".

Churchill avait acheté Charlie en 1937 et il lui avait immédiatement appris à jurer.

L'oiseau avait rejoint la ménagerie hétéroclite de l'homme d'État où se côtoyaient

agneaux, cochons, bétail, d'autres perroquets et même un léopard.

"Churchill n'est peut-être plus parmi nous mais (grâce à Charlie) son esprit et ses mots

de résistance et de détermination perdurent", explique pour sa part James Humes,

expert de l'ancien Premier ministre, cité par le journal.

La publication en ligne des insolites permet à l'agence d'acquérir une visibilité

importante auprès du grand public, à la grande satisfaction des agenciers qui y

trouvent une forme de reconnaissance : « Quand, à Londres, je faisais une dépêche

90

insolite, je regardais sur Yahoo, et elle faisait toujours partie des cinq les plus

envoyées ». Par ailleurs, le journaliste a le sentiment de s'adresser directement au

lecteur par le biais des dépêches insolites. Rédiger des insolites permettrait donc de

combler la frustration que peuvent ressentir certains agenciers à rédiger

essentiellement pour les clients de l'agence et non pour des particuliers, « Là, j'ai

l'impression défaire mon métier parce que les gens la lisent, les gens adorent ça. »

Enfin la rédaction des Insolites constitue une forme de récréation pour le journaliste dans la

mesure où le style et le registre des insolites sont beaucoup plus détendus que pour les autres

types de dépêches : « C'est une espèce de respiration dans l'actualité : quand vous avez fait

un papier sur les troubles en Irlande du Nord, et que vous faites un papier comme ça, c'est

facile à faire, ça permet de se lâcher sur le plan stylistique, défaire des plaisanteries, d'avoir

un style plus léger. »

D'autres journalistes s'inquiètent de la multiplication parfois excessive des insolites et

déplorent qu'une information sérieuse se voie relatée sous la forme d'un insolite sous prétexte

qu' elle sera plus « vendeuse ». Au cours de notre enquête de terrain, un jeune journaliste du

bureau du Caire s'indignait du traitement qui avait été réservé à une dépêche qu'il avait

envoyée à sa rédaction régionale. La dépêche relatait l'histoire d'un égyptien qui, désolé de ne

pas avoir eu de garçons, tua par dépit ses sept filles, or la dépêche avait été diffusée sous la

rubrique Insolite : «II n'y a que ça [les insolites] qui les [c 'est-à-dire les lecteurs] intéresse à

en croire les contrôles. C 'est désespérant! Ca a été repris mais sous l'angle des insolites, on

ne va pas regarder ce qui se passe derrière. »

3.3.2.2 le fil people

L'information divertissante ne se réduit pas aux Insolites, elle se traduit également par

l'explosion de l'information people, c'est-à-dire les nouvelles et les potins concertant les

célébrités. L'Agence France Presse compte en effet parmi ses fils, un fil dédié à l'actualité des

célébrités. Ce fil people s'est consolidé lorsque l'agence, qui dispose d'un service photo

international depuis 1985 a signé le 1er avril 2003, un accord avec l'agence photographique

1 Journal de terrain, 20 mars 2005.

91

Getty" dont l'objectif principal est de fournir des photos au fil people. L'actualité des

célébrités est un thème qui a connu dans les médias une expansion particulièrement forte ces

dernières années. En France, la presse people compte en 2005 pas moins de 13 millions de

lecteurs pour 2,5 millions d'exemplaires vendus"5. C'est sans compter les contenus people

que l'on retrouve dans la presse généraliste. L'Agence France Presse est donc sollicitée par

ses clients pour fournir ce type d'information.

La diffusion d'information people a connu un accueil mitigé au sein des journalistes. Le débat

porte d'une part sur le statut informationnel accordé à l'actualité des célébrités, et d'autre part

sur l'aspect éthique du traitement de ce type d'information. Les journalistes les plus jeunes

considèrent que l'actualité des célébrités constitue un segment de l'information générale et

doit donc être traitée par l'agence au même titre que le reste des événements, en résumé, ils

approuvent l'existence du fil people. « J'ai une approche libérale. Si l'AFP est une sorte de

généraliste de l'information, il faudrait qu 'elle fournisse tout ce qui est considéré comme de

l'information par les clients, autrement dit la presse écrite. Donc je pense qu 'il faut faire du

people aussi. »

Les journalistes qui soutiennent l'existence du fil people inscrivent leurs pratiques dans une

logique commerciale. Ils considèrent que l'AFP doit être en mesure de répondre aux

demandes de ses clients; de ce point de vue refuser de diffuser de l'information people serait

contre productif pour l'agence. D'autres journalistes acceptent mal l'élargissement de

l'information à ces thématiques; c'est le cas notamment d'une majorité de journalistes des

anciennes générations qui y voient une dérive. L'information people ne serait pas une

information digne et n'entrerait pas dans la ligne de conduite de l'agence.

114 L'agence Getty compte 250 photographes et produisent entre 700 et 1000 photos par jour. L'agenceest spécialisée dans la production d'images d'actualité, de sport et de divertissement, et ceparticulièrement aux Etats-Unis.115 Le Monde, 16/09/05

92

Je ne parlerai pas de nouvelles orientations, mais de dérives : les dérives

people. Nous ne sommes pas une agence people et surtout pas en photo. On

nous en demande et on commence à en faire, d'autant plus qu'on est associé

au groupe Getty qui lui n 'a pas les préoccupations d'une agence de presse. Ça

tire vers le bas!

Quand il s'agit de servir la soupe, tout ce qui est people, là je suis plus

réservé. Les rumeurs sur machin... on sort un peu de la bande passante de

l'AFP.

Malgré ces dissensions, les journalistes sont unanimes quant au traitement à accorder à

l'actualité des célébrités : un traitement prudent, sobre, réservé, qui conduit l'agence à réaliser

alors une couverture plutôt « mondaine ».

Le people est encore quelque chose de méprisé. Il faut appliquer les règles d'agence

au people : / 'éthique, pas raconter n 'importe quoi, pas tomber dans Voici. Nous, on

fait plutôt du Gala, assez institutionnel : les mariages, la royauté, on fait un truc qui

s'appelle les « Échos de la nuit parisienne », à partir du moment où ça tombe pas

dans le trash et qu 'on respecte les règles de l'agence, ça ne pose aucun problème.

Le rapport aux sources en matière d'information people remet en question l'éthique

journalistique de l'agence et révèle une transformation du mode de production de

l'information. En effet, l'agence ne dispose pas de journalistes assignés à l'information people

proprement dite, les sources de l'agence sont essentiellement les autres médias. Cet aspect de

la production de l'information people suscite des réactions parmi les agenciers qui considèrent

que l'AFP doit disposer de ses propres sources et non pas se contenter de reprendre des

informations diffusées par les autres médias. L'agence ne dispose pas d'un réseau

d'informateurs qui lui permettent de s'assurer de la véracité des informations people diffusées

par les autres médias comme ils le font pour les autres types d'information dont ils prennent

connaissance par d'autres médias. Enfin, la production d'information people exige une

adaptation du style agencier et doit, sur le plan de la forme, répondre aux attentes du client.

Les textes doivent être courts et rédigés dans un style particulier :

93

Les clients radios cherchent des brèves pour alléger leurs journaux, la presse écrite

des brèves pour boucher les trous dans des maquettes de plus en plus rigides"6. (...),

Il faut la [l'écriture] soigner. Elle doit être vive : le people se satisfait mal [du style]

des rapports de police.

3.4 Écrire en couleur

Au cours de nos entretiens et de notre enquête de terrain, nous avons constaté que l'expression

« papier couleur » revenait fréquemment dans les discours des journalistes. Les papiers

couleur désignent les papiers qui traitent d'un événement attrayant. Ils désignent également

tout type de papiers où le journaliste met l'accent sur les détails évocateurs, les éléments

descriptifs, le pittoresque, les anecdotes susceptibles d'accrocher le lecteur. Ce sont des

dépêches où la suggestion visuelle des termes est sollicitée.

Le souci de la « couleur » est aujourd'hui très présent et valorisé pour plusieurs raisons. La

couleur permet d'accroître la valeur du papier sur le marché, et cela de plusieurs manières. La

« couleur » est valorisée par les clients, qui cherchent à attirer un public de plus en plus

sollicité ; ils misent notamment sur la « couleur » pour y parvenir. La « couleur » constitue,

autant pour le client que pour l'agence, qui a ses propres concurrents, un important élément de

distinction. La « couleur » fait référence à des éléments d'information que l'on ne retrouve

pas nécessairement chez les concurrents, le papier devient alors « unique » c'est-à-dire rare, et

c'est la rareté qui va créer la valeur du papier.

Par ailleurs, les journalistes accordent davantage d'attention à la couleur car les papiers

rédigés par les agenciers sont destinés de plus en plus à être publiés tels quels ou avec un

faible remaniement de la part des clients. La couleur est incorporée à la dépêche de telle

manière que celle-ci devienne publiable sans que le client (le média) n'ait à investir ses

propres ressources pour obtenir un résultat publiable. Autrement dit l'information produite par

116 AFP, Rédaction en chef: notes rédactionnelles, Informations «people», 12/01/2000, ASAP-»Annexe B-8117 AFP, Rédaction en chef, op.cit.

94

le client est moins coûteuse si l'agence prend à sa charge le coût de traitement de

l'information ; la transaction est d'autant plus intéressante pour le client.

Rédiger des papiers couleur nécessite une présence des journalistes sur le terrain pour décrire

les lieux, saisir une atmosphère. Or les journalistes sont de plus en plus sédentaires et le temps

dont ils disposent pour rédiger une dépêche est de plus en plus court. La rédaction de papiers

couleur se satisfait mal du mode de production actuel de l'agence. Pour autant comme les

papiers couleur font l'objet d'une forte demande de la part des clients, les journalistes sont

amenés à rédiger leurs papiers, puis à y ajouter ensuite de la couleur. Au cours de notre

enquête de terrain, nous avons été témoin à plusieurs reprises du remaniement des dépêches

par le directeur du bureau afin, disait-il, « d'ajouter de la couleur » aux papiers. Par exemple,

une journaliste avait rédigé une dépêche sur une rencontre entre plusieurs dirigeants politiques

dans un hôtel situé à Charm el Sheikh. À la relecture de la dépêche, le directeur, jugeant que

le papier manquait de couleur, s'enquiert auprès de la journaliste du lieu de la rencontre,

L'Hôtel du 6 octobre. Il ajoute alors des informations d'ordre esthétique (ambiance, prestige

du lieu etc.) sur le lieu de la rencontre et ajoute ainsi au potentiel visuel à la dépêche.

Ce souci de la couleur ne caractérise pas tant un rapport au réel, c'est-à-dire une manière

d'aborder les événements, de les saisir, de les comprendre, puis d'en rendre compte, mais

d'un rapport au client, c'est-à-dire une manière de concevoir un « produit » qui va satisfaire la

demande des clients. Cette « mise en couleur » des dépêches par les journalistes est un indice

du passage au journalisme de communication. Le journaliste devenu plus sédentaire, consacre

une plus grande partie de son activité à la mise en forme de l'information. Nous pouvons donc

affirmer que l'agencier pratique aujourd'hui de plus en plus ce qu'Yves Lavoinne nomme un

journalisme de communication, « le journaliste apparaît-il désormais avant tout comme un

expert en matière de formes efficaces : graphique, linguistique, iconique; un spécialiste du

traitement de données parfois éparses, qu 'il adapte à ce public qu 'il lui faut sans cesseI 1 R

reconstituer. »

118 Lavoinne, Yves, « Le journalisme saisi par la communication ». In Martin, Marc (dir.), Histoire etmédias. Journalisme et journalistes français, 1950-1990. Actes du colloque de Nanterre, Paris, AlbinMichel, 1991, page 171.

95

Les journalistes disposent rarement du temps nécessaire pour réaliser de « vrais

papiers couleur » c'est-à-dire des dépêches qui comprennent tous les éléments cités

précédemment : récit des événements, témoignages, anecdotes, éléments visuels etc.

Ces composantes des « vrais papiers couleur » ne sont pas ajoutés a posteriori; ce sont

le résultat d'un travail de terrain. Or le contexte de concurrence et la pression

temporelle conduisent l'agence à inciter les journalistes à produire en grande quantité

et donc à réduire leur présence sur le terrain. Les journalistes qui s'essaient encore à la

rédaction de « vrais papiers couleur » ont alors le sentiment de « sortir de l'agence ».

Une correspondante qui est fréquemment envoyée pour couvrir les conflits, regrette de

ne pas avoir le temps de « gâter un peu plus le papier ». Pour échapper à la pression

temporelle qui pèse sur les agenciers, elle met en place une stratégie de contoumement

qui consiste à préparer ses papiers couleur en parallèle avec les tâches qui lui sont

assignées : « Tu prépares des papiers sans dire que tu les fais, tu les sors et tu dis

voilà j'ai fait ça. Personne ne sait que tu les prépares, tu as le temps de bien les

préparer. »

Dans ce chapitre, nous avons constaté que les contenus informationnels s'étaient

profondément modifiés depuis 1945. Le passage d'une configuration à l'autre s'est

traduit par une fragmentation et une diversification des thématiques traitées par les

agenciers. Les transformations produites par cette reconfiguration médiatique se

traduisent également par un renouvellement de la typologie des dépêches, qui traduit

un changement radical du modèle journalistique même.

96

-CHAPITRE 5- DU JOURNALISME EVENEMENTIEL AUJOURNALISME SITUATIONNEL. ANALYSE DU MODÈLE

JOURNALISTIQUE À TRAVERS LA HIÉRARCHISATION DESDÉPÊCHES

Dans ce chapitre, nous nous proposons de mettre en évidence une transformation de la

conception du journalisme en analysant la typologie des dépêches et son évolution. Nous

verrons que la période de l'après-guerre se caractérise par un journalisme événementiel, le

regard du journaliste étant centré sur l'événement. La dépêche privilégie alors le récit et la

description des événements par le biais du « factuel », modèle dominant de la dépêche. Par la

suite, la multiplication des médias conjuguée à l'amélioration technique des modes de

transmission va inciter l'agence à adopter une approche plus commerciale, notamment en

ajoutant un élément de distinction à ses dépêches. Le journaliste ne se contente plus de relater

l'événement ; il en fournit une analyse, une interprétation qu'il souhaite unique, originale et

propre à susciter l'attention. Le regard du journaliste va s'élargir au contexte de l'événement ;

le journalisme situationnel devient le modèle journalistique dominant de la seconde période.

Section 1. La première configuration : classification rudimentaire des dépêches etrègne du factuel

1.1 Les caractéristiques de la dépêche

1.1.1 Une copie bipolaire : factuels et features

Dans les années cinquante, l'AFP dispose d'un système de genre plutôt rudimentaire qui

distingue deux grandes catégories de dépêches, les factuels et les features ou papiers

magazines. Un factuel n'est pas nécessairement synonyme d'une dépêche courte annonçant

97

un événement qui vient de survenir, l'appellation fait référence à toutes les dépêches qui

traitent de l'actualité « chaude » et qui la contextualisent. Les journalistes désignent donc par

« factuels » aussi bien des papiers courts comme des bulletins, des flash ou des urgents que

des papiers plus longs pouvant atteindre 1500 mots. De plus, le factuel est inscrit dans le

temps, sa durée de validité est limitée, il est envoyé en urgence au siège via les réseaux de

transmission tels le télex ou le télégraphe.

Les factuels dominent le flux de dépêches qui proviennent de l'étranger. Le primat des

factuels s'explique notamment par le coût élevé des transmissions. En plus d'être fragiles, les

transmissions ont un coût très élevé. Les correspondants étrangers, qui disposent d'un budget

limité pour transmettre leurs dépêches, ont une conscience aiguë du prix des transmissions.

Cela les conduit à condenser leurs dépêches, à effectuer une sélection étroite de l'information

qu'ils souhaitent voir diffuser et donc à privilégier l'événement et à réserver les éléments

contextuels.

Les features désignent l'ensemble des dépêches produites par l'agence qui traitent d'un

événement, d'un fait, sur une période temporelle plus large. Les features sont essentiellement

constitués de reportages, de témoignages et de récits. Ils peuvent être distribués sur le fil

général sur l'initiative de l'agence ou bien commandés à l'agence par un autre média, le plus

souvent par les journaux de presse écrite. Les reportages ont une taille plus importante que les

factuels, ils traitent de l'événement dans des dimensions plus larges. Les features, dont le

degré d'urgence est relativement faible en comparaison des factuels, parviennent au siège via

les services postaux.

En matière de factuels, on distingue trois types de dépêches suivant le caractère d'urgence de

l'information et la longueur du texte. Le flash est exceptionnel; il annonce une information

d'importance capitale devant faire ultérieurement l'objet de longs développements. Son texte

se limite généralement à une phrase nominale courte. Le bulletin, suit immédiatement le flash

en apportant les premières précisions, mais plus généralement, il est utilisé directement pour

annoncer un événement majeur qui sera largement développé plus tard. Son texte est constitué

également d'une phrase, mais plus longue que le flash. Enfin, l'urgent est la suite logique du

98

flash et du bulletin; il annonce une première information au degré de priorité moindre; son

texte est composé d'une à deux phrases.

Les dépêches d'agence de cette époque répondent à des normes relativement peu élaborées en

comparaison d'aujourd'hui. En 1971, le premier manuel de l'agencier rédigé par le président

directeur général de l'AFP à l'époque, Jean Marin, propose alors une typologie fondée sur le

contenu des dépêches, le manuel de l'agencier distingue cinq catégories de factuels.

Le «running» désigne «la couverture chronologique d'un événement important au

fur et à mesure de son déroulement. (...) sa nature même, non élaborée, le running

doit être le plus souvent suivi d'un papier reprenant, par ordre d'importance et non

plus chronologique, les éléments de l'événement »"9

le « complément-développement ». Le « complément » ou le « développement »

peuvent être employés alternativement. Le « complément » est utilisé « lorsque les

éléments essentiels de l'information ont été donnés dans le ou les bulletins. (...) Il

fournit des indications complétant le contenu du ou des bulletins ». Quant au

développement, il constitue « un papier complet qui reprend tous les éléments

contenus dans le ou les bulletins. Il permet de présenter par ordre d'importance et non

plus chronologique ces éléments »120.

les « points principaux » « reprennent, précisent et amplifient les bulletins dans le cas

d'une conférence de presse ou d'un discours important »121.

le « round-up » désigne la dépêche regroupant « / 'ensemble des informations diffusées

antérieurement mais dispersées et étalées dans le temps sur un sujet précis »122, le

round-up fournit tous les éléments constituant le background d'un événement.

119 AFP, Manuel de l'agencier, 1971, pp 26-27.120 AFP, Manuel de l'agencier, 1971, pp.27-28.121 AFP, Manuel de l'agencier, 1971, page 30.122 AFP, Manuel de l'agencier, 1971, page 31.

99

• la « synthèse » résume l'ensemble des informations, mais contrairement au « round-

up », elle ne se veut pas exhaustive.

À ces catégories s'ajoutent d'autres types de dépêches qualifiées d'« autres papiers » par Jean

Marin, le commentaire, le reportage, « le film et la chronologie », le périodique, « les échos et

les à-côtés » et \efeature.

Si nous nous reportons au tableau comparatif des classifications de dépêches établies par les

trois manuels de l'agencier successifs, nous pouvons en conclure aisément que la

classification des dépêches est peu élaborée en comparaison d'aujourd'hui. Par ailleurs, bien

que les coûts de transmission aient une incidence sur le volume des dépêches, leur taille reste

peu normalisée comme nous allons le voir dans la partie suivante.

100

TYPES DE DÉPÊCHES DEFINIS PAR LES MANUELS DE L'AGENCIER

FACTUELS

AUTRES PAPIERS (dits

papiers à attribut)

avant l'événement

Pendant et juste après

l'événement

Après l'événement

1971

Flash

Bulletin

Urgent

Commentaire

Complément

développement

1982

Flash

Bulletin

Urgent

Additif

avant papier

lever de rideau

papier d'ouverture

synthèse

running

papier d'éclairage

Les Echos

les réactions

2004

Flash

Bulletin

Urgent

Premier lead

papier de présentation

lever de rideau

synthèse

synthèse

thématique

papier d'éclairage

papier d'angle

l'enquête

le running

les principaux points

le Verbatim

papier d'analyse

reportage

le papier général

le papier bilan

101

Documentation

autour de l'événement

Autres Papiers

le bilan

encadré

fiche technique

biographie

portrait

film et chronologie

papiers spéciaux

papiers magazines

features

le compte-rendu

les réactions

commentaire

dossier

e compte-rendu d'audience

documentation express

encadré

technique

biographie

bio portrait

bio express

portrait

fiche de lecture

la chronologie

le film

interview

trois questions

le magazine

le week ender

revue de presse

Sources : AFP, Manuels de l'agencier, 1971, 1982, 2004.

102

1.1.2 Absence de normalisation de la taille des dépêches

Bien que la technique ne permette pas d'envoyer aisément des dépêches en grand nombre et

en permanence, les dépêches des années cinquante ont néanmoins une longueur largement

supérieure aux dépêches qui circulent aujourd'hui sur les fils de l'agence. Dans les factuels

comme dans les reportages, le journaliste des années cinquante s'exprime abondamment, il

emploie un style littéraire, use de métaphores et d'images pour décrire une situation. La

dépêche prend souvent la forme d'un récit narratif et descriptif. Qu'on en juge :

Dans le brillant soleil, c'est une fête d'entendre au grand jour la voix si souvent

couverte par les brouillages allemands ou vichyssois, là où il y a deux semaines

retentissaient les coups de feu.(,..) 16 heures, il fait beau, le ciel est bleu, mais on a

fermé les fenêtres (,..), dans le décor familier, un décor modeste, mais bien français,

s'élève la voix énergique qui tant de fois pendant les heures sombres a versé au cœur

des Français l'espoir en la grandeur et la pérennité de notre pays (...) 123

Bien que la faillibilité de la transmission et son coût limitent la taille des dépêches, les

factuels peuvent atteindre tout de même plus de 1000 mots, «II n'y avait pas de

moyenne, une simple dépêche factuelle dépassait rarement 1000 ou 1500 mots.»

Quant aux reportages, ils parviennent par voie postale au service features de l'agence

et ne semblent pas souffrir de restriction en termes de taille, comme le souligne cette

ancienne journaliste, « // m'arrivait d'écrire dans les années cinquante, une dizaine de

feuillets, 2000 mots, dans les papiers magazines (...) Dans les reportages avant, on

pouvait avoir une plume tout à fait à l'aise. » Les reportages sont des produits

commandés essentiellement par les journaux qui ne disposent pas de ressources

financières suffisantes pour couvrir un grand nombre de pays. Ils

passent régulièrement commande auprès de l'agence. C'est ainsi que les agences

dominent la production de l'information internationale grâce à la puissance de leurs

réseaux de correspondants.

123 Agence Française de Presse, dépêche, « Paris, pendant le discours du général de Gaulle», 12septembre 1944, annexe A-3.

103

La longueur des dépêches s'explique également par leur exhaustivité. L'énonciation des faits

et l'analyse sont réunies dans une même dépêche. Les papiers rédigés par les journalistes de

l'AFP n'étaient pas fragmentés comme ils le sont aujourd'hui. Ils traitaient d'un fait dans son

ensemble, le journaliste abordant dans une seule et même dépêche toutes les dimensions de

l'événement. Le souci d'exhaustivité de la dépêche associé à la couverture d'événements

exceptionnels comme celle des conflits commandent parfois des dépêches particulièrement

longues (jusqu'à douze feuillets), comme en témoigne cette ancienne correspondante qui a

couvert pendant trois ans les débuts de la guerre du Vietnam pour l'AFP.

Les papiers qu'on faisait au Vietnam, c'était moins rigide qu'aujourd'hui(...)il y avait

quand même des normes. Juste après le cessez-le-feu, on a été les deux premiers

journalistes à passer du côté Viet Kong, et on y a passé deux jours alors que le

président sud vietnamien avait décrété la peine de mort pour tous ceux qui repassaient

la frontière. Quand on est sorti de là, on a fait des papiers et ça a duré six jours.

Mon chef de poste de Saigon voulait m'envoyer à Bangkok écrire mes papiers, pour

des raisons de sécurité. Je lui ai dit : « Non, j'écris d'ici ou j'écris pas », j'ai pris mon

carnet je l'ai mis à la poubelle. Je lui ai dit : « Ecoute, moi je m'en fous, le truc, je l'ai

fait après si tu veux que je ne l'écrive pas c'est d'accord, mais j'irai pas à Bangkok ».

Il m'a laissé faire, et le lendemain, j'ai fait un papier de douze feuillets alors que la

norme c 'était trois. Tous les jours qui ont suivi, j'ai fait des papiers.

Outre la technique, d'autres facteurs expliquent la longueur des dépêches des années

cinquante. A cette époque, l'agencier cherche à transmettre les informations pertinentes sans

trop se soucier des contraintes de forme. Ses dépêches parviennent au desk sous une forme

abrégée (en nègre) et le journaliste sait que sa dépêche fera l'objet d'une relecture attentive et

d'une réécriture. Tandis qu'aujourd'hui, l'objectif du journaliste est de produire des articles

« prêts à publier » suivant les standards des médias contemporains. Dans les bureaux à

l'étranger, la dépêche rédigée par un journaliste est relue par le directeur du bureau avant

qu'elle ne soit envoyée au desk régional. Durant notre enquête de terrain, nous avons constaté

que le desk régional effectuait très peu de corrections sur les textes. Toutefois, il arrive que le

desk demande des précisions sur un élément de la dépêche s'il juge qu'il faudrait fournir des

informations supplémentaires ou lorsque le contenu de la dépêche diffusée par l'AFP diffère

104

des informations transmises par la concurrence'24. Le rôle du bureau régional consiste

notamment à composer les différents fils et à transmettre les demandes des clients aux

bureaux locaux, en commandant des papiers.

Enfin, dernière explication à la longueur des dépêches, dans les années cinquante, les

journalistes rendent compte de la vie des institutions dans le respect des normes qui

définissent ces institutions alors qu'aujourd'hui les médias imposent leur propre logique et

leurs propres règles discursives. En effet, le journalisme d'agence tel qu'il est pratiqué après-

guerre, laisse une large place à la retransmission des discours125, et notamment pour ceux

tenus par le général de Gaulle en France et à l'étranger. Les journalistes manifestent alors un

grand respect envers les institutions politiques, leur action se limite à retranscrire en

intégralité les discours sur les fils de l'agence, ce qui conduit l'AFP à diffuser des dépêches

particulièrement longues. Dans les dépêches de cet ordre, le journaliste dans sa dimension

discursive n'apparaît pas dans la dépêche, le lecteur «possède très peu d'indications sur

l'énonciateur qui anime l'article, puisque celui-ci se tient en retrait, n 'intervenant

explicitement que très peu dans son texte. »126

Doit-on pour autant en déduire que, dans les années cinquante, il y avait absence de norme en

ce qui concerne la taille des dépêches ? Bien qu'implicite, il existait une norme qui n'était

traduite pas en nombre de mots ou de feuillets. Le journaliste au contact de ses pairs

intériorisait des savoirs et des savoir-faire comme les différents contenus rédactionnels et la

taille qui y correspondait. Par ailleurs, si les journalistes à l'étranger n'avaient pas une

conscience aiguë des exigences des clients en matière de volume de la dépêche, les

journalistes du desk en contact avec les clients se chargeaient de modifier la taille des

dépêches et de la rendre conforme aux attentes de la clientèle.

24 Sur les rapports entretenus par le bureau local et le bureau régional, on pourra se référer à l'extraitdu journal de terrain au chapitre 2 de la troisième partie, section 2, 2.2.1.1.

25 Dépêche du 4 juillet 1945 : « Allocution du Général de Gaulle », annexe n°A-2.126 On peut se référer à l'étude de Jean de Bonville et Lise Moreau sur le concept d'identité discursive,« Journalistes et magistrats : le concept d'identité discursive appliqué à la couverture de l'actualitéjudiciaire en 1950 et 2000 ». In Brin Colette, de Bonville Jean Charron Jean, Nature et transformationdu journalisme, Théorie et recherches empiriques, les Presses de l'Université Laval, Québec, 2005,chapitre 9, page 365.

105

Il faut attendre la parution du premier manuel de l'agencier rédigé par Jean Marin en 1971

pour que soient établies officiellement des normes en matière de taille de la copie. Ces normes

sont parachevées par les deux manuels suivants et surtout par l'introduction de l'informatique

à l'agence. L'emploi des premières consoles informatiques contraint le journaliste à réduire la

taille de ses dépêches. Un lead ne peut dépasser plus trois lignes et demi sous peine d'être

coupé.

L'absence de normalisation conjuguée à la prééminence du factuel sur les autres types de

dépêches sont les conditions préalables à l'avènement d'un modèle spécifique de journalisme,

le journalisme événementiel.

1.2 Le journalisme événementiel

Le journalisme qui prédomine dans les vingt premières années de l'agence est un journalisme

que l'on peut qualifier d'événementiel, c'est-à-dire une forme du journalisme qui privilégie

l'événement à la description du contexte et à l'explication de l'événement. Dans les années

cinquante, les dépêches sont centrées sur l'événement, les textes journalistiques sont

essentiellement d'ordre narratif et descriptif. La légitimité du correspondant à l'étranger

réside dans le fait qu'il assiste à l'événement. C'est dans sa présence physique sur le terrain

que le journaliste trouve sa raison d'être. Sa compétence repose alors sur sa capacité à narrer

l'événement et à en donner une description la plus précise possible.

Le journalisme événementiel coïncide avec le modèle du factuel. « Le factuel, c'était notre

raison d'être », c'est ainsi qu'un ancien journaliste de l'agence qualifie son activité dans les

années cinquante. Sous le règne du journalisme événementiel, il n'y a pas de dépêche

consacrée à l'analyse proprement dite, l'énoncé des faits et l'analyse constituent une seule et

même dépêche. En comparaison du découpage actuel de la copie de l'AFP, la définition du

factuel en 1950 est bien plus large.

Si le journaliste peut effectuer des analyses et des commentaires de l'événement, il ne produit

que peu de dépêches portant sur une situation sans qu'un événement soit prétexte à la

dépêche. C'est uniquement dans les reportages envoyés par voie postale que le journaliste

106

peut développer un point de vue situationnel. En outre, le volume des dépêches produites est

limité par la technique et les coûts de transmission, aussi les journalistes donnent la priorité au

factuel.

Les longs papiers, les commentaires sont considérés comme des dépêches de second ordre par

l'agence. Ainsi dans le manuel de l'agencier, Jean Marin précisait, en 1971, que « les longs

papiers de commentaires ou relatifs à des sujets de moindre intérêt, ou encore limités à un

secteur géographique, peuvent parfois être reportés au-delà des heures de pointe. »127

Le factuel est associé par les journalistes de la plus ancienne génération à la vérité et à

l'objectivité, c'est pourquoi l'analyse ou les attributs ne sont pas acceptés par de nombreux

journalistes qui ont tendance à les considérer comme autant de possibilités de travestissement

des faits.

- On est tous les gardiens de la vérité avec un grand V, on suit l'actualité, le factuel,

- Il y a de plus en plus de papiers de mise en perspective, on s'est très nettement

éloigné du métier que je faisais en rentrant à l'AFP où on faisait du factuel, où

éventuellement on racontait des histoires.

Lorsque les correspondants étrangers sont plusieurs à couvrir un événement simultanément,

ils ne sont pas en mesure de fournir une information exclusive à leurs services. Or,

contrairement aux correspondants étrangers qui exercent aujourd'hui, les journalistes de cette

époque ne cherchent pas à se différencier de leurs concurrents en réalisant un traitement

original ou une mise en forme particulière de l'information. Par ailleurs, en matière de

factuels, la marge d'innovation est relativement faible. Les journalistes mesurent alors la

réussite de leur copie à ses similitudes avec celle de ses concurrents. Les journalistes mesurent

l'efficacité de leur activité au nombre d'éléments communs entre leurs dépêches et celles de

leurs concurrents. «Au Congo, on était tout le temps fourrés ensemble [les journalistes

concurrents], à se surveiller éventuellement et souvent très amis. On s'amusait parce qu'on

127 AFP, Manuel de l'agencier, Jean Marin, 1971, page 80.

107

s'apercevait que lorsqu 'on avait bien travaillé, les deux premiers paragraphes étaient les

mêmes. » L'exhaustivité exigée en matière de factuels conduit à l'homogénéisation de la

copie des différentes agences.

Section 2 - Une hiérarchisation des dépêches revisitée

Le manuel de l'agencier publié en 1982 comprend 227 pages et son format est deux

fois supérieur à celui du premier manuel rédigé par Jean Marin qui ne comprend que

93 pages. Ce nouveau manuel, qui prescrit un grand nombre de règles inédites et

présente de nouveaux types de dépêches, témoigne d'un grand nombre de

changements mais aussi d'une perte de repères liée à une période de transition dans la

rédaction de la dépêche. En effet, l'intégration de l'outil informatique conjuguée aux

nouveaux modes de transmission par satellite auront une forte incidence sur la

conception de la dépêche rendant nécessaire l'instauration de «balises» par la

rédaction en chef pour mettre en place de nouveaux modes rédactionnels et de

nouveaux formats de dépêches. Le manuel de l'agencier vient préciser dans les

moindres détails tous les aspects de la pratique journalistique et de la copie agencière.

2.1 Développement des dépêches hors factuels

L'accroissement de la concurrence et le développement de la télévision conduisent l'agence à

se repositionner sur le marché médiatique afin d'être en mesure de proposer un produit

informationnel distinctif des autres médias. Dès le milieu des années soixante-dix, l'Agence

France Presse encourage ses journalistes à rédiger des papiers qui dépassent le cadre du

simple récit des événements, comme le précise Claude Roussel, président directeur général de

l'agence de 1975 à 1978 :

Depuis quelques années, nous constatons que les journaux - aussi bien à l'étranger

qu 'en France - souhaitent que nous développions l'aspect commentaire de nos

informations. Cela leur permettrait, en effet de se démarquer plus nettement des

108

moyens audiovisuels, de présenter des « papiers » et non plus des nouvelles sèches.

Nous essayons donc aujourd'hui d'adapter nos services dans le sens de la

systématisation de synthèses sur certains sujets à certaines heures. l28

Cela se traduit notamment par le développement de papiers avant que l'événement

n'ait lieu, si celui-ci est prévisible. Le manuel de l'agencier publié en 1982 recense

trois types de papiers de ce genre : l'avant-papier, le lever de rideau et le papier

d'ouverture.

L'avant papier, d'un volume de 400 à 600 mots, est diffusé 48 heures à 36 heures

avant l'événement.

Le lever de rideau, appelé également « papier balai », est diffusé la veille de

l'événement. Il est plus succinct que l'avant papier, et « ne reprend que les toutes

grandes lignes de ce que l'on attend de l'événement, en développant un peu plus le

déroulement de sa première journée. Il doit, en somme, déboucher sur l'événement

comme si l'on y était presque arrivé.»

Le papier d'ouverture est une dépêche courte diffusée à l'ouverture des fils le jour

même de l'événement.

128 Roussel, Claude, L'Écho de la presse et de la publicité, 17 novembre 1975. Claude Rousselemploie le terme de commentaire mais ici le terme ne désigne pas les papiers d'opinion mais lespapiers de synthèse et d'analyse129 AFP, Manuel de l'agencier, 1982, page 98.

109

L'agence développe également des papiers où le journaliste procède à un retour sur

l'événement à travers deux types de dépêches qui viennent s'ajouter aux dépêches

déjà existantes : le bilan et le papier d'éclairage.

Le bilan est une dépêche qui comprend 400 à 600 mots et qui « cherche à dégager la

signification principale d'un événement qui s'est prolongé dans le temps, tout

rappelant dans ses grandes lignes en quoi cet événement a consisté. »

en

Le papier d'éclairage est un papier qui dégage la portée d'un événement en le situant

dans son cadre et dans sa perspective.

Ces nouveaux types de papiers sont créés en fonction des besoins des clients de l'agence.

Ainsi, pour chaque papier, le manuel de l'agencier précise quand celui-ci doit parvenir aux

clients et dans quel but. Le manuel précise ainsi que l'avant papier doit être diffusé 36 à 48

heures à l'avance afin qu'il puisse être utilisé par la presse écrite la veille de cet événement, et

pour que le journaliste s'en souvienne, les mots « utilisé » et « la veille » apparaissent en gras

dans le manuel. Quant au papier d'ouverture, il est destiné particulièrement aux clients

radios : « il est diffusé à l'ouverture des fils le jour même de l'événement, avant le deadline

matinal des radios auxquelles ce papier d'ouverture est essentiellement destiné. »

Les impératifs commerciaux sont donc omniprésents dans le second manuel, contrairement au

premier, où l'intérêt porté aux clients se traduisait essentiellement par une mention sur le

respect des fuseaux horaires. Désormais, l'agencier doit écrire en ayant en tête les besoins des

clients, voire en prévoyant les réactions du public : « La couverture d'un événement important

ne doit pas être abandonnée brutalement. Une fois éveillé, l'intérêt du public persiste un

certain temps. »130

130 AFP, Manuel de l'agencier, 1982, page 100

110

Le développement de nouvelles formes de dépêches qui ne se limitent plus au récit et à la

description des événements s'accompagne d'une réaffirmation, par la direction, des règles

d'objectivité et d'anonymat propres au métier d'agencier. L'agence ressent la nécessité de

préciser à nouveau la fonction de l'agencier et ainsi de distinguer l'agencier du journaliste de

presse écrite : « Le commentaire n 'a pas sa place dans un service d'agence. Il est réservé à

nos confrères des autres médias qui ont la liberté de s'exprimer, sous leur signature et leur

responsabilité, leurs opinions personnelles. »131 Outre l'introduction de nouveaux types de

dépêches, le second manuel de l'agencier, sous le poids de l'informatisation est contraint de

procéder à une normalisation de la taille de la dépêche.

2.2 Normalisation de la taille de la dépêche

L'amélioration des techniques de transmission des dépêches et l'informatisation progressive

de l'agence conduisent à une explosion du volume de dépêches produites par l'agence. Cette

multiplication des dépêches s'explique en outre par la diversification des formats de dépêches.

L'agence va être contrainte de mener une politique de normalisation de la dépêche en

imposant un volume de mots pour chaque format de dépêche. Bien que le premier manuel de

l'agencier précisait déjà des normes en termes de volume, les journalistes n'obéissaient pas

strictement aux règles prescrites par l'agence, comme le précise ce journaliste entré à l'agence

à la fin des années soixante :

A mon entrée à l'agence on m'a appris à faire un urgent d'un paragraphe, on ne m'a

jamais dit quelle était la taille du paragraphe. Aujourd'hui, on ne parle pas de

paragraphe, on dit : on fait un urgent de trois lignes maximum, si on dépasse sur la

quatrième c'est autorisé.

131 AFP, Manuel de l'agencier, 1982, page 100.

111

Le manuel de l'agencier publié en 1982, précise désormais la taille d'un paragraphe : «Le

paragraphe, qui constitue chacun des étages de la pyramide inversée, doit être lisible. S'il

dépasse trois lignes, il doit être coupé en deux phrases au moins. Aucun paragraphe ne doit

dépasser cinq ou six lignes. »132 Dès les premières pages, le premier manuel alerte l'agencier

sur les exigences en termes de normes de la copie. La dépêche « doit donc obéir à des normes

fixes et constantes (...) le lead est l'élément essentiel de l'information, son résumé en un

minimum de mots. »

Les journalistes les plus anciens rencontrent des difficultés à s'adapter à cette politique, où les

journalistes du desk sont chargés de sélectionner les dépêches qui vont être diffusées sur les

fils et de « retailler » la copie s'ils les jugent trop longues. Les journalistes sur le terrain, et

les correspondant étrangers d'autant plus, ressentent cela comme une ingérence dans leur

travail. Ils ont le sentiment que les journalistes du desk ne mesurent pas l'importance de

l'événement qu'ils couvrent. Ainsi cette correspondante désormais à la retraite qui relate son

voyage avec le président français François Mitterrand à Sarajevo :

C'est un truc dingue aujourd'hui. Par exemple quand je suis allée à Sarajevo (...), ils

étaient convaincus que je ne pourrais rien transmettre parce que j'avais juste ma

petite console. En fait j'ai réussi à trouver des téléphones satellites et j'ai pu

transmettre toute la journée. La seule chose qu'ils m'ont fait passer c'est le dernier

papier de 800 mots, pour un sujet comme ça qui était une exclusivité ! En d'autres

temps, cinq, six, huit feuillets, ça passait.

Aussi, ces derniers adoptent-ils des stratégies de contoumement pour éviter que le journaliste

du desk ne procède à des modifications trop conséquentes de leur copie : « Comme on en avait

marre de voir toujours nos papiers coupés, à la fin, on ajoutait toujours un dernier

paragraphe supplémentaire, parce qu 'on savait que de toutes façons il serait coupé. Comme

ça, on était sûr de voir notre papier diffusé sans trop être abîmé. »

Au sein de cette section, nous avons souligné combien les années soixante-dix et quatre-vingt

ont constitué une période de transformation des modes rédactionnels de la dépêche, qui ont

conduit l'agence à réévaluer la hiérarchisation des dépêches notamment en multipliant les

m. AFP, Manuel de l'agencier, 1982, page 39.

112

formats de dépêches hors-factuel, et en menant une politique de normalisation de la taille des

papiers. Les modifications opérées dans la classification des dépêches au cours des années

soixante-dix et quatre-vingt préfigurent une transformation plus radicale de la copie agencière

qui se traduit notamment par une fragmentation de la copie et le développement des papiers à

attribut. Ces changements impliquent le développement d'une nouvelle forme de journalisme :

le journalisme situationnel, caractéristique de cette nouvelle configuration journalistique.

Section 3. La seconde configuration : fragmentation de la dépêche et règne dujournalisme situationnel

3.1 Les caractéristiques de la dépêche

Le développement des techniques de distribution des informations, l'apparition de nouveaux

supports (Internet, téléphone portable, canaux d'information en continu, etc.), l'intensification

de la concurrence et la diversification des intérêts de la clientèle ont conduit l'AFP à accroître

sa production et à diversifier les formats des dépêches et les angles de traitement des

événements. L'agence doit réagir toujours plus vite face à la concurrence et chercher à s'en

distinguer en proposant des angles inédits de couverture de l'événement et des formats les

mieux adaptés aux besoins de ses clients.

Dans cette section nous verrons qu'au factuel, qui a longtemps constitué le modèle de

référence de la dépêche, s'ajoutent de plus en plus de « papiers à attribut » qui ont connu une

forte expansion ces quinze dernières années. Cette diversification des formats entraîne un

accroissement de l'activité de mise en forme de l'information et sollicite des compétences

nouvelles chez les journalistes. Nous verrons également que cette multiplication des formats

et l'exigence accrue des clients qui disposent d'une offre informationnelle plus importante

qu'autrefois, conduit l'agence à s'engager dans une politique de normalisation de la taille des

dépêches.

113

3.1.1 Le factuel, mode de traitement traditionnel de la copie agencière

Comme nous l'avons vu précédemment, le factuel désigne le texte journalistique dans lequel

le journaliste se contente de relater les faits dans un souci d'objectivité, d'exactitude et de

neutralité, ce qui conduit l'agence et les journalistes à qualifier ce type de dépêches, de

« nouvelles sèches ». Le factuel traite généralement d'événements fortement marqués

temporellement et dispose d'une taille modérée. Le « factuel » exclut par conséquent tous les

textes journalistiques aux dimensions éditorialisantes133 ainsi que les dépêches fournissant un

nombre important de détails et d'éléments contextuels.

Le découpage de l'information factuelle en plusieurs types de dépêches a connu peu de

modifications entre 1945 et aujourd'hui. En 1945, le factuel désignait trois types de dépêches,

le flash, le bulletin et l'urgent.

Au début des années quatre-vingt, l'additif et le lead se joignent aux trois types de factuels

cités précédemment.

• L'additif peut être utilisé comme un complément express du bulletin mais peut

également compléter une première dépêche urgente.

• Le lead'34 ou papier d'ensemble reprend le dernier état d'un événement. Il fait la

synthèse des différents aspects d'un même événement traité dans les dépêches

précédentes.

En 2000, l'additif qui avait été créé pour pallier les lenteurs de transmission, et le lead sont

remplacés par le premier lead et le factuel court.

133 L'information éditoriale est bannie des dépêches d'agence.134 Le terme lead désigne à la fois « l'attaque » d'une dépêche c'est-à-dire les deux ou trois premièreslignes de la dépêche, mais également un format spécifique de dépêche. Le second manuel de l'agencierdéfinit le lead comme la dépêche venant à la suite des bulletins et de l'urgent.

114

• Le premier lead succède à l'urgent. Il rassemble les informations contenues dans les

différents urgents portant sur un même événement et comporte quelques éléments

contextuels nécessaires à la compréhension du lecteur.

• Le factuel court traite d'un événement qui ne mérite pas d'être envoyé en urgent mais

qui doit être diffusé rapidement pour répondre aux besoins de certains clients.

Bien que le factuel constitue une forme de couverture incontournable de l'agence, ce n'est pas

lui qui permet à l'agence de se distinguer de la concurrence. En effet, l'AFP est aujourd'hui

largement concurrencée par d'autres médias sur l'information factuelle, notamment par les

médias d'information en continu. C'est pourquoi, dans la copie agencière telle qu'elle nous

apparaît depuis les années quatre-vingt-dix, le factuel, modèle classique, est sérieusement

concurrencé par d'autres formes de dépêches, les papiers à attribut. Ces derniers connaissent

une expansion considérable et concurrencent le factuel. Les papiers à attribut désignent tous

les papiers qui n'appartiennent pas au factuel (flash, bulletin, urgent, premier lead, factuel

court) et qui traitent de l'événement en fonction d'un choix rédactionnel (l'attribut) défini et

énoncé préalablement. Ainsi, outre le traitement d'un événement par des dépêches factuelles

(flash, bulletin, urgent, lead), le directeur du bureau peut demander à ses journalistes de

rédiger des types de dépêches spécifiques sur ce même événement, telle une dépêche intitulée

« les principaux points », récapitulant les éléments essentiels de l'événement, ou bien réaliser

un « portrait » de l'interlocuteur principal, etc.

Dans un contexte d'hyper concurrence, l'agence s'inscrit dans une démarche de différenciation

par rapport à ses concurrents et d'adaptation à la demande de ses clients. Elle propose donc à

ses clients un large éventail de dépêches, dont quarante-deux papiers à attribut qui'proposent

un traitement différent de l'événement. Nous nous proposons donc de porter une attention

particulière aux papiers à attribut ainsi qu'aux papiers d'analyse, qui constituent un sous-genre

des papiers à attribut, ces derniers ayant connu une expansion particulièrement forte au cours

de la dernière décennie.

115

3.1.2 L'expansion des papiers à attribut

La surabondance de l'offre d'information permet aux clients de disposer aussi d'un choix

important, la clientèle des agences se fait de plus en plus volatile et infidèle.135 Pour satisfaire

des besoins et des demandes de plus en plus variés, l'agence doit être en mesure de proposer

des produits adaptés aux besoins particuliers de ses différents types de clients. L'agence

emprunte alors de nouvelles stratégies rédactionnelles parmi lesquelles le développement des

papiers à attributs qui proposent des formats différents dans le traitement d'un même

événement. En 1971, le premier manuel de l'agencier comptabilise douze dépêches hors

factuels. Le dernier manuel de l'agencier publié en 2004 comptabilise pas moins de quarante-

deux types de dépêches différents n'appartenant pas au genre du factuel.136

L'apparition des papiers à attribut est un point de clivage entre la jeune génération et la plus

ancienne. La majorité des journalistes aujourd'hui en exercice sont favorables au

développement des papiers à attribut ; pour certains, la rédaction des attributs est un moyen de

pratiquer un « vrai «journalisme. La génération la plus ancienne, considère au contraire que

le factuel, « les faits rien que les faits », est le seul modèle de dépêche imaginable. « Le boulot

de l'AFP ce n'est pas de faire des reportages. Pigeât [ PDG de l'Agence France Presse de

1979 à 1986] avait employé le terme de "grossiste en informations". Ce n 'est pas beau parce

que ce n 'est pas vrai, on fait aussi dans le détail, mais l'essentiel c'est le factuel ». Toutefois,

aujourd'hui la rédaction des factuels est moins valorisée car le choix rédactionnel du

journaliste est moins sollicité dans les factuels que dans les papiers à attribut.

C'est valorisant pour un journaliste de s'extraire du factuel pur et de prendre du recul

et déjouer son vrai rôle de correspondant à l'étranger (...) J'ai envie de ça : j'ai envie

de lire des reportages, des analyses et des papiers d'angles, sans compter les papiers

très pratiques comme les encadrés, les bios, les chronologies et je suis absolument

convaincue que ça permet à un fil de dépêches de respirer.

135 Pour s'attacher une clientèle de plus en plus volatile, certaines agences, Reuters et AP, proposentdes «packages » d'informations ou vendent leurs dépêches à l'unité. Jusqu'à présent l'AFP ne s'estpas encore engagée dans cette voie.136 La classification des dépêches des trois périodes est présentée aux pages 109 et 110.

116

Alors que les journalistes les plus anciens considèrent que le factuel constitue la production

noble de leur activité, les journalistes plus jeunes s'épanouissent davantage dans les papiers

hors factuels. Un tel découpage de l'événement dans une multitude de formats potentiels est

parfois difficile à suivre pour les journalistes. Ils ne gardent pas en tête toutes les formes

possibles de dépêches et ils ne disposent pas de suffisamment de temps pour passer en revue

tous les types de papiers et décider lequel serait le plus approprié, sans compter que les

distinctions entre les papiers sont parfois difficiles à saisir. « La différence entre papier

d'éclairage et papier d'analyse est quand même assez ténue ». Certains journalistes ont confié

qu'il leur arrivait de se référer au manuel de l'agencier pour s'assurer des différences entre tel

et tel papier à attribut. La multiplication des formats entraîne une réduction de la taille des

dépêches et une surveillance encore plus stricte du respect des normes en matière de taille.

3.1.3 Une taille de dépêche normalisée

Deux processus conduisent conjointement à la multiplication des papiers. D'une part, l'agence

doit toujours réagir plus vite et « coller » à l'événement ce qui force les journalistes à

multiplier les papiers pour rendre compte des moindres développements. D'autre part, comme

nous l'avons précisé plus tôt, l'agence doit couvrir des angles inédits, trouver des

compléments d'informations auxquels les concurrents n'ont pas pensé ou n'ont pas accès afin

de remporter la considération du client. « On est dans une logique du toujours plus, toujours

plus de papiers dans la journée et toujours d'angles possibles et inimaginables pour ne pas

être dépassé par la concurrence. »

Par ailleurs, les moyens techniques permettent aujourd'hui de diffuser les dépêches des

agenciers sans limite de volume. Le rôle de l'agence est donc de veiller à ce que le fil de

l'AFP ne soit pas redondant. Chaque dépêche doit s'intégrer dans la composition du fil afin de

veiller à ce que celui-ci ne soit pas saturé de dépêches. À cet effet, l'agence prône une

réduction de la taille des dépêches : « Privilégier la qualité sur la quantité. Réfléchir à ce que

nous faisons, pourquoi, comment et pour qui. Faire plus court (factuels de 200 mots maxi,

117

papiers de 600 mots maxi, voire moins) »137. Cette affirmation souligne que les critères et les

pratiques habituelles, routinières ne permettent pas d'agir efficacement, l'agence invite à

« réfléchir », sous-entendant que ce qui est prescrit par la routine et les manuels coïncide mal

avec les exigences actuelles, c'est donc l'indice qu'il y a du changement.

Dans un rapport publié en juin 2000138 sur le réseau intranet de l'agence, l'AFP rappelle six

priorités rédactionnelles à ses journalistes. Parmi celles-ci, le chapitre consacré aux mesures

visant à améliorer les contenus réitère les impératifs liés à la taille de la copie.

Quelle que soit la langue de travail, la longueur des papiers doit être au maximum de

600 mots pour les papiers principaux, sauf pour des événements mondiaux d'ampleur

exceptionnelle. Les angles et reportages peuvent avantageusement être limités à 400 -

500 mots. m

Le dernier manuel de l'agencier rationalise la taille de la copie en intégrant une grille de

classification des différents types de « papiers »140. À chaque type de dépêche correspond un

nombre de mots maximum. La majorité des dépêches doivent comporter entre 300 et 600

mots, deux dépêches peuvent être plus longues, seuls les attributs « En bref» qui malgré son

titre peut comporter jusqu'à 700 mots et « Principaux points » qui comprend 800 mots.

La réduction de la taille des dépêches répond à une tendance identique pour les journaux. Au

cours de ces dernières décennies, les journaux ont eu tendance à diminuer la longueur

moyenne des textes qu'ils publient. La dernière maquette du quotidien « Le Monde » ou celle

de « Libération » témoignent de cette tendance. Par ailleurs, les clients Internet qui constituent

de nouveaux clients de l'agence exigent un format plus court des dépêches. En 1999, le

producteur senior de Yahoo affirmait que son site diffusait pas moins de 600 dépêches par

7 Document AFP diffusé sur l'intranet, « Rédaction en chef: notes rédactionnelles, les prioritésrédactionnelles », p.4, juin 2000, annexe B-9.138 Document AFP diffusé sur l'intranet, «Rapport sur les priorités rédactionnelles de l'agence»,2000, annexe n° B-9.n9op.citp.l.140 Annexe n° B-6.

118

jour141. Internet exige un autre format de dépêche auquel les journalistes doivent s'adapter.

« // est à remarquer que les impératifs du multimédia nous obligent à être encore plus concis

(sur un site web, une histoire en 400 mots est déjà longue). »142

3.2 Le journalisme situationnel

Une grande part des papiers à attribut sont des papiers d'analyse. Le développement de ce

type de papiers s'inscrit dans le mouvement qui a vu le journalisme événementiel céder

progressivement sa place au journalisme situationnel. Les dépêches ne se limitent plus à la

seule description de l'événement comme dans les années cinquante, mais comprennent

également une mise en contexte de l'événement. La compétence du journaliste repose

désormais sur sa capacité à synthétiser un événement, à le contextualiser, à en donner une

analyse. Dans le cadre du journalisme situationnel, les journalistes « mettre en valeur les

groupes plutôt que les individus et dépendent des sources expertes extérieures. Ils expliquent

une époque en se rapportant à d'autres époques. Ils se concentrent sur de grandes régions

plutôt que sur des lieux particuliers, et se penchent davantage sur le comment et le pourquoi

de l'événement plutôt que sur l'événement lui-même. »

Les agences de presse ne peuvent pas concurrencer la télévision, aussi elles proposent de s'en

différencier en rendant l'information "vivante". Barnhurst explique que les journalistes vont

«raconter» l'événement en y ajoutant plus de détails, d'explications et d'éléments

contextuels qu'ils ne l'auraient fait auparavant. Ainsi les journalistes tendent à proposer des

textes plus analytiques. L'événement particulier n'a un sens que si on peut le rattacher à un

cadre universel ou global. Le journaliste doit être en mesure de mettre en perspective

l'événement particulier. Il s'agit pour le journaliste d'expliquer les causes de l'événement,

141 Grégoire Clémencin, producteur senior de Yahoo France, entretien au Journal du Net, 11 mars1999, extrait « les Journaux face à la concurrence d'Internet, Nouveaux barbares de l'information enligne » Marc Laimé, Le Monde Diplomatique, juillet 1999, page 24.142 Document AFP diffusé sur l ' intranet, op.cit., page 2.143 Barnhurst, Kevin G., Mutz Diana C , «American Journalism and the Décline in Event-CenteredReporting», Journal of Communication, 41.4, 1997, pp 27-53, p.44 : « emphasize groups rather thanindividuals and dépend on outside expert sources. They explain a period by referring to other timeperiods. They focus on larger régions rather than particular addresses, and they emphasize the howand why rather than on the event itself. » (traduction réalisée par l 'auteur).

119

comment il s'est déroulé mais également de le resituer dans un cadre plus large. Par ailleurs,

le public dispose aujourd'hui de nombreux moyens de s'informer. Dans un contexte de

surabondance de l'information, l'AFP se doit de proposer une information « rare » voire un

service.

L'Agence France Presse constitue un label de sérieux en comparaison des autres sources

d'information, toutefois, dans un contexte où les enjeux sont devenus multidimensionnels, à la

fois globaux, et à la fois régionaux voire locaux. Le journaliste adopte une nouvelle fonction,

il relate l'événement et l'explique. Le journalisme situationnel se traduit donc du point de vue

du journalisme d'agence par un accroissement du journalisme de décryptage avec l'apparition

de nouveaux formats de dépêches et de nouveaux acteurs, les experts, ainsi que d'une

redéfinition du rôle journalistique.

3.2.1 L'évolution de la demande

L'avènement du journalisme situationnel répond à une évolution de l'environnement

médiatique marquée notamment par la multiplication conjointe des canaux de diffusion de

l'information et des acteurs médiatiques qui ont conduit à une situation de surabondance de

l'offre d'information. L'agence évolue dans un environnement qui se caractérise notamment

par un contexte de surinformation. En effet, le début des années quatre-vingt-dix a été marqué

par l'avènement des chaînes d'information en continu qui ont permis la diffusion simultanée

et mondiale d'événement en direct. La chaîne CNN 144 en a été l'initiatrice et s'est notamment

illustrée lors de la couverture de la première guerre du Golfe.145 En 1995, Internet participe à

l'élargissement de la sphère informationnelle. L'agence est aujourd'hui concurrencée

intensément sur la production de factuels. Dans ce contexte les faits sont déjà connus par les

lecteurs grâce à la télévision, la radio et Internet :

4 Ted Turner a lancé la première chaîne télévisée d'information en continu, CNN, Cable NewsNetwork le 1er juin 1980, puis CNN International en 1985, mais c'est la couverture de la premièreguerre du Golfe en 1991 qui signe l'essor des chaînes d'information en continu.145 Nous renvoyons le lecteur aux travaux de Jocelyne Arcquembourg, « L'événement en direct et encontinu », Réseaux n°76, 1996, Paris, pp.31-45.

120

L'info, les lecteurs l'ont par des tas de médias, il suffit de se connecter à Internet.

L'info est disponible partout, on peut aller la chercher à la source. Nous on va couvrir

des conférences de presse mais l'auteur de la conférence de presse va mettre son

rapport sur Internet, les gens peuvent aller le voir directement. Les gens ont toujours

besoin de plus d'info car il faut alimenter ce truc. Comme l'info part dans tous les sens

et qu'elle est disponible, il faut des gens qui leur disent : voilà ce qu'on peut penser de

cette info.

Les clients de l'agence exigent des papiers d'analyse, ils veulent offrir une information

différente, inédite à leurs propres clients. L'analyse est pour l'agence un moyen de produire

un discours original et distinctif; l'analyse comporte une plus value par rapport à

l'information brute qui, du fait même de son abondance et son accessibilité, est dévalorisée.

Enfin, les médias, qui luttent farouchement pour accaparer une partie de l'attention du public,

sont de plus en plus soucieux d'offrir des contenus dans des formes attrayantes et très

« lisibles » (encadrés, schémas, cartes, chronologie etc.). Cette nouvelle demande modifie de

manière conséquente la conception du rôle des journalistes. Ils sont de moins en moins des

producteurs, des rédacteurs d'information mais davantage des « metteurs en forme » de

l'information.

3.2.2 Le journalisme de décryptage

Le journalisme de décryptage ou d'analyse, peut être défini comme une démarche

journalistique consistant pour le journaliste non seulement à relater les faits, mais également à

avancer des explications afin qu'ils puissent être compris par le public. Le journaliste rapporte

les faits et les replace dans leur contexte géographique, historique, économique et culturel. Il

effectue des observations, relève des constantes, des évolutions, des contradictions qui lui

permettent d'en tirer des conclusions et de provoquer ainsi la réflexion chez son lecteur. Il

cherche également les antécédents et les causes des événements ainsi que leurs conséquences

réelles ou possibles. Si le journalisme d'analyse était présent dans la dépêche des années

cinquante, il prend aujourd'hui une place considérable dans la production agencière comme

en témoigne un correspondant étranger de l'AFP à Londres : « Je l'ai ressenti à Londres où,

presque pour un oui ou pour un non, pendant la guerre en Irak, on nous demandait

121

quotidiennement des analyses sur la dernière cassette de Ben Laden via Internet par exemple.

On donne aux gens l'info, mais de plus en plus ils veulent qu'on leur donne le mode d'emploi

de l'info, le décryptage, le décodage », et le journalisme d'analyse adopte différents formats.

« On n 'écrit plus les choses de la même manière, un papier d'analyse ne va pas plus s'écrire

comme une dépêche à tiroirs. On a besoin de papiers d'analyse, d'éclairage, d'angles,

d'encadrés, machin, chronologie, truc. »

L'AFP propose plusieurs types différents de dépêches d'analyse de l'événement :

• Le papier d'éclairage vise à éclairer un événement en exposant, de façon factuelle, les

différents points de vue et en les resituant dans leur contexte. Le papier d'éclairage

exige un solide background.

• Le papier d'analyse vise à expliquer une situation, un événement, une disparité de

points de vue, de positions. Il prend appui sur l'analyse de spécialistes pour

comprendre une situation.

• Le papier d'angle privilégie un aspect particulier de l'événement qu'il illustre. Il

reprend les éléments essentiels de compréhension de l'événement afin de faire

ressortir l'angle retenu.

• Le papier bilan est rédigé après les papiers d'analyse cités précédemment. Il vient

clore temporairement la couverture d'un événement en rassemblant les principaux

éléments et s'efforce d'en dégager la signification principale.

La démarche journalistique répond à un double objectif. Le journaliste vise la compréhension

de l'événement et s'assigne donc la tâche de vulgariser, de simplifier l'information, il joue en

quelque sorte le rôle de « réducteur de complexité » comme le précise Nicolas Pélissier146.

Mais s'il est réducteur de complexité, ce n'est pas tant parce que le monde est plus complexe,

mais parce que le public, pressé, apprécie une information pré-digérée. Ainsi, aux papiers

d'analyse, s'ajoutent donc un grand nombre de dépêches aux formats les plus divers qui sont

16 Pélissier, Nicolas, Les mutations du journalisme à l'heure des nouveaux réseaux numériques,AFRI, 2001 publication en ligne. Disponible sur:<http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001421.pdf> (consulté le 02.02.04).

122

autant d'outils au service de la compréhension de l'événement par le public (chronologie,

carte, biographie, fiche technique, etc.). Une jeune journaliste précise: «Aujourd'hui, on veut

de l'info prédigérée qu'on puisse appréhender immédiatement, y compris en la voyant (visuel)

: c'est-à-dire qu'on a un papier corps, et des encadrés à côté, éventuellement une analyse, en

général, en colonne sur le côté, et ça c'est visuel. »

La multiplication des dépêches explicatives sur un événement est particulièrement sensible

sur la couverture anticipée que fait l'agence à propos de certains événements. L'agence

produit alors un dossier qui va offrir différents angles de traitement de l'événement. À titre

d'exemple, nous présentons ci-dessous la couverture anticipée du lancement de la navette

spatiale américaine le 7 juillet 2005. Le dossier qui parvient aux clients avant que l'événement

n'ait lieu comporte pas moins de deux portraits, trois papiers d'angles, deux encadrés et une

fiche technique, auxquelles viendront s'ajouter les dépêches qui seront rédigées a posteriori

de l'événement.

123

titre de la dépêche

"Eileen, le roc", commandant de bord

de Discovery

l'astronaute japonais Soichi Noguchi,

un novice des vols spatiaux

les astronautes : bricoleurs spatiaux pour réparationen orbite

Mission Discovery : priorité à la sécurité

Discovery : un sans-faute nécessaire aux ambitionsaméricaines

La navette, autobus et camion de l'espace

La mission de la navette spatiale

De la Floride à l'orbite terrestre en 8 mn et 40secondes

type de la dépêche

portrait

portrait

papier d'angle

papier d'angle

papier d'angle

encadré

fiche technique

encadré

nombre de mots

673

510

515

628

555

361

381

425

3.2.3 Un journalisme d'analyse fondé sur la parole des experts

La demande d'analyses s'adresse à l'ensemble des médias; tous les clients de l'agence

demandent donc aux journalistes de l'AFP d'être des pédagogues, des « décrypteurs » de

l'information. Cependant, les agenciers ne sont pas des journalistes spécialisés147, ils ne

7 Les chercheurs Denis Ruellan et Dominique Marchetti ont constaté que le recrutement desjournalistes variait entre deux pôles : le premier concentrant les généralistes (généralistes polyvalentsavec une grande adaptabilité, des formations professionnelles différentes), le second réunissant lesjournalistes de plus en plus spécialisés et les experts. Les journalistes de l'agence s'inscrivent dans lepremier pôle, ils peuvent développer des savoir ou des savoir-faire spécifiques, mais ils sont tenus dechanger de poste tous les deux ans pour l'étranger et tous les quatre ans pour le siège. Ruellan Denis,

124

disposent pas de l'expertise suffisante que certains journalistes de presse écrite par exemple

peuvent avoir. Le caractère polyvalent148 des agenciers est particulièrement accentué chez les

correspondants étrangers ayant le statut siège. Ils doivent se plier à la règle de rotation

instituée par la direction. Tous les deux ans, les journalistes en poste à l'étranger doivent

revenir au siège et exercer leur métier au sein d'un desk avant de pouvoir repartir. Par ailleurs,

l'anonymat et l'objectivité et la neutralité sont des fondements du métier d'agencier. Le

journaliste ne peut apparaître comme l'énonciateur du discours, il ne peut se présenter comme

un analyste de l'événement. Si, au fil du temps, le journaliste peut parfois développer une

certaine expertise dans un domaine149, il ne peut produire des analyses et en assumer la

paternité. Les experts ont cette autorité pour s'exprimer sur le sujet que n'ont pas les

journalistes comme le précise cette jeune journaliste.

Imaginons qu 'on me demande un week ender sur le futur en Irak après les élections,

comment tu fais ça, si tu n 'appelles pas un expert? Qui va te parler? Il faut appeler

quelqu'un de l'institut de recherche. (...) Tu ne peux pas raconter que des faits, tu ne

peux pas raconter que du background, il faut que tu trouves quelqu'un qui te dit « Bah

moi je pense que...tatata ». Ce sont des gens qui ne font que lire, étudier, qui

regardent la télé comme nous, mais eux ils sont profs, alors eux ils peuvent parler,

pas nous.

L'expert peut occuper des positions différentes : «L'expert peut fonctionner comme marque

véridictive du dire-vrai du discours, et dans ce cas, il se porte garant d'un discours engendré

par d'autres énonciateurs. Dans une autre configuration, l'expert peut assumer en son nom la

production du discours et, dans ce cas, il qualifiera la matière textuelle avec sa figure. D'un

point de vue technique, ce qui change, est le degré de syncrétisme entre l'énonciateur et le

Marchetti, Dominique, Devenir journalistes, sociologie de l'entrée sur le marché du travail, laDocumentation Française, Paris, septembre 2001, 167 pages.148 Pour une analyse approfondie du caractère polyvalent du journaliste, nous renvoyons à la lecturedes travaux de Rémy Rieffel, « Vers un journalisme mobile et polyvalent ? », Quaderni, n°44,automne 2001, pp. 153-169.149 Certains correspondants étrangers de l'agence qui ont vingt à trente ans d'expérience au sein del'AFP sont devenus des spécialistes de certaines régions du monde. Bien qu'ils doivent suivre la règlede la rotation de poste instituée par l'agence, ils ont postulé pour des postes à l'étranger dans unemême région, voire ont occupé à plusieurs reprises des postes de directeur de bureau ou de journalistedans des bureaux similaires à plusieurs années d'intervalle.

125

narrateur. L'expert peut occuper une position strictement textuelle, et il reste alors un

instrument, parmi d'autres, de la stratégie pédagogique de l'énonciateur, ou il peut assumer

aussi une position énonciative, en se présentant comme l'origine du discours. Dans ce cas,

l'expert, plus que pour certifier un discours produit ailleurs, se pose comme source

caractérisée de la légitimité du discours ». Dans le cas du journalisme d'agence, la parole

de l'expert ne peut constituer le point de départ d'une dépêche, il est un outil supplémentaire

pour rendre accessible un événement au lecteur. Il occupe donc le plus souvent une position

strictement textuelle selon la typologie d'Andréa Semprini. Le développement du journalisme

d'analyse s'inscrit dans la «rhétorique de l'expertise critique» définie par Jean-Gustave

Padioleau comme distinct du journalisme d'opinion au sens où nie journalisme d'opinion

émet des jugements immédiatement informés par la référence à des valeurs explicites » tandis

que l 'expertise critique argumente.1 5 1 L 'expert ise critique «n'a plus rien à voir avec

l'expression d'opinions personnelles puisqu'elle vise à mettre en perspective les faits à l'aide

d'une argumentation logique et d'une compétence technique » 52. Le recours à l'expertise

répond, dans le cas de l'Agence France Presse, à un certain nombre de règles. Si le journaliste

est amené à produire une analyse, il doit faire appel à trois experts153 au minimum. Experts et

journalistes sont interdépendants, le journaliste a besoin de l'expert154 pour pouvoir produire

des papiers d'analyse, quant à l'expert, dans certains cas, il peut rechercher l'attention du

journaliste pour acquérir de la notoriété par son biais.155 « La règle dans l'information c'est :

150 Semprini, Andréa, Analyser la communication, éditions l'Harmattan, Paris, 1996, page 187.151 Fabien Blanchot et Jean-Gustave Padioleau, « Une économie politique du travail journalistique » inLes journalistes ont-ils encore du pouvoir ? coordonné par Jean-Marie Charon et Arnaud Mercier,Hermès n° 35, 20 mars 2003, 344 pages.152 Rieffel, Rémy, Sociologie des médias, Ellipses Infocom, Paris, 2002, page 104.153 AFP, Manuel de l'agencier, 2004, page 50.

>4 Les experts sont parfois issus des think tanks. Les think tanks que l'on peut traduire par réservoirsde pensée sont des institutions privées non partisanes sans but lucratif, indépendantes desadministrations, des universités et des intérêts économiques, dont l'objectif est de nourrir les débatspublics et de promouvoir le développement économique et social de la Nation, en réalisant et endiffusant des études auprès du grand public, des médias, des dirigeants d'entreprise et surtout desresponsables politiques. Les rapports entre journalistes et experts sont parfois ténus au point que nouscomptions, dans notre échantillon, un journaliste à la retraite qui exerce actuellement dans un thinktank européen.

'5 Sur la question du recours à l'expertise, nous renvoyons à la lecture des travaux de CarmellaLettieri, « Formes et acteurs des débats contemporains. Les tribunes publiées dans la pressequotidienne en Italie et en France », thèse, université Paris II, 2002.

126

plus tu es cité, et plus de journalistes te citeront ».156 Dans le cas de l'agence, les experts

doivent être identifiés et pouvoir être cités. « Ils ne se masquent pas derrière les noms

génériques « d'observateurs » ou « d'analystes » »

Le recours aux experts répond à plusieurs fonctions. En premier lieu, le recours aux experts

fournit une caution au texte journalistique et lui confère une valeur ajoutée. En second lieu, le

recours aux experts est également un moyen pour les journalistes de répondre aux exigences

des clients et de leur direction puisqu'il permet de produire, en grande quantité et en temps

record, des analyses de l'événement, c'est-à-dire des dépêches d'analyse qui, autrement,

nécessiteraient un temps de rédaction plus long que celui d'un factuel. « On se retrouve à

devoir pondre une analyse en une demi-heure. Je n'ai jamais vu aucun autre journaliste à

part le journaliste d'agence faire ça ». Le recours à l'expert permet donc au journaliste de

conjuguer la logique commerciale, qui exige que l'on produise le plus rapidement possible

des dépêches d'analyse, et l'exigence d'expertise critique.

En conclusion, les clients, via la rédaction centrale de l'agence, exigent des journalistes qu'ils

produisent des analyses dans un laps de temps le plus court possible, tout en respectant la

règle de neutralité de l'agence. Quel que soit l'événement analysé, l'analyse tend à se réduire

à un tableau résumant chacune des positions dans la voix des experts, à chaque position

correspondant un expert. « On est pas censé faire de l'éditorial, quand on fait une analyse, on

la fait dans les règles de l'agence : ça n 'est jamais l'AFP qui pense quelque chose, on est

censé avoir blanc et noir.» Cette situation vaut pour les journalistes encore en exercice. Les

journalistes plus anciens faisaient peu appel aux experts, dans la mesure où l'analyse était peu

présente dans les dépêches et où les sources officielles qu'ils citaient, les responsables

politiques et économiques, étaient des sources expertes et en autorité.

I5V the rule in the news is, the more you're cited, the mosl journalists will cite y ou» (traductioneffectuée par l'auteur), Bamhurst, Kevin, The New Long Journalism, 2004. Disponible sur : <http://tigger.uic.edu/~kgbcomm/longnews/pdf/bamljchl.pdf> (consulté le 05.04.05).157 AFP, Manuel de l'agencier, 2004, page 50.

127

-CHAPITRE 6- L'ÉCRITURE JOURNALISTIQUE

Nous avons constaté dans les deux chapitres précédents que le passage d'une configuration à

l'autre a entraîné une diversification des thématiques et des catégories de dépêches. Bien que

l'écriture agencière soit particulièrement codifiée, elle a connu des transformations

conséquentes tant du point de vue de la nature du texte journalistique que de renonciation.

Dans ce chapitre nous voulons montrer que, dans les années cinquante, la dépêche se

caractérise également par la prééminence des textes narratifs et descriptifs qui donnent lieu à

un style journalistique personnel. Au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, dans un

contexte hyper concurrentiel, l'agence va procéder à une normalisation plus poussée de

l'écriture, notamment en prenant modèle sur le style journalistique anglo-saxon.

Section 1 : Configuration A - Un texte journalistique narratif et descriptif quiinduit un style journalistique personnel

Durant les premières décennies de l'agence, les textes narratifs et descriptifs constituent les

deux genres dominants de la dépêche et dans lesquels le journaliste se pose comme témoin

crédible des événements.

1.1 Conjugaison des textes narratifs et descriptifs

L'observation des dépêches publiées dans les années 1945 à 1960 nous conduit en effet à

distinguer deux types de dépêches. La première catégorie de dépêches que nous pouvons

nommer « les nouvelles » relatent de manière concise les événements et fournissent peu

d'éléments de contexte. Elles sont fortement marquées par l'objectivité du journaliste. On

retrouve aussi des textes dans lesquels le journaliste, en tant que locuteur, est absent. C'est le

128

cas notamment des retranscriptions intégrales des discours des dirigeants politiques158 ou de

leurs communiqués15 . La seconde catégorie de dépêches est constituée des reportages et des

témoignages. Ce sont des dépêches où le journaliste ne se contente pas de relater l'événement

mais donne un certain nombre d'éléments contextuels, donne la parole à la population voire

exprime ses propres sentiments dans la dépêche. À cette époque, et contrairement à ce que

l'on observe aujourd'hui, l'analyse ne constitue pas un type spécifique de dépêche.

Plusieurs traits linguistiques et textuels caractérisent les textes journalistiques agençiers de

cette période. Dans les dépêches, le temps verbal employé par le journaliste est le temps du

récit, le passé simple. Ainsi, le flash annonçant le décès de Staline en 1953 se présente ainsi :

« Staline décéda »160; il faut attendre l'année 1976 pour que le flash annonçant le décès de

Mao se conjugue au présent : «Mao est mort »161. La dépêche présente également les

caractéristiques d'un récit littéraire. Le texte peut être composé de phrases très longues; le

journaliste ne cherche pas à tenir un discours percutant ou rythmé; il n'hésite pas à recourir

aux formules littéraires imagées. Le style littéraire des dépêches tient au fait que parmi les

journalistes qui exercent au sein de l'AFP au lendemain de la guerre, un certain nombre sont

issus de l'agence Havas. Ces journalistes ont conservé le style d'écriture littéraire. Par ailleurs,

les nouveaux entrants de l'agence ont suivi des études littéraires et sont imprégnés de

l'écriture journalistique de la presse quotidienne, particulièrement dynamique à cette époque

(la presse française compte près de deux cent titres au lendemain de la Seconde Guerre

mondiale).

Par ailleurs, l'importance des textes journalistiques narratifs et descriptifs s'explique par le

journalisme d'enregistrement pratiqué par les agençiers dans la mesure où une grande part de

leur activité consiste à retranscrire les dires, les déplacements et les actions dans les moindres

détails. On peut illustrer cette pratique par l'analyse d'une dépêche datant du 9 décembre

158 Des dépêches retranscrivant des discours sont présents en annexe A-2159 Ces dépêches peuvent être qualifiées d'institutionnelles, au sens où elles sont exclusivement le faitde sources institutionnelles, le journaliste n'intervenant à aucun moment de la rédaction de la dépêche.À cet égard, l'agence peut être considérée comme un outil de communication pour les institutionspolitiques françaises. Cette pratique est particulièrement fréquente durant les années d'après-guerre etpendant les présidences du Général de Gaulle.160 Annexe n°A-6161 Annexe n°A-9

129

1944 et intitulée « Le dîner offert par le maréchal Staline au Général de Gaulle »162; Cette

dépêche, composée de quatre feuillets, comporte pas moins de onze termes relatifs au

déplacement dans l'espace {devant, de lieu, après avoir traversé, passe par, dans un salon

attenant où, à la table, le tour complet de la salle, pour repasser, dans la salle de cinéma,

autour, quittent la salle). Elle comporte également trente-quatre indications temporelles (dès,

à son tour, successivement, encore, puis, ensuite, vient, alors, suivent, se poursuit quelques

temps, termine, encore, alors, à ce moment, vient encore, au cours du repas, puis,

successivement, se termine, pour, puis, à minuit, succède, pendant, puis, à 2h30, ensuite, se

termine, quitte, samedi, aujourd'hui, après, à peine achevée, quelques instants plus tard), et

de très nombreux adjectifs. La multiplicité de ces expressions est caractéristique de la

narration, qui implique une série d'actions dans le temps et dans l'espace.

La domination du reportage n'est pas contradictoire avec les règles de l'objectivité à laquelle

l'agence doit se soumettre. Pour reprendre la définition de Denis Ruellan, le reportage doit

être compris comme le «produit d'une démarche active de recherche et de divulgation

d'informations réalisée par un individu placé en position (même provisoire) de témoin ».' '

C'est le genre journalistique par excellence qui réunit la narration et la description. La

description journalistique, très présente dans le reportage accentue l'aspect réaliste et objectif

de l'information; elle se fait du point de vue du témoin, des émotions qu'il ressent. Pour

conclure cette partie, il est important de souligner qu'à cette période, la valeur des dépêches

dépendait largement de la qualité d'écriture du journaliste. Il fallait que la dépêche soit bien

écrite, car c'est le style d'écriture qui conférait à la copie sa valeur. Contrairement à

aujourd'hui, l'agence n'associait pas le texte aux photos ou à d'autres éléments

iconographiques (diagrammes, chronologie, cartes, etc.).

162 Annexe n°A- 4.163 Ruellan, Denis, Le professionnalisme du flou, identité et savoir-faire des journalistes français,Grenoble, Presse Universitaire de Grenoble, 1993, pp. 109 - 129.

130

1.2 La notion d'objectivité s'incarne à travers une énonciation journalistique subjective

En amont de la chaîne de production de l'information, la dépêche serait, selon les termes de

Guy Lochard, « un modèle matriciel »164 de tous les autres énoncés journalistiques au sens où

elle se caractérise par un comportement délocutif; l'énonciateur s'efface au point de

disparaître. Cette définition ne correspond que partiellement à la dépêche produite durant les

trente premières années de l'agence165. En effet, dans les premières années de l'agence, le

journaliste agit discursivement dans la dépêche. Les journalistes qui traitent l'information

internationale sont peu nombreux; ils sont principalement issus des agences de presse, de

quelques radios et titres de presse écrite; ils ne sont pas en sur effectif et produisent une copie

qui leur est propre sans subir l'influence des autres médias pour traiter l'événement.

Contrairement à aujourd'hui, les journalistes ne rédigent pas leurs dépêches en pensant

systématiquement à ce que font les concurrents. Leurs dépêches ne sont pas le résultat d'une

confrontation entre leurs propres impressions et celles de leurs collègues.166 Par ailleurs, les

techniques de communication ne permettent pas au journaliste et à sa rédaction d'entretenir un

dialogue permanent comme c'est le cas quotidiennement pour les journalistes contemporains.

En 1945, le journaliste agit de manière autonome sur le terrain, la rédaction centrale ne

disposant pas toujours de moyens techniques suffisamment puissants pour orienter son

correspondant quant au traitement à accorder à l'événement. Le journaliste contribue donc

fortement à la définition des événements.

Parmi les dépêches que nous avons observées et au cours de nos entretiens avec les

journalistes, nous nous sommes interrogés sur renonciation de l'agencier afin de déterminer

si celle-ci s'était modifiée au fil du temps. De 1945 à 1971, les règles qui régissent l'écriture

agencière ne sont pas « écrites » et « officialisées ». Bien que les journalistes affirment

répondre à des impératifs d'objectivité et de neutralité, il n'est pas rare qu'ils s'expriment à la

164 Lochard, Guy, « Genres rédactionnels et appréhension de l'événement médiatique ? Vers un déclindes « modes configurants » ? », Réseaux n°76, Cnet, 1996, pp. 83-102.165 Nous prenons la date de publication du premier manuel de l'agencier comme la premièreformalisation des règles rédactionnelles de la dépêche166 Dans le second chapitre de la troisième partie, nous reviendrons sur les pratiques journalistiquesréflexives qui se sont développées depuis une vingtaine d'années avec l'informatisation et ledéveloppement des satellites de communication.

131

première personne dans les dépêches. Les journalistes considèrent l'emploi du «je » comme

un gage d'honnêteté. Ce journaliste entré à l'agence en 1954 explique ainsi :

D'une certaine façon, même à l'agence, on s'exprimait d'une façon personnelle. Même

si la façade était un petit peu impersonnelle, il arrivait que l'on dise «je ». A un

certain moment, il faut bien le faire, ne serait-ce que pour dire : « moi je peux juste

vous dire ça ». Je crois que le «je » doit être un «je » de modestie contrairement à

ceux qui pensent que le «je » est un «je » emphatique}61

Les journalistes de l'époque se distinguent des journalistes contemporains en mettant en avant

l'authenticité de leurs dires, en étant leur propre source et en se signifiant dans le texte par

l'emploi du pronom personnel «je». Dans la dépêche actuelle, le mode d'écriture tend au

contraire vers un discours sans sujet.

L'emploi de la première personne du singulier s'explique également par le fait que le

journaliste ne fait pas nécessairement appel à d'autres personnes pour commenter

l'événement; pour reprendre une figure incontournable aujourd'hui pour les journalistes

d'agence il est son propre « expert ». Dans le cas d'un témoignage, le journaliste ne se fait pas

le relais de la parole d'autrui, c'est sa propre parole de témoin qui est mis en valeur, c'est ce

que nous pouvons qualifier de «je testimonial » couramment employé par les reporters.

Géraldine Mulhmann parle de «témoin ambassadeur », le journaliste se présente comme « un

simple témoin, mais un témoin légitimé par une communauté entière, comme un observateur

singulier mais mandaté, justifié. »168

L'usage du «je testimonial » est particulièrement présent dans les reportages ; or pendant les

années qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'agence est le média qui emploie le

167 Si dans la presse nord-américaine, on observe actuellement un certain retour du «je » que l'on peutassocier à la valorisation d'un style personnel, on ne constate pas une tendance similaire en France.68 Mulhmann Géraldine, Une histoire politique du journalisme, Le Monde, Paris, PUF , 2004, pp. 23-

24.

132

plus de journalistes à l'étranger. Les autres médias, les journaux notamment, font

régulièrement appel aux effectifs de l'AFP pour les pourvoir en reportage.

La prolifération du grand reportage, son implantation dans la presse régionale, sont

liées pour une part aux agences qui fournissent des enquêtes aux journaux. (...) Au

Monde, où Hubert-Beuve Mery impose une politique d'économies afin que le journal

demeure indépendant et libre, nombre de grands reportages sont signés par des

journalistes extérieurs à la rédaction. Celui dont la signature revient le plus souvent

dans les premières années du quotidien est Pierre Frederix, de l'AFP ; entre janvier et

avril 1952, il fournit cinq séries. 69

L'observation de plusieurs dépêches datant de cette période nous a permis de relever plusieurs

occurrences d'énonciations subjectives. Le journaliste s'exprime parfois à la première

personne du singulier, voire du pluriel. Le « nous » peut inclure le lecteur, parfois le « nous »

peut désigner également le journaliste et ses collègues quand il est intégré dans un pool,

comme dans cet extrait de dépêche.

« Pourtant au hasard de la route, on a pu, a plusieurs reprises apprécier le sens de

l'hospitalité et la générosité khmère. Au soir du 30 avril, les vingt passagers de notre

convoi se sont vu offrir par des paysans leurs chambres pour passer la nuit et nous

avons tenté en vain de leur faire partager notre maigre repas et notre thé. (...) C'est

aussi sur une note chaleureuse que nous quittons la terre cambodgienne. Notre ehefde

convoi, un ancien instituteur qui refuse de dire son nom - cela n 'a pas d'importance -

mais qui parle remarquablement bien le français, apprend que les journalistes ont

décidé de ne rien dire sur les événements des deux dernières semaines tant que tous

les réfugiés n 'auront pas franchi la frontière. Il s'en étonne et espère que la presse ne

sera pas trop sévère lorsque nous raconterons comment s'est passé notre voyage. (...)

Il nous offre une dernière cartouche de cigarettes que nous ne pouvons refuser, mais il

j9 Martin, Marc, Les Grands Reporters, les débuts du journalisme moderne, éditions Audibert, Paris,septembre 2005, page 366.

133

ne répond pas lorsque nous lui disons que nous souhaitons tous pouvoir rapidement

revenir au Cambodge »170.

Le journaliste peut constituer lui-même sa propre source comme dans cet extrait de dépêche,

la dépêche s'inscrit alors dans le genre du témoignage :

TEMOIGNAGE

PEKIN, 13 septembre 1973 (AFP) (Par René Flipo) « J'ai vu la dépouille mortelle de

Mao Tse Toung et, comme beaucoup de chinois autour de moi, j'ai eu beaucoup de

mal à retenir mes larmes. D'autres qui s'étaient dominés jusque là ont soudainement

été brisés par la douleur devant le catafalque sur lequel repose, dans un bain de

lumière jaune diffuse, le corps de Mao Tsetoung. Je me suis joins avec mon épouse et

le personnel de notre bureau à Pékin à une file de centaines de personnes gravissant à

pas lents quarante marches de granit bleu menant à l'imposante entrée du congrès

national populaire (assemblée chinoise) sur la place Tien An Men (...) » .

L'expression des sentiments éprouvés par le journaliste au sein même de la dépêche

participe à une visée gratificatrice, il souhaite «faire ressentir, c 'est-à-dire provoquer

chez l'autre un état émotionnel agréable ou désagréable»17 . Enfin, le récit à la

première personne du singulier ne se limite pas au genre du témoignage, il peut

également se retrouver dans des dépêches qui sont rattachés au genre du factuel

comme celle-ci :

170 Dépêche AFP, «Phnom Penh est vide, le Cambodge se purifie, des millions de khmers ont faireretour aux rizières », Jean Jacques Cazaux, 8 mai 1975.171 Dépêche AFP, « témoignage, Pékin », René Flipo, 13 septembre 1976, annexe n°A-10.72 Mulhmann Géraldine, Une histoire politique du journalisme, Le Monde, Paris, PUF , 2004, pp. 23-

24.

134

L'adieu de la Chine à Mao Tse Toung a été digne et simple. Bouleversant. Je me

trouve, seul étranger, au milieu de quelques milliers de Chinois sur le parvis de la

grande gare centrale de Pékin quand trois heures sonnent à la grande horloge.173

Contrairement à aujourd'hui, les journalistes de l'époque disposaient d'une certaine marge de

liberté dans la rédaction de leurs dépêches, « Les normes n 'étaient pas notre préoccupation

première » affirme une journaliste entrée à l'agence dans les années soixante. Cela ne signifie

pas qu'il n'y avait pas de normes, mais celles-ci n'étaient pas généralisées et uniformes. La

création du premier manuel de l'agencier par Jean Marin en 1971 marque une première étape

dans la rationalisation de l'écriture et du format de la dépêche. Depuis, cet effort de

rationalisation de la copie n'a cessé de s'accentuer avec les deux manuels qui lui succéderont

en 1982 et en 2004.

Section 2 : Processus de normalisation de l'écriture agencière

Jusqu'en 1971, l'écriture agencière n'est donc pas codifiée par un manuel et il n'y a pas de

modèle contraignant d'écriture agencière. La production et la reproduction des normes

d'écriture se font de manière informelle par socialisation; les journalistes qui entrent alors à

l'agence copient le style des agenciers les plus anciens.

La rédaction d'un premier manuel de règles d'écriture destiné aux journalistes en 1971,

témoigne d'un processus de normalisation de la dépêche tant du point de vue de la taille, du

découpage que de l'écriture du texte journalistique. Jean Marin, alors directeur de l'AFP,

rédige un manuel afin d'uniformiser le style pratiqué par ses journalistes. Il justifie cet effort

de normalisation comme un moyen de lutter contre la concurrence anglo-saxonne,

« / 'application de ces Règles, dont nos concurrents anglo-saxons observent notre

défaillance conditionne notre capacité de compétition, donc notre succès.» Le premier

73 Dépêche AFP, « L'adieu de la Chine », Georges Biannic, 18 septembre 1976, annexe n°A-11.4 L'emploi de la majuscule au terme «règles» ajoute à l'importance qu'accorde Jean Marin au

respect de celles - ci.175 AFP, Manuel de l'agencier, 1971, page 1.

135

manuel de l'agencier a donc été initié afin de « s'aligner » sur la rigueur et les règles de

rédaction des agences anglo-saxonnes. En regard des deux manuels qui succéderont au « petit

livre rouge »176, ces règles paraissent peu nombreuses, générales et sommaires.

La publication de ce premier manuel est considérée comme inutile pour la génération des

journalistes les plus anciens qui n'y voient qu'un moyen de pallier les difficultés d'écriture

des jeunes journalistes. « Les manuels de l'agencier sont de plus en plus gros, parce qu'ils [les

jeunes] ne savent pas écrire ». Les journalistes quinquagénaires, qui sont entrés à l'agence

alors que le premier manuel venait d'être publié, considèrent, en grande majorité, que le

manuel de l'agencier leur est inutile; ils n'éprouvent pas le besoin de se référer au manuel car

ils disent avoir intégré les règles d'écriture lors de leur entrée dans l'agence.

L'informatisation de l'agence qui débute en octobre 1973 et s'achève en 1979 entraîne une

modification significative des normes d'écriture au point qu'un nouveau manuel est publié en

1982. Le volume et la taille du manuel de l'agencier ont quadruplé. Le processus

d'informatisation modifie la dépêche sur deux aspects principaux. Les outils de transmission

permettent de véhiculer un volume plus important de dépêches, les outils limitent de moins en

moins le volume des dépêches. Le second manuel de l'agencier insiste donc sur la nécessité

pour les journalistes de réfréner cette tendance à écrire toujours plus, « à tirer à la ligne »177.

En résumé, l'agence demande aux journalistes d'écrire des textes plus courts. Cette concision

des dépêches coïncide avec l'effort de normalisation de la taille de la dépêche qu'impose

l'utilisation des consoles par les journalistes de l'agence. Une console d'agence ne permet pas

de visualiser plus de 200 mots maximum par feuillet. L'outil informatique constitue une

contrainte supplémentaire.

La diffusion des dépêches via un système informatique a pour conséquence que les clients

apportent une attention toute particulière au lead, qui est le seul élément qui apparaît sur

l'écran. La dépêche doit donc accrocher le regard du client dès les premiers mots. Les chefs

176 surnom donné par les agenciers au premier manuel à cause de son petit format et de la couleurrouge de sa couverture, en référence au recueil des pensées de Mao Ze Dong publié en 1966.177 Cette expression est employée de manière récurrente dans le second manuel de l'agencierstigmatisant la recherche de la concision, notamment en supprimant les incidentes, les métaphoresparticulièrement appréciées par les journalistes les plus anciens.

136

de desk vont donc insister sur là nécessité de rédiger des leads qui répondent aux critères fixés

par l'agence et stipulés dans les manuels. Un indice de l'importance grandissante accordée à

cette question : dans le premier manuel, les règles concernant la rédaction du lead

apparaissent à la page 48 du manuel (qui compte 93 pages), tandis que le second manuel traite

de la rédaction du lead dès la page 7 (le manuel compte pas moins de 227 pages). Les critères

concernent notamment la taille des leads qui est très limitée; le journaliste ne peut écrire un

lead de plus de trois lignes au risque que celui-ci ne soit tronqué.

L'informatisation des outils de rédaction des journalistes n'est pas le seul facteur qui induit

des transformations du style et de l'écriture des agenciers. En effet, l'agence ressent

davantage le poids de la concurrence. L'agence réalise que l'écriture est un enjeu commercial

et que ce qui était exigé des agenciers dans ce domaine dans les années cinquante et soixante

(le style littéraire du grand reportage) est différent de ce que les médias attendent aujourd'hui

comme écriture. Ainsi, les médias ne souhaitent pas nécessairement retrouver dans les

dépêches de l'agence leur propre style d'écriture. Cela est notamment visible en matière

d'information internationale, où ils disposent de leurs propres grands reporters, contrairement

aux années d'après-guerre. En conséquence, les médias vont exiger de moins en moins de

grands reportages.

Section 3. Homogénéisation et normalisation de l'écriture agencière

La spécialisation de la copie nécessite que l'écriture des journalistes de l'AFP réponde aux

mêmes critères en tous points du globe. En effet, face à un même événement, les journalistes

de l'agence vont publier plusieurs types de dépêches, chacune étant adaptée à une aire

géographique ou à une population particulières. Nous pouvons supposer que la déclinaison

d'une même information dans plusieurs types de dépêches multiplie les risques que cette

information varie d'une dépêche à l'autre. La spécialisation de la dépêche en fonction de la

clientèle visée nécessite donc que l'écriture des journalistes de l'AFP réponde aux mêmes

critères en tous points du globe et conduit donc à une homogénéisation de l'écriture au sein

des bureaux de l'AFP. Cette homogénéisation de l'écriture constitue un argument commercial

dans la mesure où l'agence peut se vanter de proposer une copie d'une qualité égale en tous

points du monde.

137

En 2004, un nouveau manuel de l'agencier est publié. Moins long que le précédent, il se

distingue par l'importance accordée à la définition des papiers à attribut ainsi qu'au contrôle

et à la relecture de la copie, notamment par l'action du service Alerte et Analyse et par les

notes qui proviennent de la rédaction centrale et des rédactions générales. Les transformations

de l'écriture se traduisent notamment par l'adoption d'un style journalistique proche du

modèle anglo-saxon, une écriture qui s'inscrit dans une démarche commerciale à travers la

rédaction du lead, la recherche de la concision des dépêches et une adaptation notable de la

copie au public visé.

3.1 Adoption d'un style d'écriture anglo-saxon

L'AFP a concentré ses efforts sur les services en anglais, notamment en recrutant un grand

nombre de journalistes anglo-saxons. En 1999, la direction de l'agence place à la rédaction en

chef générale, Eric Wishart, premier anglophone occupant ce poste. Cette nomination a crée

des remous parmi les journalistes de l'agence, certains anciens journalistes interrogés s'en

sont fait l'écho. Par ailleurs, l'agence exige des journalistes rédigeant en français ou dans une

autre langue qu'ils adoptent un style d'écriture qui se rapproche de l'écriture anglo-saxonne.

« L'écriture s'est internationalisée, on s'est calé sur une écriture plus sèche inspirée du monde

anglo-saxon, un découpage plus nerveux en termes de paragraphes. »

Un jeune correspondant étranger, de mère anglophone et de père francophone, témoigne des

différences qu'il ressent dans la pratique et l'écriture journalistiques à l'anglo-saxonne et à la

française :

J'aime pouvoir être un journaliste typiquement anglo-saxon, plus agressif dans une

conférence de presse, cuisiner la personne, pour soutirer l'info. Et parfois j'aime être

un peu plus impressionniste dans ma démarche, on n 'a parfois pas envie de parler, se

laisser porter par son instinct.

138

Si certains journalistes évoquent l'internationalisation de l'écriture, la majorité d'entre eux

considèrent que l'écriture de l'AFP tend à devenir similaire à celle de Reuters ou d'Associated

Press, les deux agences concurrentes anglo-saxonnes.

Bien qu'elle se présente comme une agence d'information internationale, l'AFP a depuis sa

création, été perçue comme une agence française à vocation internationale. Cette dimension

était particulièrement ressentie à travers le style d'écriture de l'AFP, plus littéraire, au

vocabulaire élargi et avec des phrases plus longues comportant de nombreuses incidentes.

Cette spécificité de l'écriture, qui propose un autre traitement que celui fourni par les autres

agences d'information internationales, exclusivement anglo-saxonnes, a permis à l'AFP de

s'octroyer un certain nombre de clients intéressés par une écriture et par un traitement de

l'information sensiblement différents, comme c'est le cas notamment des clients européens et

ceux d'Amérique Latine.

Cependant, l'intensification de la concurrence et la multiplication du nombre de médias

traitant l'information en temps réel et sur un plan mondial ont limité la possibilité pour

l'agence de s'attacher de nouveaux clients. Par ailleurs, le marché mondial de l'information

étant dominé par la langue anglaise (langue du secteur économique et des finances, et de la

première puissance économique et politique mondiale), la stratégie de l'AFP consiste à offrir

des services de langue anglaise afin de concurrencer les autres agences sur leur propre terrain

et d'élargir son nombre de clients potentiels. Dans un contexte où l'offre doit répondre de

manière pointue aux demandes des clients, l'AFP ne peut se contenter d'adapter ses services

en français aux clients anglophones et étrangers; elle doit disposer d'équipes rédactionnelles

anglophones et étrangères. Les impératifs commerciaux ont donc conduit l'agence à recruter

des journalistes anglophones. En Asie, où l'AFP détient une position avantageuse, et où les

revenus générés par ses services sont importants, la copie de l'AFP est délivrée à 90% en

anglais ; en Europe, plus de la moitié de la copie de l'AFP est distribuée en anglais.17 Mais le

changement de style n'est pas seulement dicté par des préoccupations commerciales (percer le

marché anglo-saxon), mais aussi par un souci d'efficacité de la communication. Les

journalistes de l'AFP considèrent en effet que la langue anglaise permet d'écrire de manière

! Chiffres fournis par Robert Holloway, journaliste à l'AFP.

139

plus concise, plus directe, plus agressive et que les rédacteurs de langue française devraient

s'en inspirer, notamment en ce qui concerne la rédaction des leads.

3.2 Le style d'écriture comme outil d'offensive commerciale

3.2.1 Évolution du lead179

Les agenciers ont toujours exercé leur métier dans un contexte de grande concurrence.

Toutefois, entre 1945 et aujourd'hui la concurrence s'est complexifiée : les concurrents et les

supports sont plus nombreux, la concurrence devient plus intense et les journalistes ont

progressivement intériorisé cette nouvelle donne. Leur écriture est conditionnée par la

concurrence et cela se traduit notamment par un style de plus en plus offensif.

Dans la composition de la dépêche, le lead'80 a toujours constitué la « vitrine » du texte

journalistique agencier comme le souligne Michael Palmer.

Tout se joue lors des premiers mots. Premiers mots du titre, premiers mots du

paragraphe, et premiers mots de la phrase d'ouverture, l'accroche, le « lead ».

Comment faire pour capter l'attention du lecteur pressé et sollicité (par la

concurrence notamment) ? Rédigé pour être vu/lu à l'écran, pour l'usager 'cliqueur '

et 'zappeur ', le titre doit tenir en 50 ou 80 signes, et le lead ne doit pas dépasser les1 R1

vingt a trente mots.

De plus, comme nous l'avons souligné dans la section précédente, l'introduction de

l'informatique et donc de la visualisation des fils à l'écran a accru l'importance du lead. Le

lead est ce qui va déterminer le choix du client de retenir ou non la dépêche. L'intensification

de la concurrence entre les agences conduit celles-ci à porter un intérêt toujours plus vif à la

179 Le lead se traduit par « chapô » en français.180 Le lead est le développement naturel de l'urgent. Il commence à préciser l'information donnée etcomporte quelques éléments de background afin d'en renforcer la compréhension.181 Palmer, Michael, « L'information agencée », Réseaux n° 75, Paris, janvier 1996.

140

rédaction du lead de manière à lui faire jouer efficacement son rôle de captation d'attention.

Au cours de notre enquête de terrain, le directeur du bureau a entrepris d'enseigner aux quatre

stagiaires l'art de rédiger un lead. Durant cette séance, le directeur souligne que le style du

lead a évolué, quittant un style littéraire pour adopter un style plus sobre et direct.

On a beaucoup évolué sur la définition du lead. Le lead c 'est un factuel plutôt qu 'une

appréciation. A un moment donné, on était encore dans le journalisme du bon mot,

littéraire, le lead était le moment où on allait placer le bon mot comme « bras de fer »

par exemple. Aujourd'hui l'expression « bras de fer » est prohibée. C'est de la jolie

littérature pour dire qu 'on connaît bien le français, c 'est comme le gothique

flamboyant dans les églises.

Pour ce journaliste âgé d'une soixantaine d'années, le lead tel qu'il était rédigé autrefois,

était l'occasion pour le journaliste de « faire de la jolie littérature », c'est-à-dire le lieu de

toutes les prouesses littéraires. Aujourd'hui la «bataille du lead» ne se joue plus sur un

« bon mot » mais sur sa pugnacité.

Aujourd'hui on est dans le factuel, dans le coup de poing [il accompagne ses mots par

le geste, comme s'il donnait par trois fois un coup de poing dans la paume de sa main],

il faut aller directement aux faits, c 'est une façon de réveiller les gens, le mot « refus »

ça frappe, les périphrases ça ne frappe pas. Il faut les rendre plus nerveux (...) Il faut

que le lead soit le plus concis possible, qu 'il frappe les gens.

Le discours que tient le journaliste aux stagiaires se caractérise par un champ lexical de la

lutte : plusieurs luttes se superposent, celle menée par le journaliste contre les tentations

d'emprunter un style littéraire et celle contre les concurrents pour accrocher le lecteur.

3.2.2 La recherche de la concision

Le lead à lui seul ne suffit pas à se distinguer de la concurrence, l'accent est mis également

sur le découpage de la copie notamment afin de rendre la dépêche plus dynamique.

141

« L'écriture s'est internationalisée, on s'est calé sur une écriture plus sèche inspirée du

monde anglo-saxon, un découpage plus nerveux en termes de paragraphes. Les papiers sont

plus courts, simplement rédigés. »

Une des qualités qu'accordent certains journalistes à l'écriture journalistique anglo-saxonne

est la concision. Les agenciers tendent à adopter un style plus proche de ceux de leurs

concurrents anglo-saxons. Le style anglo-saxon est ainsi présenté par certains journalistes

comme un modèle à l'instar du directeur du bureau du Caire :

Moi j'aime bien le lead en anglais.(...) L'anglais se prête davantage à la concision. En

français, il faut faire davantage attention. Au point de vue de la rigueur, on a

beaucoup à apprendre dans la section francophone de la section anglaise. La

tendance chez nous, francophones, c'est de diluer les choses là où il faut les

concentrer. La rigueur qui est imposée dans les sections anglaises de l'AFP, c 'est

essentiel, (...) mais une partie du personnel continue d'être 'old school', des vieux

turbans.

La rédaction centrale de l'agence encourage les journalistes dans cette voie, une analyse des

dépêches des services de production parisiens, réalisée par l'AFP de septembre à novembre

2002, montre que :

Des efforts notables ont été faits dans les services sur le découpage de la copie. Mais

il reste encore beaucoup de P4 [des dépêches de niveau d'urgence P4 c'est-à-dire non

urgentes] trop longs qui auraient mérité un découpage plus dynamique en P3 + lead

correspondant mieux à l'importance de l'information traitée.

182 ASAP (réseau intranet de l'AFP), «Rédaction en chef: notes rédactionnelles, amélioration du filFrance », 24/02/03. L'agence a instauré quatre niveaux de priorité dans la transmission des dépêches,PI, P2, P3, P4. Le niveau PI constitue le niveau le plus urgent, le niveau P4 constitue le niveaud'urgence le plus bas.

142

Nous constatons que l'agence multiplie les procédures afin que l'activité des journalistes soit

guidée par la captation de l'attention de la clientèle. L'écriture est plus offensive, et la

spécialisation de la dépêche en fonction du public visé est généralisée.

3.3 Spécialisation linguistique et ^localisation de l'information

Jusqu'au milieu des années quatre-vingt, les journalistes envoyaient leur copie aux services de

traduction de l'agence. Dans un grand nombre de bureaux à l'étranger, les journalistes locaux

étaient les seuls à rédiger dans la langue du pays lorsque le journaliste, très souvent

français183, ne la maîtrisait pas. Il n'était pas rare en effet qu'un journaliste français soit

envoyé comme directeur du bureau sans maîtriser la langue du pays ; aujourd'hui, cette

situation est moins courante. Les journalistes locaux ne sont donc plus les seuls à maîtriser la

langue locale et à être responsable de la rédaction des dépêches dans cette langue.

Par ailleurs, la population des journalistes des bureaux s'est profondément diversifiée;

l'agence recrute davantage de journalistes non francophones, par conséquent les bureaux

étrangers produisent des dépêches dans un plus grand nombre de langues qu'auparavant. Le

bureau du Caire par exemple diffuse des dépêches en trois langues (français, anglais et arabe).

Quant au bureau de Moscou, il regroupe des journalistes français, anglais, russes, allemands et

espagnols. Si nécessaire, les bureaux à l'étranger font appel ponctuellement aux bureaux de

traduction du siège. Par ailleurs, les agenciers maîtrisent généralement plusieurs langues, la

maîtrise de deux langues étrangères au moins constituant une condition sine qua non pour

valider les tests de recrutement de l'agence.

183 Dans l'enquête réalisée par Oliver Boyd Barrett et Michael Palmer et rapportée dans leur ouvrage,« Trafic des Nouvelles », les deux auteurs soulignaient que sur les 17 bureaux étrangers de l'AFPqu'ils avaient visité, 12 des bureaux étaient dirigés par des Français (In Boyd Barrett, Oliver, Palmer,Michael, Trafic de Nouvelles, Paris, 1981, page 576).

143

Lorsque l'AFP dispose d'un nombre de journalistes suffisant dans un bureau à l'étranger, les

journalistes peuvent se spécialiser dans une langue de rédaction, souvent leur langue

maternelle. Ainsi, et paradoxalement, les agenciers qui exercent à l'étranger sont de plus en

plus amenés à rédiger dans une seule et même langue. Si l'AFP exige du rédacteur qu'il

maîtrise parfaitement la langue dans laquelle il rédige, il doit par ailleurs avoir une grande

connaissance de la culture des pays ou des régions pour lesquels ses textes sont destinés. C'est

pourquoi, il peut arriver qu'un journaliste soit amené à se spécialiser dans une langue qui

n'est pas sa langue maternelle; sa connaissance du public et du pays visé le prédestine à

rédiger dans une langue plutôt que dans une autre. Aujourd'hui, l'agence recrute de plus en

plus de journalistes qui ont non seulement une connaissance de la langue mais une

connaissance du public visé. Ainsi, au Caire, une journaliste française rédige exclusivement

en anglais; elle a en effet exercé dans plusieurs publications américaines appartenant au

groupe The Economist et elle a vécu plusieurs années aux États-Unis; ses différentes

expériences laissent supposer à ses supérieurs qu'elle dispose d'une connaissance privilégiée

de la culture et des mentalités du public anglo-saxon auquel le bureau du Caire est susceptible

de s'adresser. Cet atout ne se limite pas à une connaissance savante et abstraite de la société,

de l'histoire du pays, de ses institutions, mais à des aspects impalpables de la société qui

permettent au journaliste d'instaurer une relation de connivence avec le lecteur dans ses

dépêches. « Tu connais ton public par ton background culturel mais tu as aussi une

sensibilité, ce sont des choses qu'on ne peut pas expliquer. »

Le traitement linguistique de la copie a évolué au point qu'aujourd'hui il est difficile de parler

uniquement en termes de traduction ou de « rewriting » de la copie agencière. Autrefois, on

procédait à la traduction de la copie, rendant si possible l'événement relaté intéressant aux

yeux du public visé, en suivant les règles de proxémique, mais cela était loin de satisfaire les

journalistes voire les clients, comme en témoigne Eric Wishart, journaliste anglophone à

l'AFP et ancien directeur de la rédaction en chef :

(En 1984), j'ai rédigé des reportages en français et on m'a demandé d'en écrire la

version en anglais. Pas une traduction mot à mot, qui pour un traducteur signifierait

une mauvaise traduction. Nous prenions en notes le reportage en français et nous

écrivions une version anglaise. Dans le service anglais évidemment nous n'avions pas

le même réseau que les journalistes français, et il y avait davantage de journalistes

144

français bien qu'il y avait les journalistes anglais, ainsi nous avons dû traduire assez

rapidement. Le service français pensait que c'était une bonne idée que le service

anglais se charge de la traduction du français, mais rapidement nous avons constaté

que c'était loin d'être satisfaisant. Les journalistes qui s'en chargeaient avaient certes

des compétences linguistiques mais ils n'étaient pas des traducteurs professionnels.

Très souvent les textes ressemblaient à de mauvaises traductions. Nous avions

également de temps en temps des erreurs de traduction (...) . '84

La nécessité de capter un public qui dispose d'une offre informationnelle extrêmement large

conduit l'agence à ne plus se contenter de traduire la dépêche. Les journalistes tendent à

personnaliser l'information diffusée dans la copie de l'agence, notamment en organisant la

copie différemment; la hiérarchie des éléments peut changer, le lead peut varier, des

informations peuvent être ajoutées. La conversion d'une langue à l'autre a parfois des

conséquences sur le traitement de l'information, comme le souligne Eric Wishart, qui était à

la tête de la rédaction en chef générale au moment de son intervention :

Je pense que sur le fil d'informations générales de l'AFP, nous publions chaque jour

environ 350,000 mots (...) ainsi si vous multipliez cela par six services auxquels

s'ajoutent les fils spécifiques, nous avons des millions de mots qui circulent autour du

monde quotidiennement dans un flux constant de traduction. Nous pouvons dire que

nous sommes multilingues, multiculturels - nous sommes un melting pot, et

certainement pas la voix de la France. Un journaliste arabe couvrant Feluja ne

travaillera pas de la même manière qu'un journaliste américain. La question de la

184 The Languages of Global News, symposium, University of Warwick, 23 Avril 2004. Disponiblesur : <http://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/csgr/activitiesnews/workshops/2004ws/language/>(consulté le 12.05.05), page 1 : «(In 1984), I was given news stories in French and asked to writeEnglish versions of them. Not word by word translations, which for someone who knows translationwould mean a bad translation. Basically, we 'd take the French story as rough notes and we 'd write anEnglish version. In the English service obviously we didn 't hâve the same network as the Frenchjournalists did, and there were far more French journalists than there were English journalists, so wehad to translate pretty quickly. The French felt it was a good idea that the English service consisted oftranslation from French, but pretty soon we saw that it really was not satisfactory. The journalists whodid it had language skills but were not professional translators. Quite often the stories looked like badtranslations. We also occasionally had translation errors » (traduction réalisée par l'auteur).

145

traduction révèle des différences culturelles essentielles dans le traitement de

l'information.^

Le background dont disposent les journalistes est déterminant dans la rédaction de la copie,

c'est leur connaissance du pays qui va leur permettre d'adapter la copie au public visé.

Au moment où tu rédiges, tu sais que ça, il faut que tu l'expliques pour ton lecteur

anglais, et tu vas mettre deux phrases, c'est dans les gênes. Dans la mesure où tu as un

public anglophone, tu peux dire que pour qu'il comprenne cette nuance, il faut que tu

fasses un petit rappel.

L'adaptation de la dépêche au public donne une valeur ajoutée aux informations diffusées par

l'agence dans la mesure où elle accroît l'intérêt, la pertinence de l'information pour le public

auquel s'adresse le client. Par ailleurs, elle diminue le coût de traitement de l'information que

le client devrait consentir s'il devait lui-même adapter la copie pour son public. Afin

d'illustrer notre propos, nous avons procédé à l'analyse comparative de trois dépêches traitant

du même événement : les manifestations des Frères Musulmans en Egypte le 27 mars 2005, et

diffusées à quelques minutes d'intervalle. Les dépêches, en arabe, en français et en anglais,

ont été rédigées par trois journalistes distincts du bureau.

185 The Languages of Global News, symposium, University of Warwick, 23 Avril 2004. Disponiblesur : <http://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/csgr/activitiesnews/workshops/2004ws/language/>(consulté le 12.05.05), page 2. : « / think on gênerai AFP news wire we probably run every day about350.000 words (...) so if y ou multiply that by six services plus différent targeted wires we hâvemillions words moving around the world every day in a constant spate of translation. We can say thatwe are multilingual, multicultural - we're melting pot, so certainly not the voice of France. An Arabiewriter reporting from Feluja is not going to work the same way as an American. The translationaspect really shows up quite important cultural différences in the treatment of news ». (traductionréalisée par l'auteur).

146

Dépêche en arabe

RLR99 NIC 0103 ARA.ARG G EMI 270305-16h34 WÛ243

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147

traduction :

Egypte / Islamistes / Manifestations / réformes

Les frères musulmans en Egypte réclament l'annulation de la Loi d'urgence

Le Caire 27/3 (AFP)

Certains des éléments des frères musulmans ont participé aux trois manifestations

organisées ce dimanche, au Caire en réclamant l'annulation de la loi d'urgence et de

plus des réformes constitutionnelles, a affirmé l'Agence France - Presse.

La confrérie, interdite mais tolérée avait, en effet, appelé selon son chef supérieur

Mohamed Mahdi Akef à une grande manifestation devant l'assemblée du peuple pour

réclamer davantage de réformes politiques. Il faut signaler que les manifestations sont

interdites depuis l'application de la loi d'urgence, suite à l'assassinat du président

Sadaat en 1981. Les autorités sécuritaires ont affirmé qu'un millier de personnes

environ, ont participé à la plus grande manifestation, trois mille selon la confrérie.

Les manifestants se sont dirigés vers la place Ramsès, au centre-ville, soit à deux

kilomètres du siège du parlement, après le blocage de la route devant eux opéré par la

police. Les manifestants, pour leur part, ont demandé l'annulation de la loi d'urgence

en protestant contre l'immixtion américaine dans les affaires intérieures. D'ailleurs,

ils ont réclamé plus de réformes constitutionnelles proposées par le président

Moubarak. De grands dispositifs sécuritaires sont stationnés autour des sièges officiels

de la capitale et à côté des ambassades des États-Unis et de la Grande Bretagne afin

d'empêcher le passage des manifestants. Les deux autres regroupements ont eu lieu à

Bab El Louk et à la place d'El Sayeda Zeinab, deux quartiers populaires du Caire.

Selon les autorités, les manifestants étaient environ 200 à 300 personnes dans chacun

des quartiers.

Les forces d'ordre égyptiennes ont arrêté samedi, la veille des manifestations, environ

cinquante membres de la confrérie dont certains cadres.

148

Dépêche en français

3RLR27 PAR 0148MOA I EMI 27O3O5-15H3O wO349Egypte - islamistes

manifestations - réformes

Egypte : manifestation des Frères musulmans pour la levée de l'état d'urgence

LE CAIRE, 27 mars (AFP) - Plusieurs centaines de membres des Frères musulmans

ont participé dimanche à trois manifestations au Caire pour demander la levée de l'état

d'urgence et des réformes constitutionnelles, selon des journalistes de

l'AFP.Mouvement interdit mais toléré par les autorités, les Frères musulmans avaient

appelé publiquement mercredi, par la voix de leur guide suprême Mohamed Mahdi

Akef à une « grande manifestation » devant le siège de l'Assemblée du peuple. Les

manifestations de rue sont interdites en Egypte, au titre de l'état d'urgence en vigueur

depuis l'assassinat du président Anouar el Sadate en 1981. La plus importante des trois

manifestations de dimanche, comptant un millier de personnes, selon les autorités, et

3000 selon les organisateurs, s'est déroulée place Ramsès, dans le centre de la

capitale, après avoir été détournée par un impressionnant cordon de policiers du siège

de l'Assemblée du peuple où elle devait initialement avoir lieu à environ deux

kilomètres.

« Abrogez l'état d'urgence », criaient notamment les manifestants, qui demandaient

aussi de « s'opposer aux immixtions américaines » dans les affaires intérieures de

l'Egypte et réclamaient une « extension des réformes constitutionnelles » proposés par

le président égyptien Hosni Moubarak. Des cordons de plusieurs milliers de policiers

ont été disposés autour des bâtiments officiels et aux abords des ambassades

américaine et britannique dans le centre du Caire, ou en carrés compacts sur les places

publiques pour bloquer toute avance des manifestants.

Les deux autres rassemblements ont eu lieu à Bab El-Louq et à Sayyeda Zeinab, deux

quartiers populaires de la capitale égyptienne. Ils ont réuni entre deux et trois cents

personnes chacun, selon les autorités. Les forces de sécurité égyptiennes avaient arrêté

préventivement samedi une cinquantaine de membres de la confrérie, dont les cadres,

à la veille de ces manifestations. Hz/lr/mj

149

Dépêche en anglais 3RLO67 PAR 0270 EAA I EMI 270305-14H48 wO412

Egypt-Islamist, RPT265 Egypt's Muslim Brotherhood holds pro-reform rallies despites arrests

ATTENTION-INCORPORATES -arrest séries///

I^AIRO, March 27 (AFP) - Several thousand membres of the banned Muslim Brotherhood

ook part in restrictive emergency laws.

The main démonstration, consisting of 1.000 people according to authorities and 3.000

according to organisers, took place on the central Ramses Square after tight security measures

prevented them getting to parliament. The two other gatherings, involving 200 to 300 people

ach, took place in the central Bab el -Luk and Sayyeda Zeinab districts, authorities said.

Street démonstrations are banned in Egypt thanks to emergency laws that hâve been in place

since président Anwar al- Sadat's assassination in 1981.

"End the state of emergency " demonstrators shouted, calling also for "opposition to

American interférence " in Egyptian affairs and "more constitutional reforms ".

Last month, US Président George W. Bush used his State of the Union address to call for

démocratie reforms in Egypt.

The great and proud nation of Egypt, which showed the way toward peace in the Middle

East, can now show the way towarddemocracy in the Middle East", Bush said.

Brotherhood leader Mohammed Mahdi Akef called for the démonstration last week during a

press conférence on constitutional reforms put forward by Président Hosni Mubarak that will,

in theory, allow a degree of choice for voters in presidential élections due to be held later this

year.

Mubarak is currently serving his fourth uncontested term as président.

Several thousand police were deployed around gouvernment building in the capital as well as

the US and British embassies. Egyptian security forces regularly detain members of the

generally tolerated Brotherhood, which constitutes the main opposition to Mubarak 's ruling

National Démocratie Party, although members are required to sit in parliament as

independents. Lr-hz/cj o/kir

150

La dépêche en arabe se différencie des deux autres dépêches en nommant le président

égyptien par son seul nom, ce qui s'explique notamment par le fait que le journaliste traite

d'un personnage connu du monde arabe, Hosni Moubarak. Elle adopte un ton beaucoup plus

sobre que les deux autres dépêches, notamment en remplaçant le cri des manifestants :

«remplacez l'état d'urgence» par « les manifestants, pour leur part, ont demandé

l'annulation de la loi d'urgence en protestant ». Le texte ne comporte pas de citations directes,

mais rapporte au discours indirect des paroles tenues par les principaux protagonistes, donnant

au texte journalistique un ton moins dynamique. Notre connaissance limitée de la langue

arabe ne nous permet pas d'avancer une explication linguistique à la sobriété du ton, toutefois

le contexte politique pourrait expliquer en partie les précautions avec lesquelles le journaliste

relate les événements. Les organes de presse, l'AFP y compris, font l'objet d'une surveillance

étroite de la part du pouvoir égyptien qui nous laisse penser que les journalistes de l'AFP

ajustent le style, la formulation sans modifier le récit de l'événement. Rappelons que, dans un

pays comme l'Egypte, les journalistes d'agence ont des contraintes que n'ont pas les

journalistes d'autres organes de presse étrangers. En effet, un envoyé spécial qui couvre une

région du monde peut écrire ses articles sans entrave aucune dès qu'il quitte le pays; en

revanche, un correspondant d'agence qui demeure dans le pays doit, quant à lui, tenir compte

du contexte politique du pays qu'il couvre et des risques qu'il encourt en le faisant. En effet,

en tenant des propos qui froissent le pouvoir politique, il prend le risque d'être interdit

d'exercer voire d'être expulsé. Un correspondant étranger de l'AFP en Egypte précise :

En Egypte, il y a un certain nombre de restrictions sur la liberté d'expression, L 'AFP

a un bureau dans chaque région du monde, on est là et c 'est important qu 'on y reste.

Alors parfois, on est obligé défaire certaines concessions aux autorités pour pouvoir

rester. En Libye, par exemple, on ne peut pas écrire n 'importe quoi, car on aura

besoin d'y retourner. On doit un service minimum au client et on se doit d'y retourner.

Un hebdomadaire français peut se permettre d'envoyer un reporter qui ne va rien

écrire pendant la semaine où il sera en Libye, mais qui va rentrer ensuite écrire son

papier, s'il le veut au vitriol, sur le régime libyen. Il ne remettra jamais plus les pieds

en Libye, mais il fera un papier qu 'il aura jugé honnête.

Or, une agence de presse de taille mondiale dont l'objectif est de couvrir le plus grand espace

possible, ne peut prendre le risque de devoir fermer un bureau. Bien que les journalistes soient

151

réticents à évoquer cette difficulté dans l'exercice de leur métier à l'étranger, l'interdiction

d'exercer dont faisait l'objet le photographe de l'AFP à notre arrivée au Caire nous confirme

l'importance de cette contrainte.

L'activité journalistique est sous surveillance dans les pays où la liberté de la presse est

bafouée ou lorsque le journaliste couvre une région conflictuelle. « Tous les jours, on a un

ange gardien de la sécurité de l'Etat. Régulièrement, il vient nous dire bonjour. Gaymard

était là, il avait rendez-vous avec moi et d'autres journalistes, il nous a suivis jusque dans la

salle de conférence, il a fallu que l'ambassadeur le raccompagne gentiment par le bras pour

que les journalistes français puissent discuter tranquillement avec le ministre ». Cela peut

aboutir à des interdictions d'exercer comme c'est le cas pour le photographe du Bureau du

Caire, qui ne peut plus exercer jusqu'à nouvel ordre sous prétexte qu'il a pris une photo jugée

tendancieuse par le pouvoir. L'aspect tendancieux de la photo résiderait dans la position du

pied du ministre français qui est dirigé vers la tête du président Hosni Moubarak.

152

Dans la dépêche en anglais, les données chiffrées interviennent très tôt dans la dépêche, dès la

troisième ligne, «1.000 people according to authorities and 3.000», alors que dans les

dépêches en arabe et en français, il faut atteindre la moitié de la dépêche pour obtenir le

nombre de manifestants.

Les citations sont nombreuses dans la dépêche en anglais, une citation supplémentaire du chef

des Frères Musulmans est ajoutée dans la dépêche : « Brotherhood leader Mohammed Mahdi

Akef called for the démonstration last week during a press conférence on constitutional

reforms put forward by Président Hosni Mubarak that will ». Les citations rendent le texte

journalistique plus vivant, plus dynamique et confirme le jugement que les journalistes portent

sur la copie anglophone, c'est-à-dire une copie particulièrement « percutante » pour reprendre

les termes employés par les journalistes que nous avons rencontrés.

L'effort de contextualisation est particulièrement important dans la dépêche en anglais, le

journaliste relie l'événement au contexte américain notamment au positionnement du

président américain face à la situation égyptienne, « Last month, US Président George W.

Bush used his State ofthe Union address to callfor démocratie reforms in Egypt. "The great

andproud nation of Egypt, which showed the way toward peace in the Middle East, can now

show the way toward democracy in the Middle East", Bush said». Cela s'explique

notamment par les relations politiques et économiques qui lient l'Egypte aux États-Unis' .

Les journalistes suivent la loi de la proxémique de l'information, ce qui les conduit à montrer

la pertinence de l'information étrangère pour les publics locaux. Ici, il leur faut donc montrer

au public américain qu'une affaire interne à l'Egypte concerne les Américains. L'adaptation

des dépêches consiste à faire jouer la loi de la proxémique en accentuant la portée locale de

l'information pour accroître son intérêt.

Autre point de distinction de la dépêche anglophone, seul le journaliste qui a rédigé en anglais

éprouve le besoin de préciser qui sont les protagonistes, les Frères Musulmans,

« Brotherhood, which constitutes the main opposition to Mubarak 's ruling National

Démocratie Party, although members are required to sit in parliament as independents ».

186 Les États-Unis et l'Egypte entretiennent depuis 1970 des relations stabilisées sur les planséconomiques (les États-Unis versent une aide de 2 milliards), politiques et militaires afin d'assurer lastabilité du Moyen-Orient.

153

La dépêche en arabe et la dépêche en français sont construites sur un modèle relativement

similaire, honnis l'emploi du discours indirect pour la première en remplacement des

citations. La dépêche en anglais est sensiblement plus longue que les autres dépêches (412

mots), tandis que la dépêche en français comporte 349 mots et la dépêche en arabe, 248 mots;

elle comporte davantage de citations et d'éléments visant à contextualiser l'événement et à le

relier aux intérêts des Américains. Cela est notamment visible lorsque le journaliste précise la

position de Georges Bush sur l'événement.

L'examen de ces dépêches souligne que la hiérarchisation des informations varie d'une

dépêche à l'autre. Les différences de traitement que l'on observe entre les dépêches dépassent

les exigences de la proxémique; les journalistes procèdent en effet à une véritable adaptation

de la copie. Cette adaptation participe à un mouvement de « glocalisation » de l'information.

Le processus de glocalisation peut être résumé comme la coexistence entre deux mouvements

en apparence contraire : la globalisation et la localisation. La glocalisation correspond en

somme à l'interpénétration du local dans le global. En matière d'information internationale,

cela signifie que la multiplication des sources et un contexte d'hyper concurrence ne

favorisent pas nécessairement la «mise en globalisation» de l'information, c'est-à-dire la

diffusion d'une information universelle destinée à une communauté mondiale, mais au

contraire l'ancrage de l'information internationale et de son traitement dans la culture locale

du public visé. Ce concept met en évidence le rapport entre la diffusion globalisée par les

médias et l'appropriation localisée de l'information.

La spécificité de l'AFP par rapport aux autres agences de presse est de produire toutes ses

dépêches dans une grande variété de langues. L'agence Associated Press produit des dépêches

en moins de langues, et essentiellement en anglais, langue de son public captif. Certains

journalistes considèrent que cette volonté de glocaliser l'information entraîne un surcroît de

travail, voire une perte de temps, qui les empêche de concurrencer les autres agences, comme

en témoigne ici cette correspondante située au Caire :

On produit en deux langues. On produit en anglais, en français, et tout le monde est

producteur et traducteur. Moi je produis une dépêche, Hassan va la traduire. Il y a

une déperdition de temps et d'énergie parce qu 'il faut toujours doubler. Même si on

est un bon traducteur et très rapide, il y a une déperdition de temps parce que l'on fait

tout en double. Si je prends l'exemple de Bagdad, AP pour le même staff peut produire

154

deux fois plus puisqu 'ils ne traduisent rien. Quand ils ont fini leurs dépêches en

anglais, c'est fini ils passent à la prochaine, ils n'ont pas les dépêches des autres à

traduire. On a plus de travail de desk à faire pour que la copie soit systématiquement

en deux langues.

Cette démarche d'adaptation aux spécificités linguistiques et culturelles des clients s'inscrit

dans un contexte de concurrence accrue entre les agences. En faisant ce choix, l'AFP espère

ainsi faire face à ses concurrents anglo-saxons (AP et Reuters)187 qui disposent d'une clientèle

anglophone bien plus importante que la clientèle francophone mondiale. L'AFP se présente

comme une agence européenne qui fournirait une information adaptée non seulement aux

différentes communautés linguistiques de l'Europe élargie mais également au reste du monde.

3.4 Personnalisation de la copie : l'accroissement de la dépêche signée

L'anonymat a constitué pendant longtemps l'une des caractéristiques essentielles de l'activité

du journaliste agencier mais cette caractéristique tend à disparaître. Les rédacteurs en chef

comme les journalistes justifient l'accroissement de la signature par la multiplication des

dépêches hors factuels et des papiers à attribut. En effet, les hors factuels font appel à une plus

grande subjectivité du journaliste dans son rapport au réel, un plus grand engagement de sa

part dans l'analyse et l'interprétation des événements; la signature est une reconnaissance de

cette subjectivité.

Par ailleurs, dans le journalisme contemporain, il y a une plus grande reconnaissance, voire

une valorisation de la subjectivité, de sorte qu'un papier signé paraît avoir une plus grande

valeur et présenter un plus grand intérêt qu'un papier non signé. L'absence de signature qui

était autrefois un garant de l'objectivité du journaliste, dénote davantage aujourd'hui un

désengagement du locuteur.

187 Ce contre positionnement n'est pas nouveau, il s'inscrivait déjà dans le projet initial de la créationde l'AFP.

155

Le directeur du bureau de Moscou confirme cette valorisation de la signature du point de vue

des clients :

II y a un aspect purement marketing; on dit qu 'un papier signé, ça attire davantage le

journal. Même le lecteur dans une salle de rédaction, qui voit le papier signé, a plus

envie de le lire pensant que la rédaction est plus individuelle, qu 'il y a quelque chose

de plus. Chez les Anglais, c'est la règle : pour que nos papiers soient repris il faut

signer.

Les journalistes estiment donc que la signature est un argument commercial; elle répondrait à

une demande des clients qui souhaitent reprendre les dépêches dans leur forme d'origine. Une

dépêche signée attirerait davantage l'attention du client qu'une dépêche anonyme. La

signature est aussi un outil de distinction dans un système très concurrentiel. La signature

personnalise en effet le rapport non seulement au lecteur mais aussi au client, c'est-à-dire au

média qui va choisir de publier ou non les dépêches. Elle permettrait aux clients de se

familiariser avec le travail de certains agenciers et, par conséquent, d'être enclins à reprendre

les dépêches d'un journaliste dont ils apprécient le travail. C'est pourquoi la pratique de la

signature est encouragée par le dernier manuel de l'agencier qui précise « la signature des

papiers doit être développée. Elle met en valeur notre production auprès de nos clients. »'

Finalement, du point de vue de l'agence et plus particulièrement pour les directeurs de bureau,

la signature constitue un outil particulièrement efficace de valorisation et de motivation des

journalistes. La signature agit comme un marqueur de compétence, comme le confirme le

directeur du bureau de Moscou : « Signer un papier ça motive les journalistes. J'ai à gérer un

certain nombre de journalistes, je sais bien que la perspective de faire un papier signé ça

l'incite à mettre plus d'efforts dans la préparation du papier. » Bien que le manuel de

l'agencier prenne soin de préciser que « la signature n 'est en aucun cas une récompense, et

son absence une punition attribuée à un producteur »189, elle reste pour certains journalistes,

un moyen de se faire connaître à l'extérieur de l'agence et reconnaître en son sein.

188 ^pp^ Manuei fa l'agencier, 2004, page 67.189 AFP , Manuel de l'agencier, 2004.

156

La direction a adopté une position officielle à propos de la signature des dépêches en

proposant, dans le dernier manuel, une codification des papiers en fonction de la présence ou

de l'absence de signature. Celui-ci comporte un tableau190 répertoriant les différents types de

dépêches ou attributs et précisant 1) celles qui doivent être signées (douze types de dépêches :

papier de présentation, papier d'analyse, papier d'angle, enquête, compte-rendu, compte-

rendu d'audience, bio-portrait, portrait, magazine, weekender), 2) celles qui peuvent

éventuellement être signées (cinq types de dépêches : papier général, papier d'éclairage,

papier bilan, interview, bio-longue), et 3) celles qui ne doivent pas porter de signature (seize

types de dépêches).

Toutefois, ces règles ne sont guère respectées sur le terrain; les journalistes témoignent en

effet d'une absence d'harmonisation des pratiques en la matière, de sorte que le volume de

signatures varie d'un service à l'autre et d'un journaliste à l'autre. Un journaliste affirme :

Maintenant tous les papiers prévus sont signés sans état d'âme, y compris les papiers

qui ne devraient pas l'être comme la couverture d'une conférence de presse. A l'AFP,

on est une grande équipe de 2000 journalistes anonymes, il y a des gens qui s'en

fichent, il y a des gens qui tirent une gloire de l'anonymat, et d'autres qui ont envie de

se montrer au moins à l'intérieur de la boîte.

Un autre ajoute :

Je continue de penser que l'on n 'a pas une position assez claire sur la signature, les

règles ne sont pas très claires, vous avez des chefs de service qui vont cosigner,

d'autres parcimonieux, et au bout du compte ça crée de la frustration. Même si on sait

qu 'on est d'abord des anonymes, on a quand même de temps en temps envie d'être mis

un peu en valeur.

Nous avançons que la personnalisation de la copie, notamment par la signature, a un effet sur

la façon dont le journaliste se perçoit. Par ailleurs, la signature gomme une distinction

190 AFP, Manuel de l'Agencier, 2004, page 60.

157

essentielle entre les agenciers et le reste de la population journalistique, l'anonymat constitue

une caractéristique essentielle de l'identité agencière.

Dans les années cinquante, l'information produite par l'agence n'est pas fragmentée mais

s'inscrit dans une thématique dominante : celle de l'information politique et générale.

Aujourd'hui, l'information agencière est segmentée et se présente sous forme de thématiques.

L'activité de l'Agence France Presse n'est plus constituée essentiellement par l'information

diplomatique et politique mais s'élargit à d'autres domaines. Chalaby191 évoque ainsi un

processus de dépolitisation de l'information. L'intérêt des individus s'est déplacé vers d'autres

pôles d'information tels l'information pratique ou ludique. Le niveau d'exigence des individus

en matière d'information s'est élevé. Ils font face à une offre d'information plus importante en

termes de supports, de pourvoyeurs d'information et de contenus, aussi exigent-ils une

information qui réponde à l'ensemble de leurs besoins. Les clients de l'agence répercutent ce

changement d'orientation auprès des journalistes de l'AFP. Ces observations nous invitent à

conclure que depuis les quinze dernières années, la copie de l'agence a connu des

transformations essentielles. Une première transformation concerne le choix de l'information

et son agencement, elle se traduit par un large processus de fragmentation : les thématiques se

sont multipliées, les formats des dépêches se sont diversifiées et l'écriture s'est adaptée au

public visé. La seconde transformation concerne la forme des dépêches qui fait l'objet d'un

processus d'homogénéisation qui touche le style, la longueur des phrases et des textes, le lead,

que l'AFP cherche à normaliser, notamment en les calquant sur les formes anglo-saxonnes.

191 Chalaby, Jean K., « Journalism Studies in an Era of Transition in Public », What is JournalismStudies, Vol. 1(1): 9-6, Journalism, vol. 1(1): 9-60, 2000.

158

TROISIEME PARTIE : PRATIQUES ET IDENTITESPROFESSIONNELLES

159

Dans la troisième partie de notre thèse, nous nous proposons d'analyser les transformations

des pratiques journalistiques et de l'identité professionnelle des correspondants étrangers de

l'Agence France Presse.

Nous consacrerons le premier chapitre à l'analyse de la chaîne de production de l'information

au sein de l'agence, de la source d'information jusqu'au client. Nous porterons un intérêt tout

particulier aux différents acteurs qui interviennent dans le processus de conception de

l'information (sources, correspondants, opérateurs techniques, journalistes du desk) et à la

redéfinition de leur rôle au sein de la chaîne de production au fur et à mesure des

transformations techniques et de celles de l'environnement médiatique. Nous consacrerons le

second chapitre aux transformations des pratiques journalistiques sous l'influence des

innovations techniques. Nous aborderons notamment les changements dans les techniques de

transmission des dépêches, la portabilité des outils de rédaction, et les outils de

communication.

Enfin dans le dernier chapitre, nous analyserons les transformations de l'identité

professionnelle des journalistes de l'agence, en regard notamment de leurs caractéristiques

socioprofessionnelles, leurs parcours professionnels et leur formation, leur conception de

rôle et leur engagement professionnel.

160

-CHAPITRE 7- LA CHAINE DE PRODUCTION DE L'INFORMATION

Depuis 1945, la chaîne de production de l'information a connu de nombreuses et importantes

transformations. Le nombre d'acteurs intervenant aux différentes étapes de la conception de la

dépêche a augmenté; leur identité et leur fonction ont également évolué.

Sur le plan du recueil des informations, les journalistes ont été confrontés à une augmentation

du nombre et de la diversité de leurs interlocuteurs. Au début de la période à l'étude, soit dans

les années 1940 à 1960, les sources, moins nombreuses qu'aujourd'hui, étaient constituées

essentiellement d'acteurs politiques et diplomatiques. Aussi, les rapports entre les journalistes

et les sources s'établissaient-ils de manière plus directe. Au cours des décennies suivantes, les

sources avec lesquelles les journalistes de l'agence interagissent sont plus nombreuses et plus

diversifiées. Ils transigent avec des représentants de la société civile et des entreprises et

associations de toutes sortes, mais aussi avec les porte-parole des O.N.G., alors en pleine

expansion et de plus en plus présents sur la scène internationale. Us transigent également avec

leurs collègues des agences régionales d'information. Cette croissance du nombre et de la

diversité des sources connaît son point culminant avec le développement de la télévision et

d'Internet qui deviennent des sources incontournables pour les agenciers.

Sur le plan de la conception et de la transmission de la dépêche, les changements sont

également notables. Lors de la première configuration, les employés non-journalistes chargés

de veiller à la retranscription des dépêches et à leur transmission sont nombreux. Le

développement de l'informatique conjugué aux innovations en matière de transmission vont

modifier cette division du travail puisque, lors de la seconde configuration, les journalistes

assument eux-mêmes la retranscription et la transmission de la dépêche.

Enfin, le partenariat «journaliste de desk» et «journaliste de terrain» qui caractérise les

pratiques journalistiques lors de la première configuration va considérablement évoluer,

161

notamment par la mise en place de nonnes et de procédures de plus en plus spécifiques. Le

journaliste de terrain disposant des outils pour concevoir sa copie en quasi-autonomie,

le journaliste de desk contrôle le travail des correspondants étrangers et compose la

composition du « menu », en s'assurant de la diversité et de l'exhaustivité de l'offre et en

veillant à ce que celle-ci réponde à la demande des clients.

Section 1 - Nombre restreint de sources, des artisans de la dépêche nombreux

Au cours de la première période, l'agence met peu de ressources à la disposition du

correspondant, elle lui apporte peu de soutien et en même temps elle le contrôle peu parce

qu'elle ne dispose pas des moyens de communication adéquats. En conséquence, le

journaliste doit se débrouiller, être créatif, autonome. Il doit être polyvalent par la force des

choses (reporter, technicien en télécommunication, coursier, traducteur, et un peu aventurier).

Il est contraint dans une certaine mesure par l'isolement et les problèmes de communication,

mais il en tire aussi l'avantage de l'autonomie.

1.1 Les sources

Dans les chapitres précédents nous avons qualifié le journalisme dominant dans les années

cinquante et soixante d'« événementiel ». Le journaliste d'agence cherche à relater

l'événement le plus rapidement possible, dans un style factuel, en ayant recours à des sources

d'informations fiables. Ne disposant pas de moyens de communication aussi performants que

ceux d'aujourd'hui, il fait appel à un nombre plus limité de sources d'information et il n'est

pas toujours en mesure d'intégrer à sa dépêche tous les éléments contextuels pertinents. Il est

en somme contraint à une plus grande sélectivité quant au choix des sources et des

informations.

1.1.1 Un rapport direct aux sources

À cette époque, le correspondant étranger est un journaliste de terrain, de première ligne, aussi

établit-il un contact direct avec ses sources. « Quand on travaillait à l'étranger, c 'était pas

162

pour travailler comme au desk, on libérait au maximum les gens [les journalistes] pour

pouvoir aller sur le terrain, même pour rien raconter, mais pour être en contact avec le

Parlement. »

Comme le suggère ce journaliste, leurs sources sont essentiellement des sources

diplomatiques et politiques, puisque « le terrain » équivaut au « Parlement ». Le journaliste

est donc amené à fréquenter essentiellement les élites politiques du pays qu'il couvre. Les

radios et les journaux et les radios locaux sont les seuls médias susceptibles d'être des sources

d'information pour le journaliste. Contrairement à la situation qui prévaut aujourd'hui, le

journaliste ne dispose pas de moyens techniques lui permettant de prendre connaissance des

productions de ses confrères en temps réel. Dans ces conditions, il est fréquent que le

journaliste soit le témoin direct des événements et qu'il soit, en quelque sorte, sa propre

source d'information; il s'intègre alors dans le récit de l'événement en tant que témoin.

1.1.2 Le poids des sources institutionnelles

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France reste un pays fortement centralisé où les

pouvoirs publics exercent un contrôle sur un grand nombre de secteurs d'activités. Aussi le

journalisme français - même celui que pratiquent les journalistes de l'AFP en poste à

l'étranger - est-il traditionnellement tourné vers les affaires politiques et diplomatiques. Les

journalistes des années cinquante s'abreuvent donc tout naturellement aux sources politiques

et diplomatiques. Les journalistes de l'agence, même en mission à l'étranger, ont donc le

réflexe professionnel de s'adresser en priorité aux sources institutionnelles et aux porte-parole

officiels. « II fallait toujours avoir une source quasi officielle, si la source n'était pas officielle

du tout, elle n'était pas fiable ». Pour les acteurs politiques et diplomatiques, les journalistes

de l'AFP sont des interlocuteurs privilégiés, ils entretiennent avec eux des relations plus

proches de la diplomatie que du journalisme, et font preuve d'une certaine déférence à l'égard

de la gent politique. Un ancien journaliste de l'AFP qui intègre le bureau de Beyrouth au

début des années soixante, le décrit en ces termes : « Avant c'était un poste de convenances,

de relations diplomatiques ». Les journalistes adoptent une logique de représentation, comme

le relate un ancien correspondant à Téhéran : « On rentrait des fois très très tard, le soir, on

163

invitait les intellectuels et les diplomates. On était obligé d'inviter les diplomates, on avait

alors des informations que l'on n 'avait pas toujours autrement ».

1.1.3 Le journaliste de l'AFP comme représentant de l'Etat français

Le poids des sources institutionnelles s'explique également par l'implication de l'État français

dans le statut et le financement de l'AFP. De 1944 à 1957, le statut de l'Agence France Presse

est fixé par l'ordonnance du 30 septembre 1944. Selon la volonté du gouvernement provisoire,

l'AFP devient un établissement public et reçoit une subvention de l'État. L'agence est ainsi

placée sous l'autorité directe et entière du chef du gouvernement. Elle est administrée par un

directeur général nommé par décret sur proposition du ministre de l'information. Le statut de

l'AFP et le mode de financement qu'il induit, fait l'objet de nombreuses critiques que ce soit

de la part de la presse française par l'intermédiaire de la Fédération Nationale de la Presse

française qui représente une grande part de la presse française que par les agences

concurrentes.

Cette proximité avec le pouvoir place l'agencier dans une position délicate; il est amené à

privilégier les sources institutionnelles parce que ce sont les plus légitimes à cette époque

mais aussi parce que la direction influence parfois le choix de ses interlocuteurs. Comme nous

l'avons précisé dans le paragraphe 1.2, le journaliste est parfois assimilé à un diplomate. Cette

proximité avec le pouvoir n'est pas sans conséquences pour le correspondant étranger qui a

pour concurrents les journalistes des trois agences américaines (AP, UP, INS) et de Reuters

qui n'ont pas de telles contraintes. Les journalistes de l'AFP sont fortement critiqués par leurs

confrères qui les considèrent comme des journalistes au service du pouvoir. « J'ai ouvert un

bureau au Nigeria après l'indépendance. L'agence Reuters a envoyé à tous les journalistes et

correspondants une note annonçant que l'AFP était une agence d'Etat et faisait de la

propagande pour les essais atomiques. »

Jean Marin, nommé à la tête de l'Agence France Presse en 1954, va vouloir faire de l'agence

un organisme indépendant politiquement et économiquement de l'État : «II souhaite que le

Parlement n 'aitplus à connaître, chaque année, l'ensemble du budget de l'agence, mais qu 'il

doive simplement discuter des moyens de financements par lesquels l'Etat s'assure les

164

services de l'agence »' 2. Ses efforts vont aboutir à une modification du statut de l'agence en

1957193. La loi de 1957 met fin au statut d'établissement public de l'AFP. Les journalistes

entrés à l'agence avant 1957 considèrent que ce nouveau statut permet à l'agence de retrouver

une légitimité au regard de ses clients et des agences concurrentes. « L'AFP jusqu'au vote du

statut, a remonté le handicap de prestige aux yeux de la concurrence. L'AFP était l'agence

gouvernementale, il fallait constamment montrer que nous étions des journalistes

indépendants et pas des fonctionnaires gouvernementaux. »

L'AFP est donc une entreprise fortement imprégnée par les forces politiques françaises du fait

de son statut et de son financement qui la lient à l'État français. Les journalistes ont parfois le

sentiment de représenter à l'étranger non seulement l'État français, mais une certaine idée de

la France : « Par la nature même de cette agence, on représentait la France mais pas

officiellement. On représentait une puissance, une image française non officielle mais

puissante. » Les agenciers n'ont pas le sentiment d'exercer leur activité en collusion avec

l'État français, pourtant ils sont souvent perçus comme tels : « Les correspondants étrangers

d'agence ont été parfois comparés aux diplomates, perçus comme représentants de leur pays

et de ses médias. »194 L'implication de l'État français dans l'agence tant du point de vue de son

statut que de son financement, contribue à ce que ce préjugé frappe plus particulièrement les

journalistes de l'AFP.

Par ailleurs, l'Agence France Presse s'inscrit dans le sillage de la politique extérieure du

général de Gaulle marquée par son attachement à la souveraineté nationale, une politique

d'indépendance qui passe par le refus de l'hégémonie américaine. L'Agence France Presse

prolonge cette affirmation d'indépendance à l'étranger. Un correspondant étranger à la retraite

précise :

192 Montané, Jade, L'Agence France-Presse (1944-1957), La recherche d'une liberté d'information,Maîtrise d'Histoire, Université Paris X-Nanterre, 1999, page 77.193 Texte du statut de l 'AFP, 1957, annexe B - l .194 Boyd Barrett, Oliver, Rantanen, Terhi , «News Agency Foreign Correspondents» . In Tunstall ,Jeremy, Media Occupations and Professions, a Reader, Oxford Universi ty Press , N e w York, 2 0 0 1 ,page 128 : «News agency foreign correspondents hâve sometimes been compared to diplomats,perceived as représentatives oftheir country and its média » (traduction réalisée par l 'auteur) .

165

L'AFP avait pas mal d'importance, ça tenait aussi à de Gaulle, le régime gaulliste

mettait du vent dans les voiles de l'AFP parce qu'on voyait ça surtout à l'extérieur

comme dans des continents en Amérique du sud, et on était une agence pour les pays

comme ça, qui ne voulaient pas être sous l'influence directe des États-Unis. Le

gaullisme et la politique gaulliste, avec une espèce d'indépendance par rapport aux

États-Unis et à la politique américaine, c'était très fort en Amérique Latine.

2.2 Une production collective de la dépêche

2.2.1 L'opérateur technique : un acteur incontournable

À cette époque, les outils et les techniques de transmission sont lourds et complexes et exigent

des spécialistes chargés de l'envoi des dépêches. En 1952, les techniciens chargés des

transmissions représentent 20% des employés de l'agence et les employés de presse 25% pour

40% des journalistes. « C'était une époque où il y avait une brigade de mécaniciens, de

machinistes. Il y avait une. brigade qui venait pour changer les rubans, les réparateurs de

machines à écrire. Les téléscripteurs, c'était des bêtes exigeantes. On emmenait les

opérateurs avec nous, ils travaillaient comme des bêtes sauvages. »

Si le journaliste se charge de la rédaction de sa copie, c'est le télexiste qui s'occupe de taper le

texte sur les télex. À l'étranger, le télexiste ne maîtrise pas nécessairement la langue de la

dépêche parfaitement, les sources d'erreurs lors de l'opération sont donc nombreuses. Aussi,

certains journalistes apprennent-ils à taper des télex afin de s'assurer que leur dépêche sera

transmise correctement.

Quand j'ai commencé, on avait des machines à écrire, on était assis et dans notre dos,

il y avait un banc de téléscripteurs, on tapait notre copie sur plusieurs carbones, on en

gardait une pour les archives, on donnait la première copie au télexiste qui lui

(souvent c'était des gens qui ne parlaient pas l'anglais) tapait directement et ça

partait. J'ai appris à taper des télex moi-même, car j'étais plus sûr de mon travail que

les télexistes du cru, et j'ai appris à lire une bande perforée.

166

À cette époque, la chaîne de production de l'information est longue et la conception de la

dépêche, laborieuse. « Moi quand j'ai commencé c'était les télex. Nous, on faisait les papiers

sur machine à écrire, puis elles étaient retapées sur machine à écrire par l'opérateur, on

perdait beaucoup de temps.» Les intermédiaires entre le journaliste de terrain et le client sont

nombreux, toutefois la majorité des journalistes semblaient apprécier ce travail d'équipe

qu'ils disent ressentir de moins en moins au sein de l'agence.

Pour nous, les techniques n'étaient pas les mêmes, lorsqu'un télex arrivait, il y avait

quelqu'un qui le portait au desk, vous la rencontriez, ensuite vous la donniez à

quelqu'un d'autre qui le relisait et vous apportiez la copie à l'opérateur, et il y avait les

sténos. On se connaissait tous, on se croisait en permanence. Maintenant chacun est

devant son écran : "Bonjour... à demain" : terminé, il n'y a plus d'employé de

rédaction.

167

Photo d'une salle de rédaction de l'AFP dans les années soixante-dix.195

2.2.2 La dépêche, produit de la collaboration entre le correspondant et le

rédacteur

Les journalistes du desk et ceux qui exercent sur le terrain mènent des activités différentes

mais complémentaires dans la production des dépêches. Au cours des trente premières années

de l'agence, la division du travail entre les journalistes qui y travaillent correspond assez bien

à la distinction faite par Jeremy Tunstall entre les gatherers et les processors. Les premiers

sont ceux qui collectent l'information; ils sont tournés vers les sources d'information et ils

sont engagés dans le travail peu routinier de recherche, de vérification, d'explication et de

commentaire. Les seconds sont ceux qui mettent en forme et présentent l'information; ils sont

tournés vers l'audience et ils sont affectés à des tâches bureaucratiques et répétitives. 196

195 Droits réservés, AFP.196 Tunstall, Jeremy, Journalists at work, Londres, Constable, 1971, 304 pages.

168

Jusqu'à l'informatisation et la régionalisation de l'agence, les desks de l'AFP sont tous situés

au siège de l'agence à Paris. Ils occupent une place de choix dans la conception de la dépêche,

puisqu'ils déterminent la forme définitive de la dépêche qui va être envoyée aux clients. Le

personnel journalistique à l'étranger est encore relativement peu nombreux, tandis que les

journalistes de desk, en grand nombre, s'affairent en permanence à la conception de la copie

dans les locaux parfois trop étroits de l'agence : «A la fin des années soixante-dix, on ne

savait pas où s'asseoir et il n 'y avait pas assez de chaises pour tout le monde. »

Les correspondants étrangers envoient leurs dépêches par télex, câble, téléphone et courrier.

Les dépêches, qui parviennent au siège dans un style télégraphique1 , doivent être mises en

forme par les journalistes du desk. Le style télégraphique occasionne parfois des problèmes de

compréhension pour les journalistes du desk chargés de retranscrire la dépêche.

On utilisait un langage télégraphique que l'on appelait le nègre, pour réduire le coût

des transmissions télégraphiques, on faisait sauter les articles et le participe passé ;

au lieu de dire machin est arrivé ou arriva, on écrivait arrived. Ça a donné lieu à de

célèbres angoisses à Paris au moment de la chute de Dien Bien Phu. Un de mes

collègues à Saigon avait envoyé un flash, il avait dit Dien Bien Phu tombé. On s'est

dit : merde, ça veut dire quoi en train de "tomber" ou "tombé" ?. Alors on a demandé

qu'il s'explique et il avait bien écrit, Dien Bien Phu tombed. On faisait ça

instinctivement.

Le journaliste du desk peut être amené à contacter le journaliste de terrain pour se faire

préciser certaines informations, ce qui occasionne une perte de temps considérable. Le

rédacteur du desk, chargé de mettre en forme les dépêches, notamment en les « dénégrifiant »,

peut également être amené à corriger le texte, à en modifier la taille, à le traduire voire à le

réécrire s'il le juge nécessaire. Même s'il n'est pas à l'origine du texte journalistique, le

journaliste du desk a autorité pour procéder à la mise en confonnité du texte avec les normes

197 Le prix du télégramme varie en fonction du nombre de mots; par conséquent les journalistes sontincités à faire court. Ils écrivent leurs dépêches dans un style télégraphique, en « nègre >>. Lesjournalistes suppriment notamment les articles, les relatifs, les pronoms personnels. On trouvera enannexe deux exemples de dépêches rédigées en nègre par les envoyés spéciaux avant qu'elles ne soientmises en forme par les journalistes du desk central à Paris.

169

de l'agence. Son travail de correction effectué, il porte la dépêche aux télexistes chargés de la

transmission vers les journaux.

On refaisait le papier de A à Z, c'était un vrai boulot. On avait un autre point de vue,

le papier était refait. Le travail de desk, il n 'existe plus, sauf quand il y a des

traductions, sinon ils coupent. On donnait ce petit vernis français ou européen qui

intéressait les rédactions étrangères, maintenant c'est « copier - coller ». Aujourd'hui

ils s'ennuient au desk, il n 'y a plus beaucoup de journalistes.

Le gatherer, sur le terrain, est relativement isolé; il ne mesure pas nécessairement les attentes

des clients et n'est pas en mesure de se positionner par rapport aux dépêches produites par les

autres agences. Par ailleurs, il n'a qu'une idée relative de la taille de dépêche susceptible de

convenir à son responsable de desk; c'est pourquoi les papiers peuvent atteindre une longueur

inadéquate. C'est donc au desk que revient la tâche d'adapter la copie en fonction des

desiderata des clients et des normes fixées par l'agence. La proximité physique de la rédaction

centrale, qui définit les normes des dépêches, contribue à ce que les journalistes du desk soient

particulièrement soucieux de les respecter. Les journalistes, éloignés de la rédaction centrale,

se préoccupent davantage de la transmission de leur copie, que du respect des normes

agencières, surtout qu'ils savent que leur copie sera, de toute façon, revue et corrigée par le

desk. Le journaliste du desk étant le dernier à intervenir sur la copie avant qu'elle ne soit

diffusée sur les fils de l'agence, c'est lui qui exerce finalement l'autorité sur la copie.

Section 2 : Transformations de la chaîne de production

2.1 À la conquête de nouvelles sources

Dans le cadre de la première configuration, les journalistes s'adressent avant tout aux sources

officielles. Mais, progressivement, le nombre et la diversité des acteurs sociaux (associations,

regroupements, entreprises, groupes de pressions, etc.) qui interviennent sur la place publique

pour infléchir les politiques publiques et qui sollicitent l'attention médiatique tendent à

croître. Sur la scène internationale, on voit apparaître de nouveaux acteurs qui vont constituer

170

d'importantes sources d'informations pour les journalistes des agences internationales,

comme les organisations non gouvernementales et les agences de presse régionales et locales

qui vont se développer notamment à la fin des années soixante-dix dans la foulée du débat sur

le Nouvel Ordre Mondial de l'Information et de la Communication.

En Afrique, où les gouvernements sont faibles et peu efficaces dans la "diffusion " des

informations et des visiteurs, le personnel des Nations Unies ou des organisations non

gouvernementales (ONG) constituent souvent des sources importantes - ils servent de

« fixeurs locaux » pour les journalistes parachutés.

Par ailleurs, les clients des agences internationales vont également diversifier leurs demandes.

Si l'information générale et politique demeure essentielle, d'autres thématiques (économie,

culture, science, religion, loisir, etc.) intéressent de plus en plus les clients des agences.

Bref, la diversification des acteurs et l'élargissement des contenus informationnels exigés par

les clients conduisent les journalistes à se lancer dans la conquête de nouvelles sources

d'information.

2.2 L'informatisation de l'agence modifie les conditions de la pratique journalistique :

redéfinition des tâches professionnelles et renforcement des normes rédactionnelles

L'AFP s'est engagée dans un processus d'informatisation entre octobre 1973 et juin 1976. En

1976, le bureau latino-américain est informatisé, suivi par les desks allemands et africains, le

desk économique et sportif, le desk France en 1978 et 1979. L'informatisation des desks

change les besoins en main d'œuvre de l'agence et entraîne une modification des fonctions

des salariés. Les secrétaires chargées de reproduire le texte doivent se reconvertir dans

d'autres fonctions. L'informatisation s'accompagne également du passage des majuscules aux

minuscules, les journalistes considèrent que cela exige un surcroît de travail, ils n'écrivent

)8 Hannerz, Ulf, Foreign News. Exploring the World of Foreign Correspondents, The University ofChicago Press, Chicago, 2004, page 135. « In Africa, where governments are weak and not tooefficient in handling either information or visitors, the staff of United Nations agencies orinternational non governmental organization (NGOs) often become very prominent sources - theymay already serve as the parachutists ' local fixer » (traduction réalisée par l'auteur).

171

plus les dépêches dans un seul format de caractère et cela ajoute un geste supplémentaire dans

la retranscription des dépêches. Les journalistes réclament un complément salarial, une prime

à la minuscule. Si l'informatisation a réduit le nombre d'intermédiaires entre le journaliste de

terrain et le client, il a également permis au journaliste de gagner du temps dans la rédaction

de sa dépêche.

- Moi j'ai démarré avec la machine à écrire où l'on transmettait encore la copie par

une espèce de bombe pneumatique à l'intérieur du bâtiment. On travaille mieux, plus

vite, on élimine un intermédiaire qui est l'opérateur du télétex, donc ça élimine une

source d'erreur. On a pas mal d'outils qui nous aident comme le correcteur

d'orthographe et puis on a une recherche de background très facile.

- Quand moi j'ai commencé à l'AFP, je me levais, j'allais dans un placard d'où je

sortais des gros cahiers, où je fouillais pendant dix minutes pour trouver la dépêche

précédente. Pour trouver le même sujet maintenant je tape un mot clé et l'ordinateur

me crache en 0,2 seconde toutes les dépêches sur le sujet sorties depuis six mois.

Ce gain de temps n'est pas toujours considéré comme un effet positif sur le travail du

journaliste. Certains considèrent qu'ils ne disposent plus du temps de la réflexion.

« L'informatisation a tout changé, ça a donné un défaut, on n 'avaitpas le temps de réfléchir.

Le temps de mettre le papier dans la machine à écrire, d'allumer sa cigarette, et de se dire

'voyons ma première phrase elle va être comme ci comme ça'. Aujourd'hui c'est copier-

coller, l'horreur! »

L'informatisation des desks va renforcer le contrôle rédactionnel exercé par le desk sur la

copie produite par les correspondants étrangers. Mais, en même temps, l'informatisation de la

production et les changements qu'elle entraîne au chapitre des instruments et des protocoles

de transmission de l'information vont nécessiter la définition et l'imposition de nouvelles

normes de production. C'est pourquoi la période de l'informatisation coïncide avec une

période d'intense production normative, comme en témoigne le gonflement du volume du

second manuel de l'agencier par rapport au premier.

172

L'informatisation touche plusieurs aspects de la production des dépêches : le nombre de

dépêches transmises par les réseaux de l'agence augmente considérablement; les conditions

de travail des journalistes changent substantiellement; les nonnes relatives à la taille,

l'écriture et le routage des dépêches sont modifiées.199 Alors qu'autrefois le journaliste de

terrain se contentait de dicter sa dépêche à un opérateur, avec l'informatisation, les bureaux à

l'étranger disposent de consoles informatiques, de sorte que le journaliste procède lui-même à

la saisie, au découpage et à la mise en forme de la dépêche.

Un découpage et une présentation corrects sont absolument nécessaires à la rapidité

de traitement et de distribution de l'information. C'est donc une erreur fondamentale,

pour un agencier, que de s'imaginer qu 'il a « gagné du temps » en adressant au siège

de l'AFP des dépêches conçues à la hâte, mal découpées et à la présentation

défectueuse. Non seulement il n 'a pas gagné de temps, mais au contraire, il en fera

perdre, au stade du traitement par les desks, bien au-delà des minutes

supplémentaires qu 'aurait réclamées une copie plus conforme.

Les journalistes du desk, qui reçoivent les dépêches, disposent désormais des outils

informatiques qui leur facilitent la relecture et correction de la copie (notamment par l'emploi

des fonctions « couper », « copier » et « coller »). L'informatisation conditionne également la

mise en page de la dépêche. Si autrefois, les agenciers rédigeaient et envoyaient leurs

dépêches en continu, au début des années quatre-vingt, les consoles utilisées par les

journalistes de l'agence disposent d'un écran qui ne peut contenir que 22 lignes comportant

chacune 80 caractères. Le découpage de la dépêche en feuillets de 200 mots est indispensable

pour que chaque feuillet puisse apparaître dans son intégralité sur l'écran de la console. Enfin,

l'introduction des outils informatiques conduit l'agence à adopter un codage de la dépêche qui

199 Un chapitre du Manuel de l'agencier est exclusivement consacré à l'informatique au sein del'agence.200 AFP, Manuel de l'agencier, 1982, page 44.

173

soit harmonisé avec les consoles informatiques de leurs clients.201 Aussi les journalistes

doivent-il appréhender un nouveau mode de qualification de la dépêche.

Section 3 - Multiplication des sources et diminution du nombre d'artisans de ladépêche.

3.1 Les sources : un rapport aux sources transformé, sources multiples, multiformes

3.1.1 Accès aux sources transformé

Les modalités d'accès aux sources par les journalistes des agences internationales varient d'un

pays à l'autre. Certains pays disposent de médias locaux fiables et susceptibles d'être repris

comme source d'information par les journalistes. Dans les pays où les médias locaux sont peu

fiables, les journalistes doivent plutôt recourir à des sources personnelles, ce qui les amène à

constituer des réseaux d'informateurs et à œuvrer davantage sur le terrain. Cela était

particulièrement vrai dans le cadre de la première configuration, aujourd'hui l'extension des

réseaux d'information en continu et le développement d'Internet pallient les médias locaux

jugés peu fiables. Deux situations bien différentes qu'évoque ici une journaliste :

On est dans un monde sur-médiatisé où dans la plupart des pays, les médias locaux

crachent de l'information. Quand j'étais en Allemagne au début des années quatre-

vingt-dix - les médias y sont très riches et très fiables - donc on faisait beaucoup de

digestion d'information locale, très peu de sources directes, on recyclait les médias

locaux. En Russie, je suis arrivée en 1996, les médias locaux n 'étaient pas fiables, une

des fiertés du bureau c 'était de ne pas utiliser les médias locaux mais les sources

personnelles.

201 Les agences américaines et européennes ont adopté plusieurs conventions au sein de l'AmericanNewspaper Publishers Association (ANPA) et de Y International Press Télécommunications Council(IPTC) afin que la dépêche informatisée puisse être accessible à tous les clients.

174

Dans le tableau suivant, nous présentons deux types d'environnements médiatiques possibles

et dans lesquels le journaliste agit différemment avec les sources. Dans le cas des pays

développés, la concurrence entre les médias est intense; pour se différencier de leurs

concurrents, les journalistes proposent aux clients un traitement de plus en plus spécialisé et

local. La présence généralisée de services de communication force les journalistes à établir

des rapports indirects avec ses sources.

Les enjeux locaux des pays en voie de développement, surtout s'ils ne présentent pas un fort

potentiel économique n'intéressent guère les pays développés. Les médias sont encore

relativement peu nombreux dans ces pays; l'équipement technique est partiel et la

professionnalisation des sources peu avancée. Les journalistes établissent donc des rapports

plus directs, même personnels avec leurs sources.

Pays Développés

Pays en voie de

développement

Importance, pour les

pays développés, des

enjeux locaux.

Grande importance

Faible importance

Médias et

concurrence

médiatique

Médias

nombreux et

concurrence forte

Médias peu

nombreux et

concurrence

faible

Rapport aux sources

d'information

Les journalistes ont recours à

des sources indirectes et aux

services de communication

Les journalistes ont recours à

des sources directes, de

première main, et établissent

avec elles des rapports

personnels

3.1.2 La professionnalisation des sources

L'hyper concurrence caractérise non seulement le marché de l'offre médiatique, mais aussi le

marché de l'offre d'information par les sources en ce sens que la concurrence est de plus en

175

plus vive entre les sources et entre les « événements » dont elles se font les promoteurs et

qu'elles voudraient que les médias traitent. Cette situation a conduit depuis une vingtaine

d'années à un mouvement de professionnalisation des sources, c'est-à-dire à une prise en

charge de la communication des acteurs sociaux par des professionnels dont le mandat est de

faire en sorte que la couverture médiatique des événements ou des informations qui

concernent leur organisation soit conforme à leurs intérêts. Cela implique un travail

d'« encadrement » des journalistes par les services de communication et, par conséquent, une

perte d'autonomie des journalistes. L'accès aux acteurs des événements et aux informations

est de plus en plus contrôlé. Les journalistes entretiennent donc des rapports de moins en

moins personnels et directs avec les sources, et traitent volontairement ou parfois à

contrecœur avec des spécialistes de la communication aux médias. En 1989, Jean-François

Têtu et Maurice Mouillaud constataient que « Les grandes institutions publiques, privées ou

para-publiques tendent de plus en plus à se constituer en agences qui envoient leurs

informations aux médias, et par suite à revendiquer le statut de sources. »2 À cette occasion,

les journalistes peuvent ressentir une frustration de ne pas avoir accès directement aux

sources. « C'est énervant, on a toujours l'impression de ne pas avoir accès aux vrais gens, il

y a une espèce de barrière, on a finalement très très peu accès à la véritable information, il

faut toujours se battre, passer par des moyens détournés ». Ils ont le sentiment que les

services de communication rendent leur travail plus difficile : « Les sources se sont

dévalorisées, il y a tellement de porte-parole, de hiérarchisation de l'information, de la

communication. Eux ils veulent informer comme ils veulent et quelquefois l'info est ailleurs. »

Interagissant de moins en moins souvent avec les sources, les journalistes considèrent que les

services de communication appauvrissent l'information.

Vous avez moins de contacts directs avec vos interlocuteurs. Je trouve que c 'est

dangereux parce que vous ratez des opportunités. Quand vous êtes en direct avec la

personne vous pouvez apprendre des trucs annexes en parlant de sujets différents.

Maintenant vous ne créez plus de rapports personnels. Ça rend le travail beaucoup

plus aride.

202 Mouillaud, Maurice et Têtu, Jean François, Le journal quotidien, P.U.L., Lyon, 1989, page 131,

176

Afin de contrôler l'information et orienter le travail des journalistes, les services de

communication mettent en place différentes stratégies de séduction. L'une d'entre elles

consiste notamment à alimenter en permanence les journalistes et à être toujours disponibles

si ceux-ci en viennent à les contacter. « En Allemagne, on avait cette impression agréable

d'avoir constamment un interlocuteur disponible à n'importe quelle heure, d'avoir toujours

une phrase à écrire, et avec le droit de parler, mais il faut admettre qu 'on était piégé par

cela; il faut bien admettre que l'on était pieds et poings liés entre les mains de ces gens-là. »

Comme tous les acteurs sociaux qui en ont les moyens, ont recours à des services de

communication et à leurs stratégies, les journalistes sont submergés d'information et sont de

plus en plus confinés à une fonction de tri.

A Londres, on utilise les communiqués, les écrans de données brutes fournies par les

agences spécialisées dans l'information économique, des fils de communiqués. Les

think tanks, tous ces instituts de réflexion sont très puissants et témoignent d'une

grande qualité et d'un grand professionnalisme. Chaque entreprise a une grosse

équipe de communication qui sait de quoi elle parle. Chaque association, chaque

lobby peut vous aiguiller vers un expert qui va vous parler exactement de ce que vous

voulez savoir. Les universités sont à même de vous fournir des professeurs.

Leur travail consiste de moins en moins à rechercher et collecter de l'information et de plus

en plus à la recevoir et en faire le tri.

Les services de communication alimentent également les journalistes avant l'événement de

manière à influer sur leur « lecture » des événements et des situations. Les journalistes « de

plus en plus ne disposent, comme matière pour effectuer leur travail, que d'un discours

extérieur préparé à cet effet. »204 Les sources se sont professionnalisées au point de fournir

03 C'est ce que l'on peut appeler un effet de «framing » ( on peut se référer à ce propos aux travauxsuivants : Gitlin, Todd, The Whole World is Watching, Berkeley: University of California Press, 1980,352 pages et Braham, Peter, "How the Media Report Race," In , M. Gurevitch, T. Bennet, J. Curranand J. Woollacott, eds., Culture, Society and the Media (London and New York: Methuen, 1982), pp.275-279. Les services de communication fournissent en quelque sorte un « cadrage » de l'informationqu'ils diffusent auprès des journalistes.204 Rebillard, Franck, « La presse multimédia. Une première expérience de diversification de la presseécrite sur cédérom et sur le web », Réseaux, n°101, 2000, p. 167.

177

aux journalistes des articles « clé en main ». Elles produisent souvent en avance des dossiers

finement rédigés, dans lesquels le journaliste dispose de tous les éléments nécessaires à la

rédaction de ses articles. En résumé les services de communication vont jusqu'à se substituer

au journaliste en lui proposant des articles « prêts à publier ». L'objectif de ces services est

que le journaliste, sous une forte pression temporelle, choisisse d'utiliser le dossier qui lui est

fourni sans recourir à d'autres sources :

Les journalistes sont comme tous les êtres humains, ils sont fainéants. L'attaché de

presse qui vous amène un dossier magnifique tout fait, avec un article tout fait, que

vous le vouliez ou non, vous allez l'utiliser, sauf si c'est votre dossier depuis six mois et

que vous le connaissez à fond.

3.1.3 Internet comme source d'information

L'arrivée d'Internet a modifié le travail des journalistes, notamment au niveau de la collecte de

l'information et du rapport des journalistes à leurs sources. Internet constitue un outil de

recherche et d'investigation pour les journalistes lorsqu'ils rédigent leurs dépêches, et

notamment les dépêches d'analyse et les dossiers.

- Ça nous facilite le travail, notamment pour nos papiers d'analyse ; Internet nous

ouvre des portes. Ainsi, par exemple si je dois faire un papier sur le pays basque, je

récupère une masse d'informations qui me permet d'avoir du background. C'est un

usage quotidien,

- L'énorme changement c'est Internet. A l'étranger ça a changé notre façon de

travailler, en bien, notamment pour nos papiers d'analyse. Avant, quand on avait une

question précise, on avait affaire à un service de presse qui nous répondait quand il

avait le temps; là avec Internet vous avez la réponse très vite.

Grâce à Internet, les dépêches se trouvent alors mieux documentées, plus analytiques. En

outre, les journalistes peuvent assister à des conférences de presse depuis leur poste de travail,

178

ce qui facilite la rédaction de leurs dépêches. « J'en ai suivi des conférences de presse par

Internet avec des codes. Les entreprises communiquent à l'avance ces codes, et tu te

connectes à l'heure dite, tu assistes à la conférence comme si tu y étais, sauf que là ça ne

t'oblige pas à te déplacer et du coup tu écris ta dépêche plus rapidement.»

Internet permet également aux journalistes de se différencier de leurs concurrents en affinant

l'angle de leurs dépêches. Les journalistes visitent les sites des médias de presse écrite, des

grandes chaînes d'information en continu et des agences de presse concurrentes

quotidiennement afin de prendre connaissance du traitement qu'ils opèrent des événements. Ils

sont ensuite à même de proposer un angle différent et de s'assurer de nouveaux clients.

Avant, on était dépendant c/'Alerte et Analyse pour savoir ce que faisait la

concurrence, à Alerte et Analyse, ils n'ont pas le temps de voir dans chaque bureau ce

que le concurrent a fait. Maintenant on va sur Yahoo infos, on va voir ce qu'a sorti la

concurrence, l'angle choisi, ou alors on va sur le site du Monde, de la BBC, où il y a

un bataillon de journalistes qui actualisent l'info en permanence et ça permet de voir

comment eux, voient l'info.

Par ailleurs, Internet a changé de manière substantielle les rapports des journalistes à leurs

sources. Autrefois, les journalistes devaient se contenter d'un nombre restreint de sources par

manque de temps, et donc s'adressaient souvent aux mêmes sources par habitude et par souci

de rapidité. Internet a rendu accessible et visible un grand nombre de sources. Les journalistes

sont donc enclins à croiser une multitude de sources, et à en diversifier l'origine. Cela

contribue à améliorer la qualité et l'exhaustivité de l'information disponible dans les dépêches.

En effet, Internet donne accès à une très grande diversité de sources et, éventuellement de

points de vue, dont les points de vue de ceux qui contestent les discours officiels. Internet

permet donc aux journalistes de s'affranchir dans une certaine mesure des contraintes que les

sources, notamment les sources professionnelles, cherchent à leur imposer. Les professionnels

de la communication notamment, ont su saisir Internet comme un outil privilégié pour avoir

accès aux journalistes. Internet constitue aujourd'hui un formidable espace d'investissement

des institutions. Toutefois, en multipliant le nombre de sources accessibles, Internet diminue

leur état de dépendance aux sources. «L'énorme changement c'est Internet. A l'étranger ça a

179

changé notre façon de travailler en bien, parce que même à l'époque de Washington, on était

dépendant, enfin on finissait par obtenir les infos mais c'était beaucoup plus laborieux. »

Si la seconde génération des journalistes étudiée montre quelques réticences à utiliser Internet

comme source d'information, la jeune génération de journalistes est enthousiaste et considère

qu'Internet représente un gain de temps considérable dans le travail quotidien. «Les sites

Internet, on se dit que c'est pas sérieux, mais ils [rédacteurs Internet] négligent aussi l'idée

que toute information de ce type [les informations diffusées sur Internet] va pouvoir être

utilisée par d'autres agences. C'est plutôt quelque chose qui devrait aider une agence, trouver

de meilleurs sujets ». Internet fait donc l'objet d'évaluations différentes selon les générations.

Si la jeune génération considère que les informations recueillies sur Internet sont fiables, les

journalistes plus anciens, habitués à traiter avec des sources directes et peu enclins à utiliser

les réseaux pour collecter leurs informations soulignent le peu de fiabilité des informations

recueillies par Internet :

-Internet nous pose des problèmes déontologiques. C'est très riche, c'est une

encyclopédie pour des renseignements de fond. Mais autant l'encyclopédie Larousse,

on peut s'y fier, autant Internet, il faut faire attention,

-Internet, c'est la porte ouverte à toutes les manipulations c'est comme si vous aviez un

communiqué sans en-tête avec l'annonce d'un attaché de presse qui dit qu 'il y a eu un

attentat qui a fait quatorze morts. On doit multiplier les vérifications

Par ailleurs, la facilité et la rapidité avec lesquelles le journaliste peut recueillir les

informations par Internet peuvent le conduire à s'épargner une recherche d'information

supplémentaire en croisant ses sources et à utiliser les seules données recueillies par internet.

« Internet, c 'est comme les attachés de presse en pire, vous trouvez de tout, mais ce n 'est pas

contrôlable.»

180

3.1.4 Les chaînes d'information en continu : alerte et sources des journalistes

Le développement de la télévision et plus particulièrement des chaînes d'information en

continu a eu un impact aussi considérable sur le travail des agenciers que l'arrivée

d'Internet. Non seulement les grandes chaînes de télévision constituent-elles désormais une

nouvelle et importante source d'information pour les agenciers, mais leur présence sur

l'échiquier de l'information internationale tend à modifier les règles du jeu de la concurrence

entre les agences et les médias qui diffusent de l'information à l'échelle planétaire. De plus, la

présence sur le terrain des journalistes qui travaillent pour ces chaînes perturbe

considérablement les relations entre les agenciers et les sources locales.

Tous les bureaux des agences que nous avons visités disposent de plusieurs postes de

télévision qui diffusent en permanence les programmes de ces chaînes. La salle de rédaction

du bureau du Caire photographiée ci-dessous compte deux postes de télévision, auquel

s'ajoute un autre poste installé dans le bureau du directeur, les trois postes diffusent les

chaînes d'information régionales arabes, Al Arabiya, Al Jazeera et la chaîne BBC News, ce

pour un effectif de six journalistes. Leur présence dénote que la télévision constitue

aujourd'hui un outil incontournable pour l'agencier. Allumer l'ordinateur et le poste de

télévision sont les premiers gestes qu'effectue le journaliste lorsqu'il arrive au bureau. À la

fois clients et concurrents, les chaînes d'information en continu font l'objet d'une surveillance

de tous les instants de la part des agenciers afin qu'aucun événement ne leur échappe.

181

Bureau de l'AFP au Caire, mars 2005.

La présence des chaînes d'information en continu facilite l'accès à l'information et permet

aux correspondants de suivre l'actualité internationale en temps réel, ou presque, y compris

celle qui concerne le pays où ils sont en poste. Cet accès à une information médiatisée par les

chaînes de télévision a cependant un effet pervers : la présence sur le terrain des journalistes

de la télévision nuit à l'accès direct des agenciers aux sources locales, et plus particulièrement

aux acteurs qui « font l'événement ». En effet, sur le terrain, les correspondants étrangers

d'agence tout comme les journalistes de presse écrite, rencontrent de plus en plus de

difficultés pour avoir accès aux sources, celles-ci préférant de plus en plus transiger avec les

journalistes de la télévision, surtout les représentants des grandes chaînes. Ces dernières

offrent, par rapport à la presse écrite, deux avantages décisifs : de larges auditoires à l'échelle

internationale et la force des images. C'est pourquoi les informateurs préfèrent de plus en plus

s'adresser en priorité à une chaîne de télévision internationale plutôt qu'à un média écrit ou à

des journalistes d'agence. Certes, une grande partie de l'information que traitent les

journalistes provient de grandes institutions; cette information a un caractère officiel et est

généralement disponible à tous les journalistes, simultanément; mais dès que l'on quitte le

domaine de l'information institutionnelle et officielle pour entrer dans celui de la course aux

exclusivités, alors les avantages que détiennent les grandes chaînes de télévision deviennent

décisifs.

182

Ainsi, une journaliste chargée de couvrir le conflit palestinien relate ses difficultés pour

approcher la population : « J'arrive sur le terrain comme journaliste, on me demande : ' tu es

de telle chaîne? Tu leur réponds que 'non 'je ne travaille pas pour une chaîne de télévision '

et ils te disent: 'Bah! Alors ça ne m'intéresse pas de te parler'. Je suis anodine».

Contrairement à d'autres agences telles Associated Press205 ou Reuters qui disposent de leurs

propres services d'informations télévisées, la branche audiovisuelle de l'AFP, encore peu

développée, n'en est qu'au stade de l'expérimentation en ce qui concerne la couverture à

l'étranger; aussi ne peut-elle rivaliser avec les chaînes de télévision ou de la branche

audiovisuelle d'Associated Press. Sur le terrain, les journalistes employés par des médias

audiovisuels partent perdants dans la course aux témoins et aux sources qu'ils mènent avec les

journalistes des autres médias. Les chaînes d'information en continu garantissent aux sources

une grande visibilité (par l'image et par la parole), planétaire et immédiate, garantie que

l'agence de presse ne peut offrir.

Ça arrive souvent qu 'Al Jazeera annonce des choses avant tout le monde, c 'est un très

gros problème qui se pose aux agences, car de plus en plus de gens ont besoin

d'images et ils se disent : si je donne mon info à l'agence, je n 'ai pas l'image, si je la

donne à Al Jazeera, j'ai l'image. Depuis vingt ans, on a de plus en plus de difficultés à

interviewer en agence, ils préfèrent voir leur bobine à la télé, indique un directeur de

bureau. En conséquence, les chaînes d'information en continu sont souvent les

premières à diffuser l'information., comme le confirme ce correspondant étranger aux

États-Unis :

CNN est en train de devenir une espèce d'agence de presse télévisuelle. CNN a ainsi

sorti des tas d'infos en avance sur les trois agences. Ils sont avant tout le monde et

partout. C 'est CNN qui a annoncé la mort de Sœur Teresa et nous, on a dû annoncer

la mort de Mère Teresa en citant CNN. C 'est nos clients, mais ça devient des

concurrents.

35 En 1994, Associated Press lance APTV, agence mondiale d'informations audiovisuelles. En 1999,APTV et sa filiale Sport, SNTV, avaient 330 abonnés dans le monde. En 1998, APTV acquiert WTN{Worldwilde Télévision News) et devient la nouvelle société, AP Télévision News (APTN).

183

En disposant d'un accès privilégié aux sources, les chaînes d'information en continu ont

progressivement pris le pas sur les agences de presse dans la construction de l'agenda

médiatique international. Les agences de presse subissent aujourd'hui l'influence des chaînes

d'information en continu qui, en accord avec les sources, définissent désormais le calendrier

des événements et la hiérarchie des sujets. « Elles [les chaînes d'information en continu] ont

tendance à nous damer le pion, à jouer le rôle qu 'on jouait nous, c 'est-à-dire à être les

initiateurs d'information. A l'étranger, j'ai souvent eu l'impression que CNN menait la

danse ». La couverture de l'AFP s'établit de plus en plus en fonction de celle des chaînes

d'information en continu. « La télévision vingt-quatre heures sur vingt-quatre a changé la

nature de notre travail, le choix des sujets à couvrir n 'est plus le même. »

Face à la concurrence que leur livrent sur le terrain leurs collègues des chaînes d'information

en continu, les journalistes de l'AFP ont toujours la possibilité d'établir des relations étroites

et solides avec des sources privilégiées, notamment des experts et des observateurs, des

sources qui ne cherchent pas à tout prix à apparaître sur un écran de télévision et qui sont en

mesure de fournir soit des informations de fond, du « background », de l'analyse, soit des

éléments de pittoresque, de la « couleur », du « vécu ». Les agenciers peuvent donc laisser les

journalistes des chaînes d'information en continu effectuer le travail de terrain, et ensuite,

grâce à la veille médiatique, d'utiliser les chaînes d'information en continu comme source.

« Quand j'étais à Washington, j'étais au desk, on surveillait CNN et CBS en permanence.

Pour CNN, si c 'est une breaking news, on n 'a pas le temps de confirmer tout de suite, alors

on fait un urgent à partir de CNN, ensuite on fait un lead et les reporters prennent ensuite le

relais. »

Ainsi, l'AFP a-t-elle tendance à laisser les scoops aux chaînes d'information en continu (qui

n'ont l'exclusivité du scoop que quelques minutes, le temps que l'agence reprenne

l'information) et à chercher plutôt à se distinguer par la validité de ses informations, par des

mises en contexte, par l'analyse et par la « couleur » que peuvent leur fournir leurs sources

privilégiées et exclusives. Bref, l'agence se met, dans une certaine mesure, à la remorque des

grandes chaînes de télévision, mais elle cherche à s'en distinguer en donnant à ses dépêches

une valeur ajoutée. Concrètement, lorsque des chaînes, comme la BBC, CNN ou Al Jazeera,

diffusent une nouvelle sur un événement ou un sujet qui n'a pas été traité par les journalistes

de l'AFP, alors ceux-ci rédigent immédiatement une dépêche, quelle que soit la valeur

184

informationnelle qu'ils donnent à la nouvelle, en essayant de lui donner un angle différent ou

en ajoutant des éléments complémentaires inédits.

Le mode de production et de diffusion de l'information des chaînes d'information en continu

influe sur celui des agenciers. « Dans les informations télévisées, l'emphase sur la vitesse lie

de plus en plus des journalistes à la technologie, et contraint les journalistes des agences de

presse à surveiller la couverture télévisuelle. L'apparente réalité et la large diffusion des

images télévisées intensifient la pression éditoriale sur les journalistes d'agence qui doivent

faire correspondre leurs informations aux informations télévisées. »206 En effet, les chaînes

d'information en continu misent sur l'information en direct, en temps réel, et en font en

quelque sorte leur marque de commerce. Alors qu'autrefois l'agence devait transmettre

l'information rapidement, maintenant elle est en concurrence avec un média dont le credo

n'est pas la rapidité mais l'instantanéité. Par ailleurs, la télévision devient le média dominant;

par la force des images et par sa large diffusion, la télévision tend à devenir le média de

référence. Par conséquent une information crédible est une information qui correspond à ce

que la télévision montre et peut montrer.

La pression des chaînes d'information en continu contribue notamment à développer une

logique d'urgence207 toujours plus importante. Les agences de presse, sous la pression de la

concurrence, mènent une surenchère à l'urgence (« très souvent on urgente parce que la

compétition urgente ») qui s'est accentuée au point que les fils des agences connaissent un

surcroît de dépêches urgentes rendant difficile le choix des clients. Comme nous le verrons au

prochain chapitre, la classification des urgents avait été initiée pour faciliter la hiérarchisation

des informations et permettre au client d'effectuer sa propre sélection parmi les dépêches,

mais l'effet pervers est qu'en multipliant les urgences, il n'y a plus d'urgence.

206 Boyd Barrett, Boyd, O., Rantanen Terhi, 0, « News Agency Foreign Correspondents ». InTunstall, J., Media Occupation and Professions, A Reader, Oxford University Press, New York, 2005,p. 139 : «In télévision news, the emphasis on speed increasingly lies reporters to the technology, anddes wire service reporters to their offices monitoring télévision coverage. The "apparent " reality andwide diffusion of télévision news images intensifies editorial pressure on wire service reporters tomatch the télévision stories » (traduction réalisée par l'auteur).207 La question de la gestion de l'urgence dans les entreprises de presse a été traitée par RozenblattPatrick, « L'urgence au quotidien », Réseaux n° 69, Cnet, Paris, 1995, page 74.

185

La stratégie de l'agence qui consiste à reprendre en la complétant l'information diffusée par

les chaînes d'information en continu n'est pas sans poser des problèmes. Dans quelle mesure

les journalistes peuvent-ils se fier aux informations diffusées par les concurrents ? Les

agenciers que nous avons rencontrés font preuve d'une grande réticence à utiliser les chaînes

d'information en continu comme sources, bien que la rédaction en chef elle - même les

encourage à le faire lorsqu'ils ne disposent pas de leurs propres sources.

En ayant en tête toutes les précautions nécessaires, nous devons utiliser davantage les

images de télévision. Le service Alerte et Analyse est équipé pour fournir par notes

des éléments de couleur et des citations reprises de télévisions. Autant de matériel que

nous devons utiliser quand nous manquons de sources directes, et ceci jusqu 'à ce que

les correspondants soient pleinement opérationnels20

La stratégie des journalistes de l'agence consiste à utiliser les chaînes d'information surtout

comme des « alertes », ce qui leur permet, dans un premier temps, de diffuser rapidement

l'information sur leurs fils en citant la chaîne comme source, de manière à se prémunir contre

les critiques si l'information s'avère fausse. Puis, dans un second temps, ils vont chercher à

vérifier l'information diffusée par les chaînes auprès de sources complémentaires, de manière

à reprendre l'information à leur propre compte sans citer la chaîne de télévision et,

éventuellement, en la complétant. Les agenciers préfèrent citer le média qui a diffusé

l'information, même s'il s'agit d'un concurrent, plutôt que de se risquer à donner une

information erronée sous leur propre nom.

En effet, utiliser une information diffusée par un autre média n'est pas sans risque. Lorsque le

journaliste reprend une déclaration diffusée simultanément par une chaîne d'information en

continu, il réalise un gain de temps considérable, mais l'information diffusée par les chaînes

d'information en continu peut se révéler fausse. Les journalistes se retrouvent face à un choix

cornélien : diffuser l'information de la chaîne d'information en continu au risque que

l'information soit inexacte, ou prendre le temps de la vérifier et se faire dépasser par les

agences concurrentes. La décision revient alors au directeur de bureau :

AFP, Rapport de la réunion des rédactions en chef régionales, réseau intranet - ASAP, 2005.

186

Si CNN annonce quelque chose, on se sent obligé de vérifier nous-mêmes avant de

sortir cette information. Ils [les journalistes des chaînes d'information en continu] ne

sont pas du tout à l'abri de l'erreur. Au moment du 11 septembre, Alerte et Analyse a

produit un message disant : 'CNN dit que des péniches transportent des cadavres '.

J'étais à New York, j'ai dit tant qu'on n 'a pas vérifié on ne le dit pas, on ne donne que

ce que l'on a vérifié. Nous, on n'a jamais donné de faux bilans lors du 11 septembre

2001.

Les grandes chaînes d'information continue ont un tel impact à l'échelle internationale,

qu'une rumeur diffusée par elles devra être couverte par l'agence car, du fait même de sa

large diffusion et de son impact réel ou potentiel, la rumeur devient une nouvelle

incontournable.

// se peut qu 'il y ait une rumeur qui est parfaitement improbable. Avant qu 'on puisse

vérifier et démentir l'information, celle-ci est sortie, c 'est sur la place publique et ça

joue sur le cours du dollar, bref ça génère une réaction réelle. On est donc parfois

obligé de tenir compte des fausses rumeurs dans la couverture de l'information.

Quoi qu'il en soit, on constate que, dans un contexte où la vive concurrence dans le système

médiatique, l'accélération de la vitesse de circulation des informations et l'impact des images

sont autant de facteurs qui semblent favoriser les chaînes télévisées d'information continue,

une des manières par lesquelles l'AFP cherche à se distinguer consiste à offrir à ses clients

une certaine garantie quant à la validité des informations qu'elle diffuse.

187

3.2 Un journalisme pris entre mimétisme et différenciation

Les activités de veille des concurrents directs (les autres agences de presse) ou indirects (les

chaînes d'information en continu) et les activités de vérification constituent une part

importante de l'activité professionnelle du correspondant étranger de l'agence. La course à la

surenchère informationnelle peut même conduire les journalistes à créer « artificiellement »

l'événement en lui donnant une importance qu'il n'aurait pas eue autrement. Ainsi, le 9 mars

2005, le bureau du Caire reçoit une note de leur service Alerte et Analyse leur indiquant que

l'agence Reuters a diffusé une dépêche portant sur de nouvelles découvertes sur les

mésaventures de l'archéologue qui a découvert la tombe de Toutankhamon. Bien qu'il n'y ait

aucun élément nouveau, les journalistes se doivent de produire un papier sur ce sujet.2 Le

directeur du bureau évoque alors la situation en ces termes : « L 'information en elle-même

n 'avait aucun intérêt, comme on était un peu en retard, on a pris un autre angle car la red

chef de Paris voulait quelque chose à vendre. On a fait un papier magazine, ils estimaient

qu'il fallait reprendre le papier, ça fait grand public. »

L'objectif de l'agence étant de ne pas se laisser dépasser, elle suit au plus près la couverture

des chaînes d'information en continu. Ce mouvement de mimétisme conduit à une

uniformisation des contenus diffusés dans le monde. Pierre Bourdieu parlait à ce propos d'une

« circulation circulaire de l'information ». Dominique Marchetti approfondit cette analyse'

en soulignant que le mouvement de mimétisme prend sa source dans les titres les plus proches

des pôles commerciaux. Les chaînes d'information en continu et Internet se constituant

comme les acteurs les plus proches du pôle commercial, ils sont le plus souvent à l'origine du

mouvement.

209 Dépêche AFP, 9 mars 2005, «La malédiction de Toutankhamon poursuit l'archéologue qui l'adécouvert » (Papier d'angle), annexe A-16.

10 Marchetti Dominique, « Contribution à une sociologie des évolutions du champ journalistique »,Thèse sociologie, EHESS, 1998.

188

L'innovation technologique qui permet d'avoir accès via les réseaux satellite et Internet aux

fils des autres agences de presse et aux programmes des chaînes internationales d'information

continue, conduit le journaliste à rédiger « l'oreille collée au poste ».

Les conditions techniques de production permettent aux journalistes de savoir en

temps réel ou presque comment les concurrents couvrent les événements en cours, ils

ont aussi la possibilité de savoir rapidement et précisément comment le public réagit à

ces messages, aux leurs comme à ceux des autres concurrents. Les journalistes se

trouvent alors engagés dans un processus d'interactivité et de réflexivité sans

précédent dans l'histoire et qui permet dorénavant aux producteurs de messages

d'ajuster rapidement leur message à ceux des concurrents et aux réactions du

public2'1

Si les médias ont toujours constitué une source d'information pour les journalistes

{«personne n 'écrit V actualité du jour sur une page blanche. Chacun, en somme, retouche une

page en partie déjà écrite par d'autres »212), les modalités de la veille concurrentielle qui

s'établit désormais en temps réel, encouragent autant le mimétisme que la distinction. Non

seulement les journalistes doivent s'assurer qu'ils traitent tous les événements couverts par

leurs concurrents, mais ils doivent également produire de l'innovation afin de retenir le client.

Le contexte hyper concurrentiel ainsi que la rapidité avec laquelle les journalistes tendent à

reproduire les choix rédactionnels et les stratégies de leurs concurrents, conduisent l'agence et

ses journalistes à se renouveler toujours davantage. Comme nous l'avons vu dans la seconde

partie, les agenciers tentent de se distinguer des chaînes d'information en continu en

produisant des dépêches d'analyse, des mises en perspective de l'événement qui exigent une

temporalité plus longue que celle de la chaîne d'information en continu qui fournit une

couverture immédiate de l'événement. Les journalistes peuvent également se distinguer sur la

mise en forme de l'information : «Le souci de ne pas offrir une information lacunaire incite

211 Brin, Colette, de Bonville, Jean et Charron, Jean, Nature et transformation du journalisme. Théorieet recherches empiriques, les Presses de l'Université Laval, Québec, 2005, chapitre 8: « Lejournalisme et le marché : de la concurrence à l'hyperconcurrence», pp.273-274.212 Cornu, Daniel , Journalisme et vérité, Pour une éthique de l'information, Genève, Labor et fides,1994, page 309.

189

chaque média à tenter le pari constant de raconter tout ce que les autres disent et d'offrir, en

plus, des informations, des éclairages, des reportages qui n 'appartiennent qu 'à lui seul. »21

Le jeu concurrentiel entre les agences se joue sur la mise en forme de l'information. C'est

ainsi que l'agence propose au client un vast<

d'analyse constitue à cet égard une illustration.

ainsi que l'agence propose au client un vaste choix de types de dépêches214, la dépêche

3.3 Les relations entre le correspondant étranger et le desk

L'introduction de l'informatisation a sensiblement modifié la composition de la main d'œuvre

de l'Agence France Presse. Entre 1952 et 2000, la proportion d'employés de presse sur

l'ensemble des employés a diminué de moitié, passant de 25 % à 13 % alors que la proportion

de journalistes a connu une croissance importante, passant de 40 à 59 %. En somme, le

nombre d'intermédiaires entre le journaliste de terrain et le client a considérablement diminué.

Le journaliste agit encore et toujours sous le contrôle de son desk, mais pour le reste il est le

seul concepteur de sa copie.

Le développement des nouvelles technologies, notamment le courrier électronique et le

téléphone portable ont modifié le rapport entre les journalistes sur le terrain et les rédacteurs

en chef. Le journaliste d'autrefois jouissait, par rapport au desk, d'une relative autonomie

dans la mesure où il était difficile à joindre et surtout parce que ses choix de couverture

étaient difficilement contestables par le desk puisqu'il disposait d'une connaissance du terrain

et des événements auquel les cadres du desk n'avaient pas accès. Ces conditions n'existent

plus. Le journaliste d'aujourd'hui est en contact quasi permanent avec le desk d'abord parce

que son travail est de plus en plus sédentaire et aussi parce que le portable permet de le

rejoindre là où il se trouve. Mais surtout, grâce aux chaînes d'information en continu, à

Internet, et aux dépêches des agences concurrentes, le desk dispose aujourd'hui d'une

connaissance du terrain et des événements parfois supérieure à celle que peut avoir le

213 Cornu, Daniel, op.cit, page 309.214 Ce thème ayant été largement abordé au cours du chapitre précédent, nous invitons le lecteur à s'yreporter.

190

journaliste lui-même et qui lui permet de téléguider, en quelque sorte, les faits et gestes de son

correspondant sur le terrain. Nous aborderons plus longuement cette question dans le chapitre

suivant où il sera question notamment les outils de communication entre les journalistes sur le

terrain et les différents acteurs de l'agence.

Pour le moment, nous allons souligner quelques changements dans le rôle joué par le desk qui

sont en lien avec la régionalisation et la décentralisation de la production. Depuis 19852L>,

l'AFP s'est engagée dans un processus de régionalisation de sa couverture et a ainsi

décentralisé en partie son système production de l'information, en déléguant à des bureaux

régionaux le contrôle de la couverture de certaines aires géographiques. L'AFP comporte

quatre desks régionaux : le desk Europe-Afrique, localisé à Paris, qui comporte les services

administratifs, techniques et commerciaux généraux, la rédaction générale et le service de

veille Alerte et Analyse; le desk Amérique, localisé à Washington; le desk Asie-Pacifique,

localisé à Hong Kong, et le desk Moyen-Orient, situé à Nicosie.

Tous les abonnés de l'agence ne reçoivent pas toutes les dépêches produites par l'AFP.

L'agence a découpé sa production en plusieurs fils, un fil désignant un ensemble de dépêches

regroupées sur des critères thématiques, géographiques ou linguistiques. Le travail du desk

régional consiste à regrouper les dépêches en fonction de l'intérêt qu'elles présentent pour les

différents groupes d'abonnés. Le desk dispose d'une grande connaissance de la clientèle et de

la concurrence, et peut, en outre, commander aux agenciers du bureau local, des papiers

spécifiques pour compléter une couverture que le chef du Je?/: juge insuffisante par exemple,

ou encore pour diffuser une analyse d'un événement sous plusieurs angles.

Les progrès techniques ont conduit le correspondant étranger et les bureaux locaux à être

davantage responsables de leur copie. Le rôle des journalistes du desk a sensiblement évolué;

comme on l'a vu, il consiste de moins en moins à effectuer à une correction des dépêches et

de plus en plus à veiller à la bonne composition du fil, en évitant notamment une

surabondance de dépêches qui nuirait à l'usage des clients, et à offrir une diversité de

15 En 1985, l'AFP crée trois centres régionaux de production et de diffusion (Hong Kong, Nicosie àChypre et Washington), en 1987 le centre régional de Nicosie est inauguré, le desk arabe du Caire esttransféré à Nicosie. En 1997, l'AFP ouvre son régional hispanophone de Montevideo.

191

traitement de l'événement. Il est également l'interface entre les clients locaux et régionaux et

les différents bureaux locaux de la région qu'il supervise. Le bureau régional est au service de

la clientèle, il peut également procéder au démarchage de nouveaux clients, faire connaître les

nouveaux services de l'agence à la clientèle. Si le journaliste est davantage tourné vers les

informateurs et les événements, le desk est orienté vers la clientèle, ce qui explique les

tensions ou les conflits entre les bureaux locaux et le bureau régional dont ils dépendent.

La régionalisation des desks a complexifié la hiérarchie au sein de l'agence, les niveaux de

responsabilités s'étant multipliés. Les journalistes qui ont débuté avant la régionalisation de

l'agence considèrent que la régionalisation du contrôle des dépêches a permis de «.gagner en

découpage de la dépêche et en précision ».

On est organisé en région, ce qui est très pratique parce que l'on connaît notre région,

ce n'est pas une grande rédaction en chef centrale qui est censée s'occuper de la

planète entière, on en vient à connaître chaque journaliste de la région, qui il ou elle

est, comment il va réagir, comment on peut lui demander, le facteur humain est très

important.

Au cours de ce chapitre, nous avons établi que la chaîne de production de l'information avait

connu des transformations importantes depuis 1945. Le nombre de sources à la disposition

des journalistes s'est considérablement accru, la division du travail au sein de l'agence et les

fonctions au sein de l'agence ont été redéfinies. L'évolution des techniques, des transmissions

et des communications n'est pas étrangère à ces transformations comme nous allons le voir

dans le chapitre suivant.

192

-CHAPITRE 8- TECHNIQUES, TRANSMISSIONS ETCOMMUNICATIONS

L'histoire des agences de presse est intimement liée à celle des techniques :

télégraphe, téléphone, radiotélégraphie, télex, télécopieur, plus récemment

communication par satellite et informatique. Le progrès technique a largement façonné

les pratiques des correspondants étrangers.

Dans ce chapitre, nous verrons qu'au début de la période à l'étude, soit dans les années

1940 à 1960, les techniques de transmission sont rudimentaires, peu performantes et

peu fiables216. Aussi, le quotidien des correspondants étrangers est-il rythmé par la

recherche de moyens de transmission et par la transmission elle-même. La technique

limite la taille de la copie; en revanche, elle conditionne peu l'écriture de la dépêche,

qui demeure relativement libre. Enfin, les difficultés de transmission et de

communication entre le siège et le terrain conduisent le journaliste à agir dans un

relatif isolement par rapport à sa rédaction.

Plus tard, au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, la capacité des dispositifs

de transmission et de communication va s'améliorer considérablement, bien que les

équipements de transmission et de rédaction, désormais portables, demeurent encore

relativement contraignants. Les journalistes acquièrent une certaine autonomie, qui les

conduit parfois à se sentir isolés de leurs confrères.

216 La vitesse de transmission est de 50 bauds soit 60 mots par minute, chaque lettre correspondant àcinq moments ou impulsions électriques.

193

Dans les années quatre-vingt-dix et deux mille l'innovation technique s'accélère et

contribue à transformer profondément les pratiques. Le développement des satellites

permet la mise en place des chaînes d'information continue. L'avènement du réseau

Internet, qui rend l'information très largement disponible et qui accroît sa vitesse de

circulation, contribue également à modifier radicalement les conditions de la pratique

des agenciers.

Section 1 - Les transmissions au temps de la première configuration : autonomieet polyvalence du correspondant

1.1 Un journaliste expert en transmissions

Jusqu'à l'apparition des liaisons par satellite et des réseaux informatiques, transmettre une

dépêche constitue un véritable défi pour le correspondant étranger. Le temps imparti à la

transmission est largement supérieur au temps imparti à la rédaction. Les outils de

transmission sont incertains et peu sûrs, aussi les journalistes consacrent-ils une large part de

leur temps à s'assurer qu'ils pourront transmettre leur copie.

En fonction de leur situation géographique et de l'état de l'équipement technique dans le pays

où ils se trouvent, les journalistes doivent choisir le moyen le plus fiable parmi ceux à leur

disposition : téléscripteur, radio téléscripteur, télégramme à des bureaux plus importants qui le

retransmettent à Paris, télex dans les pays équipés, téléphone et communications

télégraphiques. Toutefois, le journaliste ne dispose pas toujours d'un tel choix et il arrive

même qu'il ne dispose d'aucun moyen de transmission à l'endroit où il se trouve. Cette

situation est fréquente dans les zones géographiques isolées et difficiles. Le correspondant

doit alors faire preuve de débrouillardise et d'inventivité.

On avait un problème de transmission, tout était un problème. Quand vous pensez

qu'au Vietnam, jusqu'en 1973, on n'avait pas de télex, ce qui est insensé. On

transmettait par ondes radio, on avait des émissions radio de telle heure à telle heure

dans la journée, et après il y avait un blanc. Si l'émission radio se terminait et qu'on

avait un papier en cours ou un truc important, on pouvait la prolonger mais, c'était

194

mal capté, alors Paris nous envoyait : ' Mal capté, tout brouillé', il fallait prendre la

bande perforée qu'on envoyait par émission radio, aller au télex international public

pour faire partir la bande. C'était complètement dingue, alors que toutes les autres

agences avaient des télex depuis belle lurette. 2n

Le journaliste doit se faire technicien et bricoleur et apprendre à maîtriser ces outils de

transmission : « J'ai vécu avec le télex pendant 40 ans à une vitesse de plus en plus

rapide. Je savais le démonter, c'était une bande perforée, deux trous en haut, trois

trous en bas. »

Le problème est décuplé dans les zones de conflits armés puisque les moyens de

transmission représentent une cible prioritaire pour les belligérants. Les moyens de

transmission réduits à néant, cela limite les risques d'information pour un camp ou

pour un autre. Un correspondant étranger qui a longtemps assuré la couverture de

certains pays d'Afrique pour le compte de l'AFP : « Parfois, je partais dans des

régions où je ne savais pas si j'allais pouvoir transmettre l'information. Il m'est arrivé

de ne pas pouvoir donner d'information pendant une semaine car le nouveau pouvoir

politique en place avait coupé tous les systèmes de communication. » Les journalistes

doivent parfois prendre des risques pour transmettre leur copie à la rédaction en chef

centrale. Les agenciers qui ont connu ces situations ont tous des prouesses à raconter à

ce sujet. Par exemple :

Quand j'étais au Congo, au Katanga, l'ONU commençait par bombarder la

poste dans le but d'empêcher les communications. Il fallait faire partir quand

même la copie. Pour cela, il fallait emmener la copie en Rhodésie, qui était à

peu près à 200 kilomètres, par des routes qui étaient plus des pistes que des

routes d'ailleurs, et c'était parfois très dangereux. Quelquefois aussi, on allait

porter la copie en Rhodésie par avion. On trouvait aussi d'autres systèmes, des

fois on confiait des trucs à des télégraphistes amateurs qui envoyaient ça en

morse (...) Moi, j'avais découvert par hasard que les Belges avaient une espèce

de poste semi-clandestin, j'envoyais des nouvelles par leur poste. J'allais en

217 L'AFP parvient à augmenter sa vitesse de transmission à partir des années 1977-1978, la vitesse detransmission croît de 50 à 300 bauds.

195

douce là-bas, pas très loin de l'hôtel. On organisait aussi des systèmes de pool

qui emmenaient la copie de tout le monde à la poste.

Les problèmes de transmission peuvent également être liés à la censure exercée par les

autorités locales dans certains pays ou encore par la combinaison de tous ces facteurs :

conflits, censure et moyens de transmission. « En Corée, il fallait passer par la censure,

ensuite on se disputait le téléphone pour appeler Tokyo, il y avait souvent un seul téléphone

pour tout le monde, on prenait son tour.» C'est ainsi qu'une ancienne journaliste en poste à

Moscou pendant la guerre froide relate ses difficultés à transmettre l'information dues

notamment au contrôle, par la censure, de la copie à destination de l'étranger. « Certes, on

avait des problèmes de transmission, mais parfois quand il y avait quelque chose d'important,

hop ça ne marchait plus, on ne savait pas pourquoi ...du moins officiellement! »

L'exigence de rapidité imprègne de manière déterminante la pratique journalistique. Les

correspondants à l'étranger ne font pas exception, cependant, au cours de la première période,

les nombreuses difficultés de transmission qu'ils rencontrent et leur dépendance à l'état des

réseaux de transmission limitent leur capacité de faire vite. Par conséquent, ils n'ont qu'une

faible influence sur la course au temps à laquelle se livrent, par ailleurs, les agences.

1.2 Le relatif isolement du correspondant étranger

Le correspondant de la première période paraît, si on le compare à celui d'aujourd'hui comme

un travailleur plutôt solitaire. Quand il est sur le terrain - et il le fréquente plus assidûment à

cette époque - les difficultés de communication l'isolent parfois de ses supérieurs et ses

confrères concurrents qui sont, comparativement à aujourd'hui, moins nombreux.

196

1.2.1 Isolement par rapport à la concurrence et à la rédaction centrale

Au sortir de la guerre, les correspondants étrangers disséminés dans le monde sont, en effet,

bien moins nombreux qu'aujourd'hui. Le journaliste n'est donc pas systématiquement entouré

de confrères; contrairement à aujourd'hui, le «journalisme de meute » (packjournalism) est

l'exception plutôt que la règle. Lorsque le journaliste est envoyé dans un lieu où se côtoient

un certain nombre de journalistes, les relations qui s'établissent sont plutôt amicales. Pour

autant, ils ne s'informent pas les uns et les autres de leur couverture. Lorsque le journaliste

rédige sa copie, il n'a pas toujours l'occasion de prendre connaissance précédemment du

traitement accordé par son concurrent au même événement. Si la communication entre

concurrents existait à l'époque, elle était soumise aux aléas des circonstances, des affectations

et des affinités qui pouvaient s'établir entre des journalistes, elle n'avait pas de commune

mesure avec la surveillance systématique et organisée telle qu'elle existe aujourd'hui. Par

ailleurs, les transmissions étant difficiles et coûteuses, la rédaction centrale n'a pas le loisir

d'informer simultanément et de façon permanente le correspondant étranger de la couverture

effectuée par ses concurrents. Le siège transmet à ses correspondants, quand il le peut, la

couverture des concurrents mais sans exercer une grande pression sur les journalistes, «Le

siège se contentait de nous donner la concurrence, ils étaient très gentils. On se sentait

totalement indépendants. »

Ce que les correspondants ont fréquemment noté, particulièrement s'ils étaient dans le

métier depuis longtemps, c'est que la révolution technologique avait changé

considérablement leur relation avec la maison mère. Dans le passé il était difficile de

mettre la main sur une ligne téléphonique, et les télex n'étaient pas des moyens

efficaces pour communiquer de manière rapide et solide (...) en conséquence les

rédacteurs avaient peu d'espoir d'avoir des contacts rapides et fréquents.

18 Hannerz, Ulf, Foreign News, Exploring the World of Foreign Correspondents, The University ofChicago Press, Chicago, 2004, page 149 : «What correspondentsfrequently notedespecially ifthey hadbeen in business for a long time, was that the technological révolution had changea their contact withthe office at home a great deal. The past it could be difficult to get hold of a téléphone Une, and télexmachines were not particularly effective means of communicating intricate meanings quickly andsecurely (...) Consequently the expectations of editors for quick and fréquent contacts were at modestlevel » (traduction réalisée par l'auteur)

197

Le journaliste n'est informé de la couverture de ses concurrents que lorsque la rédaction juge

qu'il a manqué une information ou bien lorsqu'il est le seul à avoir transmis une information

essentielle. Être seul sur une information est un cas difficile à gérer par l'agence, la crédibilité

du journaliste et de l'agence pouvant être remise en cause. Le journaliste subit alors peu de

contraintes de la part de son desk, il ne se fie alors qu'à lui-même, « On travaillait à l'aveugle,

sans savoir ce qui était sorti dans le reste du monde ». Cet isolement est ressenti de manière

positive par le journaliste, car il rédige ses papiers sans subir l'influence de ses confrères, ni

les directives de la rédaction en chef centrale. « Plus on était dans le brouillard, plus on se

croyait le centre du monde, et c'était une bonne chose car on écrivait le papier comme si on

était le centre du monde ». Ce journaliste indique qu'il appréciait de pouvoir exercer sans

avoir été contraint de quelque manière que ce soit, il appréciait de pouvoir rédiger ses

dépêches sans subir l'influence d'un confrère ou d'une direction. Son affirmation est d'autant

plus forte, qu'aujourd'hui il est influencé par la copie de ses concurrents dont il prend

connaissance en même temps qu'il rédige son papier, et que l'écriture de sa dépêche est

fortement orientée par sa rédaction en chef. Toutefois, lorsque l'isolement perdure, le

journaliste éprouve aussi une grande frustration à rédiger des papiers qu'il ne peut pas faire

parvenir à sa rédaction.

Sur le terrain, le journaliste est autonome, la rédaction de sa copie se fait dans une relative

indépendance à la fois par rapport au desk et par rapport aux concurrents. L'information

diffusée par les concurrents a donc peu d'influence, parfois aucune, sur la manière dont

l'agencier de l'AFP couvre les événements tout simplement parce que celui-ci n'est pas en

mesure de savoir ce que font les concurrents. Il subit peu de pression de la part de sa rédaction

en chef pendant qu'il rédige sa copie. Comme la rédaction en chef ne dispose pas de moyens

pour connaître l'actualité et le terrain du journaliste, celui-ci peut choisir plus librement les

sujets à traiter et la manière de le faire. Enfin, comme les difficultés de transmission valent

également pour les messages que la rédaction en chef centrale envoie au correspondant

étranger, celui-ci le journaliste n'est informé des choix et de la performance des concurrents

qu'a posteriori. Bref, si la technique impose au journaliste des contraintes parfois lourdes, elle

lui procure tout de même un avantage, celui d'une relative autonomie professionnelle.

198

1.2.2 Un rédacteur multilingue

Homme à tout faire de l'information, l'agencier de cette époque est non seulement journaliste

et technicien en télécommunication, il est aussi traducteur. Comme nous l'avons vu

précédemment, l'AFP doit, pour répondre aux besoins de ses clients disséminés un peu

partout dans le monde et tenter de conquérir de nouveaux marchés, diffuser ses dépêches en

plusieurs langues. Aussi les services de traduction de l'agence, qui logent à la rédaction

centrale, constituent-ils un organe essentiel pour l'organisation. Cependant, traduire demande

du temps; or, dans la course contre la montre à laquelle participent les agences internationales,

le temps est compté. Comme l'agence ne dispose pas des moyens financiers pour placer des

rédacteurs de différentes nationalités dans l'ensemble de ses bureaux situés à l'étranger, les

journalistes de l'AFP, en grande majorité des francophones polyglottes, sont amenés à rédiger

leur copie en plusieurs langues. « II y a quarante ans, une partie de la copie en Inde était fait

en anglais. C'est moi qui l'écrivais en anglais avec plus ou moins de talent, mais j'écrivais

aussi en espagnol. »

Rédiger sa copie dans une langue étrangère permet au journaliste d'atteindre directement et

plus rapidement la clientèle de l'agence, sans passer par le service de traduction de la

rédaction centrale. Il arrive même que le correspondant étranger rédige sa copie en anglais ou

dans la langue du pays où il se trouve afin de permettre à la censure, le cas échéant, de mener

l'examen la copie le plus rapidement. « // m'est arrivé dans certains endroits de travailler en

anglais, parfois pour faciliter la censure et que ça aille plus vite ». Ainsi le journaliste peut

espérer battre la concurrence. De tels comportements, qui dénotent un souci constant de faire

vite, montrent que, même si, à cette époque, les agenciers jouissent d'une relative autonomie,

ils ont incorporé les contraintes et les nonnes qu'impose le jeu concurrentiel auquel participe

leur organisation et ils s'y conforment volontiers.

1.3 Incidences de la technique sur la copie

À cette période, l'activité de rédaction et l'activité de transmission sont deux activités

dissociées dans la pratique journalistique, le journaliste n'étant pas toujours responsable de la

199

transmission de la copie, tâche qui revient dans les bureaux à des opérateurs techniques. En

cela, la division des tâches journalistiques est plus prégnante dans les années soixante-dix

qu'à l'heure actuelle, où le journaliste où la rédaction et la transmission se font sans difficulté

et par le même individu. Bien que constituant deux activités dissociées, la technique

caractérisée par la fragilité et le coût des outils de transmissions, conditionne la rédaction de

la copie tant du point de vue de l'écriture que de la taille de la copie.

Comme ça coûtait très cher, on avait droit de transmettre de 100 à 150 mots ma-xi-

mum / , ( . . . ) Lorsqu 'on partait en Libye, on prenait avec nous de l'argent liquide. On

connaissait la valeur du mot, on veillait à ce que tout soit condensé dans l'essentiel,

parce que si on partait pour une semaine on ne pouvait pas se permettre de

retranscrire en entier un entretien, sinon on était à sec le lendemain.

Pour les agenciers d'aujourd'hui, la transmission de la copie ne constitue pas, de manière

générale, un objet de préoccupation; le plus souvent la transmission s'effectue par un clic de

souris. La situation des journalistes de la première période était tout autre, eux qui devaient

souvent consacrer une grande partie de leur temps et leur énergie aux activités de

transmission. Le temps consacré à la rédaction de leur dépêche était souvent, en comparaison,

très court. Parfois le journaliste rédigeait sa copie alors qu'il attendait la communication ou

qu'il faisait la queue pour avoir accès au seul moyen de transmission existant que se

disputaient tous les journalistes. « On travaillait par téléphone quand il n 'y avait pas de télex.

Il nous arrivait à tous de demander la communication avant d'avoir écrit une ligne, et de

rédiger la dépêche quand on avait quelqu'un au bout du fil ». Par ailleurs, comme la

technique était peu fiable, le journaliste transmettait les faits essentiels, il ne rédigeait pas

plusieurs types de papiers sur un même événement comme c'est aujourd'hui le cas : « Avant,

quand tu avais informé de l'essentiel c'était fini, maintenant non, il faut revenir, alimenter,

alimenter, parce que l'on a différents services, différents deadlines, et il faut toujours que ce

soit actualisé. »

À cette époque, l'exigence concernant la rédaction des dépêches est donc moins forte

qu'aujourd'hui, l'écriture est plus libre. Par ailleurs, compte tenu des contraintes de

transmission, le journaliste dispose de plus de temps pour « penser » son prochain papier dès

200

lors qu'il a envoyé sa copie. Les contraintes de transmission sont telles que le desk s'attend à

recevoir des informations dans un style parfois approximatif plutôt qu'une copie bien léchée.

Les correspondants étrangers savent dès lors qu'ils envoient leur texte, que celui-ci va faire

l'objet d'un examen minutieux de la part du desk et d'une réécriture si nécessaire. Compte

tenu du peu de temps qui leur est imparti pour rédiger et de la nécessité d'économiser les

mots, l'écriture des dépêches est souvent peu soignée. D'ailleurs, à cette époque, le style

d'écriture des dépêches est relativement peu normalisé. « On écrivait nos dépêches

instinctivement ».

Section 2- Transformations des rapports entre le correspondant et le desk et desmodalités de la concurrence

2.1 Des ressources multiples à la disposition du correspondant

À la fin des années soixante, le coût des transmissions diminue sensiblement, et l'usage du

télex (qui permet une transmission de la copie sur des lignes téléphoniques rapides) se

généralise. Les correspondants sont donc en mesure d'adresser leur copie au desk central sans

passer par l'étape de l'écriture « en nègre ». Toutefois, les transmissions sont encore peu

fiables et l'usage du télex semble encore très fastidieux pour les correspondants étrangers,

- Les changements techniques ont été considérables. Je me revois encore à Téhéran

avec un télex aveugle disposé sur des caisses en bois. On tapait sur un télex, on voyait

des bandes à trous, on devait repérer nos erreurs,

- À l'époque on travaillait avec des télex qui marchaient à 50 bauds; il fallait que je

tape sur une vieille machine Remington, que je le donne à un opérateur. S'il y avait

des tempêtes de sable, il fallait le refaire la nuit, c'était très archaïque. En Jordanie,

pour communiquer avec le reste du monde, il nous arrivait de partir d'Amman en taxi

au prix fort, (le bureau de l'AFP avait été bombardé), jusqu 'au bureau de Damas (16

heures aller).

201

Au cours des années soixante-dix, l'AFP s'appuie sur différents systèmes de transmission : le

câble téléphonique, la radio, le radio téléscripteur (960 000 mots par jour219 sont transmis par

radio téléscripteur en 1979), et les satellites dont la première liaison est réalisée en 1971. Cinq

ans plus tard, en 1976, l'AFP dispose de dix-huit liaisons satellitaires220 dans le monde. C'est

ainsi qu'en 1979, l'AFP transmet 1 100 000 mots par jour via les réseaux satellitaires.

Dans les années soixante-dix, les journalistes deviennent plus mobiles. Ils peuvent utiliser les

premières consoles portables, plus pratiques mais encore peu conviviales. « Les consoles

portables, c'était des petites consoles, vous ne voyiez pas combien il y avait de mots, vous ne

voyiez pas si votre lead faisait quatre lignes, vous travailliez en aveugle. L'avantage c'est que

les transmissions passaient toujours. Pour transmettre, il fallait une ligne téléphonique, il

fallait se brancher sur une prise téléphonique, dans un endroit téléphonique, on ne pouvait

pas consulter le retour. Alors que maintenant c'est un monde de différence, vous tapez le truc,

avec le téléphone satellitaire, vous consultez ce qui revient, TOUT a changé. ».

Les liaisons par satellite permettent aux correspondants de transmettre à partir d'endroits

isolés géographiquement. Toutefois, encore là, les premiers outils de transmission par satellite

sont eux aussi contraignants et peu fiables. « En Somalie, on ouvrait la valise satellitaire, on

déployait le grand parapluie. On se plaçait sur le toit de la maison qu'on louait. La valise

satellitaire pesait plus de huit kilos, c'était lourd à transporter, après c'est devenu quatre

kilos. Le téléphone satellitaire, ça a tout changé. » Auparavant, pour transmettre leurs

dépêches, les journalistes se rendaient tous au même endroit, utilisaient les mêmes outils, tels

la poste, le téléphone de l'hôtel. Ces contraintes techniques créaient, par la force des choses,

des lieux d'échange. Mais à partir du moment où l'agencier a pu utiliser des outils de

transmission portables, il a été davantage isolé de ses confrères.

Enfin dans les années quatre-vingt-dix et deux mille, les ordinateurs portables se généralisent,

les journalistes disposent de téléphone portable qui leur permet de communiquer et de

1 Boyd Barrett, Oliver, Palmer, Michael, Le trafic des nouvelles, les agences mondialesd'information, éd. Alain Moreau, Paris, 1981, page 529.220 Cinq pour l'Asie (4 bilatérales), deux en Amérique du Nord (unilatérales), neuf en AmériqueLatine, et deux en Afrique. In Boyd Barrett, Oliver et Palmer, Michael, Le trafic des nouvelles, lesagences mondiales d'information, éd. Alain Moreau, Paris, 1981, page 528.

202

transmettre leurs dépêches depuis n'importe quel lieu géographique. Le téléphone portable est

un outil essentiel au journaliste. Un des premiers gestes effectués par le correspondant

lorsqu'il arrive au bureau le matin est de charger son téléphone portable afin de s'assurer qu'il

pourra être joignable lorsqu'il partira en reportage. Enfin Internet constitue un nouvel outil de

recherche d'informations, de diffusion des dépêches.

Ces nouveaux outils de transmission et de communication transforment les règles de la

production de l'information. Les producteurs et diffuseurs d'information se multiplient, la

concurrence s'accroît et revêt de nouvelles formes, elle n'est plus le fait d'agences de presse

comme l'AFP mais de chaînes d'information en continu ou de portails internet. Face à cette

intensification de la concurrence, l'agence exige une forte disponibilité de la part de ses

correspondants et a les moyens de cette exigence grâce aux innovations techniques. Ainsi, les

journalistes doivent être en mesure de réagir si un événement de grande importance survient.

Dans certains bureaux comme celui du Caire par exemple, les journalistes sont équipés d'une

console AFP à leur domicile, qui leur permet non seulement de surveiller l'actualité mais

aussi de se mobiliser si l'actualité l'exige.

On dispose d'une console installée chez soi, directement reliée au bureau. Je peux

appeler Mona [une journaliste locale du bureau] à onze heures du soir pour lui dire :

"regardes il y a eu une information très importante". Les journalistes peuvent

travailler chez eux, ils ont un petit bureau exactement configuré comme ici. C'est

surtout des moyens pour communiquer la nuit, les congés, ou quand on est surbooké

ici.

Par ailleurs, l'accroissement de la concurrence associé aux avancées des techniques de

transmission ont renforcé l'exigence de l'agence en matière d'urgence et de volume de

dépêches. Le téléphone portable est l'un des outils qui va permettre au directeur de bureau

d'orienter le journaliste dans son travail, de lui commander des papiers spécifiques en

fonction des besoins exprimés par les clients et de la ligne de couverture qu'il aura établie. Le

journaliste se sent de moins en moins maître de ses mouvements, il obéit aux exigences que

lui fixe son chef de bureau ou bien sa rédaction régionale et il est de moins en moins libre

dans le choix et le traitement des sujets. Si le téléphone portable permet une meilleure

coordination entre le bureau et les journalistes sur le terrain; il est jugé trop astreignant par

certains journalistes. « Moi j'ai un fantasme de journaliste ; c'est de revenir à une époque où

203

pour transmettre il n'y a pas d'autre moyen que le téléphone fixe, et où le reste du temps si tu

n'es pas près du téléphone fixe; il y a personne qui t'emmerde, tu fais ce que tu veux. »

2.2 Journalistes sous le contrôle du desk

2.2.1 Le service Alerte et Analyse : journalistes sous surveillance

Avec l'apparition de nouveaux médias, les sources et les concurrents des agences de presse se

sont multipliés. L'Agence France Presse a donc mis en place en 1995, un service de veille

concurrentielle appelé Alerte et Analyse. Ce service a deux fonctions principales : d'une part,

il surveille les concurrents et alerte les agenciers le cas échéant, d'autre part il analyse la

performance des agenciers pour vérifier leur conformité à celle des concurrents, parmi

lesquelles les agences de presse internationales et les chaînes d'information en continu font

l'objet d'une attention toute particulière. Alerte et Analyse envoie les notes d'alerte aux

rédactions en chef régionales, qui les répercutent auprès des bureaux locaux concernés.

La concurrence est une contrainte lourde et un important facteur de stress pour les

journalistes; Alerte et Analyse est un dispositif organisationnel qui incarne ce facteur de stress

puisqu'il tend à faire de la concurrence une préoccupation constante dans la vie quotidienne

des agenciers. Plus encore, l'existence de ce dispositif repose sur deux postulats détestables

du point de vue des journalistes : un premier postulat selon lequel les journalistes de l'AFP

sont susceptibles de rater un événement que les concurrents, eux, n'auraient pas raté,

autrement dit, qu'ils sont potentiellement incompétents, et un deuxième postulat selon lequel

les concurrents constituent la référence, autrement dit quand les informations des concurrents

diffèrent de celle de l'AFP, ce sont les concurrents qui, a priori, ont raison, de sorte que les

agenciers de l'AFP doivent se justifier. On comprend alors que les interventions & Alerte et

Analyse puissent indisposer certains journalistes. Nous nous proposons d'évoquer

successivement les deux types d'interventions : les « call backs » et les notes d'impact et de

pointage.

204

2.2.1.1 Les call backs : évaluation de la veille concurrentielle exécutée par

les journalistes

Les call backs désignent des notes traitant des «ratages»221 de l'AFP, c'est-à-dire des

événements qui n'ont pas été couverts par l'agence mais qui l'ont été par les autres médias.

Alerte et Analyse, qui établit une surveillance permanente de la concurrence, est chargée de

« sermonner » le bureau en question et de le sommer de donner des explications pour justifier

ce manquement dans la couverture. Ils sont diversement accueillis par les journalistes de

l'agence. Si certains journalistes reconnaissent l'utilité d'un tel dispositif, la majorité des

journalistes interrogés considèrent que les notes ajoutent un facteur de stress supplémentaire

aux journalistes, «Le service Alerte et Analyse est très critique, il dit qu'on est toujours en

retard. Ça peut être sanglant, on n 'a qu 'une envie, c 'est de les enfermer dans une chambre

froide ». Ils jugent par ailleurs qu'elles sont très souvent inutiles, notamment lorsqu'elles

signalent des informations diffusées par des chaînes locales sur lesquelles les journalistes sont

branchés en permanence.

- Quand on était à Londres, on suivait en permanence Sky News, pourtant Alerte et

Analyse se croyait obligé à chaque fois qu'il y avait une breaking news de nous

envoyer une note nous disant : 'Sky News annonce ceci, cela '. La plupart du temps

quand ils nous envoient des trucs, On le sait déjà, donc ça nous sert à rien et

concrètement ça nous énerve,

- Alerte et Analyse, c'est quoi ? Ah oui, on le reçoit sur le fil note. Parfois tu te

demandes si ils lisent le fil de l'AFP avant de regarder la concurrence.

La multiplication des concurrents et l'apparition de médias autres que les agences spécialisées

dans la diffusion en continu d'information conduisent l'agence à exiger une réactivité toujours

plus importante. Les journalistes sont sollicités en permanence par la concurrence. S'ils

manquent une information, ils sont sommés de s'expliquer auprès de la rédaction dont ils

221 Le terme « ratage » est celui employé par le directeur du service Alerte et Analyse dans un état deslieux de la couverture du conflit irakien en avril 2003.

205

dépendent. En effet, Alerte et Analyse se contente de transmettre l'information diffusée par la

concurrence, elle ne produit pas de contre-enquête. Elle prend pour référence, la concurrence,

c'est aux journalistes du bureau local de se justifier si l'information qu'ils diffusent, diffère de

celles des concurrents.

Non seulement il faut faire face à l'information mais il faut faire face également à ce

que donne la concurrence qui parfois est faux, qu'il faut vérifier et démentir. Il faut

parfois se battre avec la rédaction en chef pour dire que c 'est vrai qu 'ils [les

concurrents] ont donné ça, mais que nous, on estime que ça ne vaut rien, que ce n 'est

pas le bon angle, que ce n 'est pas aussi caricatural que ça, etc.

Durant l'enquête de terrain, nous avons été témoin de vifs échanges entre les journalistes du

bureau du Caire et le bureau régional suite à une information diffusée par la concurrence. Le

bureau du Caire a rédigé une dépêche dans laquelle les journalistes indiquent que soixante-dix

membres des « Frères Musulmans » avaient été arrêtés la veille. Le bureau régional situé à

Nicosie (Chypre) a été informé que Reuters a diffusé une dépêche où on dit que c'est deux

cent trente membres des Frères Musulmans qui ont été arrêtés. Le bureau régional envoie

alors une note au bureau du Caire pour avoir des explications : « NICOSIE - 29/03/05 - 1110-

concurrence score aujourd'hui pratiquement partout avec comme angle 'Brotherhood says

over 230 arrested in Egypt ', info que sauf erreur nous n 'avons pas eue. Preneurs d'un follow-

up sur la nervosité apparente des autorités à l'égard des mouvements de contestation inédits

en Egypte ». L'échange entre les journalistes présents au bureau lors de la réception de la note

à"Alerte et Analyse illustre les tensions entre journalistes de terrain et hiérarchie, relatives à la

pression de la concurrence et aux interventions d'Alerte et Analyse que les journalistes jugent

le plus souvent intempestives et inappropriées.

206

Bureau du Caire, 29 mars 2005

La journaliste 1 entre dans le bureau : II y a une note de Y. V. [directeur du bureau

régional] tu veux quej 'y réponde ou tu le fais ?

Le directeur du bureau : - Non je m 'en occupe, c 'est quoi ?

Journaliste 1 : Reuters a donné qu 'il y avait 230 frères musulmans qui avaient été

arrêtés. Je viens d'en parler avec M. et L., et c'est absolument pas vrai ! Bien sûr

qu 'on l'a pas lu [la dépêche de Reuters], elle est pas vraie.

Le directeur du bureau : Ce n 'est pas la peine de rentrer en polémique avec ça, on va

juste expliquer à Y. V. [le directeur du bureau régional] que nous, on a une centaine

d'arrestations. Officiellement il y en 70 qui ont été retenus. Eux, ils utilisent je ne sais

pas quelle source pas identifiable.

Le directeur du bureau du Caire rédige une note à l'intention du directeur du bureau

régional et formule à haute voix le texte à mesure qu'il l'écrit : Ils n 'ont eu que 83

personnes en détention. Nous, nous avons donné 50 arrestations d'une façon

préventive samedi et 50 pendant la manifestation c 'est-à-dire 100 au total. Finalement

16 ont été relâchés et 23 ont été placés en garde à vue.

Journaliste 2 : il [le bureau régional] n 'a pas du tout le droit défaire cette note. Nous,

au lieu de faire le truc facile : 'les autorités ont dit ..." on a fait un papier pour

expliquer ce qui se passe vraiment dans le pays, on a donné un papier qui a suscité

tout un débat, et il nous dit que Reuters score partout II J'ai pas vu où ils scorent

partout, c 'est deux reprises, nous aussi nous sommes repris quand même !

En s'adressant au directeur du bureau régional : - Là, tu dois l'appeler. C 'est quoi son

numéro ?

Le directeur du bureau du Caire appelle alors le directeur du bureau régional à

Nicosie :

- Allô, salut Y. V., ça va. Bon, écoutes, je t'ai répondu à ta petite note, nous on a les

sources identifiées des Frères Musulmans et non pas les conneries genre Reuters

« Sources say ». Nous avons 83 arrestations, nous, nous avions parlé de 50

207

arrestations préventives dans notre copie de samedi, plus une cinquantaine

d'arrestations pendant la manifestation. Nous, nous pensons être sur les bons chiffres,

tu vois.

Le directeur du bureau du Caire retourne dans la salle de rédaction pour rendre compte

de sa communication avec le responsable du directeur régional : Reuters nous fait une

surenchère (...) Il faut pas que le desk régional se panique dès que Reuters donne ça,

dès qu 'ils ont un call back. Ils commencent à faire de la surenchère.

Plus tard dans la journée, devant le moniteur, le chef du bureau informe les

journalistes présents qu'ils ont reçu les félicitations du bureau régional pour leur

couverture.

2.2.1.2 Notes d'impact et pointages : évaluation des performances

commerciales des journalistes

Alerte et Analyse occupe également une fonction d'étude d'impact. Le service effectue en

effet une évaluation de la performance de l'agence en faisant le décompte des dépêches, celles

de l'AFP et celles des agences concurrentes, reprises par les clients. Ainsi, la rédaction en

chef centrale, située au siège, reçoit ces données deux fois par jour, quant aux bureaux, ils les

reçoivent quotidiennement. Pour chaque événement de la journée couvert par les journalistes

du bureau, la note d'impact précise les ventes réalisées par chaque agence : le nombre de

papiers, leur nature, leur taille et les photos. Les journalistes prennent donc connaissance

quotidiennement de leurs résultats commerciaux et de leur position par rapport à la

concurrence. Alerte et Analyse, en mesurant jour après jour la performance commerciale des

bureaux, incorpore à la pratique quotidienne des agenciers les préoccupations et le stress liés à

la pression concurrentielle. La finalité commerciale de la dépêche leur est ainsi constamment

rappelée et leur apparaît de manière particulièrement aiguë.

2.2.2 L'innovation technologique transforme les modalités de la concurrence.

En situation de concurrence, les journalistes ont naturellement tendance à surveiller l'action

de leurs concurrents afin d'y ajuster leur propre action. La conformité de leur action à celle

208

des concurrents rassure le desk, au point de constituer, à leurs yeux, un gage de qualité et

conforte les journalistes dans leur choix. Mais, en même temps, ceux-ci surveillent les

concurrents afin de pouvoir s'en distinguer à la marge et créer ainsi, par des éléments inédits,

une valeur ajoutée. Il y a là une règle générale à laquelle les journalistes des années cinquante

ne font pas exception. Cependant, nous verrons dans cette section que l'innovation

technologique a transformé les modalités du jeu de la concurrence et du mimétisme. Les

journalistes disposent en effet d'outils techniques qui leur permettent de prendre connaissance

de la copie des agences à chaque seconde, et l'agence elle-même a mis en place un service qui

s'assure du travail de veille des journalistes, de sorte que l'ajustement à la concurrence

s'effectue sur une base continue et en temps réel.

2.2.2.1 Une veille concurrentielle permanente

L'Agence France Presse fait face à une concurrence plus forte et plus difficile à cerner, que

durant les décennies d'après-guerre. À cette époque, la concurrence bien qu'importante

provenait exclusivement d'un nombre limité de concurrents clairement identifiables : les

agences de presse internationales, Reuters, AP, UPI et dans une moindre mesure TASS. Les

pratiques et les politiques des concurrents étaient connues et l'AFP pouvait établir ses propres

politiques en conséquence. Aujourd'hui, la concurrence s'est élargie à d'autres médias, qui ne

fournissent pas strictement le même service que les agences de presse, mais qui ont une

influence déterminante sur la production de l'agence; ce sont les chaînes d'information en

continu, les agences spécialisées ainsi que les services d'information accessibles par Internet,

y compris les très nombreux sites des grands quotidiens, partout dans le monde222. Cette

concurrence, protéiforme, vient de partout; elle est plus difficile à cerner et à prévoir et, en

conséquence, il est plus difficile dorénavant pour l'AFP de s'y adapter.

Les chaînes d'information en continu telles CNN, la BBC et les services d'information par

Internet comme Yahoo sont des clients de l'AFP. Au-delà de l'abonnement aux fils de

2 Au cours de séances d'observation menées au sein du desk étranger du quotidien françaisLibération durant les années 2005 et 2006, nous avons constaté que dès leur arrivée au bureau, lesjournalistes consultaient d'abord les dépêches d'agence, puis se rendaient sur les sites du quotidien« Le Monde ».

209

l'agence, CNN a signé en novembre 2005 un accord avec l'AFP pour diffuser les images

produites par le service vidéo de l'agence de presse via son service CNN ImageSource.223

2.2.2 Un journalisme réflexif imprégné par la logique d'urgence

La réactivité des journalistes à l'événement est également évaluée par Alerte et Analyse à

partir de pointages qui mesurent la rapidité de mise sur les fils d'information majeure, les

breaking news, par l'AFP et par ses concurrents. Les pointages viennent rappeler combien les

journalistes de l'agence sont soumis à une implacable logique d'urgence. Cette logique de

l'urgence, qui était déjà très présente dans les années cinquante, revêt aujourd'hui un

caractère différent en raison de la rapidité des outils techniques de transmission et surtout par

la multiplicité des concurrents qui utilisent ces techniques et qui sont tous susceptibles de

dépasser en vitesse les journalistes de l'agence.

Dans ces conditions, la production de l'agence se caractérise par une accélération du

traitement de l'information (il faut diffuser l'information, même incomplète, le plus

rapidement possible) et par une multiplication des dépêches classées urgentes. L'expansion de

l'information télévisée (qui tient non seulement aux développements des réseaux de

télévision, mais aussi à la place qu'y prend l'information) et particulièrement des réseaux

d'information continue compte pour beaucoup dans cet effet d'accélération. La direction de

l'AFP justifie en effet la rapidité d'exécution et l'accroissement des urgents comme une

réponse à la demande des clients, notamment les chaînes de télévision qui, par un bandeau

déroulant à l'écran, informent leurs téléspectateurs sur une base continue : «Nous devons

fournir une couverture en continu (runningj avec de fréquents bulletins et urgents qui servent

aux bandeaux déroulant de nos clients télé, plutôt que d'attendre des développements pour les

incorporer dans des leads. »224 Les grands médias, les journaux inclus, disposent de plus en

plus d'un site Internet dans lequel l'information est constamment mise à jour, notamment par

des manchettes qui leur sont fournies par les agences.

23 CNN ImageSource exploite les archives vidéo de CNN et de ses affiliés, qu'elle commercialise dansle monde auprès de chaînes de télévision, de sociétés de production (documentaires notamment) etd'universités.224 ASAP, annexe B-9.

210

Une copie jugée urgente peut être diffusée et codée à différents niveaux de priorité (PI, P2 et

P3) ce qui permet de l'identifier rapidement au sein d'un fil et de la trier automatiquement par

les logiciels. Il existe six types de dépêches pouvant être urgentées : le « flash » (PI, priorité

qui interrompt les transmissions en cours pour le diffuser immédiatement), le « bulletin »

(P2), P« actu » (P2), l'« urgent » (P2), le « premier lead » (P3), le « factuel court » (P3). Le

journaliste peut aussi utiliser une commande U (pour Urgence) qui accélère la vitesse de

transmission aux clients sans changer le niveau de priorité d'une dépêche.225 Après avoir

spécifié le genre de la dépêche parmi les six existantes, le journaliste ajoute deux ou trois

sonnettes qui retentiront lorsque la dépêche parviendra dans les différents bureaux de l'agence

et qui les avertit de la réception d'une dépêche urgente.

La logique de l'urgence incarnée par Alerte et Analyse conduit les journalistes à multiplier les

urgents et même à en abuser. On observe en effet une tendance - que les journalistes encore

en activité que nous avons rencontrés ont tous reconnu - à sur-urgenter les dépêches diffusées

sur les fils. Les journalistes, qui craignent d'être pris de vitesse par les concurrents et

éventuellement de subir la réprobation de leurs supérieurs, ont tendance à marquer du sceau

de l'urgence des informations qui pourraient ou devraient ne pas l'être. Cette tendance à sur-

urgenter l'information tient aussi pour une bonne part à l'ambiguïté qui entoure la notion

d'urgence et qui fait qu'il n'est pas toujours facile pour les journalistes de déterminer ce qui

est urgent, de ce qui ne l'est pas. La définition du papier urgent donné dans l'édition de 2004

du Manuel de l'agencier laisse en effet une grande place à l'interprétation :

« Un urgent peut marquer :

- une information inattendue, susceptible de devenir dominante de l'actualité (gros fait

divers, démission d'une personnalité, déclaration surprise, etc.) même si on ne mesure pas

nécessairement tout de suite son ampleur et sa signification (par exemple, une explosion

rapportée par des témoins).

•).>.:, AFP, Manuel de l'agencier, 2004, pp. 21-26.

211

- une information attendue dans le cadre d'un événement largement couvert par l'AFP

(jugement dans un procès, ouverture des travaux d'une réunion internationale, premières

citations d'un discours important, nomination prévue d'un haut responsable).

- Une information qui donne une nouvelle dimension à une dominante dont l'AFP a déjà

largement rendu compte dans la journée ou les jours précédents (inculpation,

rebondissement dans une crise gouvernementale, nouveau bilan d'une catastrophe).

-. Une information qui mérite d'être mise en valeur par son caractère nouveau,

spectaculaire, original (phrase percutante d'un homme politique, décision inattendue,

d'une personnalité, etc.)

Une information déjà connue mais redite dans un contexte différent par une personnalité

de premier plan. »

Évaluer le niveau de priorité de diffusion à donner à une information est d'autant plus

arbitraire que, s'agissant d'une urgence, le journaliste ne dispose pas, par définition, du temps

nécessaire pour prendre le pouls de l'information mondiale avant de déterminer le degré

d'urgence qu'il va accorder à sa dépêche. De plus, l'évaluation de l'urgence est aussi

fortement influencée par l'actualité de l'aire géographique que couvre chaque journaliste. Ce

qui peut paraître urgent et prioritaire d'un point de vue local ne l'est pas nécessairement d'un

point de vue global. Pour illustrer cette tendance à sur-urgenter, une journaliste nous désigne,

au cours d'un entretien, son moniteur couvert de dépêches surlignées en rouge (indiquant

ainsi le niveau d'urgence PI). Ces dépêches traitaient toutes de la même actualité : la

poursuite du procès de Michael Jackson mais aucune ne mentionnait de nouveaux éléments

d'information. Ces dépêches pouvaient à la rigueur être considérées comme urgentes par les

clients américains (et encore !) mais sans doute pas par le reste du monde.

Urgenter une information est aussi un moyen pour l'agence et pour ses journalistes de mettre

leurs informations en valeur et de rechercher une plus grande visibilité auprès des clients.

Mais c'est une arme à double tranchant susceptible de produire des résultats contraires aux

buts visés. En effet si les journalistes de l'agence urgentent à l'excès, alors le système de

226 AFP, Manuel de l'agencier, 2004, page 24.

212

différenciation des dépêches en fonction de leur degré d'urgence devient inefficace. L'abus

des urgences banalise la notion même d'urgence, de sorte que quand tout est urgent, plus rien

ne l'est.

La surenchère à l'urgence au sein de l'agence annihile le système de hiérarchisation et de

priorité des dépêches en fonction de leur urgence. C'est ainsi que certains des journalistes que

nous avons observés sont amenés à ne plus tenir compte de cette échelle. Par exemple, le

directeur du bureau du Caire contourne tout simplement le dispositif en bloquant les sonneries

que produit l'arrivée d'un urgent sur le fil. Si les journalistes de l'agence le font, il est bien

possible que des clients en fassent tout autant.

Au cours de ce chapitre, nous avons constaté à quel point les transformations techniques

influent sur les pratiques des correspondants étrangers. Les innovations techniques n'ont pas

seulement facilité la pratique quotidienne des correspondants, elles ont eu un impact sur la

façon dont ils se perçoivent, à la fois journaliste et technicien, sur leur situation par rapport au

siège (d'un isolement relatif dans les années quarante à un contact permanent au vingt et

unième siècle), de leur approche du métier (journaliste de terrain se sentant parfois isolé du

reste du monde, le journaliste est aujourd'hui un individu surveillé par sa rédaction et qui

surveille la copie de ses concurrents). Les conditions matérielles constituent donc un facteur

explicatif important dans les transformations des pratiques des agenciers.

213

-CHAPITRE 9- IDENTITE PROFESSIONNELLE

Au cours de ce chapitre, nous souhaitons analyser l'évolution de l'identité professionnelle du

correspondant étranger de l'Agence France Presse. Bien que nous ayons présenté le concept

d'identité professionnelle, précisons que nous entendons analyser ici, non pas l'identité du

journaliste telle qu'il est ressenti par le public, ni même la manière dont les journalistes se

constituent en groupe professionnel. Nous entendons aborder ici l'identité journalistique du

point de vue de l'individu et des rapports avec sa pratique professionnelle quotidienne, en

abordant successivement, sa formation, son engagement et son rapport à l'entreprise de presse

qu'il emploie et enfin la conception qu'il se fait de son métier et la valeur qu'il accorde à

l'information.

Section 1 - Les journalistes entrés entre 1945 et 1960

Les journalistes de la première génération qui intègrent l'agence sont des hommes lettrés qui

conçoivent leur rôle professionnel comme capital pour le fonctionnement démocratique de

leur société, un rôle quoi requiert de leur part un profond engagement.

1.1 Formation

Les journalistes qui intègrent l'agence au lendemain de la guerre proviennent d'horizons

divers et n'ont pas reçu de formation spécialisée en journalisme. Plusieurs de ceux qui sont

embauchés à cette époque au sein de l'Agence France Presse se destinent à des carrières

diplomatiques, mais celles-ci ont été contrariées par l'avènement du conflit mondial. Nombre

d'entre eux ont poursuivi des études supérieures, en lettres notamment.

214

D'autres, destinés avant la guerre à des postes dans l'administration française et qui ont exercé

pendant la guerre des fonctions dans la presse, ont consciemment renoncé à des postes dans

l'administration française pour se tourner vers le journalisme. A cet égard, le parcours de ce

journaliste est exemplaire.

J'ai démarré d'une matière absolument incongrue, je me suis blessé pendant la

libération de Bordeaux et donc j'ai été rapatrié sur Lyon. Je voulais rejoindre l'armée

des Alpes, mais on m 'a dit : « on va vous mettre à la censure militaire ». Alors, tous

les soirs, on faisait la tournée des grands ducs de tous les organes de presse, dont

l'AFP naissante. Les instructions étaient très simples : ne pas dire qu'il y avait du

brouillard sur l'aéroport. J'ai été libéré en 1946, j'ai passé l'ENA et j'ai été troisième

admissible, on m'a envoyé à l'académie de droit international de La Haye, mais

finalement j'ai préféré me tourner vers le journalisme et je suis rentré à l'agence en

1948 au desk étranger.

Enfin, parmi les journalistes qui intègrent l'agence en 1944, certains sont également des

anciens journalistes de l'agence Havas, ce qui leur procure certains privilèges, parmi lesquels,

celui de choisir leur affectation et d'avoir accès à des postes de rédacteur en chef ou de chef de

service. Les jeunes journalistes les surnomment les « barons ».

La formation que reçoivent ces journalistes à leur arrivée à l'agence est des plus sommaires.

On les installe à un bureau et ils disposent de peu de temps pour apprendre à rédiger leurs

dépêches, en observant et en imitant les pratiques de leurs confrères. Rapidement, la sanction

tombe : l'agence les emploie ou les renvoie : « On m'a mis tout seul au travail pendant une

journée, et ensuite on m'a dit que ça allait ». Les journalistes qui désirent intégrer l'agence en

1944 et les années subséquentes ont suivi pour bon nombre d'entre eux des études supérieures

et ils ont développé un goût particulier pour la littérature et l'écriture ; aussi leur style

d'écriture convient-il aux exigences du style d'écriture journalistique de cette période, qui

s'apparente au style littéraire.

Enfin, le primat du factuel, que nous avons évoqué dans la seconde partie, favorise leur

recrutement. En effet, la retranscription fidèle des faits exige une mobilisation relative de

215

compétences spécifiques d'analyse, de mise en forme, compétences que doivent

impérativement maîtriser les nouveaux entrants aujourd'hui. L'écriture journalistique de

l'époque était moins distinctive, moins codifiée que celle d'aujourd'hui, de sorte qu'un

« amateur » lettré pouvait aisément la maîtriser.

1.2 Un engagement professionnel profond

1.2.1 Attachement et engagement professionnels

Les journalistes qui entrent à l'agence à cette période, n'ont pas suivi de formation spécifique

à la pratique du journalisme ; aussi ont-ils le sentiment que leur statut tient moins au métier

qu'ils exercent qu'à l'entreprise de presse qui les emploie. Par conséquent, leur identité

professionnelle est avant tout définie par rapport à l'AFP et leur attachement à celle-ci est

extrêmement fort.

- C'est une maison qu'on ne quittait pas. Jean Marin considérait qu'en dehors de

l'agence il n'y a pas de salut. On entrait dans l'agence pour la plus grande gloire de

Dieu. On ne se posait même pas la question, c'était une manière de vivre plus qu'un

métier.

- Un ancien journaliste ajoute : «L'identification à l'entreprise n'est plus du tout la

même, en plus avant c'était notre maison, maintenant ce n'est même plus notre maison,

on a vendu le bâtiment. »

Les anciens journalistes estiment qu'ils avaient un engagement professionnel sans commune

mesure avec celui de la jeune génération. L'engagement des journalistes pour l'agence se

traduit également par leur consentement sans condition aux affectations à l'étranger. En effet,

à cette époque, les correspondants sont envoyés à l'étranger sur décision de la rédaction

centrale lorsqu'il dispose du statut siège ; ils ont peu d'emprise sur le choix de la destination

et ils doivent partir sur-le-champ quand on le leur demande. Aujourd'hui, la liste des postes

216

vacants circule dans tous les desks, les journalistes qui le souhaitent peuvent se porter

candidat et c'est la rédaction en chef centrale qui effectue le choix final.

Pendant les vingt premières années de l'agence, un journaliste peut difficilement refuser ou

contester une affectation. En revanche, les affectations visent de longues périodes en

comparaison d'aujourd'hui; à cette époque, la loi de la rotation de poste en poste tous les deux

à quatre ans n'est, pas encore appliquée.227 Les journalistes ayant peu d'influence sur leur

destination, il arrive qu'ils soient insatisfaits de leur affectation et mettent alors en place des

stratégies de contournement qui aboutissent presque toujours à la même sanction de la part de

la rédaction en chef: un séjour à «la grande nuit ».228 «J'aurais pu rester toute ma vie en

Australie, mais j'ai invoqué des raisons parfaitement fictives pour rentrer à Paris. J'ai été

sanctionné, j'ai fait quelques mois de punition à la grande nuit », Cette stratégie est répandue

et typique de l'époque.

Toutefois, parmi les correspondants étrangers de l'agence, quelques-uns uns ont le privilège

de choisir leur affectation. Les « barons », ces anciens journalistes d'Havas, devaient à leur

carrière passée la possibilité de se réserver certains bureaux. Un ancien journaliste indique

que « les barons de l'AFP étaient des gens qui avaient été chez Havas. Les barons étaient en

fait propriétaires de leur charge, ils ne pouvaient pas être déplacés sans leur propre accord,

et s'ils cédaient leurs charges, ça se négociait ». Un autre journaliste ajoute : « Les barons,

anciens d'Havas, détenaient les grands bureaux, c 'était des espèces de fiefs. Les barons se

considéraient un peu comme l'égal de l'ambassadeur. Ça, on ne s'en rend pas compte

aujourd'hui ».

Nous pouvons en conclure que les journalistes de cette génération font preuve d'un

engagement professionnel et personnel particulièrement forts. Les vies personnelle et

professionnelle sont d'ailleurs imbriquées. « Les journalistes faisaient ce que l'on leur

7 Ce journaliste témoigne de la soumission dont les agenciers devaient faire preuve face auxaffectations décidées par la hiérarchie : « Le PDG Maurice Nègre, qui ne plaisantait pas du tout avecla discipline - il avait été déporté à Bunchewald et il n'était pas question de contester ses décisions - aconvoqué le directeur du service diplomatique, mon supérieur hiérarchique, et lui a dit à la fin del'entretien : "Monsieur L. doit être lundi à Washington, ce sera tout". C'était comme ça que ça sepassait à l'époque. Je peux vous dire, que le lundi suivant j'étais à Washington ».

28 La "grande nuit" désigne le service chargé d'effectuer la veille nocturne de l'actualité et de rédigerles dépêches en conséquence. C'est un service peu apprécié par les journalistes, pour les contrainteshoraires mais également par le service qu'ils jugent «peu intéressant » et «pas dynamique ».

217

demandait de faire, il y avait une adhésion totale entre le travail et la vie personnelle, ça ne

faisait qu 'un ». Nous avons constaté au cours de notre enquête que parmi la plus ancienne

génération de journalistes, la proportion de célibataires était plus importante en comparaison

des deux générations suivantes; cela laisse à penser que les conditions de vie étaient

difficilement compatibles avec une vie de famille229. Toutefois, il ne se posait pas comme

aujourd'hui la question de la démission du conjoint pour suivre le correspondant étranger

comme nous le verrons dans la section suivante, les femmes de cette époque étant peu

nombreuses à avoir accès au marché du travail. Le milieu journalistique ne fait pas exception;

les femmes journalistes y sont très peu nombreuses; le métier de correspondant étranger est

alors considéré alors comme un métier dangereux et exigeant qui ne peut convenir à la gent

féminine. Une journaliste qui a couvert bon nombre de conflits armés sur plusieurs continents,

évoque les difficultés qu'elle a rencontrées pour pouvoir être envoyée à l'étranger.

A l'époque il n'y avait pas de femmes à la production, moi je suis restée deux ans et

demi à la rédaction, au siège et j'ai posé ma candidature au Vietnam. Là-bas, on y

envoyait des journalistes expérimentés. La première fois, que j'ai posé ma

candidature, ils [les chefs de rédaction] ont ri et ils l'ont mise à la poubelle. Puis j'ai

reposé ma candidature et le PDG de l'époque, Jean Marin, a décidé tout seul, contre

l'avis du reste des chefs de m'y envoyer. Une situation qui perdurera durant les

décennies suivantes230.

!9 La direction des relations sociales et relations humaines de l'AFP a engagé depuis 2002 une sériede mesures pour améliorer les conditions de vie des familles des collaborateurs-statut du siège- del'AFP qui partent travailler à l'étranger afin que les difficultés liées à toute expatriation ne constituentplus un frein au départ à l'étranger des agenciers. La prise en charge des frais de scolarité des enfantsd'expatriés, la formation linguistique du conjoint avant le départ, la prise en charge pendant le séjourd'une activité non professionnelle pour le conjoint qui ne travaille pas ainsi qu'une augmentation de laprime d'installation comptent parmi les différentes mesures engagées.230 L'accès des femmes aux postes de journaliste reste aujourd'hui encore problématique. Le 20 mai2005, les femmes journalistes de l'agence ont fondé un collectif pour dénoncer «l'inégalité salariale etles disparités d'évolution de carrière entre les hommes et les femmes »_à l'agence et lancent unepétition qui est signée par 251 femmes journalistes et 86 journalistes masculins. Dans un portrait del'expatrié type réalisé par l'AFP en novembre 2001, sur 190 expatriés, on comptait seulement 40femmes soit 21% du total des journalistes expatriés. Seules deux femmes occupent le poste dedirecteur de bureau à l'étranger en 2006 (Lisbonne et Kinshasa). Le nouveau PDG de l'Agence FrancePresse, Pierre Louette, vient de nommer deux journalistes, Michèle Leridon et Marielle Eudes, à ladirection de la rédaction.

218

Enfin, l'attachement à l'agence dont font preuve les journalistes qui exercent dans les années

cinquante et soixante, est également lié à l'anonymat qui prévaut durant plusieurs décennies à

l'AFP conférant à l'agencier d'être totalement identifié à son entreprise. En effet, après la

Seconde Guerre mondiale, les dépêches de l'agence ne sont pas signées, les initiales ne sont

pas toujours mentionnées en bas de la dépêche.

Paul Louis Bret qui fut directeur de l'agence entre 1950 et 1954, estimait que l'agencier était

le « bénédictin de l'immédiat qui ne saurait attendre de son devoir anonyme que la

satisfaction de l'avoir accompli »231. Le journalisme d'agence dans les années cinquante et

soixante valorise l'anonymat; ce qui est mis en valeur, ce n'est pas le journaliste dans son

individualité, mais l'entreprise, le collectif des agenciers. Cette collectivisation de l'instance

énonciative tend à renforcer l'identification du journaliste à l'agence. «A l'époque, 90 %

c'était l'anonymat total, on parle de l'AFP, donc il faut aimer ça, il ne faut pas avoir envie de

faire une carrière phénoménale », « Quand j'ai commencé, le PDG était Jean Marin, c 'est le

PDG historique. On n 'était pas aussi nombreux, on n 'avait pas de problèmes existentiels et

pratiquement personne ne signait ». On peut même dire que le journaliste retire une certaine

fierté à entretenir cet anonymat; il a le sentiment d'exercer son métier de manière

désintéressée, de servir son entreprise et ses lecteurs.

Toutefois, précisons que si la plupart des dépêches ne sont pas signées, la règle de l'anonymat

est levée pour les reportages exceptionnels, notamment ceux rédigés par « les grandes

plumes » de l'AFP, pour les scoops ou encore lorsqu'un journaliste est employé ou prêté à

une rédaction de média écrit ou radiophonique.

La typologie de journalistes que propose Stephen Hess232 est éclairante pour notre propos car

elle est fondée non pas sur le statut ou la fonction occupée dans le média, mais sur le caractère

et les motivations du journaliste. Parmi les différents types de journalistes qu'il identifie, le

231 Huteau, Jean et Ullman, Bernard, AFP, une histoire de l'Agence France-Presse, 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992 , page 79.

12 Stephen Hess établit une typologie des journalistes américains chargés de couvrir l'informationinternationale, en distinguant six catégories: « the spouse»: l'épouse, « the adventurex » :l'aventurier, « the expert-»: l'expert, «theflinger» qui recherche l'aventure à court terme, « theidéologue » décrit comme un sympathisant de la cause du pays qu'il couvre et « the résident », natifdu pays et qui travaille dans un journal local (Hess, Stephen, International News and ForeignCorrespondents, Brooking, 1996, chapitre 6).

219

profil du journaliste aventurier rend bien compte de la situation des journalistes de cette

génération. Le journaliste aventurier est défini par Hess comme un journaliste qui développe

une conception romantique et ambitieuse de son métier, il a choisi cette orientation

professionnelle pour satisfaire son goût du voyage mais aussi et surtout pour vivre des

expériences, ressentir des sensations fortes. En effet, les journalistes de cette génération ont

confirmé les propos de Stephen Hess ; un journaliste à qui nous demandions s'il avait choisi

ce métier pour satisfaire un goût pour le voyage, alla jusqu'à nous répondre: « C'est pas tant

pour les voyages, moi ce que j'aime c 'est être là où ça se passe, être là où ça saute ». En

comparaison des deux générations suivantes, les correspondants étrangers de cette génération

avaient un goût du risque particulièrement prononcé, ils étaient envoyés sur des zones de

conflits pendant de longues périodes, leur santé en était d'autant plus fragilisé.

1.2.2 Un état de santé fragilisé

Exercer le métier de correspondant étranger comporte de nombreux risques pour la santé et

même pour la vie du journaliste. Les journalistes qui couvrent des zones de conflits où

certaines factions peuvent attenter à leur vie. Tous les journalistes que nous avons rencontrés,

quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent, évoquent cet aspect de leur métier.

Un correspondant étranger de l'agence en poste en Algérie témoigne : « J'ai échappé à trois

attentats. Je suis arrivé en poste à Alger, quelques jours plus tard le bureau avait brûlé(...).

La deuxième fois, j'ai failli être assassiné en allant au bureau. On avait toujours le danger

dans la tête, il ne fallait pas avoir de protection, c'était la meilleure façon de se faire repérer.

La troisième fois, alors que mes enfants, ma femme et moi dormions, un homme s'était

introduit au domicile familial pour nous tuer. »

Les risques du métier peuvent conduire certains journalistes à mettre fin prématurément à

leur carrière. En effet l'exercice ininterrompu de leur activité professionnelle et les conditions

dans lesquelles ils exercent leur métier peut fragiliser considérablement leur état de santé. «Le

stress psychologique inhérent à la quête permanente et la rédaction sous pression de

nouvelles dans un contexte où les événements se succèdent constamment, peut épuiser une

personne, surtout quand la tâche consiste à témoigner personnellement de désastres et de

220

situations violentes. »2 Les conséquences peuvent être alors particulièrement lourdes comme

en témoigne cette ancienne correspondante étrangère qui a couvert de nombreux conflits

parmi lesquels, la guerre du Vietnam. « J'étais complètement saturée, j'avais une carrière un

peu agitée, et c'est épuisant de se battre tout le temps (...) j'ai fait l'étranger pourri (la

journaliste fait référence aux lieux de conflits armés), je ne regrette rien du tout, mais c'est

usant. Huit ans après, je me suis tapée un cancer, une dépression très très hard. »

Quoi qu'il en soit, les anciens correspondants retirent une certaine fierté à avoir su braver les

difficultés et à avoir survécu aux situations dangereuses. Aussi portent-ils un regard critique

sur l'engagement professionnel de leurs contemporains, qu'ils considèrent plus «frileux»,

moins enclins à couvrir des zones de conflit pendant de longues périodes. Ainsi ce

correspondant à la retraite :

A l'époque, on était envoyé à l'étranger pour un an minimum sur les conflits armés.

Aujourd'hui, on les envoie pour un mois en Irak et ils font la gueule (...). Les

mentalités ont changé. La guerre du Vietnam était plus dure qu 'en Irak, on était sur le

front en permanence, personne ne rentrait entier. On y est resté un an et on était

content car cela permettait de suivre les événements beaucoup mieux. Quand il y a eu

la guerre au Liban, les jeunes ne voulaient pas rester parce que, eux, ils considéraient

que c'était fatigant. Les jeunes de maintenant, c'est mes heures?, mes

R.T.T. [réduction du temps de travail]? Je pars à quelle heure ?

Il faut préciser que si les journalistes sont envoyés aujourd'hui pour de plus courtes périodes

sur des zones de conflits, cela ne tient pas uniquement à la frilosité des candidats au départ;

l'agence dispose en effet d'une main d'œuvre suffisante pour remplacer régulièrement les

correspondants étrangers sur les zones de conflits et s'assurer ainsi qu'ils pourront continuer

de « servir » l'agence à leur retour.

!3 Hannerz, Ulf, Foreign News, Exploring the World of Fofeign Correspondents, The University ofChicago Press, Chicago, 2004, page 99 : « The continuous psychological stress of going on and ongathering news and getting one 's writing done at a fast pace, in a setting where things keephappening, can wear a person down-especially when news works turns into a matter of personallywitnessing violence and disaster » (traduction réalisée par l'auteur).

221

Mais la santé des journalistes à cette époque n'est pas seulement mise à mal à l'étranger, elle

l'est également chez certains journalistes du siège, mais pour d'autres raisons. Lorsque les

correspondants étrangers reviennent au siège, certains d'entre eux intègrent le service

diplomatique; or le style de vie « parisien » de ces journalistes n'est pas toujours de tout repos

non plus et conduit bon nombre de ces journalistes dans les années soixante et soixante-dix à

mettre fin prématurément à leur carrière :

J'arrive au service diplomatique après avoir fait la Libye, le Liban, la Jordanie. Au

service diplomatique, il y avait Jean Mauriac à cette époque. Bref, on va au

Vaudeville [un restaurant de la Place de la Bourse], il y avait quatre ou cinq des

grandes signatures, Jean Vincent, Boni, Leleu et on commande : entrecôte bordelaise

pour chacun et huit bouteilles de bordeaux. C'était tous les vendredi comme ça. A ce

rythme, sans parler des cigarettes, on est peu à avoir tenu le coup.

1.2.3 Une fidélité à l'agence au-delà de la mobilité du journaliste inter média

L'obtention d'un emploi est relativement aisée pour un journaliste dans les années cinquante

et soixante. C'est d'autant plus facile pour les journalistes qui exercent au sein de l'AFP car

ils bénéficient d'une reconnaissance certaine au sein des médias. L'AFP est en effet

considérée comme la meilleure école de journalisme. Si une bonne part de journalistes restent

fidèles à l'AFP, certains quittent l'agence pour exercer dans d'autres médias sans pour autant

se départir de leur attachement à l'agence; parmi eux, Claude Imbert, ancien correspondant de

l'AFP, est actuellement directeur de la rédaction de l'hebdomadaire français « Le Point »,

Bernard Ullman qui fut l'un des piliers du service diplomatique de l'agence, quitta l'AFP pour

devenir grand reporter au sein de « l'Express ». Lors de notre entretien, celui-ci confie :

J'étais directeur du bureau de Washington et quand je suis rentré à Paris, je n'ai pas

obtenu le poste que j'aurais voulu avoir. J'avais des amis qui étaient à l'Express,

j'avais envie de changer de manière de travailler. La première différence majeure

c'est que dans une agence ça ne s'arrête jamais, alors qu'à l'Express, je pouvais

respirer, il y a une différence de rythme qui est énorme.

222

Les journalistes quittent l'agence pour différents motifs. Si certains journalistes,

comme Bernard Ullman, quittent l'AFP pour exercer leur métier dans des conditions

qu'ils jugent plus confortables et sous une pression temporelle moins forte; d'autres

quittent l'agence parce qu'ils n'ont pas obtenu le poste qu'ils souhaitent à leur retour

de l'étranger. Enfin certains journalistes veulent explorer d'autres formes de

journalisme, moins anonymes, plus éditorialisantes. «J'ai quitté l'AFP parce que

j'avais tout fait. Je n'avais plus grand chose à inventer, j'ai même travaillé pour des

journaux espagnols, je suis allé au Matin de Paris, à l'Express, j'ai fait pas mal

d'autres maisons pour pouvoir enfin donner mon avis. » Ces départs sont volontaires;

l'agence ne se sépare pas de ses journalistes, sauf faute professionnelle

particulièrement importante. Par ailleurs, il n'est pas rare que l'agence octroie aux

journalistes qui souhaitent partir, la possibilité de réintégrer éventuellement l'agence

par la suite, s'ils le désirent. «A l'AFP, on n'est pas viré, on s'en va. Si vous êtes virés

de l'AFP, mais c'est un événement mondial. Je ne me souviens pas d'avoir vu

quelqu'un de viré. Il y en a certains qui sont partis, mais pas mal d'entre eux sont

revenus. »

Si les journalistes des années cinquante et soixante concevaient leur métier comme un

engagement total, ils réprouvent la manière dont les jeunes journalistes conçoivent leur

métier :

Aujourd'hui on ne compte plus les individus qui pratiquent le journalisme sans

s'identifier à cette profession ou sans avoir décidé de lui consacrer pleinement leur

vie et le meilleur d'eux-mêmes. C'est, pour certains, une sorte de hobby, qu'ils

peuvent abandonner à tout moment pour faire autre chose. De nombreux journalistes

actuels pourraient travailler demain dans une agence de publicité et devenir, après-

demain, agents de change. 234

234 Ryszard, Kapuscinski, « Les médias reflètent-ils la réalité du monde ? Censures nouvelles, subtilesmanipulations », Le Monde Diplomatique, août 1999, page 8.

223

Ce témoignage souligne le fossé générationnel qui sépare la plus ancienne génération et la

génération des nouveaux entrants; les premiers considèrent qu'ils ne partagent pas la même

conception du métier ni le même investissement. Toutefois la critique qu'exprime cette

génération de journalistes est à nuancer. Les jeunes journalistes exercent dans un contexte

radicalement différent de celui des journalistes les plus anciens. Le contexte économique est

difficile, le marché du travail est fragilisé235 et le contexte concurrentiel s'est accru. Par

conséquent, les journalistes développent une conception plus pragmatique de leur métier; ils

sont davantage individualistes et leur identification à leur entreprise, bien qu'importante, est

dictée par une logique de survie professionnelle.

1.3 Conception de l'information et du rôle professionnel : L'information comprise

comme bien public et journalisme magister

Dans les années cinquante et soixante, bien qu'il ressente l'importance de la concurrence et la

nécessité d'être le premier à diffuser l'information pour être repris par les clients, le

correspondant étranger refuse de se considérer comme un agent commercial de l'agence dans

les pays qu'il couvre. « C'était affreux, on avait un rôle commercial, j'essayais de dire à nos

présidents successifs : "Désolé, mais je ne suis pas un commerçant, je ne sais pas vanter ma

marchandise". On m'a dit que ça faisait partie du métier. »

Quoi qu'il en soit, les journalistes et les clients que, bon gré mal gré, ils doivent courtiser,

semblent s'entendre sur le fait que le choix des sujets à couvrir doivent être établi en fonction

de l'intérêt public. L'information est conçue alors comme un bien public, et l'exercice

journalistique comme un service public au service de citoyens. « C'est la première agence

historiquement. Elle a donné naissance au modèle, et en plus dans sa renaissance, c'est un

outil au service de la presse. Ça apporte une diversité, vous participez à quelque chose de

grand, vous participez aux valeurs démocratiques, à la pluralité de l'information. »

Le statut semi-public de l'agence renforce le sentiment qu'ont les journalistes d'exercer un

service public auprès d'usagers citoyens et non de simples clients consommateurs.

235 Accardo, Alain, Abou, Georges, Journalistes précaires, Le Mascaret, Bordeaux, 1998, 411 pages.

224

Les journalistes de l'ancienne génération apparentent leur métier à un service rendu à la

population; aussi affichent-ils une position de magistère vis-à-vis du public. Ils se sentent

investis d'un savoir supérieur, spécifique, qui leur confère une autorité professionnelle, celle

de déterminer ce qui est important et dont le public doit être informé. Il s'agissait en somme

de dire au public à quoi et comment il doit penser. Un journaliste confirme : « Le journaliste,

lui, sait et le public doit avaler ce qu 'il lui donne », un autre journaliste ajoute : « On était une

élite et on décidait de ce que le public devait apprécier ».

Il faut dire que les journalistes qui exercent à l'agence après la guerre sont des gens lettrés qui

détiennent, pour la plupart, un diplôme d'études supérieures et qui se considèrent comme

appartenant à l'élite intellectuelle, voire politique, de la France. Quant au public en général,

auquel les dépêches sont finalement destinées, il dispose de peu de sources d'information et il

n'a donc que peu de moyens de savoir ce qui se passe dans le monde; aussi se soumet-il

d'autant plus à la parole des journalistes. Dans ces conditions, les journalistes de la première

période donnent volontiers à leur pratique une visée éducative ou, en tout, cas, qui transcende

la stricte fonction de collecte et de transmission de nouvelles. « De mon temps, j'avais pour

principe qu 'il faut apprendre quelque chose au lecteur, il ne s'agit pas seulement de

l'amuser. S'il est de droite, il faut lui dire que tout n'est pas mauvais dans la gauche et

inversement ».

Cette fonction de l'information attribue au journaliste le soin de pondérer et d'évaluer les

informations et les événements, tâches que le public est supposé ne pas être en mesure de

réaliser par lui-même. Les journalistes ont alors le sentiment d'avoir une grande influence sur

le public et sur la lecture qu'il fera des événements. Certains anciens correspondants étrangers

nous ont d'ailleurs confié avoir le sentiment d'exercer une fonction proche de celle de

l'enseignant, et même de regretter de ne pas avoir eu l'occasion d'embrasser une carrière

d'enseignant.

225

Section 2 - Les journalistes entrés à l'agence entre 1960 et 1980

La génération intermédiaire des journalistes est particulièrement pertinente à étudier en regard

de leur adaptation aux changements de l'environnement médiatique qu'elle va subir de plein

fouet. Les conditions dans lesquelles ces journalistes exercent au début de leur carrière, vont

se modifier en profondeur au fil des changements techniques et économiques et exiger une

réévaluation de leur conception professionnelle.

2.1 Une formation universitaire et diversifiée

Les journalistes interviewés qui intègrent l'agence à la fin des années soixante et dans les

années soixante-dix ont tous mené des études universitaires notamment dans le domaine des

sciences sociales et des humanités. Comme leurs prédécesseurs entrés à l'agence après la

guerre, la grande majorité d'entre eux n'ont pas suivi de formation journalistique formelle

dans une école de journalisme, celle-ci ne constituant pas encore un passage obligatoire pour

intégrer les grands médias nationaux. Les journalistes de cette époque semblent avoir une

conception moins professionnelle, moins technicienne, plus intuitive, plus « romantique »,

plus littéraire du journalisme, une conception qui s'accommode bien de l'absence de

formation spécifique. «Aujourd'hui les journalistes sont techniquement meilleurs, mais ils

ont moins d'histoire personnelle. Quand je suis rentré à l'AFP, la plupart des gens n'avait pas

fait d'école de journalisme. Tout le monde avait fait sciences po, sciences éco, histoire. Il y

avait encore une forme de romantisme, d'idéologie. On avait des positions politiques,

idéologiques, on voulait changer le monde. Cette génération était très différente de la

génération d'avant ». En revanche, les journalistes embauchés à cette époque reçoivent de

l'agence un complément de formation technique plus élaboré que celui qu'ont reçu leurs

prédécesseurs. En effet, au fur et à mesure de l'informatisation des desks et des

transformations des outils de transmission, les services techniques vont devoir former les

journalistes.

Les journalistes de cette génération ont suivi des parcours pré professionnels et des formations

variées, les conditions de leur entrée à l'agence peuvent être très différentes. A cette époque,

226

faire du journalisme n'est pas, comme c'est le cas aujourd'hui, le produit d'un choix de

carrière longuement mûri, ni l'aboutissement d'un long parcours de formation qui, pour les

jeunes apprentis d'aujourd'hui, s'apparente à une course d'obstacles. Ainsi un journaliste

affirme : « J'ai commencé le journalisme presque par hasard. J'étais dans des structures

publiques de planification économique et financière (...) je suis passé à l'Économie comme

ça, j'avais des contacts et le premier contact était au service économique ». D'autres

journalistes intègrent l'agence en « statut siège » pour « services rendus » comme

correspondant local, à l'image de cette journaliste diplômée de l'École Normale Supérieure

qui a intégré l'Agence France Presse grâce à sa couverture de la guerre du Liban :

J'ai démarré à Beyrouth en 1977, à l'époque ils avaient besoin de quelqu'un pour les

écoutes, le monitoring. J'étais au bureau régional pour le monde arabe, ce pendant six

mois. Puis l'activité au Liban s'est bousculée et les gens qui étaient aux écoutes ont été

déplacés à la rédaction. Sur le terrain, je couvrais les réfugiés qui partaient pendant

la guerre. C'était un boulot comme un autre, je suis devenue par hasard journaliste

parce que j'ai vécu au Liban. J'étais recrutée locale, et après l'invasion de 1982, le

PDG a trouvé que l'on avait tellement bien travaillé, qu 'il nous a dit qu 'on pouvait

venir en France.

Toutefois, l'arrivée des journalistes locaux comme journalistes statut-siège se font parfois

dans des conditions difficiles. Certains journalistes voient leur statut revu à la baisse, ils sont

parfois considérés comme des débutants et doivent « faire leurs preuves » auprès de la

rédaction en chef centrale. Le siège ne fait pas toujours grand cas de l'expérience de terrain

acquise par les journalistes employés en statut local dans des bureaux étrangers.

En 1978, Jean Marin est venu à Beyrouth où je travaillais. Il a dû aimer mon travail

parce qu 'un peu plus tard, on me demande de venir à Paris. A ma grande surprise, la

personne que je rencontre me dit : « je ne sais pas si vous allez pouvoir fonctionner

dans les mêmes conditions que Beyrouth, vous allez faire un stage, vous allez faire un

test et après on verra. » On m'a mis stagiaire au desk Moyen-Orient alors que ça

faisait des années que je travaillais sans compter à l'étranger.

227

Les journalistes de cette génération exercent aux côtés des plus jeunes et ont donc une

certaine légitimité pour porter un jugement sur la jeune génération. S'ils reconnaissent que les

journalistes entrés à l'agence au cours des quinze dernières années ont reçu une formation

technique solide, ils jugent qu'ils manquent cruellement de culture, « Les jeunes, ils manquent

d'histoires, ils n 'ont pas assez vécu... ils sont pauvres côté culture, alors qu'on est confronté,

surtout à l'étranger à des situations qui demandent un minimum de culture ». En outre, ils

considèrent que les jeunes journalistes sont « formatés », « Quand je vois des jeunes

aujourd'hui qui ont entre 28 et 35 ans, j'ai l'impression de voir des clones, ils sont formatés.

A notre époque, on recrutait beaucoup, on entrait à l'AFP sans forcément avoir fait de

formation, c'était des personnalités ».

Alors que les journalistes entrés dans les années soixante-dix ont été formés par les plus

anciens, les jeunes journalistes, eux, intègrent l'agence après avoir suivi une formation longue

et substantielle (formation universitaire ou passage par un Institut d'Etudes Politiques puis

suivi d'un cursus dans une école de journalisme) au métier, comme nous le verrons dans la

section suivante. Les journalistes ressentent une certaine frustration de ne pouvoir « former »

les jeunes, comme eux-mêmes ont été formés.

-L'aspect qui me gêne, c'est le manque de variété dans le recrutement, il y a des jeunes

qui ont la grosse tête et qui exigent tout de suite ceci ou cela, que l'on trouvait moins il

y a une vingtaine d'années parce que l'on entrait dans le métier de façon plus modeste,

on entrait dans le métier pour apprendre. Maintenant, on se retrouve avec des gens

qui estiment avoir déjà tout appris, ce qui se comprend quand on voit ce qu'on leur

demande, on leur demande d'avoir fait Bac+5, d'être forcément jeune, de parler

plusieurs langues couramment. Nous, on apprenait graduellement.

- Aujourd'hui ce sont des jeunes imbus d'eux-mêmes. Les anciens devraient former les

jeunes, mais les jeunes ne veulent pas partir à l'étranger, ils veulent des postes

pépères, faire 8h00-12h00, 14h00-18h00.

228

2.2 Un engagement évolutif : de la fusion à la position de retrait

Lorsque les journalistes intègrent l'agence au cours des années soixante-dix et le début des

années quatre-vingt, ils développent rapidement un fort attachement à l'AFP, qui coïncide

avec un engagement vis-à-vis de leur entreprise particulièrement important. En effet, cette

génération arrive à une période où l'agence procède à une réorganisation de ses services due

notamment à l'informatisation des desks et à la régionalisation des desks étrangers. L'agence

sollicite les services de ces journalistes, qui occuperont, pour certains d'entre eux, des postes

d'encadrement et à responsabilités au siège de l'agence (directeur de la rédaction en chef

central, directeur ou directeur adjoint de desk, directeur du desk anglophone etc.) relativement

rapidement.

Plusieurs journalistes de cette génération participent à la création d'agences d'information

dans les anciennes colonies, les pays en voie de développement, et plus tard dans les anciens

pays satellites de l'Union Soviétique. Les journalistes participent à la création de ces agences

dans le cadre de politique de coopération, parfois même ils sont « prêtés » pendant une année,

comme l'un des journalistes que nous avons rencontrés.

J'ai été détaché de l'AFP pendant un an, j'étais chargé de réformer l'agence polonaise

de presse, car je suis d'origine polonaise. Le nouveau Premier Ministre polonais me

connaissait personnellement, je l'ai connu à Rome quand il allait voir le pape et donc

il m'a demandé de l'aider à reformer le système d'information polonais. Donc pendant

un an, j'ai travaillé à cela, ce qui était un bon défi car c'était une institution très

communiste, complètement bureaucratisée, sclérosée. J'ai porté la lumière

occidentale.

Cela leur donne le sentiment de participer au mouvement de démocratisation de l'information

dans le monde, et nourrit l'engagement professionnel qu'ils ont vis-à-vis de leur métier. Les

journalistes s'impliquent également dans la vie de l'agence de multiples manières. Plusieurs

d'entre eux participent à des missions visant à modifier le statut de l'agence, d'autres dirigent

des missions d'expérimentation de nouvelles activités pour le compte de l'AFP. Ainsi un

journaliste que nous avons rencontré, a participé au développement d'un pôle d'informations

économiques pour le Moyen-Orient. Toutefois, nombre des projets internes à l'agence

229

auxquels ont participé ces journalistes n'aboutissent pas ; ils ressentent alors une vive

déception et considèrent que l'Agence France Presse fait preuve d'inertie et d'incapacité à

innover.

- J'avais abandonné la fonction de journaliste et j'occupais des fonctions de direction

économiques et financières pour développer un pôle d'informations économiques pour

le Moyen-Orient, au Caire. Je m'en suis occupé, jusqu'à ce que l'AFP manque

d'argent de manière périodique, cyclique, et congénitale et considère qu'elle n'avait

plus d'argent pour financer sa part qui était majoritaire. Plus tard, j'ai retravaillé sur

un autre projet, là encore la direction n'a pas voulu non plus s'engager sur ce truc là.

- Le développement commercial pour qu'il soit réel, il faudrait que l'AFP ne se vive

plus comme une entreprise qui vit des subsides de l'Etat et qui est confirmé dans son

irresponsabilité même de ne faire aucun effort.

Suite à l'échec de ces projets, une partie de ces journalistes vont occuper alors une position de

retrait vis-à-vis de l'agence considérant qu'ils ont une influence toute relative sur l'évolution

de leur entreprise de presse. Les journalistes de cette génération nous apparaissent comme des

journalistes désillusionnés, ils ont une vision beaucoup moins passionnée du métier qu'à leurs

débuts, moins idéalisée. Cette désillusion est à mettre en relation avec les transformations du

rôle professionnel du journaliste comme nous le verrons dans la partie suivante. En effet, les

journalistes qui avaient développé une conception « politisée »236 de leur métier, considérant à

l'image de leurs prédécesseurs qu'ils répondaient à une mission de service public, vont devoir

s'adapter à des exigences davantage économiques et commerciales que politiques, des

exigences dictées par l'intensification de la concurrence, et répercutées par la direction de

l'agence. Ces journalistes insatisfaits, vont s'investir dans des activités journalistiques ou

littéraires parallèles qui les satisfont davantage237. S'ils restent attachés et fidèles à l'AFP,

236 Cette conception « politisée » fera l'objet de la section suivante.237 Nombreux sont les journalistes de l'AFP qui publient des ouvrages parallèlement à leur professionde correspondant étranger : Jean-Pierre Campagne a publié « Kao, le désordre des hommes »,« Dépêches de Somalie », « Né la nuit », « Le Papillon dans l'oreille de l'éléphant », JacquesCharmelot a publié « L'ombre de Bagdad », René Naba a publié « Guerre des ondes - guerre desreligions ; la bataille hertzienne dans le ciel méditerranéen », Claude Wauthier a publié « L'Afriquedes Africains : inventaire de la négritude », Mario Vargas Llosa a quitté l'AFP pour se consacrer à

230

c'est, premièrement, en souvenir de la période, que certains qualifient d'« âge d'or », ou cours

de laquelle ils avaient le sentiment d'avoir une influence sur le cours des événements et sur

l'opinion publique, et, deuxièmement, en raison de la précarité qui touche l'ensemble de la

profession et qui limite la mobilité professionnelle. 23

2.3 Une conception de l'information en mutation et une conception professionnelle

politisée

Les journalistes qui intègrent l'agence au cours des années soixante-dix vont associer à la

conception de service public qui était celle de leurs aînés, une conception « politisée » de

l'information, non pas au sens partisan du terme, mais au sens où les journalistes conçoivent

que, par leur pratique, ils peuvent sensibiliser le public à certains enjeux et éventuellement,

contribuer à changer le monde. Ils estiment que, face aux grands enjeux qui secouent la

société de cette époque, le journaliste doit prendre parti.

- À l'époque, on avait l'impression qu'à travers l'AFP, on pouvait peut-être changer

quelque chose. Ce qui était privilégié c'était la recherche d'un moyen de faire parvenir

un message, pas de façon grossière comme celle que l'on pouvait trouver dans les

journaux de partis comme l'Humanité,

- À travers l'AFP, on pouvait faire passer un certain nombre de messages, ces

messages-là c'était des messages de la gauche, des messages centrés vers des

problèmes de décolonisation, pour en finir avec les pays sous domination, en finir

avec les bases militaires. C'était la fin de la guerre du Vietnam, toutes les

conséquences de la reconversion économique de la France; c'était les années

Pompidou; les années d'industrialisation en France, l'extension du prolétariat. A

l'époque c'était pas vu tellement sous le côté revenus et salaires mais sur l'aspect des

l'écriture, il a publié de nombreux romans parmi lesquels : « Le Paradis un peu plus loin », « La villeet les chiens » etc.238 Le désengagement de cette génération de journalistes peut être associé à l'accélération desdifférenciations identitaires que souligne Sainsaulieu In Sainsaulieu, Renaud, Sociologie del'entreprise, Paris, Presses de la FNSP et Dalloz, Paris, 1997, 2ème édition, 476 pages, les identités detype fusionnel sont en déclin.

231

conditions de travail : ça tournait beaucoup autour de questions de ce type : comment

avoir un travail humanisé ?

- On n'avait pas l'impression de servir un camp, le camp socialiste contre le camp

capitaliste, mais on avait l'impression de servir le camp de l'humain, on était

évidemment à la fin des trente glorieuses, mai 68 était passée par-là.

Au cours des années quatre-vingt, une conception commerciale du rôle du journaliste

va se substituer progressivement à la conception « politisée » des années soixante-dix,

sous l'impulsion de la crise économique vécue par l'agence. À cette période, l'agence

est confrontée à une intensification de la concurrence et à des difficultés financières

sans précédent. «L'AFP connaît en 1982 de sérieux ennuis. Les déficits des deux

dernières années s'élèvent à 31.5 millions de francs et si l'on ajoute des besoins

nouveaux pour 1983, c'est 84,52 millions de francs qu'elle doit trouver, plus de dix

pour cent du chiffre d'affaires. »239 Ces difficultés vont conduire l'agence à revoir ses

objectifs. Afin d'assainir la situation économique de l'agence, Henri Pigeat, PDG de

l'AFP de 1979 à 1986 souhaite redéfinir le rôle de l'agence, notamment en

abandonnant les velléités «d'agence mondiale d'information». Le 8 juillet 1986,

Henri Pigeat présente son plan de redressement qui comprend le licenciement de trois

cents personnes.

8 juillet 1986. Jamais l'agence n'a été soumise à un tel traitement de choc. Trois

cents suppressions d'emplois; soit quinze pour cent du personnel, une décentralisation

qui enverra loin de Paris les desks étrangers, la suppression des services magazine,

écoutes et contrôle. (...) Le plan de restructuration approuvé par le conseil

d'administration, est exposé devant soixante personnes, la hiérarchie de la maison,

par Henri Pigeat240.

39 Huteau, Jean, Ullman, Bernard, AFP, Une histoire de l'Agence France Presse : 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992, page 428.240 Huteau, Jean, Ullman, Bernard, AFP, Une histoire de l'Agence France Presse : 1944-1990, RobertLaffont, Paris, 1992, page 448.

232

S'ensuivent quatre jours de grève totale de protestation du 11 au 19 juillet 1986, puis huit

jours de grève du 11 au 18 décembre 1986 qui aboutiront à la démission du PDG. Les

journalistes subissent de plein fouet les difficultés financières de l'agence qui, si elles ne sont

pas nouvelles, vont se traduire pour la première fois par le départ d'une partie des salariés de

l'agence.

Ces difficultés vont aboutir à une redéfinition des objectifs de l'agence. Les journalistes sont

fermement incités à exercer un rôle de commercial et cela se traduit notamment par le refus de

distribuer les fils de l'agence aux clients « mauvais payeurs ». En 1989, le Président Directeur

Général de l'AFP, Jean-Louis Guillaud affirme : « Les directeurs de bureaux à l'étranger, qui

sont environ soixante-dix, sont à la fois des producteurs d'information et des responsables

commerciaux. Nous les motivons dans ce sens, en n 'acceptant plus notamment que l'AFP

puisse être distribuée gratuitement à des gens qui ne paient plus leur facture »241. Cela induit

aussi que les clients qui usaient de leurs relations diplomatiques pour continuer de recevoir les

fils malgré leurs dettes ne pourront plus agir de la sorte. Cela nous semble être un élément

particulièrement significatif du passage d'un fonctionnement «politique» de l'agence à un

fonctionnement davantage « commercial ».

Quand j'étais directeur du bureau, à Alger, pendant plusieurs années, les abonnés ne

payaient pas et quand l'AFP les contactait pour se faire payer, ils contactaient

l'Elysée et leurs dettes étaient effacées. Moi, je suis allé les voir en leur disant : «il va

falloir que ça change un peu ce type de rapports, c'est l'AFP, pas l'État français »,

c 'est une confusion contre laquelle on essaie de lutter. Si c 'était le cas il y a encore

une dizaine d'années, aujourd'hui, ça a totalement changé, quand on ne nous paie

pas, on coupe. Quand l'affaire se corse, on coupe. Je viens de couper le service pour

le journal Payra. Pour beaucoup, la dépense de l'AFP n 'est pas une dépense

obligatoire, élémentaire, prioritaire.

Aujourd'hui, la dimension commerciale fait partie intégrante de la formation des journalistes,

ainsi le journaliste, nommé directeur d'un bureau à l'étranger suit, avant son départ, une

24lCharon, Jean-Marie, "L'AFP peut-elle être gérée comme une entreprise?", Mediaspouvoirs, octobre1989, pp. 131-139.

233

préparation de cinq jours, où une journée est consacrée exclusivement au développement

commercial du bureau

Tous les journalistes entrés dans l'agence au cours des années soixante-dix n'ont pas accepté

cette évolution de la conception de l'information et du rôle de l'agence vers un pôle

commercial. Ce sont ceux-là qui rejettent par exemple la création d'un fil people ou qui

critiquent la conception professionnelle de la nouvelle génération de journalistes. En effet, les

journalistes entrés à l'agence au cours des dix dernières années adhèrent à une conception de

leur rôle qui intègre la dimension commerciale. Le fossé creusé entre la nouvelle génération

de journalistes et la génération précédente est d'autant plus important que la direction de

l'Agence France Presse semble ne pas savoir comment gérer la carrière de ses journalistes

entrés à l'agence au cours des années soixante-dix. « Aujourd'hui on dit qu 'ily a trop de vieux

à l'AFP. Bah peut-être, mais la question ce n'est pas qu'il y ait trop de vieux, c'est que les

vieux soient utilisés avec un minimum de dynamisme. » Parmi les journalistes que nous avons

rencontrés, bon nombre des agenciers appartenant à cette génération, sont insatisfaits de leur

poste actuel. Certains ayant occupé autrefois des postes de directeur de bureau étranger,

occupent aujourd'hui des postes peu valorisants, plusieurs sont déjà passés par le service de la

« grande nuit », bon nombre d'entre eux voient leur candidature pour des postes à l'étranger

systématiquement refusée. Un de ces journalistes résume ainsi la situation : « On veut couper

les liens intergénérationnels, on ne facilite pas les liens entre les commerçants et les

journalistes, entre les jeunes et les vieux ». L'affirmation de ce journaliste est fort

significative: pour lui les «vieux» agenciers sont des journalistes et les «jeunes», des

commerçants. Bien qu'excessive, cette affirmation rend assez bien compte de la situation

actuelle, même si nous avons également rencontré des journalistes qui exercent la fonction de

directeur de bureau ou de correspondant étranger et qui sont satisfaits de leurs affectations.

242 AFP, document interne : « Diriger un bureau à l'étranger ».

234

Section 3 - Les journalistes entrés à l'agence entre 1990 et 2006

3.1 L'école de journalisme, voie d'excellence

La population journalistique française s'est considérablement accrue au cours des dernières

décennies, ses effectifs ont été multipliés par trois entre 1960 et 2000. Par ailleurs, la nature et

le niveau de la formation ont considérablement évolué, notamment avec le développement des

écoles de journalisme. En 2006, la France compte quatorze écoles de journalisme243

reconnues par la profession (c'est-à-dire par la Commission nationale paritaire de l'emploi des

journalistes, le CNPEJ) et dont sortent chaque année 400 diplômés. Par ailleurs, les candidats

à cette profession n'ont jamais été aussi nombreux, ce qui place les entreprises de presse en

position de force. Celles-ci sont en mesure d'exiger de la part des journalistes postulants des

formations toujours plus longues, plus spécifiques et plus adaptées à leurs besoins. La

multiplication des candidats au poste de journaliste conduit à une « intensification de la

concurrence entre les nouveaux entrants »244. Les journalistes français formés « sur le tas »

sont donc de moins en moins nombreux. Quant à l'AFP, elle recrute quasi exclusivement des

journalistes issus des écoles de journalisme245. L'enquête de Dominique Marchetti et Denis

Ruellan fait apparaître le poids croissant des élèves issus des trois principales écoles de

journalisme dans les grandes rédactions nationales françaises. «Le recrutement s'est

fortement homogénéisé socialement et le passage par un Institut d'Études Politiques, puis une

école de journalisme est devenue une voie royale d'accès aux rédactions les plus

réputées. »

Le parcours typique d'un journaliste embauché en statut siège par l'AFP aujourd'hui est le

suivant : il a suivi des études universitaires ou dans un Institut d'Études Politiques pendant

243 ESJ, CFJ, CUEJ, IUT de Bordeaux, CELSA, IPJ, IFP, IUT de Tours, EJCM, École de journalismede Toulouse, Institut de la communication et des médias à Grenoble et IUT de Lannion.244 Ruellan Denis, Marchetti Dominique, ibidem, page 13. On peut également se reporter au rapportsuivant : Devillard, V., Lafosse, V., Leteinturier, C et alii, Journalistes au pluriel. Sociologie d'ungroupe professionnel à l'aube de l'an 2000, La Documentation française, Paris, 2001.

5 Seuls les journalistes recrutés en local échappent parfois à cette contrainte. Toutefois, laconcurrence qui sévit entre les postulants au statut siège de l'AFP, conduit certains jeunes journalistesissus d'une école de journalisme, à postuler en local, en espérant ensuite obtenir le statut siège parpromotion interne.246 Marchetti, Dominique, "La sociologie et l'actualité médiatique", Polis, vol. 5, n°, 1998, pp. 74-82.

235

trois ans, puis il a passé le concours d'une école de journalisme, a effectué trois ans d'études

au sein de cette école et enfin a passé un concours pour intégrer l'agence. Le concours réussi,

le journaliste est engagé en contrat à durée déterminée pour une période allant de six mois à

deux ans. À l'issue de cette période, si l'expérience s'est avérée concluante, il accède au statut

« siège » tant convoité247. Les journalistes postulant à l'AFP sont particulièrement nombreux,

notamment en raison de la précarisation qui touche la population journalistique mais

également en raison du prestige qu'il y a à travailler pour une agence mondiale. Dans

l'imaginaire collectif des jeunes entrants, l'AFP représente une garantie d'emploi à partir du

moment où l'on dispose du statut siège, ce qui constitue un élément non négligeable si l'on

considère la crise économique et financière que connaît la presse écrite générale248.

Je suis entrée à l'AFP car c'est une maison qui m'a toujours fait rêver, c'est l'agence,

le média qui propose le plus d'expériences à l'étranger. J'ai jamais envisagé de

travailler pour un autre média. C'est un média magique, je suis profondément attirée

par la correspondance étrangère; l'AFP, c'est la plus belle carte à jouer pour y

arriver.

Par ailleurs, les conditions du marché de l'emploi des journalistes contribuent à une

précarisation du statut de journaliste. La concurrence qui prévaut entre des prétendants

nombreux pour des postes rares crée une pression à la baisse sur les conditions de travail.

C'est ainsi que les postes disponibles correspondent de plus en plus à des emplois à la pige ou

en contrat à durée déterminée, et auxquels on ne peut accéder que par la voie d'un concours à

l'entrée des entreprises de presse. Alain Accardo, qui a consacré un ouvrage à ce

phénomène souligne la présence grandissante d'une population de journalistes alternant piges

et périodes de chômage. Si « les pigistes représentent 8.5 % de la population française en

17 Hormis deux journalistes de nationalité étrangère, tous les journalistes de la jeune génération quiont été interrogés ont suivi ce cheminement.M8Le quotidien Libération a procédé au début de l'année 2006 à un plan social visant à supprimer 52emplois, le quotidien français France Soir a procédé à un plan social qui le conduit à conserverseulement dix journalistes de l'ancienne rédaction pour constituer une nouvelle formule.249 Accardo Alain, Journalistes précaires, Le Mascaret, Bordeaux, 1998, 411 pages.

236

1975, ils sont 14.7 % en 1990, et dépassent 40 % des titulaires de la carte professionnelle en

1999»250

3.2 Un engagement et un attachement dictés par des intérêts personnels

Les jeunes journalistes adoptent un comportement plus individualiste que les journalistes plus

âgés. Cela se traduit notamment par le fait qu'ils signent leurs papiers beaucoup plus

fréquemment que leurs aînés. En effet, depuis le début des années quatre-vingt, les dépêches

signées se multiplient et tendent à devenir la norme, notamment pour les dépêches hors

factuelles. Les journalistes justifient le développement de la signature comme une exigence

des clients. Ceux-ci auraient ainsi le sentiment d'établir un rapport personnalisé avec les

agenciers. La signature constituerait également un gain de temps non négligeable pour les

secrétaires de rédaction qui pourraient choisir plus rapidement s'ils prennent ou non la

dépêche en fonction de la signature. Le journaliste d'une entreprise de presse choisira plus

facilement une dépêche dont l'auteur lui est connu, dont il connaît la qualité de travail. Par

ailleurs, les journaux préfèrent publier des textes signés qui, croient-ils, auraient plus de

valeur aux yeux des lecteurs que des textes d'agence non signés. La signature personnalise

dans une certaine mesure la relation avec le lecteur. Toutefois, il nous apparaît que le

développement des signatures coïncide avec un individualisme de plus en plus prégnant au

sein des rédactions de l'agence. Il témoigne d'une volonté de s'affirmer dans son

individualité, mais également d'un fort besoin de reconnaissance dont les journalistes des

générations précédentes semblaient pouvoir se passer.

Face à la multiplication des dépêches signées, la direction par le biais du manuel de l'agencier

rappelle sévèrement aux journalistes qu'ils doivent respecter la règle de l'anonymat :

(...) le correspondant d'agence est un 'anonyme'. Sa signature est, celle, collective, de

l'AFP. Tous dans une même mesure et dans une égale confiance, contribuent à cette

signature. Tous sont également responsables de son prestige comme des critiques

50 Neveu Erik, Sociologie du journalisme, coll. Repères, la Découverte, Paris, 2001, page 25.

237

qu 'elle peut attirer. Il doit donc être entendu qu 'il n 'existe fondamentalement qu 'une

vraie signature, qui est : Agence France-Presse251.

Si l'agence tient à l'anonymat, à l'encontre, semble-t-il, de la volonté de ses journalistes, c'est

sans doute qu'elle espère ainsi consolider l'image qu'elle renvoie à ses clients : l'information

est le produit d'un effort collectif, de l'ensemble des journalistes de l'AFP. Par ailleurs, cela

contribue à maintenir les liens entre les différents salariés de l'entreprise qui participent sans

distinction (extérieure) aux activités de l'AFP.

Outre la marque d'individualisation que constitue la signature des dépêches, les journalistes

de la jeune génération font preuve d'un engagement moindre dans la vie de l'entreprise, ce

que les anciens ne manquent pas de leur reprocher. Lors des crises internes notamment,

récurrentes au sein de l'AFP, les journalistes les plus anciens ressentent avec acuité cette

différence entre les jeunes journalistes et les plus anciens. « Au moment des grèves lors de la

possible privatisation de l'agence, le fossé entre les jeunes et le reste des journalistes était

particulièrement fort. Les jeunes, ils s'en foutaient, ils avaient un job et c 'est ce qui

comptait. » Cette conception individualiste du métier n'entre pas en contradiction avec le fort

attachement dont font preuve les jeunes journalistes à l'égard de l'AFP. Cet attachement est

surtout défensif et s'inscrit dans un contexte économique de plus en plus précaire.

Dans un tel contexte, les journalistes de la jeune génération sont amenés à « mettre entre

parenthèses » leur vie personnelle ou leur vie de famille, le temps que dure leur affectation à

l'étranger. Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui que l'accès des femmes à l'emploi s'est

généralisé et que celles-ci ne font pas toujours le choix de renoncer à leurs carrières pour

suivre leurs maris. «Le principal inconvénient de travailler à l'étranger, c'est le côté

personnel, familial, c 'est très très lourd. Ma femme ne travaille pas parce que je suis à l'AFP.

Elle a renoncé à sa carrière en partant du principe que la mienne était plus intéressante.» Il

arrive que les deux conjoints exercent à l'AFP mais cela complique d'autant plus la vie

personnelle du journaliste. À l'AFP, les deux membres d'un couple n'obtiennent jamais la

même affectation. La direction refuse que deux conjoints exercent dans le même bureau,

considérant que cela pourrait entraîner des difficultés de gestion des relations humaines au

sein du bureau. En conséquence, l'un des deux conjoints doit donc renoncer à exercer

251 AFP, Manuel de l'Agencier, 1982, page 162.

238

momentanément son métier et retrouve à son retour au sein de l'agence un poste qu'il n'a pas

choisi, son ancien poste ayant été affecté à un autre journaliste. Le retour au siège, passage

obligatoire, est donc souvent mal vécu par les journalistes. Parmi ceux que nous avons

interrogés, deux couples ont fait des choix différents. Dans le premier cas, la femme a accepté

de laisser son poste pour suivre son mari nommé directeur de bureau à l'étranger, mais elle

réalise alors des piges pour la presse écrite et notamment le quotidien Libération. Dans le

second cas, la femme du journaliste nommé directeur du bureau choisi de conserver son poste

au siège où elle vient d'obtenir un poste au service religion, plutôt que de suivre son conjoint

au Caire, le couple sera alors séparé durant quatre ans.252

3. 3 Une conception commerciale et individualiste du métier

La génération la plus jeune développe une conception sensiblement différente de

l'information, où la dimension marchande est prédominante. Leurs pratiques sont rythmées

par celles de la concurrence, leurs dépêches analysées, et leurs activités surveillées. Le niveau

de concurrence est tel que le journaliste recherche de manière permanente à se distinguer de

ses concurrents.

Comme nous l'avons précisé dans les sections précédentes, les journalistes qui exercent dans

les années cinquante et soixante développent une conception de leur rôle professionnel en

termes de « magistère ». Ils exercent une forme d'autorité sur leurs clients qui les conduit à

décider du contenu et de la forme des dépêches. Toutefois dans les années quatre-vingt et

quatre-vingt-dix, l'intensification de la concurrence et l'extension de l'offre informationnelle

disponible grâce à de nouveaux médias, parmi lesquels Internet et les chaînes d'information

en continu, vont modifier considérablement les rapports entre les journalistes et les clients. Le

rapport de force s'inverse, les clients « imposent » leur choix aux journalistes. Même si, dans

les années cinquante et soixante, l'agence se préoccupait de ses clients et était portée par

l'intérêt d'accroître et de fidéliser sa clientèle, les journalistes de cette époque, dans la

conception qu'ils se faisaient de leur rôle professionnel et dans leur pratique quotidienne se

sentaient peu concernés par ces préoccupations. Les journalistes de la jeune génération, quant

à eux, ont une conscience aiguë du caractère commercial de leur profession. « La politique, ça

avait trop de place avant. On a des clients à servir. Je pense que l'on a aussi une vocation

52 Parmi les journalistes que nous avons interrogés, nous n'avons pas rencontré de cas où un conjointa suivi sa conjointe affectée à l'étranger.

239

économique, une agence d'information est là avant tout pour informer avant de se préoccuper

d'une logique économique, mais que ça ne fait pas de mal d'avoir une logique économique et

de vous dire qu'on va servir nos clients ; qu 'ils vont payer pour ça et qu'ils ont des besoins en

particulier, et si on peut le faire, faisons-le. »

Contrairement aux journalistes des deux générations précédentes qui ont très souvent évoqué

la dépêche en des termes de « bien public » ou préfèrent évoquer les destinataires en termes

« d'usagers » plutôt que de « clients », l'attention des jeunes journalistes est davantage

focalisée sur les intérêts des clients-médias voire des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.

- Il y a des thématiques qui nous rattrapent, qui sont dans l'air du temps. Je pense que

nous avons davantage le souci de vendre que la génération qui a débuté dans les

années soixante-dix. Pas de vendre directement, mais nous avons le souci de produire

une information qui va trouver des lecteurs, qui va répondre à un intérêt. Fatalement

on s'adapte aussi à des sujets qui sont dans l'air du temps, à des modes (...)

- On est dans une crise du lectorat sans précédent, donc il faut s'adapter aux besoins

des gens. Je pense profondément que ce n'est pas galvauder l'information, je crois

qu'il n'y a pas moins de noblesse à faire un papier très concret sur le fait qu'un

scooter ou un 4/4 ça pollue dans les rues, que d'expliquer le protocole de Kyoto. Ils

sont sur le même plan.

Dans la couverture de situations intéressant l'ensemble de la planète, comme dans cet

exemple du protocole de Kyoto, les journalistes cherchent à adopter le point de vue de

l'individu lecteur de manière à rattacher un événement à dimension globale à des

préoccupations locales, à dimension humaine, et ainsi accroître l'intérêt du public. Ainsi nous

sommes en mesure d'affirmer que la conception informationnelle que développe les

journalistes de cette génération peut être qualifiée de pragmatique.

Au cours de ce chapitre, nous avons constaté qu'à chaque génération de journalistes étudiée,

correspondait une identité professionnelle spécifique. Au regard de l'évolution du métier de

correspondant étranger, la génération intermédiaire étudiée (les journalistes âgés aujourd'hui

240

d'une cinquantaine d'années) cristallise les tensions induites par un changement de

configuration.

241

CONCLUSION

Cette thèse répond à un double objectif, d'une part identifier les pratiques et l'identité

journalistiques des correspondants étrangers de l'AFP et leur évolution entre 1945 et 2005 ;

d'autre part démontrer que ces changements participent d'un mouvement global de

transformation de l'environnement médiatique et du fonctionnement des entreprises de presse.

Pour ce faire, nous avons établi un réseau d'hypothèses par le biais d'idéal types. Pour valider

ces hypothèses, nous avons conjugué trois techniques d'observation : des entretiens avec des

correspondants étrangers de l'AFP, un stage observation participante du bureau du Caire et

une analyse documentaire de dépêches et de documents internes de l'agence. Au terme de ces

observations, nous avons pu établir un certain nombre de correspondances, mais aussi des

écarts, entre les idéal types et la réalité sociale que nous avons recensés dans les tableaux

situés au terme de la conclusion.

Notre cadre d'analyse s'articulait sur trois niveaux : l'environnement médiatique mondial

(niveau macro sociologique), l'entreprise de presse (niveau meso sociologique), la pratique

journalistique et l'identité professionnelle (niveau micro sociologique). Au niveau macro

sociologique, nous avons établi que l'environnement médiatique mondial avait connu des

mutations importantes entre le début et la fin de notre période d'analyse. Lors de la première

configuration, l'environnement médiatique mondial se caractérisait par un nombre restreint de

joueurs, auquel correspondait une offre d'information relativement limitée. Par ailleurs, la

concurrence était circonscrite à un nombre limité d'acteurs ayant un fonctionnement

relativement similaire à l'agence. Enfin les techniques de transmission étaient peu fiables,

laborieuses et limitées. Puis progressivement, au cours des années soixante-dix et quatre-

vingt, l'environnement médiatique mondial a évolué au point qu'il revêt une réalité bien

différente. L'environnement médiatique mondial se caractérise aujourd'hui par un grand

nombre de joueurs et une offre d'information surabondante. Les concurrents de l'AFP sont

multiples et n'ont pas tous le même statut (chaîne d'information, agence de presse, firme de

242

communication) ou la même fonction (diffusion d'informations générales, spécialisées,

analyse ou information factuelle etc.)- En outre les innovations techniques permettent

désormais une transmission des informations quasi simultanée, sûre et dont le volume est

illimité. Conformément à notre hypothèse de départ, il nous est apparu que les tensions entre

les acteurs de l'environnement médiatique mondial s'établissaient au début de la période

d'étude sur des règles de nature essentiellement politiques et commerciales. Au terme de la

période d'étude, les relations entre les acteurs s'établissent selon un fonctionnement quasi-

exclusivement commercial.

Au niveau meso sociologique, nous avons établi que malgré les relations étroites qu'elle

entretient avec l'État français et son héritage historique, l'Agence France Presse a suivi les

transformations de l'environnement médiatique mondial, passant progressivement d'une

logique publique à une logique commerciale ; ce passage se traduit notamment par le

désengagement progressif de l'État Français dans le financement de l'agence.

Enfin, au niveau micro sociologique, les changements se sont opérés sur trois plans : le texte

journalistique, les pratiques journalistiques et l'identité professionnelle des journalistes.

Au chapitre du texte journalistique, la reconfiguration a donné lieu à de nouvelles orientations

de la dépêche. Les impératifs commerciaux et l'accroissement de la concurrence exigent que

l'agence propose un éventail élargi de ses contenus, laissant une grande place aux textes à

dominantes sociétale et divertissante. Par ailleurs, pour conserver voire élargir sa clientèle,

l'agence doit être en mesure de fournir une offre adaptée à chaque demande. Dans ce

contexte, fragmentation et hyper caractérisation des textes semblent être les deux mots

d'ordres de l'AFP. Enfin, l'agence subit une concurrence toujours plus vive de la part des

médias audiovisuels et d'Internet qui fournissent une information essentiellement factuelle et

dont l'agence cherche à se distinguer en multipliant les dépêches analytiques.

Au chapitre des pratiques journalistiques, nous avons souligné dans notre recherche combien

le contexte d'hyper concurrence conjugué aux innovations techniques ont modifié

substantiellement le cadre d'exercice du métier de journaliste. Que ce soit au sein de

l'entreprise de presse ou au sein de l'environnement médiatique, les acteurs entretiennent des

rapports d'interdépendance d'une intensité sans précédent. En conséquence, le regard du

journaliste se tourne autant vers l'événement que vers ses concurrents et le traitement qu'ils

243

en feront. Il surveille tout autant qu'il fait l'objet lui-même d'une surveillance accrue de la

part de sa hiérarchie. Le journaliste s'inscrit au quotidien dans une logique de défis : conquête

permanente de sa clientèle, distinction et dépassement de ses concurrents, diversité du

traitement de l'événement et recherche perpétuelle de l'approbation de sa hiérarchie. Autant

d'éléments qui témoignent de la prééminence de la logique commerciale sur la logique

informationnelle.

L'analyse des identités successives empruntées par les correspondants étrangers de l'Agence

France Presse peut, a priori, sembler être l'élément le plus spécifique à notre objet d'étude.

Pourtant, cette étude de trois générations de journalistes nous est apparue particulièrement

instructive sur la manière dont les journalistes pensaient et vivaient leur métier hier et

comment ils l'abordent aujourd'hui. La génération intermédiaire, les journalistes âgés

aujourd'hui de quarante-cinq à cinquante-cinq ans, nous semble particulièrement intéressante

à cet égard. « Tiraillés » entre deux conceptions divergentes du métier, le malaise de certains

d'entre eux témoignent de la radicalité des changements survenus dans la pratique du

journalisme.

Notre capacité à décrire et expliquer les transformations de l'environnement médiatique

mondial est limitée par le peu de travaux qui y sont consacrés. Si les débats sur le Nouvel

Ordre mondial de l'Information et de la Communication à la fin des années soixante-dix

avaient généré la publication d'un nombre conséquent de travaux sur le fonctionnement de

l'environnement médiatique mondial, les études dans ce domaine sont aujourd'hui trop peu

nombreuses. Il apparaît donc urgent d'initier de nouvelles recherches au niveau macro

sociologique pour expliquer le fonctionnement du système médiatique mondial et par là-

même disposer d'une meilleure compréhension des changements dont les entreprises de

presse et les pratiques journalistiques sont l'objet.

244

Configuration A

Reconfiguration

Configuration B

LES PRATIQUES JOURNALISTIQUESIDEAL TYPE

Autonomie par rapport audesk

Relative autonomie parrapport aux concurrentsEvaluation sporadique dela copieUne course contre le tempsralentie par la fragilité destechniques de transmissionRapports directs avec lessourcesLe journaliste est expertJournalisme événementiel

Autonomie et desk

ConcurrenceEvaluation de la copieRapport au temps

Rapport aux sourcesSous le contrôle du deskRéflexivité

Evaluation rationalisée dela copieMultiples sourcesJournalisme situationnelLe règne de l'urgenceRapports indirects avec lessourcesRecours aux experts

REALITE OBSERVEESi les correspondants étrangers disposent d'une certaine liberté d'action vis à vis du desk, la conception de la dépêche ne peut se fairesans l'aide du desk : l'opérateur technique constitue un acteur incontournable et le journaliste du desk détermine la conception finale dela copie.Les journalistes ne disposent pas comme aujourd'hui d'outils permettant une surveillance de ses concurrents, par ailleurs lescorrespondants étrangers étaient moins nombreux qu'aujourd'hui.La copie ne fait pas l'objet d'une évaluation rationnelle et organisée. Chaque journaliste du desk procède à sa propre évaluation desdépêches qu'il reçoit.La fragilité des transmissions ralentie la transmission, par ailleurs elle conduit les journalistes à devenir un véritable expert techniquepour parvenir malgré tout à transmettre ses dépêches.

Journalistes de terrain, ils établissent un contact direct avec les sources.

Le journaliste en tant que témoin de l'événement se positionne en expert.Les journalistes produisent uniquement des dépêches ayant un événement pour point de départ.Les journalistes sont multilingues, ils rédigent les dépêches en plusieurs langues.Le téléphone portable et le satellite facilitent le travail du journaliste sur le terrain, mais ils le rendent joignable et « contrôlable » par sahiérarchie.Les agences régionales ainsi que les chaînes d'information en continu constituent de nouveaux concurrents.L'évaluation de la copie reste encore peu organisée.Les techniques de transmission s'étant considérablement améliorées, les journalistes doivent produire de plus en plus rapidement ungrand nombre de dépèches, ils doivent faire face à la couverture « en direct » des premières chaînes d'information en continu.Apparition de nouvelles sources (ONG, acteurs sociaux) que les journalistes doivent prendre en compte.Les journalistes sont en contact permanent avec leur hiérarchie.Les journalistes mènent simultanément à la rédaction de leurs dépêches, une veille de leurs concurrents, les conduisant à être partagésentre les imiter et s'en distinguer.Les journalistes sont sous la surveillance d'un nouveau dispositif: Alerte et Analyse qui veille à la correspondance entre les dépêches del'AFP et celles des autres agences, mais évaluent également leur performance commerciale.Les sources se sont multipliées et professionnalisées.Les journalistes procèdent à l'analyse et à la contextualisation des faits.Accélération du traitement de l'information, multiplication des dépêches urgentes.Les modalités d'accès se sont considérablement modifiés

Le développement du journalisme situationnel conduit au recours croissant aux experts.

245

Configuration A

Reconfiguration

Configuration B

L IDENTITE JOURNALISTIQUEIDEAL TYPE

Journalisme masculinFormation et culture générale,littéraire et politique

Mobilité des journalistes entreplusieurs médias

Journaliste indépendant du siège

MixitéFormationMobilité

Indépendance vis à vis du siège

Journalisme mixteFormation professionnelle ettechnique spécialiséeFidélité à l'agence motivéenotamment par la précarisation dela professionJournaliste sous surveillance

REALITE OBSERVEELes correspondants étrangers sont effectivement exclusivement de sexe masculin.Parmi les journalistes rencontrés, certains ont suivi une formation universitaire élevée et disposent ainsi d'une culture générale,littéraire et politique, mais d'autres journalistes n'ont pas nécessairement eu accès à une telle formation, certains d'entre euxobtiennent une intégration quasi automatique au sein de l'AFP due à leur activité au sein d'Havas.Certains journalistes font le choix de quitter l'AFP pour d'autres aventures professionnelles, le marché de l'emploiparticulièrement dynamique favorise cette mobilité. Pour autant, bon nombre de journalistes qui ont débuté à l'AFP, y font touteleur carrière. Certains journalistes qui ont quitté la maison AFP, y reviennent après quelques années passées dans un autre média.Les journalistes que nous avons rencontrés évoquent la grande autonomie dont ils disposent dans leur pratique quotidienne àl'étranger. Toutefois, quant à leur affectation à l'étranger, ils se plient au bon vouloir de la direction,Les journalistes conçoivent l'information comme un bien public et exercent une fonction de magister auprès de leurs lecteurs.Quelques femmes ont accès à des postes de correspondants à l'étranger.Nombre des journalistes ont mené des études universitaires dans le domaine des sciences sociales et des humanités.Les correspondants étrangers sont fidèles à l'AFP, mais la crise économique que traverse l'AFP au milieu des années quatre-vingtconduit certains à quitter l'agence contre leur volonté.Le développement des satellites rend le journaliste davantage dépendant du siège.Les journalistes développent une conception professionnelle politisée de leur métier.Seul 20% des journalistes expatriés de l'AFP sont des femmes.Les journalistes reçoivent effectivement une formation professionnelle et technique spécialisée dispensée par les écoles dejournalisme.Si la précarisation de la profession a une incidence sur la fidélité dont font preuve les journalistes à l'égard de l'AFP, lesjournalistes de la configuration B se caractérisent par la conception individualiste de leur métier. Face à de nouvelles opportunitésd'emploi, ils quitteront l'agence.Les journalistes font l'objet d'une double surveillance : celle du siège, via le service Alerte et Analyse, et celle du bureau régionaldont ils dépendent.Les journalistes développent une conception commerciale et individualiste de leur métier.

246

Configuration A

Reconfiguration

Configuration B

LA DEPECHE JOURNALISTIQUEIDEAL TYPE

Ecriture personnalisée et peunormaliséeRègne du factuel

Faible éventail des thématiques :l'information politique etgénérale sérieuse est privilégiéeFaible distinction entre lesdépêchesTaille des dépèches peunormaliséeEcritureLes dépêchesThématiques

Distinction entre les dépêchesTaille des dépêchesEcriture fortement normalisée

Faits et contexte associés dansune même dépêcheLarge éventail des thématiques :thématiques variées.Forte distinction entre lesdépêchesTaille limitée des dépêches

REALITE OBSERVEE

Le journaliste agit discursivement dans la dépêche.

Le factuel est le genre par excellence, il coïncide avec le journalisme événementiel caractéristique du journalisme de laconfiguration A.Un traitement prioritaire est réservé au fait politique dans les dépêches de l'agence.

L'hypothèse est confirmée. L'agence opère une distinction sommaire entre les dépêches : les journalistes distinguent les factuelset les features.La taille des dépêches connaît des variations importantes d'un journaliste à l'autre, pouvant atteindre douze feuillets pour certainsreportages.L'écriture devient un enjeu commercial, le style d'écriture se neutralise pour en faciliter l'adaptation par le client.Au factuel, s'ajoute un type de dépêche plus analytique.La crise des institutions que connaît la société conduit à une mise à distance de la chose politique et se traduit par un nouvel intérêtpour d'autres thématiques.Le nombre de dépêches hors factuels augmentent (passant de 3 en 1971 à 17 en 1982).L'informatisation de l'agence au cours des années soixante-dix contribue à la normalisation de la taille des dépêches.Le style anglo-saxon est adopté et l'écriture agencière est plus agressive. Par ailleurs, l'AFP opère une spécialisation linguistiquede ses journalistes. Enfin, contrairement à notre hypothèse de départ, la signature des dépêches s'accroît considérablement.Les factuels coïncident avec les dépêches d'analyse. L'accroissement des analyses coïncident avec le développement dujournalisme situationnel, caractéristique du journalisme de la configuration B.Développement de nouvelles thématiques : information sociétale (life style, information fonctionnelle), information divertissanteet Insolites.La couverture est fragmentée et donne lieu à une multiplication des formats de dépêches. (l'AFP comptabilise 42 types dedépêches hors factuels en 2004).L'explosion du volume des dépêches conduit l'agence à limiter la taille des dépêches.

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277

LISTE DES FIGURES ET ILLUSTRATIONS

Figure 1 : tableau descriptif de l'idéal-type de l'environnement médiatique

Figure 2 : tableau descriptif de l'idéal-type de l'Agence France Presse

Figure 3 : tableau descriptif de l'idéal-type des pratiques journalistiques

Figure 4 : tableau descriptif de l'idéal-type de la dépêche

Figure 5 : tableau descriptif de l'idéal-type de l'identité professionnelle journalistique

Figure 6 : tableau descriptif des profils de journalistes interrogés.

Figure 7 : tableau représentant les objectifs fixés par l'État dans le contrat d'objectifs et de

moyens 2003-2007 (en millions d'euros)

Figure 8 : dépêche AFP, Insolite : Charlie, l'un des perroquets de Winston Churchill, fête

cette année ses 104 ans et continue de maudire Adolf Hitler et les nazis, comme le lui avait

appris son maître. Londres, 19.01.04

Figure 9 : tableau représentant les différents types de dépêches définis par les manuels de

l'agencier.

Figure 10 : tableau de la couverture anticipée par l'AFP, du lancement de la navette spatiale

américaine le 7 juillet 2005.

Figure 11 : extrait de la dépêche AFP, « Phnom Penh est vide, le Cambodge se purifie, des

millions de khmers ont faire retour aux rizières », Jean Jacques Cazaux, 8 mai 1975.

Figure 12 : extrait de la dépêche AFP, « témoignage, Pékin », René Flipo, 13 septembre

1976.

Figure 13 : dépêche AFP en arabe, « Les frères musulmans en Egypte réclament l'annulation

de la Loi d'urgence », Le Caire, 27 mars 2005, 16h34.

Figure 14 : dépêche AFP en français, « Egypte : manifestation des Frères musulmans pour la

levée de l'état d'urgence », Le Caire, 27 mars 2005, 15h30.

Figure 15 : dépêche AFP, « Egypt-Islamist, RPT265 Egypt's Muslim Brotherhood holds pro-reform

rallies despites arrests», Le Caire, 27 mars 2005, 14h48.

278

Figure 16 : photographie de la rencontre entre un ministre français et le président égyptien

Hosni Moubarak, AFP, Le Caire, 2005.

Figure 17 : photographie de la salle de rédaction de l'AFP dans les années soixante-dix.

Figure 18 : tableau représentant les rapports entre les journalistes et les sources.

Figure 19 : photographie de la salle de rédaction du bureau de l'AFP au Caire, mars 2005.

279

ANNEXES

Annexes A - dépêches AFP

• 1.Dépêche d'Alger, Agence Française d'Information, 6-11 août 1943.

• 2.« Allocution du général de Gaulle », AFP, 4 juillet 1944

• 3.« Paris pendant le discours du général de Gaulle », AFP, 12 septembre 1944.

• 4.« Le dîner offert par le maréchal Staline au général de Gaulle », 11 décembre 1944.

• 5.Communiqué portant sur l'écoute AFP de l'Agence Chine Nouvelle, 8 mai 1948.

• 6.Flash décès de Staline, 6 mars 1953.

• 7.« Comment la nouvelle de la port de Staline fut diffusée par l'AFP », 6 mars 1953.

• 8.Flash et bulletin décès du Général de Gaulle, 10 novembre 1970

• 9.Flash, « Mao est mort », AFP, 9 septembre 1976

• 10. Témoignage, René Flipo, Pékin, 13 septembre 1976.

• II.«L'adieu à la Chine », Georges Biannic, 18 septembre 1976.

• 12. « Egypt's Muslim Brotherhood holds pro-reform rallies despite arrests », 27 mars

2005,14h48.

• 13. « L'opposition a franchi les lignes rouges et le pouvoir se durcit », papier retour,

Hassen Zenati, 31 mars 2005.

• 14. Dossier, Portrait, « Eileen, le roc, commandant de bord de Discovery », 8 juillet

2005.

• 15 Insolite : "Vous êtes bien réveillés », 16 juillet 2005, 04hl6.

• 16. Dépêche, La malédiction de Toutankhamon poursuit l'archéologue, 09 mars 2005

280

Annexes B - notes et rapports et documents internes.

• 1.Statut de l'Agence

• 2.Note Impact, Contrôle de la presse internationale, 29 mars 2005.

• 3 .Notes Nicosie-Le Caire, 29 mars 2005, 11 h 10.

• 4.Prévisions Sport, 19 juillet 2005.

• 5.Organigramme des filiales de l'AFP.

• 6. Manuel de l'Agencier, Récapitulatif des attributs, page 69, 2004.

• 7. Audit de l'AFP, automne 2003.

• 8. AFP, Rédaction en chef: notes rédactionnelles, Informations «people»,

12/01/2000, ASAP.

• 9. AFP, Rapport, « Les priorités rédactionnelles de l'agence », 2000.

• 10. AFP, Communiqué : du collectif Femmes de l'AFP, 22 août 2005.

• 11. Communiqué du syndicat SNJ- AFP - vendredi 9 juillet 2004 : « Franco-anglo :

Quelle "égalité des chances" ? ».

Annexes C - Outils de recherche

• 1 .Formulaire de consentement

• 2.Guide d'entretien

• 3.Énoncés à qualifier

281

1. Dépêche d'Alger, Agence Française d'Information, 6-11 août 1943

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^RESSiuNS VISITE GAULLF 5TOf ^'XL.TÇ VwYAGE DvN/VA

^SiON'TOUS HARgCalKS PrENPFiF F .TrLf^ENT CUN'SCIEMCE :

/ t U î L NATIONAL VIR6 CuHfhff jD^; CETTE HEURE: -SEftt FSEMIFfiE

iE FERrODE GLJhiFtyf ; Vi.ftt SI CiiACuN- VEUT MODELER SON EFFORT

i EXEMPLE GAULLE" ET TOUS CEUX •>.;! C^BATTEINT CU RESÎSTfKn*

.«P EN EFFET VfflG GÂUUS CACHA fïULJLDJÊNT iMPUFfTANCE TACTE

FFSTe AŒOHRtJH ET é>«CC-UPS Vf HXIGE TOUS FfiA?€AiS

TRAVAIL FT SACRIFIC f U?i';i;.CT^ 3Tvr EVOLUAIT UONSEULEVENT

TÏCiPAT-iON GUERRE SAUà AliTHCS L lH iT tS i ' E CELLES POUVANT

<R DF AFèîFHF^ MAIS ï.HCkM. FPOF^Û TENACE LABEUR DE

JVATIQN ^ Y S CFSTADI^F AU PRrj^i ! :- PLAN Bt i N M ^ î i â f ' V T " ' O 'V

F A2Œ PROPOS C U U ^ Ï C e f T i J A»JTyf%-|TE ET NOTABLES UNE

VILLES VISSTFS V-fRG 6&bU£ î f ô i î T M T SUR HAUTE CtW-

IWJ FRANÇAIS DulVOifT AVOÎH Dt ITT AT STOP DAUTREFART

> GUNFHENŒ P?€SSF VI RG S-L! -tClTl?D' EXPRIMER R J / N T V Ù E

EPURATION AiFCCAiSï Vî-fïC ^- -? ' .F PHOCLAF!Â!T AVEC RiRCE

£Ci CTAïT AFFAIRE T U T FT sNJf*F*fii 3JPSTI0N ELEVANT

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LE DOtff HECOiT Ain"Of?îTÇ STv? FOi^VUE MILITA IRE HT

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GAULLE PRENAIT COwT^CT .W'-C T".ajS «vFFÏCiELS E . C m ^ j r

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282

BHP^BSft2. « Allocution du général de Gaulle », AFP, 4 juillet 1944

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PA;1, LÀJ. À -SAUVE,-; LA LISEUTE DU MONDE»

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11 SACHEZ- QUE NUL PLUS- QU> LA FRANCC NE se RÉJOUIT

DE VOS SUCCÈS;, MOUS SOMMÉS DE VIEUX AMÎSC JAMAIS NOS DEUX

PAYS NE SE S.ONT COMBATTUS.

NOUS ETIONS 'AVEC VOUS DÈS LES COMMENCEMENTS. NOUS

AVONS VU NAITRE VOTRE FO-RCE.. NOUS L'AVONS VUE 8RANDJR.

QUAKB VOUS TTES VCNUS UNE PREMIERE FOIS. AU SECCUP.S DC LA

V I E I L L E EUROPE, MOUS VENONS DE LA VOIR SE DÉPLOYER SUR

-LES CHAMPS DE BATAILLE X TOUT JAMAIS MÉMORABLES J:E CETTE

GUERRE. TOUJOURS ET- CETTE F O I S ENCORE» NOUS» FRANÇAI?» ET

vous ,• AMERICA INS, AVONS SERVI LE MÊME iDEAL.

NOUS CÇUéSrtûNS DONC AVEC VOUS, COMME VOUS , L i •-.'O'JR

DE L* jNBEPEMbÂNCE, VOTRE TETE. Plli'l SS | OWS-NOUS LE OELEBRltt*

tMstMBLE LONGTEMPS» COMME AUJOURD'HUI-, DANS UN;: JUSTE •

G L C ( r : £ ACQUISE EN COMMUN,'

(A. F. P.)

284

3.« Paris pendant le discours du général de Gaulle », AFP, 12 septembre 1944.

- AGENCE TRANCMSE/GE -PRESSE : -

F R A N C E

\2 $£?.T£MBRr 1 9 4 4 « PAJÛE 1 ( 7

PARIS, FENDANT .LE DISCOURS DU 6EtyEft&L,J% .GAULLE.

PARtS, \2 3tT*T«MBKe - Aux PR lOKVfPfeUK C ARKErCHJRS ,SUR U S PRINCIPALES PLACCS DE PARIS, LA FOULC =S;ESTRASSEMBLÉE DE BONNE HEURE AUTOUR DES HMJT,§~ AKLOÎJRS QUIVONT DIFFUSER LA PAROLE J)U ÛHfcF JJU QQUVIERN -«ENT r iBGVI-iOJRt- O£ LA RÉBPUBLlQUt.

DAMS LE BRILLANT SOLEIL, O'IST UNE FCTED^NTEN-DRE AU GRAND JOUR LA V04X S! SOUVtNT CÇaJV-tRTC Pm LC3BROUILLAGES ALLfM/NDS OU VtCHY5£Q*S* LA OU I L ¥ A DEUXSEM INES RETENTISiAttîsiT LES COUPS D£ £ m .

Po-a LA PREMIER* POIS DEPUIS SON AKKS,VÉG ^UR L£5OL Ht LA PATRIE LIBÈRÊ.C, LE PRÉSIDENT nu OOUVERN MÏ.MT.PROVISOIRE I); LA SEFUBLiQUE, PARLE À. LA N.'TiuN FRANC'-'t SEPAR LA VOIX DES ONCES

DANS ce MOS£SÏG I N T É R I E U R , o i ^ TANT BE r o t s P E N -DANT L'OCCUPATION AL-L6MANOE , ON SC-RCUNS&AiT POWR ÉCOU-TER LA RADIO DE LONDRES^ EN METTANT LA ÏOÈJAiJTC feON A OUVERT TR-tS GRANfc L.CS ÉOOGTES t "«'lîST V ' ÎWtE ' " ("aANÔt QUJ VA-SCf A*at •£WT£MSŒL

16 HEURES î f i . F / I T BEAU, LE C i E L C & T 8-LSU, MAISON A rCKM'£ LES FENÊTRES AFIN nU1 AUOWti-mU-tT 13E X~A RU£NE COUiP.e L A VOIX m. .t1 ORATEUR a

E ^ ^ à mm MQU« /PiARTIENT AUX F . F . t ET SA SOEU1V» QU-AIORZE At^S. ONr*A pPEï C !E&T UNE VOt&lNEÎ -%IE N f A| PAS DE POSTE.,ALORSrS'è ••O'JS VOULEZ BIEN Mt HiKM-ETTRE D'ÉCO-UT-tR--G&M(vH: rOTRE-r o t . : , QUAND o^3 E N T E N D A I T LQNBRE.SU—...

- MAIS. BtEK VOLONTIERS***LE PÊRr" TOURNE LES BOUTDNS^ LA . U f i H W -5'Jx>LAi REJMAOtQUE BKtLLE D r UN ÉCLAT A«R3V * T Î M V V J O I X DUL * o e i L MAOtQUE BKtLLE D r UN ÉCLAT A«R3V * T Î M V V J O I X DU

SFiAKER SE FAIT EWTCNCR& :- VOUS ALLEZ ENT( NCRE--LE GENÉRAL.»£ G A « L L £ , PRÉ"

5 1DENT DU OOUVERNCMCNT PROV^OIRE'DC LA REPUBLIQUEFRANÇAISE., . , . •

ET U> VOIX BIEN O J M H U Ï RETEKTlT^ -NON PtiJS PAR CES-bUS l-f, M>.NCK6, M**S-D« TOUT F4JtES, -DU' Pj^U-4S.JÛt " H ^ I L L O T ,lies BORDS AlANrr&'SC-u SEIHE; .

DAl à L£ DECOR FAMtMSa* UN D-É5OR -MOD£ST£ IMc.lb 4iENFR ••;.'' i s 7 s ' ELÈVÎ; J./> VOÀK éwEReS'Que w ^ i ^ yo-is pf.N-:o-,\ •• L£S MEURES cSOÉBBCi,.^ VERSÉ tU"UD£J08-DC& tF: ANC' tS L't5-POP;-, EW LA aRANseua^ï1 X,A PÉRHftM3Ë-&£ -JK)Sfi£ P / ' « S .

IVM'SMrENART» a_E-GCIsi£KALÏ.^5T W * T 1/ • iwARSE JLU- 1 SELUI SUCCÈDE»

285

- &GEMCE TR.ftttCAlSE.TE PRESSE -

V K A M C E

12 ScPTiMBRe 1944 « P A E E ! 2 0 (117)

PARIS, PENSANT LE DISCOURS DU GENERAL-PE GAULLE...(DEUX)AUX ABORD J Ù T A L M S ~ " B E CHA* LiSjT

C'EST LE SILENCE, MAINTENANT., "MAIS UN SILENCE LOURDDE SENE,, DE SIGNIF ICATION» LE GÉNÉRAL

LES FRANÇAIS SAVENT POURQUOI/DE: GAULLE VIENT OEPARLER, • T CETTE VOIX QUI NE S 'TST J / W 1 S F A I T ENTÏNOREEN VAIN NrA PANS EN VA | H CONVIÉ LA N A J I Q N À "L1 ÉCOUTER UNEFOIS ENCORE ! LA FRANCE DOIT VIVRE , in |BAIT-ELLE NAGUERE,OR, NE VICNT-eLLE PAS CE SORTIR Xi£ SON SÉPULCRE ?

Le PALAIS JDC UHAILLOT OÙ RÉSONNE .DEPUIS ,PLUS D'UNEHEURi LA VOIX CH'UDE DO G ENÉRAL BE G^OLtE, «ST £N FETE. ETPOINT S.UlXMfNT LU. GRAiD THÉÂTRE/DE LA PLACE DU TROCADERO,SES AÔ.JUji»; --U* AVENUE KLEBER^ JLrAVf MIE-Otl PRÉSIDENT vi|LSONr

LE ' -CHAMPS D E • MARS» W . ' [S A U S M LE cotu« ME.HE DC LA C I T É ,SES VASTES ARTÈRES ,0U DES HAUTS 1-/' RLEUlRS -REPANDENT V PA-SOLc Vta.<«MTt yu'Hif-R CN3C3RE LES FRAW^tSt L 'ORilLLF Tt NJÛUEÀ Lf.URS RAHIOST, D I &TTWU3/-1 « HT SI MAL A TRAVCKS Lt BROUILLAGE*

UNE FcuLc «owBRfUse-, a ï s 14 HEURES* se T ^ M A I T SURLES FTOIpAISONS QUl^BORDENT LE VASTE ÎViFbCt, A 15 H 4 5 ,0U;".KO' DÉBOUCHANT DE U'AVCMUE DC To ; J O , 1 / VOITURE DU GENE-RAL DE GAULLE S'IMMOBILISE DEVANT LES PERSO N Ni Ll TES Vk FSEN-TZ% UW' LONfiUR OVATION SALUE L£ SAUVEUR DE LA P^T f lE . LESckis 2£ " V ive D E G A U L L I : " "V ive CA FRANGE" FL&fNi u t T O U -TES PARTS* LA MUSIQUE CES G A K D U M S DE LA P A I X j o u e . .U uiAK£.tiLLA|SE. LE QENÉR'lL-DE GAULLE -GAGNE ALO«S

LA GRANDE 8ALLC OU IL VA PKOMONCt* SON DISCOURS.iVAINTÏNANT» -LA FOULE. OBSEfiV£ UM -SILT^CE IWP«ES I ON-

NANTàUS COÊ.URS BATTENT A L'UNJS&OM DE LA MEME ARDt-UK PA-TRtO'JiQUE. LXS APPLAU»iaatMt^T6 QUI ÉCLATENT DANS LA SAL-LE Iwï'fsE SONT REFK&, D|PASSFS £N I NT£ M-S1 TÉ PAR LA FOULE,À L ' E X T É R I E U R . QUAND, A 16 P 4 5 , .Lt GÉNÉRAL ABORDE S/> P É -RORAISON, Sfc.N DCS YEUX SE .SONT- EMBUÉS .306 XARMES «

A J7 HEURES, LE GfWÉRAt DE G;>UU--E «SÛASNE 6A V O i -TURS, TANDIS QUET DANS UN tLAN CONTtWU A "SKANB PEt \E , LAFOULE LUI TÉMO|«Nt SA RfeCONNA ISà ft.NO£ £ T 4 O *

Sous.m TOUR. EIFEEI

LONQTCMPt AVANT .t-fHi"URr. D.C t.A" *E.T*A*iaM| SS ION O£ LACÉRÉMONIE, r ÙC PETITS GROUPES SE FORMENT AUTOUR IiH hAUTS-fARLEURS PLAGES, LES UNS, Lt LONG ;;» PI L4£«S DE LA ToURÈ!F r SL, DrAUTRÊS -, OANS CÇi D0SW£T3 DU CHAMP DE WKSiGP/23H55 G'.*F<P-.J ( À SUIVRE. . , )

286

F R A N C E :

12 SEPTEM3RE 1944 - **(1Ç 122

MDWT L£ DISCOURS DU GENERAL DE GAULLE. . . (TRO

DÈS :LES PREMIÈRES PAROLES, LA FOULE SE PRECIPITE.

\20)

UN INSTANT, PLUSIEURS MILL IERS D£ PERSONNES SONT RA&SOJHBUÉCS, SUR LE PONT D ' I É M A , SOUS U ÎOUR E - l r r E L » UANS LESJARDINS DU UHAMP DE iVARS ET 0 ANS L£S HUES AVO t£

LORSQUE L'HYMNE NATIONAL 8ETENT If, AMERtCA I N S ,GLAtS ET FRANÇAIS SE LÈVENT a 'UN Mtlv.fc ZLm ET RESTDEBOUT JUSQU'A LA F f N 0C L/ kEJRAHSMfS&IO». PENDANT CETEMPS, LA. CIRCULAT ION EST ARRÊTÉE ET LES SILENCES, ENTRECHAQUE PHRA&Z DES Û«*TEOWS, NE SONT THOUBLÉjS QUE PAR L£SBRUITS DES AViONS QUI FONT UM CARROUSEL AU-i)ESSUt DE UFOULE ET DU LÉG£ND/ iRE ASCENSEUR DE L^ TOUR, QUf S 'EST

S , E N M A K G H E B . •'

LE ÛFNEK/.L D E i-iAULLe PAKLE MA I N T I M A N T • UN S I L E N C ERELÎGtrUX &£ R»ÎTfTAND!S QUf RETCWISSCNT CES PARO-" Q EST AtôftS «U£ SCR/' REMPORTÉE LA QfsAWDE VIO-'DE Li, h<ANc£^;rl UN TDMNÊRKCI>'Ari-fcAUOisaeMCNrs M A R -

QUE LA FIN OUCfSCCURS. ET G 'EST L* ^iAfiSE|LL/.!SE êU'i TOUS,gPmCSfMSWT EN CHOEUR, ON2S DANS UNE MEWE COMMUNION !)Z

PtNSÉE ET D'ESPËSâNCC.• BLA,CC-Q,£ . -L 'OPÉRA

LES

Le COEUR X»C P.ARtS --Î LXS G«AWCSCÎNC ET.L'OP-ER/U k ^

EIVTREOÙ KKS H

UNE FOULE. iMMCNSE A ENVAHI U PLACELAONT ÉTÉET LrOW OONTCMPU:, SPtCTAcLE c.UC t ' O N N ' ' V M T P/'-S VUPOJS \959V P£ SUPERBES EMBARRAS DE VOITURES.

AU--Û'cSéUS DES BALCONS, : i£S DRAPEAUX '>LL|ÉS FLOTTENTLCS 0Gt-tr*aw CES NATIONS UNIES POUR.-LA L IBÉRATION : LAFR/NO£» tes E T / ' T S - U M I S , LA UR/,6UDe~*3R£T/\aM£, LAL/. roiXiOMS, LrU.R.S,,S*

ET LA VOIX DU S£I1£RSL DE GAULLE RETEINTJT^ LES SYL-. ._ . . * M/fiTCLEJVT . i r StLENCC, PU S S C ' « « T H L A i«Afi-

SCÎLLMSC" QUj LUI SUCCEDE:. LA FOULg £COUTtr TETE NUE #

L£Â

L/ lv.Ai»El.t|Wt_f C'EST SUR L*" COTÉ ÛRGfT DEQU'rST Dïr rUSÉr LA PAROI* DU P«é&loeNT OU GOUVrr>NCMENT

tSOêRt DE LA RCr w'EST (.£ »RfCi)£KLLEA«£NT-» ENTHOU-

eux f ( GP/23H57

287

FRANÇAISE DE PRESSE -

F-ft A N C SL12 SCPTCMflRE J944 - PAGE. 123(129.)

.PENDANT LE. DISCOURS DU G B E R M PC G / l l L L E , . - . . ( Q U A T R E )

i\ L'HÔTE! DE VILLE

LA PLACE D r. L'HÔTEL DE VILLE EST MOJAC. DE M^NDE.LES LABOR) ruses POPULATIONS DE ee QUARTIER COMMERCIALSONT VENUES EN rOULE ACCOMPAGNEES POUft LA PLUPART DEUt.LKS EKF'ANTS DONT LA PRÉSENCE SOUS \X CIEL MAGNIFIQUE,DONNE À L'e.NCFCNN€PL/>GE DE GRÈVE UNC PHYS.IONDMIE DO-

SIX HAUTS-PARLEURS. SONT F IX tS SUM L t i . RÉVCitBCK£3 »UN PEU AVANT 16 HÊURtS LA-VOtX EHJ SPEAICEU S£ FAIT EN-TENDRE- ÉLLt EST COUVERTE BRUSQUEMENT WK i £ 5 LONGUESOVATIONS QUI SALUENT AU FALA | S E€ G H A I L I Î O T , L ' A ^ I V Ê ECU G ENÉRA1 D ï ÛA i l lX t * UNE "tv^RSÏfLLA 1SET! ÉCOUTÉE TcTENUt PA« L 'ASS. | .STANCE' , . S€ FA l T • EWSUI TE ENTENDRE . CHACUNOBSERVE U*l-RE&PCCTWEUX.JSJLCN0E< CEPÊNDAMT QUE s'ÊLtVENTLES ACCENTS DE NOTRE HYMNE NATIONAL,»

L A VCIX DEPUIS LONGTEMPS POPULAIRE -DU CHEF DU GOU-VE^NVMFNT PROVISOIRE RETtNTlT ENFIN DOW't NANT LA MULTI -TUDE* '.NRTINCnV M€NT L FO'JLC TOUT À L'ueURE DtàPFKBÉESC SCKHE AUTOUh DtS HAOTS-PAftLCURS AFIN DE Kï PAS PER~D.x£ UN MOT VCA P / m û l K DU PRES4 DÎ.NT DU -tiOUVESN-;ME NTPiîOVISOlKE*

De LA REPU5-L.|QU.E À LA B A S T I L L E

LE DISCOURS DU G QNERViL -»E -ÛJjJLLt r ATTIRÉ DE TftksNCMUKLUX AUtJTeUaû CUTOUR- DES DIFFUSEURS -INSTALLÉS PL.ACEDt t.A RÉPUBLIQUE ET PLACE DE LA ÛAST |.U.C.

L..ES ChtELOTS Pï.OFITSNT DE U CtSCONSTANCE CT PRO-POSENT LA PHOTO DU S éUÉBALEHÈ Grl iLbt ET D£S INSIGNES^ / T k l O t l -UES QUI, BfMTOT FLEIMISSENT .TOUTCS LES dOU-TONNSÈRES.

Dfes QUE LEi. PRCMKiW QRÉSI LvEMENTS Sf FONT fNTCHDRE.LE SILENCE S rÉTA8i.»T* DES BOUTIQUES, DV TOUTES LES HUESJAILLISSENT LES ÉCHOS DES, POSTES D£ RAD!O. a

D;vNS LE SlL iNCEf LA VO <X BU -GÉNÉRAI. «EfENT IT/CHAQUEP.*SSA«i£ EMCaVAKTClïE-S aHAVOS CRÉPITENT ACCOMPAGNANT CEUXDES AU3S'-'ftff:5 DU fV.i-AfcS -BE UHA.tl.LOT •

LA PLACE DC U. ÔAS-TH-I-E OU BAT Lt COEVR OU PAf.i&vPc-PULALR£. .CCOUTC U V O I X - D Ê CCLUj Wf

GP 23FIN JX NOTRE SERVICE DU 12 $F.?TEy,BËË 1944.

288

4.« Le dîner offert par le maréchal Staline au général de Gaulle », 11 décembre 1944.

RA^gjjftfcSSE AGENCE FRANCE-PRESSE AGENCE FRAKjCE-piESSE AGEN

C i K -, niI [ DÉ CE K, 3 R F. 19 ;

3 rLGO

LE DINER OFFERT ?~ÏR II ...AFfc i-iAL dfAL1N£ AU GiTCftÀJE GAULLE

A»' f.OSCOU, 9 DÉCEMÔRE

DEPÊCHE RETARDÉS. tN TRANSMISSION

( DE L 'ENVOYÉ S P É C I A L DE L ' r . F - P » GERAUD JOUVE:)

S A ^ E O ) S O I R À 2u H . 3 0 / LA v cl TU RE J U GÉNÉRAL

SE GAUU-E FRANCHISSAIT LA PORTE B O R O V I T S K I QUI DttMrlEA C C E S AU KREWLJN*

LE PRÉSIDENT JU ao*VEïsN£'ENf PR.OVJSOI.RE otLA RcPUBLIQUE ET S A SUITE (.RAVISSENT LA feMPE elT S A R R t î ED E V A N T LS: ' ' P A L A I S I T A L I E N " C O N S T R U I T P A R Ï , ' I C O L A S I ; : R :r-TQUI ^ t R T AUJOURD'HUI •/.: Ll EU DE -P-ÉUMlOf) AU SoV I ETS U P R I L H Ê »

LE GÉNÉRAL DE GAULLE» APRÈS S'ÊTRE: DÉBARASSÉDE SON MÀNÏEAU, MONTE L ' E S C A L I E R D E HARBRE HONUIÙENTALTENDU D 'UN TAP|,S ROUGE ET A U SOMMET DU^U.EL »E DÉTACHEUNE TOILE REPRÉSENTANT U* BATAILLE D ' I k T Y C H - DES :

O F F I C I E R S DC LA OAR2E i>U KRÊrîLlM tN GRAND UNI FORME t

FONT LA HAf E* ^MPRÈS AVOl R TF-AV£f<SÉ LA S A L L E DES S EANCEÎS3U Savi /T SUPRÊME TOUTE' LAMBRISSÉE DE NOYER DU JAUÇASEVLE GÉNÉRAL DE JAJULLE PASSE PAR LA SALLE J A T H E R I N Ë OÙDOIT HTTRE SEi.Vl UN ^ÎNER D'UNE SOIXANTAINE D ï COUVERTSET St. <XZU0 .y DANS UN SALON ATTENANT OU 1 L E STREÇU PAR L3&:COUIM! SSAI P S DU PEUPLE BERlA y Ml'KOYANyKAGANOVI ToH , LE MARECHAL \/T9R0CH I L9V Ct DE IMOMBr.ïUSESAUTRES PERSONNALITÉS»

Q.ES P R É S E N T A T I O N S S ONT A P El ?:E AOH ZVEESQ U E L L E MARÉCHAL S T A L I N E , ACCOMPA«Nî D E -i• ' . . OLOT«V. ,F A I T SON E N T R É E - I I . PORTE UN UNî FORME B E I G E AVEC UNPAHTALON X B A M J Î E S ROUGES ET BOTTES M O L L E S - COMME UNI QUE.D ECO Ftft»T I ON r I L A ÉPINGLE. CELLE DES HÉROS DU T R A V A I LS O C l A U S T E *

Q U E L Q U E S ;.i M S T A M T s P L U S TAfp» I L CONV.UI S A I TL E G E N É R A J , DE: G A U L L E A LA T A B L E D R E S S É E D A N S LA P I K EV O I S I N E OÙ CHACUU P H J T P L A C E » L A ' S A L L E - Ï A T H L I O N E OUE S T D O N N É L E D Î N E R E S T D É C O R É E pi T E N T U R Z S D E S O I EBLWOHE TENDUES LNT RE D ' 1 !«'• Ï.NSCS PILASTRES DE PORPHYREVERT ET D £ LUSTRES i) ' UN ÉBLOUI S SAUT CfUSTtVLDE ROCHE*

A SU1

iMTFnniTC cn i i r

289

II II.E-PRES&E AGENCE fRAh^PJREjSE^ENCE>RANCE-PRESSE A * 5 E N C T F 5

E T R A N G E R M* 17 (15)_ — | ] DÉCEMBRE !944

4 H

LE D.I-ÎJER-OFFERT PAR LE MARECHAL STALINE AU GENERAL

DES LES PREMIERS Z A K O U S M S , SOMPTUEUSEMENT SERVES XLA RUSSE, ivî. MOLOTOV SE LÈVE POUR POSTER.UN TOAST AU ÛÉNÉ-•AL DE. GAULLE. LE CHEF DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA

REPUBLIQUE FRANÇAISE PORTE X SON TOUR UN TOAST AU WIABE-OHAL. S T A L I N E ET À L ' AU I T I É }•'•>. ANC3-SÛV1 ET JQUE, SUCCESSIVE-MENT, M , MOLOTOV BOIT À M . BIDAULT ET OE DERNIER AUMARECHAL S T A L I N E . FOI. Î-.'SOLOTOV PO?TE ENCORE UN TOAST TRESCORDIAL X NOTRE REPRÉSENTANT IV* G A1"* EAU QUI REPOND ENSALUANT LE MFTPECHAL S T A L I N E ET M , MÙLOTOV, CE DERNIER LÈVESON VE-RE X LA SANTÉ DE • L 1 AMBASSADEUR AMÉRICAIN A.VERILLHARRIMAN ET DU CHARGE D ' A F F A I R E BRITANNIQUE BALFQUR,P U I S , EN FRANÇAIS , I L CÉLÈBRE LA RESURRECTION DE LAFRANCE : "PHÉNIX RENAISSANT DE SES OEN-DRES ! ' .J

I L EST D ' A I L L E U R S À NOTER QURAU COURS DU PF.PASF

UN SEUL DES CONVIVES EMPLOIERA UNE AUTRE LANGUE QUE LEP J S S E ou LE FRANÇAIS. CE SERA L'AMBASSADEUR HARRIMAN QUIPORTERA SES.TOASTS EN ANGLAIS, POUR LES ENTENDRE ENSUITEgTnr TRADUITS EN RUSSE ET EN FRANÇAIS.

[VIENT LE TOUR DU GÉNÉRAL JulN^AUQUEL M. N'tOLOTOV RENBHOmMAGE, L E GÉNÉRAL RÉPOND EN 3UV ANT X LA FRATERNITÉ DESARMEES FRANÇAISE ET RUSSE.

LE MARÉCHAL S T A L I N E APPELLE ALOPS L E ^ É N É P A L D'ARMÉE•VITONOV, SOUS CHEF DU GRAND ET AT-MAJOR S O V I E T I Q U E . F A J —S ANT ENSEMBLE L E TOUR COMPLET DE LA .SALLE, JLS VIENNENTCHOQUE^ LEURS VERRES CONTRE CELUI DU GÉNÉRAL JUI-I»»

SUIVENT ENSUITE DIVERS TOASTS; DU MARÉCHAL S T A L I N EET DE i.., iviûLOTOV, AUX CHEFS DES NAT jbfJS UNIES.

LE REPAS, MAGNIFIQUEMENT ORDONNÉ,.SE POURSUIT QUEL-QUE TEMPS, PUIS LE MARÉCHAL S T A L I N E SE LEVÉ ET DURANT PLUSDE D!X MINUTES , PORTE ENCORE DIVERS TOASTS. I L TERMINEEN SALUANT LE GPAN'D WAREOH AL D ' ART ILi-ERl E VORO MOV "iit'lr 'uUFFA, D J T - I L , LES ALLEMANDS SOUS LE FEU DE SES OANONS 'aLE 1V''A»ECHAL S T A L I N E REND AUSSI UN PA-TicuLles HOMMAGE AUMARÉCHAL DE L ' A I R tovîKov, " L ' AVLÀT |ON,^ D | T - I L , REPRÉSENTELA DEUXIEME. FOROE DE CHOC DE NOTRE ARMÉE11»>.L«G CA.F.P-) X SUIVRE.,.

'TE. SAUF ACCOFIO * UTILISATION INTEROITE SAUF ACCORD * UTILISATION INTERDITE SAUF ACCORD * UTILISATION I

P A R I S J P A R I S - - ! 3 . P L A C E D E L A R O H R S F _ P A P K S P A D I C ,•> ™ « r - r ^ r , » „ « „ « ,

290

t £ FRANCS-PRESSE AGENCE FRANCE-PRESSE AGENCE H

T R A M S [ R M* 18(17)I I DEOEMBrE 1944

4 H 25". 1 1 ^ QFFtTT PAR LJ

Le MARÉCHAL 30 I T ENCO°É X LA S A N I É DU Lf EUOT,£Ï\IANT

GENOML lAKOVLEVr LE CE.LÈaP.Ë GOrlSTSUCTEU-, ïÇ

I Én» COMME LE PP.ÉGlSS LE ÎV lV^OHALj PEM--LE'JSS V I CTOI ->ES

LE GEIMEPAL DE GAULLE SE LÈIVf ALO^S AVEC LE MA-RÉCHAL STt .LI f iE i-'OUP SALUËP LE CO!IST ''UCT EU H I A K O V L E V »0'EGT X G.E ;>K3MENT QUE SE DECOULE UNE- ScfeWË DES ^LUSP.EMA^UAiLES : LE MARECHAL STALI.JE PO "TE LA SA'IVÉ DULIEUTENANT COLONEL POUYADE, 00 »« A NID «NT L ' ESOADT i L L E

" H " Éir. ET DÉCLARE

!tÀ L'APM'ÈPE, MOT»Ë COMMANDEMENT FAIT LE PLUS

GRAND ELOGE UE VOS HOMMES, MAIS AU FROTJT QÙ OM EST•iU'AiJOO-'a? P-L'JS...'î,ÉVÈ''E> ON N 'EST PAS. MU IMS ÇLOGlEUX POURLES MEM3RES DE VOTRE ESCADRILLE , ÛELLË-C I NE FOPMF.ACTUELLEMENT QU'TJH RÉGIMENT, MA 1 Ï J E BOI .= AUJOURD'HUI

À L A Q 1 V I S 1 0 . ' "I-IOPMA^BIE11 ET X SON QHEF» LE COLONELFOUYADE". LE IVA:-;E.CHAL MARCHE ALO^S VE^.S CE DEP:J :E^ ETTOUS S)'EUX., O^OISANT LEJ-.S 3 ' - :AS X LÀ "MODE t 'USSE,BOIVENT Ei'-! SEMBLE*

LE L IEUTENANT COLONEL POOYADE PE'PON" C ' E S T GFAOE X L ' A X É E FOUGE QUE L ' E S

E" PEUT SE TPCUVE' AUJOU'VD'HÇ.U EII 'A

ALLEMAND,1

•10 El'! ASSURANTOADS'LLE

EN TEF1? STOIfîE

V I E N T ENGO?C UM TOAST PE: IVI. IVIO-L©TOV AUX G?ANT)ESPUISSANCES-, X L A FRANCE» X LA••G" IÀNDE--B~E'I'AGNE, AUXU V S J A . , X L ' U . ^ V S . S . , , - A LA ViCTOlPE OOwWUNÊ ET X LAPUINE DE L'.V-LEwiAaNE.. Pu I S LE f.'iASEÔH AL STÀL i HE CELEBRELE RQUÉ JOUÉ PAR LES TA'JKS DA>iS OETTE GUE^."E ET 30ITX i_A SANTE DU G.-ÎM.-I-D MARECHAL 3ES TRQUPES 3Lhl3ÉES

AYANT A I H S I SUC0ESSIVEMFJ4T C E l É B R É L ' A RL ' A V I A T I O M ET LES T A N K S , LE MARÉCHAL REtO HOi'..iiAQM I N I S T R E BES OQMWJNIOATJONS LAZARE'KAG^NOV '.VOH ,

X

I L L E R I E ,QE AU

^ 1IGP f\C®

A QUI» - D l T - l L y llES A«Î'M.ES A°PlVENT X TEMPS AU F'-'OiMT11, ETX DIVERS MEMBRES DU COMITÉ U E LA DÉFENSE : AU M I ' TDE L'ARMEMENT VAMI-K0FY AU MTNIST^E DES MUNIT IONSVAIOUSOHTOHEF, & I F I N I I PO^TE UN TSAST PAELTICULÎ

AMiCAL X L ' A ^ I P A L DE L-A FLOT TE ' KOUZETS'OVJ

IAL.G . ( A » F « F « ) X STJTVRE,.' .

:IOITE SAUF accORÛ * UTILISATION IWTèRDITE SAUF àCCORD * Uïli-ISATIOM lOTEPiDITÊ SAUF ttCCOBO UTILISA

31 LA BOURSE — PARIS I PARIS — 13. PLACE DE LA BOURSE - PARIS I PARIS - - 13. I

291

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FRANCE-PRESSE AGENCE FRANCE-PRESSE AGENCE FR

E T R A N G E R M PÉCEMOTE 19444 H 43

O E T T E t O M G U E S É R I E D E T O A S T S SE T E R M I N E SUS UNHOMMAGE RENDU AU G É N É R A L 3&E G A U L L E PAR h . ! v . uU ;TOV r.S O U H A I T E " Q U E l_ ' AM I T I É F«* ANCO—fiOV I ET I QUE S O I T F O f i T EET S O L I D E DANS. L r I N T É R Ê T DES DEUX P E U P L E S ET P O U " ?JS. ER L ' ENME'.w\ J COMMUN " -,

ON SO^T DF; T A B L E POU*? REPASSER AU SALÛM D EROCOCO OÙ L E CAFÉ EST SEP V I PAR P E T I T E S T A B L E S ,LE MARECHAL. S T A L I N E CONDUIT SES HÔTES DA-JS L ADE OLNÉMA P R I V É E DU KREMLIN OU SERA MONTRÉ UNTANT DE 1933 : "SI DEMAIN O ' ±t A i TCE F I L M , TKtè:s RÉALISTE». MONTRE LEGUE"*RE D'AGRESSION DÉCLENCHÉE CONTRE L ; U » R x ^TERMINANT PAS LA DESTRUCTION DE L f A«RES5EU :

LA GUE" <ï E «•iîÉSOUL.EME.T

-STYLEPU I S

SALLEF I L M Dfr-

ET S E

A M I N U I T , LE GENERAL DE GAULLE Q U I T T E LA SALLEACCOMPAGNÉ DE M* B IDAULT ET JOE SES C O L U B O I A Ï E ' J R S I MM É~Dl ATS, DEPENDANT OU ' UNE COMÉDIE M U S I C A L " X ' C O f D E AU F I L M .PENDANT LE LO •••IG ENTRACTE, LE MARÉCHAL S T A L I N E S - 'ENTRE-T I E N T Tnès CORDIALEMENT AVEC LE L I EUT EHAN T COLO.'-JELP O U Y A D E , | L L U I DEMANDE DES P R é c l E Î O N S SUR L 'E.M-'LO iT I Q U E DE L ' A V J A T I O N ET F A I T PREUVE EN L A M AT i Ê "> E D ENAlSSANOES SURPRENANTES*

T A C -COM-

L E S F R A N Ç A I S NON RITT e.vu-s PAR L E S POURPARLERS D I P L O -M A T I Q U E S FONT CERCLE AUTOU'1 DU MARÉCHAL QUI S r ENT H ET | ENT•AVEO EUX SUS UN TON FAMILIER ET AVEC LA NUA'JOEQUI LUI EST PROPRE.

SE AP?'.!OCHA N T VI i M A PO R £ ! L L E « L E M A ~< tCH ALS LEUR ANNONCE QUEFRAN'JO-SOVi ET IQUEPLAIS A NT E AL LUS ! ON

'ASS1STANOEO.\! A S S I S T E

_E V I S AG E

AUXAÀ

A 2 H 30 ENVIRON, \" . !\J.OLOTOVOH AL L U I G L I S S E QUELQUES >v1OTS A L 'SE TOURNANT ALORS VERS LES pRANÇAlLEVA £TRË SIGNÉE. Puis, FAISANT UNETRAVAUX A«DUS DES DIPLOMATES^ I L CO?IV 1 E L

PEPP.EMDRE PLACE DANS LA SALLE DE O[NÉMA,UN DESSIN ANIMÉ AU COUR? DUQUEL APPARAITD'HITLER ET OÙ LES RÉGIMES FASCISTES FONT L'OBJET D'UNEAMUSANTE SATIRE.

L 'ARRIVÉE DU GÉNÉRAL DE GAULLE À MOSCOU SE D É R O U . L EENSUITE SUR L ' ECRAN ET LA REPRÉSENTATION SE TERMINE PARUN FJLM OÙ L ' O N PEUT VOIR LES TROUPES RUSSES ENTRANTX BUCAREST ET X S O F I A . E N F I N , X 4 H BU M A T I N , W. [VOLOTOVV I E N T A V E R T I R L E fv 'ARÉOHAL QUE L E T E X T E DE L 'ACCORD ESTPRÊT ET T O U S DE'J>£ Q U I T T E N T L A S A L L E APRES A V O I R P R I SOONOÉ DE LEURS HOTES» (k>\-»P^)hi>. I l'y.

292

5. Communiqué portant sur l'écoute AFP de l'Agence Chine Nouvelle, 8 mai 1948.

1 1 2 '• ' B'•'-..,.. 3 2 ~

COMMUNIQUE V IETMINH

PAR I S . 8 MAI ( A F P ) .

L'AGENCE CH!NE NOUVELLE, CAPTEE A PARIS, DANS SON EMISSIONEN ..ANGLAIS, DIFFUSE LE -COMMUN I QUE SU IVANT DE L'AGENCE D'INFORMATIONDU VIETMJ.NH:

' . "LA-PRISE DE DIEN BIEN PHU A ETE. ANNONCEE PAR UN PORTE-PAROLE DU HAUT -COMMANDEMENT DE L'ArRMEE POPULA I RE V I ETNÂMI ENNEA 8 "HEURES DU MATIN.

" D A ' N S LA NUIT DU 6 MAI LES FORCES. POPULA 1RES.. VIETNAM IENNESONT DECLENCHE UNE OFFENSIVE GENERALE CONTRE LE REDUIT. FORT IF IE •FRANÇAIS DE DIEN BIEN PHU, APRES UNE NUIT ET UNE JOURNEE DE COM-BATS, LES TROUPES DE L'ARMEE POPULAIRE-VIETNAMIENNE ONT TOTALEMENTMIS HORS DE COMBAT (COMPLETLY PUT OUT OF ACTION) LES FORCESFRANÇAISES CHARGEES DE LA DEFE-NSE DU SECTEUR DE COMMANDEMENT DEMÙONGTHAN A. 17 HEURES, LE " 7 MA I A 22 HEURES, LE MEME JOUR,LES FORCES. DE L'ARMEE POPULA IRE VIETNAMIENNE ONT COMPLETEMENTANNIHILE (KWOCKED OUT) LES TROUPES FRANC.IASES DANS LE SECTEURSUD A HONGCUM..

" L E S PERTES-SUBIES. PAR LES TROUPES FRANÇAISES DEPUISLE DÉBUT DE L 'OFFENSIVE DE L'ARMEE POPULAIRE CONTRE DIEN BIENPBBCLENCHEE IL Y A PRES DE DEUX MOIS, S'ELEVENT A 17 B A T A I L -LONS D'-1NFÀNTER ! E- DONT ,7 BATA I LLOfsiS DE PARA.CHUT ISTES., 3 BATA Î L - 'iONSr D 'ART ILLERIE ET PLUSIEURS UNITES DU GENIE (SAPEURS). AUCOURS DE LA MEME PERIODE," LA DCA DE L'ARMEE ROPULAIRE VIETNA-MIENNE". A ABATTU OU DETRUI-'T.ÀU -SOL, AU TOTAL, 51 AVIONS FRANÇAIS '* : ,•AFP(A .D) . 1 8 H 4 0 . .

293

6. Flash décès de Staline, 6 mars 1953.

G- _J x<2 à . 1 1

en.

fi 2.

dio CG ïvpSCDU annonce STALES ISCEIiA,

radio de UOSOOU

b euro l o c a l c> (

ST^LBE

on..

294

7. « Comment la nouvelle de la mort de Staline fut diffusée par l'AFP », 6 mars 1953.

g B A M 0 E58. 6 mais

20 H*4O

LA. N0UV3C1B D E M . M3BT 333 STAIiIMEDIFFUSEE PAB

d) PARIS 6 IÎEÏS (li.P.P.)

Pour répondre aux questions qui noussont posées par divers a bonnes en. Fratice et à 1*étranger, voici l e s ' oonditions dans lesquelles

'&.• ]?«P» a 4iffusé t la première dQ toutes lûs^s jno ndial o Sj l a nouvelle do la mort de

1° TJno pormanencQ do ^spéoialiatea dG la-langue ÏUSSQ a t dos questionssoviétiques, é ta i t assurée sans interruption à l 'éooute dos émissions radiophoriiques do MOSCOUet à. .la survoillartco des émissions do l'Agoncd O .SSen "hall* ot on morse.

avait été préparée2° "Une "bande par^foréo /oontonant l e

flasli in i t i a l -"Staline est mortrt) en nombres 'd'exem

plaires suffisant pour desservir nos ,abonn-.es.du monde entier, journaux et agenoes.

3° Auprès des t ro is écouteurs aurusse, se tenaient on permanence doux x-édactaurschargés de transmettra immédiatement lo signal'aux différents postes de transmission.

4° C 'es t a i n s i quo moins dQ 5après que la rcldio 40 Mosoou oût annoncé ^dans l ecommuniqué d ic té pour l a pressa des Républiques.Soviét iques l o t p x t e du communiqué" annonçant 1 Gdécès do STJVDBIE, l e flas^L é t a i t lâché o tdistribué»

5° Gr-ûco à des appels téléphoniquesoonstamment ronouvolésr" IQ corr espondant de l'A.î1. p.à MOSCOU put nous- -fournir, rapidement dos infor-mations personnelles. Mais l a Radio l ' ava i t battusur la nouvGllo è

295

8. Flash et bulletin décès du Général de Gaulle, 10 novembre 1970

AFP-O 53

& J U - E T | H DECSS DE GAULLE . . . U t !

œLOMBEY LES DEUX EGLISES 10 HCVES:::\IE (AJFP)LE GENERAL DE GAULLE EST 1Î0RT L i M O I SOIR », SOM D O M t C l L E

A V) HEURC3 3 a .

ÎULL ÏT i : , DE OA.ULLE -si « -,j

C»L0:";3EY LES DEUX EGLISEI1 'J'UilE CH13E C.'."

296

: - s. j . .. • <. *

9. Flash, « Mao est mort », AFP, 9 septembre 1976

r**f • A o i i- PL, r\ O ri 5~i"xir£j "2xwT_rc^j L-M V

HONG KONG'-MAO EST MORT (OFFICIEL)

AFF . CR 10«05 ++++

. . . /FP AFP-085

H O N G K D M G - -. '•'MAO EST MORT

10.09' ++++

1FP-Ô85 ,•*. FLASH — s

HONG' KONG -MAO. EST HORT (OFFrClEL).£K^r ï^ :^

AFP . ' -V 1CUQ9

297

10. Témoignage, René Flipo, Pékin, 13 septembre 1976.

M\0

-•'•.'.,••:••:::•:. T E M O Ï G N A G E " M f H R M J

[ P E K I N , 13 SEPTEMBRE (AFP) (PAR RENE FLIPO) I h ' ^ .'

J ' A i VU LA DEPOUl.LLE MORTELLE DEMAO TSETOUNG ET, -COMME BEAUCOIPDE CHINOIS AUTOUR DE MOI , J ' A i EU BEAUCOUP DE MAL A RETENU? MES -LARMES-, D'AUTRES QUI S'ETAIENT DOMINES JUSQUE LA. ONT SOUDAINEMENTETE BRlSËS-PAR LA DOULEUR DEVANT LE CATAFALQUE. SUR LEQUEL REPOSE,DANS UN BAIN DE.LUMIERE JAUNE DIFFUSE,' LE CORPS DE MAO ÎSETOUNG, .

JE ME SU lS -JO lNT AVEC MON EPOUSE ET LE PERSONNEL DE NOTRE BUREWA PEKIN A UNE_F|LE,DE CENTAINES DE PERSONNES GRAVI SSANT-A PAS LENTSBQUARANTE MARCHES-DE GRAN IT BLEU MENANT A-L'IMPOSANTE ENTREE DU-CONGRES NATIONAL POPULAIRE (ASSEMBLEE CHINOISE) SUR LA PLACE TIENAN MEN, ' • . • ' . , ' . . . . . . . . . . .._

. LA JOURNEE DE LUNDI A ETE CELLE OU LES ETRANGERS RESIDANT OURE TROUVANT-.A PEK IN . ONT.. ETE AUROTlSES A RENDRE UN DERNIER-HOMMAGEAU PRESIDENT MAO EN ALLANT S' INCLINER SUR SA DEPOUILLE.

...AU CENTRE DE LA .FAÇADE DU CONGRES,.. UN PORTRAlT-EN. COULEUR DUPRESIDENT MAO, BORDE DE CREPE NOIR,-EST LEGEREMENT INCLINE-VERS LES. l«LL l£RS DE PERSONNES QUI S'AVANCENT'ETE-BASSE. LE Ct EL. EST GRIS-BLE!EN. CETTE FIN-' DE JOURNEE.DE SEPTEMBRE, DU MEME GRIS QUE.LE GRANIT •DES BATIMENT. - - , - > • - . . •

- CHACUN PORTE UN BRASSARD NOIR AU BRAS ET UN CHRYSANTHEME DEPAPIER BLANC AU REVERS DE LA-VESTE. SUR PLUSIEURS TABLES DI SPO SES-JANS LE-HALL -D'ENTREE, DES..LIVRES DE CONDOLEANCES AUX-BO.RDURES-NOI RESONT MAINTENUS OUVERTS PAR DE" LOURDES-REGLES DE CUIVRÉ, AU HAUT DELA PORTE QUI MENE A LA CHAPELLE ARDENTE, UN SEUL SLOGAN BLANC SURFOND-NOIR DECLARE EN.GRANDS IDEOGRAMMES, .s "RESTONS FIDELES AUXDERNIERES VOLONTES DU PRESIDENT MAO TSETOUNG"POUR MENER JUSQU'AUBOUT LA CAUSE DE LA REVOLUTION PROLETAR.I E.NNE' ' . 'SUIVRA AFP/JLD ' . 1 & . 3 1 ++++ . . . .

298

-TEMOIGNAGE . . . . J, (DEUX) / V <

,U FOND" DE LA SAULE, UN AUTRE SLOGAN I N D Ï Q U E S "HONORONS AVECULEUR EXTREME L A. MEMO IfiË-DU PRESIDENT .' - • ":

.ETOUNG ..NOTRE. GRAND DIRIGEANT ET NOTRE GRAND EDUCATEUR''.JE SLOGAN,-UN PORTRAIT NOlR ET BLANC DU PRESIDENT,- DOMINE-. .iND CERCUEIL DE VERRE DANS LEQUEl REPOSE LA DEPOUILLE MORTELLE..E CORPS-.. REVETU D'UNE VAREUSE GR I S*=-BLEU, - E-ST -RETOUVESTA LA-POITRINE D'UN DRAPEAU DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS FRAPPEFAUCILLE. ET DU MARTEAU OR SUR FOND ROUGE. DES SOLDATS EN ARME

IT-UNE. GARDE D'HONNEUR DE PART ET D'AUTRE DU CATAFALQE TENDUIRAP BLANC. _.. ... •.' . . •Olp-RES-DES PERSONNALITES ET DES REPRESENTANTS DES MASSES QUI-.AIENT PRES DU CORPS POUR ASSURER UNE VEILLEE PERMANENTE, DES -NES DE-CHINOIS ET D'ETRANGERS QUI PAR GROUPES DE DIX DÉFILENTJESSE,-S' INCLINENT PROFONDEMENT DEVANT LE CERVUEIL. . •',-..V L'ENTREE, QUELQUES D lR I GEANTS ACCUEILLENT EN LEUR SERRANT LALES-CHÎNO1S ET-LES ETRANGERS. LUND I SO ! R, - L E MARECHAL +1SU

S- CHIEN. VICE-PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE NATIONALE POP-ULAIRÊ ETAO KUAN HUA, MINISTRE DES AFFAIRES.ETRANGERES, SE TROUVAIENTEUX. . ' -

1'APPROCHANT DU CATAFALQUE, DU MEME-PAS LENT QUE CELUI "DESS J'ENTENDAIS DE PLUS EN PLUS NETTEMENT, AU DESSUS.-D'UNE MARQ3

SE DIFFUSEE EN PERM ANEHCE. PAR HAUT-PARLEURS. LE-BRUIT DES -)TS ETPAHFOTS DE VER 1 TABLES'HURLEMENTS. CEUX-CI COUVRAIENT)T LA MUSl QUE. . . . • .\ AFP/JLD 1652

PEKIN -TEMOIGNAGE . „ . „ . » , < . TROIS

AU PÏED DÛ C A T A F A L Q ' J E T LE V rs ÏTEUR.PEUT APERCEVOIR L E ^ V I S A G E _...DE MAO DANS LA LUMIERE DiFFUSE, I L EST DE COULEUR .BR0NZE r LES TRAIT-:SONT P L E I N S . . LES LEVRES LEGEREMENT ENTROUVERTES-ET iMMOBlLS.S ATOUT JAMAIS». RARES SONT LES ETRANGERS QUI ONT PU- VOIR' LE V! SAGEDU PRESIDENT DE SON VIVANT» - - • •• ". - " - . , - . _

C'T£ST;-A CE MOMENT QUE MO iM INTERPRETE, QUI S 'ETA iT -DOM i NEJUSQUE LA^-FOND EN-LARMES ET PLEURE PENDANT DE'LONGS INSTANTS».CHACUN QUITTE EN SUITE-L A-SALLE.. SILENCIEUSEMENT, .EN PROIE A U N EEMOTION D I F F I C I L E Â-D tSSIPER, -EN.PASSANT DERRIERE DES CENTAINESDE COURONNES MORTUAIRES APPORTEES PAR TOUTES LES PERSONNALITESfc.T LES GRÀANDS ORGANISMES DE L ' E T A T . - • . _ . . : • . . . ' . .

. LA CEREMONIE DURE C|NQ MINUTES, MAIS CES MINUTES COMPTENT:"FLLES.FOURNISSENT UN BOULEVERSANT TEMOIGNAGE DU.RESPECT ET DE L 'AMOlSANS BORNE DONT MAO EST L 'OBJET DE LA PART DE 800 MILL IONS DE .C H I N O I S . . , , _ - • . • • - ' • ' .-. . . . - . •

- . .DANS UN COÎN-DE LA-SALLE, PRES/DE LA SORTIE, WANG HAI--JUNG, LANIECE DU PRESIDENT, SE TIENT DEBOUT, SEULE, LES YEUX PERDUS VERS LECO'RPS DU GRAND LEADER, . •- , ."" . _ ._.

•DEHORS, LA-'NUIT COMMENCE A -TOMBER. • DES MlLL IERSDE CHiNOIS : ETD'ETRANGERS ATTENDENT, SOUS LES DRAPEAUX EN BERNE, DE PENETRER ALEUR TOUR .DANS LA CHAPELLE AKDENTE. " • ' •

. CE CEREMONUL SE POURSUIVRA JUSQU'AU 17 SEPTEMBRE. LE 18'DANS L 'APRES-MIDI , L'ELOGE FUNEBfiE 5ERA PRONONCE SUR LA PLACE TIENW MEN DEVANT DES-CENTAINES-DE MILLIERS DE PERSON-NES ET DIFFUSEDANS LE MONDE ENTIER, LA POPULATION'-CHINOISE TOUT ENTIERE OBSERVERAALORS.3 MINUTES DE SILENCE TANDIS QUE TOUTES LES SIRENES DU PAYSMUGIRONT EN SIGNE DE.TRISTESSE ET DE DEUIL. .AFP. AL E1657 .. . • . . •

299

11. « L'adieu à la Chine », Georges Biannic, 18 septembre 1976.

M AÇ

L'ADIEU DE LA CHINE. •

EK1N, 18. SEPTEMBRE (AEP) ( PAR GEORGES B1 ANN1 C) - ' T ^ _ _L'ADIEU DE LA CHINE A MAO TSE-TOUNG.A ETE DIGNE ET SIMPLE,

BOULEVERSANT. ' •" - - - • -. ,1F HF T9.HI1 VF, SEUL ETRANGER. AU MILIEU DE-QUELQUES Ml L L ! ERS

DE CHINOIS SUR LE PARVTS DE LA GRANDE GARE CENTRALE DE PÉKIN. QUANDTROIS HEURES -SONNENT A.LA GRANDE HORLOGE. .. .

. DEPUIS DIX MINUTES. DEJA, TOUT LE MONDE EST AU GARDE A VOUS,LES BRAS LE LONG' DU CORPS, SACS DE VOYAGE A TERRE, REGARD FIXESUR LE PORTRAIT GEANT DE MAO, BORDE..DE CREPE..NOIR ET DE RUB AN-SJAUNES I F S COULEURS DE DEUIL. LE SILENCE EST TOTAL, LA VIE FIGEE.LA V | L L r p A R j L y . S E E | i • . . . _. ... .

--'.AU TROISIEME COUP, LES .SI RENES DES LOCOMOTIVES SE METTENTA MUGIR, STRIDENTES, ROMPANT LE SILENCE QUI S'ETAI T !NSTALLEINTERMINABLEMENT, SIMULTANEMENT, S'ELEVENT LES ACCENTS D'UN- HYMNECHINOIS D'UNE TRISTESSE INFINIE DES HAUTS PARLEURS BORDANT LA-PLACE. • . • • ' . - . .SUIVRA AFR MH 11.32++++

KP-147TM A O - - - • : •• •PEKIN " L 'A IDIOJDE LA CHS NE. . . . . , . „ . . , . . . . , (DEUX)

MLA'MEME SECONDE, TOUTE L'ASSISTANCE B.ttïsSE LATETE, DE JEUNES P AYSANNES.-PORTANT- DES BEBES SUR LE DOS, DE IEUXSOLDATS DE Li.ARMEE .POPULAl RE DE LIBERATION, DES PAYSANS HABILLES DENOIR A L'ANCIENNE, DES- OUVRIERS EN BLEUS DES ADOLESCENTS, DES JEUNES FILLES, "BRASSARD NOIR ET CHRYSANTHEME BLANC, BADGES DE MAO SURLA POITRINE, DES ENFANTS DIRIGENT LEUR. REGARD VERS LE SOL.

AUTOUR DE M û l , TOUT LE MONDE SE.MET A PLEUKER. SILENCIEUSEMENT,SANS GESTE ET .CRIS DE DESESPOIR, DANS UNE DIGNITE TOTALE. ..L31NST AN-EST SAISISSANT, L'EMOTION INTENSE. ON NE SE.SENT-PLUS ETRANGER/ ONPARTAGE LA DOULEUR D'UN-PEUPLE, ON NE PEUT RETENIR. SES LARMES, . , .

-QUAND. TOUTES LES SIRENES'DES LOCOMOTIVES DANS;LA GARE, DES.USINES DE-PEKIN SE SONT TUS, BEAUCOUP RESTENT ENCORE UN MOMENT LATETE INCLINEE. , •

CERTAINS SECHENT LEURS LARMES. D'AUTRES LEVENT UN REGARD PERDUVERS L£ PORTRAIT DU "GRAND/EDUCATEUR".

OUI..MAO EST BIEN M O R T . . . .AFP 11 .35 ++++

BIEN LIRE EN TITRE

300

12. « Egypt's Muslim Brotherhood holdspro-reform rallies despite arrests »,27 mars 2005, 14h48.

3 RLQ67 PAR 0270 EAA I EMI 270305-14h48 wO412Egypt-lslamist" RPT265Egypt's Muslim Brotherhood holds pro-reform rallies despite arrestsATTENTION -INCORPORATES -arrest séries IIICAIRO, March 27 (AFP) -Several thousand members of the banned Muslim Brotherhood tookpart in three démonstrations in Cairo Sunday, calling for constitutional reforms and the lifting ofrestrictive emergency laws.The main démonstration, consisting of 1 ,000 people according to authorities and 3,000 accordingto organisers, took place on the central Ramses Square after tight security measures prevent~dthem getting to parliament.The two other gatherings, involving 200 to 300 people each, took place in the central Bab el-Lukand Sayyeda Zeinab districts, authorities said.Street démonstrations are banned in Egypt thanks to emergency laws that hâve been in place sinceprésident Anwar al-Sadat's assassination in 1981."End the state of emergency," demonstrators shouted, calling also for "opposition to Americaninterférence" in Egyptian affairs and "more constitution al reforms".Last month, US Président George W. Bush used his State of the Union address to call fordémocratie reforms in Egypt."The great and proud nation of Egypt, which showed the way toward peace in the Middle East,can now show the way toward democracy in the Middle East," Bush said.Brotherhood leader Mohammed Mahdi Akef called for the démonstration last week during a pressconférence on constitutional reforms put forward by Président Hosni Mubarak that will, in theory,allowa degree of choice for voters in presidential élections due to be held later this year.Mubarak is currently serving his fourth uncontested term as président.Several thousand police were deployed around government buildings in the capital as weil as theUS and British embassies.Egyptian security forces on Saturday arrested around 50 Brotherhood members ahead of thedémonstrations.High-ranking members of the organisation were among th ose arrested in five districts in andaround Cairo."Thèse détentions are aimed at intimidating us into cancelling the démonstration planned for todaybut we are determined to hold it," a Brotherhood officiai told AFP .Egyptian security forces regularly detain members of the generally tolerated Brotherhood, whichconstitutes the main opposition to Mubarak's ruling National Démocratie Party, although membersare required to sit in parliament as independents.Ir-hz/cjolkir

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13. « L'opposition a franchi les lignes rouges et le pouvoir se durcit », papier retour,Hassen Zenati, 31 mars 2005.

Egypte-politique-élection-opposition,PREVL'opposition a franchi les lignes rouges et le pouvoir se durcit (PAPIER RETOUR)par Hassen ZENATI

LE CAIRE, 31 mars (AFP) - L'opposition a franchi pour la première fois les lignesrouges établies tacitement avec le régime, en s'attaquant directement au chef de l'état,mais le pouvoir a montré qu'il disposait d'une force de dissuasion policière pour prévenirles manifestations.

Les brigades anti-émeutes casquées, munis de boucliers et de matraques ont étédéployées massivement à deux reprises au centre du caire cette semaine, dimanche pourfaire avorter un projet de manifestation des frères musulmans et mercredi pour empêcherun rassemblement du mouvement populaire pour le changement "kefaya" (ca suffit).

Les deux mouvements voulaient faire entendre leur voix pour plus de réformespolitiques devant l'assemblée du peuple, qui débat d'un amendement à la constitutioninstaurant pour la première fois l'élection du président de la république au suffrageuniversel direct et secret parmi plusieurs candidats.

Les manifestations de rue sont interdites en egypte depuis l'instauration de l'étatd'urgence à la suite de l'assassinat du président Anouar El-Sadate par des islamistes en1981.

Pour les autorités, il s'agit de contenir une constestation politique confinée jusque-làdans les locaux des partis, mais qui tente de déborder vers la rue et n'hésite plus à s'enprendre directement au chef de l'état.

Depuis décembre, des slogans hostiles au chef de l'état ont été scandés publiquementpar des manifestants en diverses occasions, alors qu'il bénéficiait jusque là d'un statutprivilégié.

Les opposants adressaient leurs critiques aux collaborateurs du chef de l'état ou auxministre, véritables fusibles de la présidence.

"Assez", "non, à un cinquième mandat", "non à Moubarak, à son parti et à son fils","Moubarak la faillite, qu'as tu fait de notre argent?", "locataire du palais ourouba(Moubarak), nous sommes exténués, ça suffit", faisaient partie des slogans desprotestataires.

Georges Isaac, principal animateur de Kefaya, a affirmé à l'afp que "l'intervention enforce de la police prouve la peur du gouvernement devant l'éveil du peuple égyptien, quidemande une démocratie réelle et non amputée".

Abdelhalim Kandil, directeur de la rédaction d'AI-Arabi, souligne que cette"contestation politique se déroule sur un terrain social très chaud", marqué notammentpar une montée en flèche des prix et du chômage.

Dans un communiqué à l'AFP, le guide suprême des frères musulmans MohammedMehdi Akef a "regretté" que "Le Caire verrouillé, fut tranformé en caserne", pourempêcher les manifestations et assuré que la confrérie "ne renoncera pas à sesrevendications".

"Je sens que le climat est ouvert, que le gouvernement est de plus en plus faible et quele peuple est en train de se débarrasser de sa peur", souligne la féministe Nawal Saadaoui,qui a annoncé son intention d'être candidate à la présidence de la république.

302

L'opposition est encouragée par les premiers frémissements du "printempsdémocratique" en Irak, en Palestine et au Liban.

Le vice-guide suprême des frères musulmans Mohammed Habib a reconnu que lespressions américaines en faveur de réformes politiques au proche-orient "bénéficient àtoute l'opposition" égyptienne.

Elle craint que les députés, appartenant en majorité au parti national démocrate (PND -au pouvoir), ne limitent la portée de la réforme constitutionnelle en multpiliant lesobstacles devant les candidats indépendants à la présidence face au président Moubarak.

M. Moubarak, 76 ans, n'a pas encore annoncé son intention de briguer un cinquièmemandat, mais le secrétaire national du PND Safouet el-Chérif a affirmé mercredi que leparti majoritaire "tenait à présenter sa candidature".

L'opposition demande aussi la levée de l'état d'urgence afin d'assurer la liberté duscrutin, la réduction des pouvoirs du chef de l'état et la limitation à quatre ans de la duréedu mandat présidentiel, qui ne serait plus renouvelable qu'une seule fois.

hz/

303

14. Dossier, Portrait, « Eileen, le roc, commandant de bord de Discovety », 8 juillet 2005.

3 TID70 ETR EAF.PEP.ELU c EMI 080705-09h28 WO673

usA-espace-navette-iss,PREV"Eileen, le roc", commandant de bord de Discovery

(DOSSIER,PORTRAIT)Par Jean-Louis SANTINI

WASHINGTON, 8 j u i l 2005 (AFP) - Eileen Col "lins, 48 ans, p i lote detalent aux nerfs d'acier, qui commandera Discovery pour la reprise de;vols prévue le 13 j u i l l e t , est la plus célèbre des astronautesaméricains en ac t i v i té , pour être la première et seule femme à avoircommandé une navette spatiale.

De t a i l l e moyenne (1.65 m), plutôt menue, cheveux auburn portéscourts, e l le pensait d'abord devenir professeur de mathématiques maissa passion de l ' av ia t ion , née en regardant voler des planeurs pendantsa peti te enfance, la mène à l 'A i r Force Academy.

"Enfant, cela m'a vraiment inspiré et je me disais qu'un jourj 'aura is la possib i l i té de fa i re la même chose", se souvient-elle dan;un entretien publié sur le si te de la Nasa.

Aujourd'hui e l le affiche 6.280 heures de vol sur 30 types d'avionset plus de 537 heures dans l'espace en t ro is missions à bord d'unenavette.

Elle obtient son brevet de pi lote en 1979, sur la base de 1'us AirForce de vance (oklahoma, sud), dans la première promotion à accepterdes femmes.

Eileen col l ins est ensuite instructr ice de vol sur les jetsd'entraînement T-38 avant d'être transférée en Californie sur la basede Travis où e l le a rencontré son mari, aujourd'hui p i lote chez DeltaAir l ines. C'est à Travis qu'el le apprend à pi loter le C-141, énormeavion de transport m i l i t a i re .

En 1986, e l le est acceptée à l'académie américaine de l ' a i r pourdevenir en 1989 une des rares femmes pilotes d'essai. Parallèlement,el le décroche une maîtrise de mathématiques appliquées, à laprestigieuse université de Stanford (Californie, ouest).

En 1990, e l le est sélectionnée par la Nasa et rejoint le club trèssélect des futurs astronautes. Elle est à la fois la seule femme etseule pi lote d'essai de cette promotion, avec 22 hommes.

Ces qual i f icat ions uniques la destinent à devenir la première femmeà pi loter une navette en 1995.

Modeste et déterminée, Eileen Collins suscite l 'admiration et lerespect de ses pairs. En 1999, son calme face à une situationd i f f i c i l e lors de son premier vol comme commandant de bord de lanavette Columbia, lu i vaut le surnom "d'Eileen, le roc" décerné parson co-pi lote, Jeff Ashby.

Elle doit fa i re face a la panne de deux ordinateurs de bord pendantle lancement. Les ordinateurs de secours prennent le relais mais unefu i te d'hydrogène menace d'empêcher Columbia d'atteindre son orbi te,ce qui imposerait un atterrissage d'urgence. Son sang f ro id garantitla réussite de la mission.

"Je n'ai pas de nerf, pas d'émotion et ne ressens pas de tension( . . . ) , j ' a i un vaisseau spatial de deux mil l iards de dollars entre lesmains et je ne pense à rien d'autre". Ainsi répond-elle à la questiond'un journal iste l ' interrogeant sur la pression entourant la reprisedes vols de navettes lors d'une récente conférence de presse aucentre spatial Johnson de Houston (Texas, sud).

Dans un entretien publié par la Nasa, el le confie avoir peu detemps pour les l o i s i r s au cours de l'année d'entraînement intensi f quiprécède une mission, précisant qu'el le t rava i l le encore à la maisonaprès sa journée au centre spatial Johnson.

"J'aime passer du temps avec ma famil le, c'est très important pourmoi", d i t - e l l e cependant. Elle a deux enfants de 9 et 4 ans.

"A une autre époque de ma vie j 'adorais fa i re des choses un peufol les comme des virées à moto à travers 1'oklahoma, p i lo ter toutessortes d'avions, --pas de la Nasa - - et a l ler dans les salonsaériens", a joute-el le.

"Je suis une sorte d'exploratrice passionnée ( . . . ) et je pensequ ' i l est très important pour l'humanité de voyager au-delà de laTerre et de poursuivre l 'exploration de notre univers ( . . . . ) unenthousiasme que j 'aimerais transmettre aux plus jeunes générations",d i t Eileen Collins qui est prête à fa i re renouer l'Amérique avecl'espace, près de deux ans et demi après l 'accident de Columbia.

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15. Insolite : "Vous êtes bien réveillés », 16 juillet 2005, 04hl6.

4 AKN35 FRA FAF.PHA-WD GU EMI 160705-04hl6 WÛ202

AFP-MATlN-i nsoli te"VOUS ETES BIEN REVEILLES"

TOKYO, 16 j u i l 2005 (AFP) - Le fondateur d'une secte japonaise quiprétendait détecter les maladies de ses adeptes en l isant dans laplante de leurs pieds a été condamné à douze ans de prison, vendredipar un tribunal de Tokyo, pour s'être enrichi grassement au moyen decette pratique.

Teruyoshi Fukunaga, 60 ans, a été reconnu coupable d'avoir escroqué31 victimes pour un montant total de 149 mill ions de yens (1,1 mi l l iond'euros).

Lors de leur adhésion à la secte Ho-no-Hana Sanpogyo, les adeptessubissaient un examen minutieux de la plante de leurs pieds, au termeduquel i l s se voyaient diagnostiquer des maladies graves te l les que lecancer.

Affolés, i l s déboursaient alors d'importantes sommes d'argent pourassister à des "séminaires" censés les guérir.

La secte comptait plusieurs mi l l iers d'adeptes au Japon,principalement des femmes au foyer.

" i l a assouvi ses désirs cupides au nom de la re l ig ion" , a commentéen rendant la sentence le juge Tsutomu Aoyagi, relevant que le gouroulecteur de pieds, qui prétendait aussi entendre des voix divines,menait un grand t ra in de vie et habitait dans un appartement de luxe.

mis/roc/cm

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16. Dépêche, La malédiction de Toutankhamonpoursuit l'archéologue, 09 mars 2005

3QXW06PAR 0232 MOA Al EMI 090305-18h26 W0677

Egypte-archéologie, PREVLa malédiction de Toutankhamon poursuit l'archéologue qui l'a découvert (PAIER D'ANGLE)par Ryad Abou AWAD

LE CAIRE, 9 mars (AFP) - La mort de Toutankhamon reste un mystère pour les experts qui viennentd'ausculter à nouveau sa momie, mais sa malédiction continue à poursuivre l'archéologue britanniqueHoward Carter, qui avait mis au jour la sépulture royale en 1922.

"L'unique et véritable malédiction des Pharaons est la cupidité et la convoitise de Howard Carter",a déclaré à l'AFP Sabri Abdelaziz, chef du département des antiquités pharaoniques au Conseilsupérieur des antiquités égyptiennes (CSAE). Il a imputé à Carter la responsabilité d'avoir abîmé lamomie royale lors de sa découverte.

Après avoir consacré dix ans de sa vie dans la Vallée des Rois, près de Louxor (Haute-Egypte) àvider la tombe de Toutankhamon de son fabuleux trésor, Carter est mort en 1939 dans des circonstance:mystérieuses.

La légende populaire attribue sa mort à la "malédiction des pharaons", qui frapperait tous ceux quiont ouvert leurs tombes.

L'archéologue égyptien accuse Carter d'avoir "pillé" la tombe de Toutankhamon, d'avoir employé desbarres de fer chauffées à blanc pour arracher le fameux masque d'or mortuaire, actuellement exposé auMusée du Caire, et d'avoir maltraité sa momie, qui présente diverses fractures.

Un scanner effectué ces dernières semaines sur la momie de Toutankhamon a révélé que l'enfant-roin'était pas mort assassiné, mais les chercheurs n'ont toujours pas réussi à percer le secret de sondécès à 19 ans, selon le secrétaire général du CSAE, Zahi Hawass.

"Les scientifiques n'ont trouvé aucune preuve que Toutankhamon a été assassiné, ni qu'il a étéfrappé à la tête, ni qu'il a été tué", a-t-il indiqué mardi dans un communiqué.

Lors de sa découverte, le pharaon était enseveli dans trois cercueils gigognes, dont un en ormassif, qui doit être restauré. Après l'avoir passée au scanner, les experts avaient décidé deconserver la momie dans sa tombe de la Vallée des Rois, en équipant néanmoins le sarcophaged'instruments de contrôle de la température et de l'humidité afin de prévenir de nouvellesdégradations.

Les chercheurs, dont des Egyptiens et des Européens, ont affirmé qu'une fracture à la jambe gauchedu roi n'aurait pas pu causer sa mort, même si elle avait été infectée.

Le sarcophage de Toutankhamon, qui a régné dix ans sur l'Egypte il y a 3.300 ans et qui estconsidéré comme le 12e pharaon de la XVIIIe dynastie d'Egypte, a été ouvert quatre fois depuis sadécouverte en 1922 par Howard Carter: en 1925 par l'archéologue britannique, puis en 1969 et en 1986pour des examens aux rayons X, enfin en 2005 pour un scanner.

Lors de ce dernier examen, le plus poussé de tous, une équipe de radiologues a réalisé la premièreimage numérique de synthèse du visage déjeune roi. Pour la première fois, on a ainsi pu tracer lestraits du visage du pharaon avec une grande précision, selon M. Abdelaziz.

Les 17.000 clichés examinés "prouvent que Touthankhamon n'a pas été assassiné et que les fracturesapparentes sur la momie sont d'abord de la responsabilité de Carter et ensuite de celle desembaumeurs", selon le rapport d'expertise.

Le rapport récuse aussi bien la thèse de l'empoisonnement que celle de son assassinat par un coup àla tête. "Les deux hyptohèses sont fausses", souligne-t-il.

Les experts imputent aux embaumeurs les fractures constatées sur la momie au bas du fémur etajoutent que "de telles fractures n'auraient pas pu causer la mort du pharaon, qui était jeune etvigoureux, bénéficiait d'un excellent suivi médical et n'avait souffert ni de malnutrition, ni demaladies chroniques".

La thèse de l'assassinat de Touthankhamon a été fondée sur le fait qu'il a été le dernier pharaonde sa dynastie. Il a été remplacé après sa mort, pendant quatre ans, par le grand prêtre Aye, puis parle chef militaire Horemheb, qui, après 26 ans de règne, cédera le pouvoir à son vizir Ramsès,fondateur de la XIXeme dynastie.

ra/hz/tq

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Annexes B - notes et rapports et documents internes.

1. Statut de l'Agence France Presse 10 janvier 1957

LOI N° 57-32 DU 10 JANVIER 1957 portant statut de l'Agence France-Presse.(Journal officiel du 11 janvier 1957)Après avis de l'Assemblée de l'Union française,L'Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,L'Assemblée nationale a adopté,Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article 1er.Il est créé, sous le nom d' « Agence France-Presse », un organisme autonome doté de la personnalitécivile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales.

Cet organisme a pour objet :

1° De rechercher, tant en France et dans l'ensemble de l'Union française qu'à l'étranger, les élémentsd'une information complète et objective ;2° De mettre contre paiement cette information à la disposition des usagers.

Article 2.

L'activité de l'Agence France-Presse est soumise aux obligations fondamentales suivantes :

1° L'Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d'influences ou deconsidérations de nature à compromettre l'exactitude ou l'objectivité de l'information ; elle ne doit, enaucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d'un groupement idéologique, politiqueou économique ;

2° L'Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, développer son action etparfaire son organisation en vue de donner aux usagers français et étrangers, de façon régulière et sansinterruption, une information exacte, impartiale et digne de confiance ;

3° L'Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, assurer l'existence d'unréseau d'établissements lui conférant le caractère d'un organisme d'information à rayonnementmondial.

Article 3.Il est institué un conseil supérieur chargé de veiller au respect des obligations énoncées à l'article 2.

Article 4.

Ce conseil supérieur est composé comme suit :

Un membre du Conseil d'État en activité ou honoraire, élu par l'assemblée générale du Conseil d'État, président, avec voix prépondérante ;Un magistrat en activité ou honoraire de la Cour de cassation, élu par l'assemblée générale de laditeCour ;Deux représentants des directeurs d'entreprises de publications de journaux quotidiens désignés par les

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organisations professionnelles les plus représentatives ; la valeur représentative desdites organisationsest appréciée dans les conditions fixées par la loi n° 53 -287 du 7 avril 1953 et par les textes pris pourson application ;Un journaliste professionnel désigné par les organisations professionnelles les plus représentatives ;Un représentant de la radiodiffusion-télévision française désigné dans les conditions fixées par lerèglement d'administration publique prévu à l'article 17 de la présente loi ;Deux membres choisis par les autres membres du conseil supérieur, l'un parmi les personnalités ayantexercé outre-mer de hautes fonctions administratives, l'autre parmi les personnalités ayant exercé àl'étranger une haute fonction représentative de la France.Les membres du conseil supérieur sont désignés pour trois ans. Leur mandat est renouvelable.Toutefois, le mandat des membres du premier conseil supérieur ne prend fin qu'à l'expiration d'unepériode de quatre années.Il est mis fin de plein droit au mandat de tout membre qui perd la qualité en raison de laquelle il a étédésigné. Lorsque le mandat d'un membre prend fin, pour quelque cause que ce soit, avant son termenormal, la durée du mandat de son successeur prend fin en même temps que celle des autres membresdu conseil.Les modalités de fonctionnement du conseil supérieur et les conditions dans lesquelles il sera fait faceà ses dépenses sont fixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 17 de laprésente loi.

Article 5.Le conseil supérieur peut être saisi par un usager ou une organisation professionnelle de presse, ou,dans les conditions prévues à l'article 12, par la commission financière, de tout fait de nature àconstituer une infraction aux obligations énoncées à l'article 2.Le conseil supérieur apprécie, dans un délai de trois mois, si le fait dont il est saisi constitue uneinfraction aux obligations de l'article 2.Dans l'affirmative, il adresse toutes observations ou injonctions utiles au conseil d'administration et auprésident directeur général.Si le fait incriminé résulte d'une décision du conseil d'administration, il peut en suspendre l'exécutionet demander à celui-ci de procéder à une seconde délibération qui doit être prise dans un délai d'unmois ; la décision mise en cause ne peut être maintenue qu'à une majorité de douze voix.Si le fait incriminé résulte d'une faute grave du président directeur général, le conseil supérieurprononce, après avis du conseil d'administration délibérant hors la présence du président directeurgénéral, la cessation de fonction de ce dernier.Le conseil est saisi au début de chaque année par le président directeur général d'un rapport retraçantl'activité de l'Agence France-Presse au regard des obligations énoncées à l'article 2.

Article 6L'agence France-Presse est administrée par un conseil d'administration présidé par le président

directeur général de l'agence.-

Article 7.Le conseil d'administration comprend en plus du président :

1° Huit représentants des directeurs d'entreprises françaises de publication de journaux quotidiensdésignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ; la valeur représentativedesdites organisations est appréciée dans les conditions fixées par la loi nc 53-287 du 7 avril 1953 etpar les textes pris pour son application ;

2° Deux représentants de la radiodiffusion-télévision françaises désignés dans les conditions fixées parle règlement d'administration publique prévu à l'article 17 de la présente loi ;

3° Trois représentants des services publics usagers de l'agence désignés dans les mêmes conditions etrespectivement par le président du conseil, le ministre des affaires étrangères et le ministre des

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finances et des affaires économiques ;

4° Deux représentants du personnel de l'agence, soit :

Un journaliste professionnel élu par l'assemblée des journalistes professionnels de nationalitéfrançaise appartenant au personnel de rédaction de l'agence ;

Et un agent, appartenant aux autres catégories de personnel, élu par l'ensemble des agents denationalité française de ces catégories.Le conseil élit, à la majorité des voix, un vice-président, choisi parmi ceux de ses membres quireprésentent les directeurs d'entreprises de publication. Le président directeur général ne prend paspart au vote.La durée du mandat des membres du conseil d'administration est de trois ans. Leur mandat estrenouvelable. Toutefois il peut être mis fin, à tout moment, au mandat des représentants des servicespublics par le président du conseil ou le ministre dont ils relèvent.Il est mis fin de plein droit au mandat de tout membre qui perd la qualité en raison de laquelle il a étédésigné.En cas de cessation de fonction d'un membre pour quelque cause que ce soit, la durée du mandat deson successeur prend fin en même temps que celle des autres membres du conseil.Les dispositions des articles 6 et 8 du décret du 8 août 1935 portant application aux gérants etadministrateurs de sociétés de la législation de la faillite et de la banqueroute et instituant l'interdictionet la déchéance du droit de gérer et d'administrer une société sont applicables aux membres du conseild'administration.

Article 8.Le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion et l'administrationde l'agence.Le président directeur général est chargé de la préparation et de l'exécution des délibérations duconseil d'administration, de la direction de l'ensemble des services de l'agence et de la représentationde celle-ci.Le vice-président assiste ou remplace le président directeur général dans ses missions dereprésentation. En cas d'empêchement du président directeur général, il est suppléé à la présidence duconseil d'administration par le vice-président ou, à défaut, par un administrateur choisi par le conseild'administration dans son sein. Les autres attributions du président directeur général sont, dans lemême cas, exercées par les directeurs ou chefs de service de l'agence ayant reçu à cet effet délégationdu président directeur général avec l'accord du conseil d'administration.Les pouvoirs respectifs du conseil d'administration et du président directeur général sont précisés parle règlement d'administration publique prévu à l'article 17 de la présente loi.Le conseil d'administration peut déléguer certains de ses pouvoirs au président directeur général.

Article 9.Le statut du personnel de l'agence est arrêté par le conseil d'administration sur la proposition duprésident directeur général et après avis de la commission financière.Il est déterminé par référence aux conventions collectives qui régissent les personnels des entreprisesde presse.

Article 10.Le président directeur général est désigné dans les trois mois de la vacance du poste par le conseild'administration en dehors de ses membres pour une période de trois ans renouvelable. La premièredésignation a lieu dans les mêmes conditions, dans les trois mois de la promulgation de la présente loi.Cette nomination doit être acquise par douze voix au moins.Si aucun nom ne réunit ce nombre de voix après trois tours de scrutin auxquels il est procédé dans lesconditions fixées par le règlement d'administration publique, le conseil supérieur propose au conseil

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d'administration deux candidats ; celui de ces candidats qui obtient le plus de voix est élu présidentdirecteur général.La cessation des fonctions du président directeur général peut être décidée par le conseild'administration pour faute lourde de gestion commise dans l'exercice de ses fonctions ou pour acteincompatible avec l'accomplissement de sa mission. Cette décision doit être acquise hors la présencedu président directeur général et par douze voix au moins.En cas de rejet d'une proposition tendant à l'application de l'alinéa précédent ou lorsqu'il n'a pas étépossible de réunir douze membres du conseil d'administration au cours de deux séances convoquées àquinze jours d'intervalle pour se prononcer sur une telle proposition, une réclamation peut êtreprésentée par trois membres au moins du conseil d'administration au conseil supérieur qui statue.

Article 11.Le président directeur général est civilement responsable envers l'Agence France-Presse des fauteslourdes qu'il aurait commises dans l'exercice de ses fonctions. Sa responsabilité peut être mise encause par le président de la commission financière prévue à l'article 12 ci-après, exerçantjudiciairement à cette fin les actions de l'Agence France-Presse.

Article 12.Il est institué une commission financière de l'Agence France-Presse.Cette commission comprend deux membres de la cour des comptes désignés par le premier présidentdont l'un préside la commission et un expert désigné par le ministre des finances.La commission financière est saisie de l'état annuel de prévision des recettes et des dépenses. Elleexamine si cet état établit un équilibre réel des recettes et des dépenses.Dans la négative, elle renvoie l'état au président directeur général qui provoque une nouvelledélibération du conseil d'administration en vue de la réalisation de cet équilibre.La commission financière est chargée de la vérification générale permanente de la gestion financièrede l'Agence France-Presse.Elle dispose de tous pouvoirs d'investigation tant sur pièce que sur place. Elle adresse, tant auprésident directeur général qu'au conseil d'administration, toutes observations utiles sur la gestionfinancière.Si la commission financière constate que, malgré ses observations, le conseil d'administration n'a paspris toutes mesures nécessaires pour assurer l'équilibre financier de l'agence, elle peut demander,après accord du conseil supérieur, la nomination d'un administrateur provisoire qui est désigné à larequête du président de la commission par le président du tribunal de commerce : il est alors procédé,dans le délai de six mois, à un renouvellement anticipé du conseil d'administration dans les conditionsfixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 17 de la présente loi.

La mission de l'administrateur provisoire prend fin dès l'installation du nouveau conseil.La commission financière apure les comptes de l'Agence France-Presse.Elle adresse un rapport annuel sur la gestion financière de l'Agence France-Presse au conseild'administration, qui le porte à la connaissance du conseil supérieur.Elle peut attirer l'attention du conseil supérieur sur les faits constatés par elle et de nature à constituerune méconnaissance des obligations définies à l'article 2 ci-dessus.

Article 13.Les ressources de l'Agence France-Presse sont constituées par le produit de la vente des documents etservices d'information à ses clients et par le revenu de ses biens.Les conditions de vente aux services publics de l'État sont déterminées par une convention entre l'Étatet l'Agence France-Presse ; cette convention fixe le nombre et le taux des abonnements souscrits parlesdits services, sur la base des tarifs appliqués aux entreprises de presse françaises.Elle peut être révisée en cas de variation du taux de conversion applicable aux taxes télégraphiques etradiotélégraphiques internationales.

Article 14.L'Agence France-Presse ne peut être dissoute que par une loi.

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En cas de cessation des paiements constatée par le tribunal de commerce sur demande, soit du conseild'administration, soit de la commission financière, soit de créanciers, le Gouvernement doit saisir,dans le délai d'un mois, le Parlement d'un projet de loi tendant, soit à fixer les conditions danslesquelles l'Agence France-Presse pourra poursuivre son activité, soit à prononcer la dissolution del'agence et la liquidation de ses biens. Il peut être pourvu par décret en Conseil d' État àl'administration provisoire de l'Agence France-Presse jusqu'à l'intervention de la loi.

Article 15.Le tribunal de commerce peut prononcer à rencontre du président directeur général et des autresmembres du conseil d'administration les déchéances prévues à l'article 10 du décret du 8 août 1935portant application aux gérants et administrateurs de sociétés de la législation de la faillite et de labanqueroute.

Article 16.L'ordonnance du 30 septembre 1944 portant création à titre provisoire de l'Agence France-Presse estabrogée.

Les locaux, installations, outillages et autres éléments d'actif mis à la disposition de cette agence parl'article 2 de l'ordonnance du 30 septembre 1944 ou acquis depuis par elle sont mis gratuitement à ladisposition de l'organisme créé par la présente loi, pour une durée de trois ans, renouvelable par décreten conseil des ministres, jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur le sort desdits biens par unedisposition législative.En ce qui concerne les immeubles en voie de construction destinés à l'Agence France-Presse, uneconvention entre l'Etat et la nouvelle agence réglera les conditions dans lesquelles ils pourront êtremis à la disposition de celle-ci ou lui être transférés.L'Agence France-Presse est, en outre, substituée d'une façon générale dans les droits et obligations del'organisme créé par l'ordonnance du 30 septembre 1944.Le transfert éventuel des biens et droits susvisés ne donne lieu à aucune perception au profit du Trésor.Tous actes et conventions intervenant pour l'application du présent article sont exonérés du timbreainsi que des droits d'enregistrement et d'hypothèque.

Article 17.Un règlement d'administration publique fixera les conditions d'application de la présente loi.La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 10 janvier 1957.

René COTY.Par le Président de la République.Le président du conseil des ministres,GUY MOLLET.Le ministre d'Etat, garde des sceaux, chargé de la justice,FRANÇOIS MITTERRAND.Le ministre des affaires étrangères,CHRISTIAN PINEAU.Le ministre des affaires économiques et financières,PAUL RAMADIER.

Le ministre des affaires sociales,Ministre de la France d'outre-mer par intérim,ALBERT GAZIER.Le ministre des affaires sociales,ALBERT GAZIER.

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DECRET N° 57-281 DU 9 MARS 1957

Portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957portant statut de l'Agence France-Presse (1).(Journal officiel du 10 mars 1957,rectificatif J.O. du 20 mars 1957.)

Le président du conseil des ministres,

Sur le rapport du secrétaire d'Etat à la présidence du conseil, chargé de l'information, du ministred'Etat, garde des sceaux, chargé de la justice, du ministre des affaires étrangères, du ministre desaffaires économiques et financières, du ministre de la France d'outre-mer, du ministre des affairessociales, du secrétaire d'Etat aux affaires économiques et du secrétaire d'Etat au budget, Vu la loi n°57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse, et notamment son article 17 auxtermes duquel « un règlement d'administration publique fixera les conditions d'application de laprésente loi » ;Le Conseil d'Etat entendu,

Décrète :

CHAPITRE 1ERConseil supérieur de l'Agence France-Presse.

Article 1er.La liste des membres du conseil supérieur de l'Agence France-Presse, désignés dans les conditionsfixées par l'article 4 de la loi du 10 janvier 1957, est publié au Journal officiel de la Républiquefrançaise.

Article 2.(Décret n° 65-616 du 22 juillet 1965, art. 1er). - « L'Office de radiodiffusion-télévision française estreprésenté au conseil supérieur par le président de son conseil d'administration ».

(1) Modifié par le décret n° 65-616 du 22 juillet 1965 (Journal officiel du 28 juillet 1965).

Article 3.Le conseil supérieur se réunit sur convocation de son président. Il ne peut délibérer que si quatre aumoins de ses membres assistent à la séance.Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En cas de partage, la voix du présidentest prépondérante.Le conseil supérieur établit son règlement intérieur qui peut notamment instituer une procédure devote à bulletin secret. Toutefois, en cas de partage des voix, le président fera connaître le sens de sonvote dans les conditions prévues par le règlement intérieur. Les membres du conseil supérieur sonttenus au secret du vote.

Article 4.En cas d'absence ou d'empêchement du président, le conseil supérieur peut délibérer sous laprésidence du magistrat désigné par la Cour de cassation qui a alors voix prépondérante.

Article 5.Le secrétaire général du conseil supérieur est choisi parmi les membres des juridictions de l'ordreadministratif ou de l'ordre judiciaire.

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Le secrétaire général et les agents mis à sa disposition sont désignés par le président du conseilsupérieur.

Article 6.Les affaires soumises au conseil supérieur font l'objet d'un rapport. Le conseil supérieur désigne lesrapporteurs parmi ses membres ou, à titre exceptionnel, parmi les membres des juridictions de l'ordreadministratif ou de l'ordre judiciaire.Les rapporteurs qui ne sont pas membres du conseil supérieur assistent avec voix consultative auxséances au cours desquelles leur rapport est discuté.

Article 7.Les dépenses du conseil supérieur sont à la charge de l'Agence France-Presse. Elles comprennent :Les indemnités ou vacations allouées au président, aux membres du conseil, aux rapporteurs, ausecrétaire général et aux agents du secrétariat, telles qu'elles sont fixées par arrêté du ministre chargédu budget ;Les indemnités pour frais de déplacement, telles qu'elles sont fixées pour le personnel de l'Etat dugroupe I ; Les dépenses de fonctionnement administratif et de matériel. L'état prévisionnel desdépenses est arrêté, pour chaque exercice, par le conseil supérieur, après avis de la commissionfinancière. Les états d'indemnités, de frais et de vacations sont certifiés exacts par le président duconseil supérieur et les dépenses correspondantes sont engagées par le président directeur général del'Agence France-Presse dans la limite des crédits ouverts par l'état prévisionnel.

CHAPITRE IIConseil d'administrationArticle 8.Les administrateurs doivent être de nationalité française, jouir de leurs droits civils et politiques etn'avoir encouru aucune peine afflictive ou infamante.Tout membre qui perd la qualité en raison de laquelle il a été désigné ou au mandat duquel il est misfin par l'autorité qui l'a désigné doit être remplacé dans les trois mois.

Article 9.(Décret n° 65-616 du 22 juillet 1965, art. 2). - « Le ministre chargé de l'information nomme lesreprésentants de l'Office de radiodiffusion-télévision française au conseil d'administration del'Agence France-Presse sur proposition conjointe du président du conseil d'administration de l'officeet de son directeur général ».

Article 10.Le président du conseil des ministres, le ministre des affaires étrangères et le ministre des affaireséconomiques et financières choisissent leur représentant parmi les fonctionnaires, en activité deservice, titulaires d'un grade au moins équivalent à celui d'administrateur civil de deuxième classe,ayant au moins trente ans d'âge ou huit ans de service et appartenant soit aux administrations placéessous leur autorité, soit aux grands corps de l'Etat.

Article 11.Pour l'élection de ses représentants, l'ensemble du personnel de l'Agence France-Presse, denationalité française, employé à temps complet depuis six mois au moins avant la date des élections,est réparti en deux collèges élisant chacun parmi ses membres un représentant et comprenant, lepremier, les journalistes titulaires de la carte d'identité professionnelle, le second, les agents des autrescatégories de personnel.Le vote a lieu par correspondance à bulletin secret au scrutin à un tour.Une décision du président directeur général de l'Agence France-Presse, soumise à l'approbation duconseil supérieur, fixe la date et l'organisation des élections.

Article 12.

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Dans le cas prévu au septième alinéa de l'article 12 de la loi du 10 janvier 1957, l'administrateurprovisoire fait procéder aux élections des représentants du personnel de l'agence et provoque ladésignation des autres membres du conseil d'administration.

Article 13.Le conseil d'administration se réunit sur convocation de son président aussi souvent que l'exige lefonctionnement de l'agence. Le président doit le convoquer si la demande en est faite par le quart aumoins de ses membres ou par le président de la commission financière.Un membre du conseil d'administration peut se faire représenter par un autre membre. Aucun membrene peut toutefois disposer de plus d'une voix en sus de la sienne.La présence de huit membres au moins est nécessaire pour que le conseil d'administration puissedélibérer valablement. Si cette condition n'est pas remplie, le conseil d'administration est convoqué ànouveau dans un délai qui ne peut être inférieur à trois jours ni supérieur à dix jours. Dans cetteseconde réunion, les délibérations sont valables, quel que soit le nombre des présents, mais elles nepeuvent porter que sur les objets mis à l'ordre du jour de la première réunion.Sous réserve des dispositions de l'article 16 ci-dessous, les délibérations sont prises à la majorité desmembres présents ou représentés. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.Les délibérations sont constatées par des procès-verbaux inscrits sur un registre spécial et signés par leprésident et par le secrétaire désigné par le conseil.

Article 14.Le conseil d'administration et investi des pouvoirs les plus étendus pour gérer et administrer l'AgenceFrance-Presse, agir au nom de cette dernière, accomplir ou autoriser tous actes et opérations relatifs àson objet.Il a notamment les pouvoirs énumérés aux alinéas suivants qui sont énonciatifs et non limitatifs :1 ° Désignation du président directeur général et du vice-président ; fixation du statut du personneldans les conditions prévues à l'article 9 de la loi du 10 janvier 1957 ; nomination et révocation desdirecteurs de l'agence sur proposition du président directeur général ;2° Etablissement des états annuels de prévision des recettes et des dépenses, de l'inventaire, du bilan,du compte profits et pertes ;3° Fixation et modification des conditions générales de prestation des services d'information et devente et d'achat des documents, compte tenu, notamment, des dispositions prévues à l'article 13,alinéas 2 et 3, de la loi du 10 janvier 1957 ;4° Prises de participations dans toutes sociétés françaises ou étrangères constituées ou à constituer,dans le cadre de l'objet de l'agence et de ses obligations fondamentales ;5° Autorisation de prêts, avances, emprunts ;6° Etablissement de bureaux ou succursales partout où il est jugé nécessaire, et accomplissement desformalités requises par la législation des pays dans lesquels l'agence est appelée à exercer son activité

1° Achats, ventes, locations, échanges et aliénations de biens, meubles et immeubles, ainsi que retraits,transferts, conversions et aliénations de valeurs mobilières, inscription de toutes garanties mobilièresou immobilières sur les biens de l'agence ;8° Passation de tous contrats, traités et marchés ; exercice de toutes actions devant toutes juridictions,tant en demandant qu'en défendant, sous réserve des dispositions de l'article 11 de la loi du 10 janvier1957 ; autorisation de toutes transactions, compromis, désistements.Le conseil d'administration peut donner au président directeur général délégation permanente outemporaire pour exercer certains de ses pouvoirs, à l'exception de ceux visés aux 1° à 4° ci-dessus. Ence qui concerne les opérations visées au 5°, la délégation ne peut être donnée que pour des sommesinférieures au maximum fixé par décision du conseil d'administration approuvée par la commissionfinancière.Les décisions du conseil d'administration et du président directeur général, qui comportentengagement de dépenses, ne peuvent être prises que dans la limite des crédits correspondant auxdépenses de l'espèce prévues dans les états de prévision.

314

Article 15.Toute convention entre l'Agence France-Presse et l'un de ses administrateurs, soit directement ouindirectement, soit par personne interposée, doit être préalablement autorisée par le conseild'administration.Il en est de même pour les conventions entre l'Agence France-Presse et une autre entreprise si l'un desadministrateurs de l'agence est propriétaire, associé en nom, gérant, administrateur ou directeur del'entreprise. L'administrateur se trouvant dans l'un des cas ainsi prévus est tenu d'en faire ladéclaration au conseil d'administration.Les conventions visées aux alinéas précédents doivent être approuvées par la commission financière.Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux conventions normales portant sur lesopérations de l'Agence France-Presse avec ses clients.Il est interdit aux administrateurs de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprèsde l'Agence France-Presse, de se faire consentir par elle un découvert en.compte courant ouautrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers des tiers.

CHAPITRE IIIPrésident directeur général.Article 16.Le président directeur général est désigné dans les conditions prévues à l'article 10 de la loi du 10janvier 1957 par un vote à bulletin secret.Pour l'élection du président directeur général, le conseil d'administration se réunit à la diligence etsous la présidence de son doyen d'âge.Si au premier tour de scrutin aucun nom ne réunit les douze voix requises, il est procédé à un secondet, s'il y a lieu, à un troisième tour. Après chaque scrutin, le conseil d'administration décide que lescrutin suivant aura lieu immédiatement ou dans un délai qui ne peut être supérieur à cinq jours.Dans les huit jours du troisième tour de scrutin négatif, le conseil supérieur propose au conseild'administration deux candidats. Il est alors procédé à l'élection du président directeur général à lamajorité relative des membres présents ou représentés.

Article 17.Le président directeur général assure, sous sa responsabilité, la direction générale de l'Agence France-Presse et représente celle-ci. Il prépare et exécute les délibérations du conseil d'administration. Ilexerce les pouvoirs qui lui ont été délégués par ce dernier. Il dirige l'ensemble des services del'agence. Il nomme et révoque les agents et propose au conseil d'administration la nomination ou larévocation des directeurs, dans les conditions prévues par le statut du personnel. Il dispose de lasignature sociale.Il peut, avec l'accord du conseil d'administration, consentir des délégations de signature aux directeursou chefs de service de l'agence, pour les actes de la gestion courante.En cas d'absence ou d'empêchement du président directeur général, ses attributions sont exercées,dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 8 de la loi du 10 janvier 1957. Si leprésident est dans l'incapacité temporaire de donner délégation aux directeurs ou chefs de service del'agence, le conseil d'administration peut y procéder d'office.

CHAPITRE IVCommission financière.Article 18.La commission financière se réunit sur la convocation de son président. Si le président est empêché, ilest remplacé par l'autre membre de la commission appartenant à la Cour des comptes. La commissionfinancière ne peut délibérer que si deux au moins de ses membres assistent à la séance. En cas departage, la voix du président est prépondérante.Des magistrats de la cour des comptes ou des experts comptables peuvent être adjoints à lacommission en qualité de rapporteurs.Un ou plusieurs agents du service juridique et technique de l'information sont, pour les travaux de

315

secrétariat, mis à la disposition du président de la commission financière.

Article 19.La commission financière établit son règlement intérieur qui précise notamment les conditions danslesquelles il est procédé à la vérification générale permanente de la gestion financière et à l'apurementdes comptes et donné aux administrateurs quitus de leur gestion.Article 20.Les dépenses de fonctionnement de la commission financière sont à la charge de l'Agence France-Presse.Elles comprennent Les indemnités ou vacations allouées au président, aux membres de la commission,aux rapporteurs et aux agents du secrétariat fixées dans les formes prévues à l'article 7 ci-dessus ;Les indemnités de déplacement telles qu'elles sont fixées pour le personnel de l'Etat du groupe I ;Les dépenses de fonctionnement administratif et de matériel.

CHAPITRE VGestion financière.Article 21.Les états de prévision de recettes et de dépenses sont établis pour la période allant du 1er janvier au31 décembre de chaque année. Les recettes, appréciées à partir des rentrées de l'exercice précédent,doivent permettre de couvrir les dépenses d'exploitation et d'équipement pour l'exercice, auxquelless'ajoute éventuellement le déficit de l'année précédente.Les états de prévision établis par le conseil d'administration sont transmis à la commission financièreau plus tard le 15 novembre précédant l'ouverture de l'exercice. La commission examine si ces étatsassurent un équilibre réel des recettes et des dépenses et dans la négative renvoie les états au présidentdirecteur général avant le 1er décembre. La nouvelle délibération du conseil d'administration doitintervenir dans les quinze jours qui suivent la réception par le président directeur général desobservations de la commission financière.Si au cours de l'exercice, il apparaît à la commission financière que l'équilibre entre les recettes et lesdépenses réalisé dans les états de prévision est rompu, elle peut demander au président directeurgénéral de convoquer le conseil d'administration, qui doit se réunir dans les quinze jours de cettedemande et prendre toutes mesures nécessaires.

Article 22.L'inventaire, le bilan et le compte de profits et pertes sont établis et transmis à la commissionfinancière dans les six mois de la clôture de l'exercice.La commission financière se prononce dans l'année qui suit la clôture de l'exercice.

CHAPITRE VIDispositions transitoires.Article 23.Pour la constitution du premier conseil d'administration, un arrêté du ministre chargé de l'informationorganisera les élections des représentants du personnel de l'Agence France-Presse dans les conditionsprévues aux deux premiers alinéas de l'article 11 ci-dessus.

Article 24.Le premier exercice financier de l'Agence France-Presse comprendra le temps écoulé depuis ladésignation du président directeur général jusqu'au 31 décembre 1957.

Article 25.Le ministre d'Etat, garde des sceaux, chargé de la justice, le ministre des affaires étrangères, leministre des affaires économiques et financières, le ministre de la France d'outre-mer, le ministre desaffaires sociales, le secrétaire d'Etat à la présidence du conseil, chargé de l'information, le secrétaire

316

d'Etat aux affaires économiques et le secrétaire d'Etat au budget sont chargés, chacun en ce qui leconcerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la Républiquefrançaise.

Fait à paris, le 9 mars 1957.GUY MOLLET.Par le président du conseil des ministres :Le ministre d'Etat, garde des sceaux, chargé de la justice,FRANÇOIS MITTERRAND.Le ministre des affaires étrangères,CHRISTIAN PINEAULe ministre des affaires économiques et financières,PAUL RAMADIER.Le ministre de la France d'outre-mer,GASTON DEFERRE.Le ministre des affaires sociales,ALBERT GAZIER.Le secrétaire d'Etat à la présidence du conseil, chargé de l'information,GERARD JACQUET.Le secrétaire d'Etat aux affaires économiques,JEAN MASSON.Le secrétaire d'Etat au budget,JEAN FILIPPI.

DECRET N° 65-616 DU 22 JUILLET 1965

Modifiant le décret n° 57-281 du 9 mars 1957 portant règlement d'administration publique pourl'application de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse.

(Journal officiel du 28 juillet 1965.)

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'information, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre desaffaires étrangères, du ministre des finances et des affaires économiques et du ministre du travail ;

Vu la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse ;

Vu le décret n° 57-281 du 9 mars 1957 portant règlement d'administration publique pour l'applicationde la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse ;

Vu l'article 21 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ;

Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,

Décrète :

Article 1er.

(Modifie l'article 2 du décret n° 57-281 du 9 mars 1957.)

317

Article 2.

(Modifie l'article 9 du décret n° 57-281 du 9 mars 1957.)

Article 3.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères, le ministre des financeset des affaires économiques, le ministre du travail, le ministre de l'information et le secrétaire d'Etat,au budget sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publiéau Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 22 juillet 1965.

GEORGES POMPIDOU.

Par le Premier ministre :Le ministre de l'information,ALAIN PEYREFFITTE.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,JEAN FOYER.

Le ministre des affaires étrangères,MAURICE COUVE DE MURVILLE.

Le ministre des finances et des affaires économiques,VALERY GISCARD D'ESTAING.

Le ministre du travail,GILBERT GRANDVAL.

Le secrétaire d'Etat au budget,ROBERT BOULIN.

PREMIER MINISTRE

DECRET N° 75-215 DU 4 AVRIL1 1975modifiant le décret n° 57-281 du 9 mars 1957 portant règlement d'administration publique pourl'application de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse.

Le Premier ministre,

Vu la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse.Vu la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision ;Vu le décret n° 57-281 du 9 mars 1957 portant règlement d'administration publique pour l'applicationde la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse, modifié par le décret n°65-616 du 22 juillet 1965;Vu l'article 21 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ;Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu.

Décrète :

Art. 1er. - L'article 2 du décret du 9 mars 1957 susvisé, modifié par l'article 1er du décret du 22 juillet1965 susvisé, est remplacé par les dispositions suivantes :

318

Article 2.

Le représentant du service public national de la radiodiffusion-télévision française au conseil supérieurde l'Agence France-Presse est nommé par le Premier ministre ou le ministre délégué à cet effet parmiles personnalités hautement qualifiées en matière de radiodiffusion et de télévision.

Art. 2. - L'article 9 du décret du 9 mars 1957 susvisé, modifié par l'article 2 du décret du 22 juillet1965 susvisé, est remplacé par les dispositions suivantes :

Article 9.

Le Premier ministre ou le ministre délégué à cet effet nomme les représentants du service publicnational de la radiodiffusion-télévision française au conseil d'administration de l'Agence France-Presse après consultation des présidents des sociétés nationales de programme.

Art. 3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 4 avril 1975.

JACQUES CHIRAC

319

2. Note Impact, Contrôle de la presse internationale, 29 mars 2005.

NOTE-IMPACT

Mardi 29 Mars 2005

CONTROLE DE LA PRESSE INTERNATIONALE

ASIE-SEISME

—En français : 3 AFP. 5 panachages AFP/concurrence.—En anglais : 7 AFP, 1 RTR. 2 panachages AFP/concurrence. 1 panachage concurrence.—En allemand : 2 panachages AFP/concurrence. 2 panachages concurrence.

RUSSIE-KIRGHIZSTAN

—En français : 1 AFP, 1 AP. 1 panachage AFP/concurrence.—En anglais : 8 AFP, 8 AP, 8 RTR. 2 panachages AFP/concurrence. 2 panachagesconcurrence.—En espagnol (reprises de la veille) : 1 AP. 1 panachage AFP/concurrence. 1 panachageconcurrence.—En allemand : 1 AFP, 1 DPA.

PROCHE-ORIENT

—En français : 3 AFP. 1 panachage AFP/concurrence.—En anglais : 13 AFP, 7 AP, 7 RTR. 1 panachage AFP/concurrence. 1 panachageconcurrence.—En espagnol (reprises de la veille) : 3 AFP, 2 EFE. 2 panachages AFP/concurrence. 1panachage concurrence.—En allemand : 1 AP. 1 panachage concurrence.

VATICAN-PAPE-SANTE

—En français : 4 AFP. 1 panachage AFP/concurrence.—En anglais : 6 RTR, 2 AFP, 2 AP.

320

—En espagnol (reprises de la veille) : 4 AFP, 1 AP. 1 panachage AFP/concurrence. 2panachages concurrence.—En allemand : 1 panachage concurrence.

NOTE-IMPACT

CONTROLE DE LA PRESSE INTERNATIONALE

=DETAILS=

ASIE-SEISME

—En français :

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/trois mois après le tsunami, alerte autour de l'Océan Indien/1 à Libreville ; unnouveau tremblement de terre sème la panique en Asie du Sud-Est/1 dans le Figaro.

—Papiers de moins de 300 mots :

- AFP/1 à Bruxelles.

—Panachages AFP/concurrence à La Haye (AFP/RTR : l'Indonésie à nouveau frappépar un séisme), Bruxelles (RTR/AP/AFP : un nouveau séisme crée la panique, AFP/AP :un nouveau séisme ravage l'île de Nias), Genève (AP/AFP : un violent séisme sème lapanique en Asie) et Athènes (AP/AFP : la terreur resurgit).

—Correspondances dans Libération (l'Indonésie tremble encore).

—En anglais :

—Papiers de 500 mots et plus :

- AFP/tsunami fears sweep across Asia/1 à Jobourg ; in Aceh, men prépare for lifewithout women/1 à Kuala Lumpur.

- AP/battered Aceh relives tsunami nightmare/1 à Jobourg ; major quake causes panic/1à Kuala Lumpur ; massive quake kills 300/1 dans Jordan Times à Amman.

—Papiers de moins de 300 mots :

321

- AFP/2 à Dubai.- RTR/1 à Dubai.

—Panachages AFP/concurrence à New Delhi (AFP/RTR : quake off Sumatra trigerstsunami fears) et Dubai (AFP/RTR : Asia on tsunami alert after Indonesia quake).

—Panachage concurrence à Hong Kong (RTR/AP : quake triggers fear across région).

—Agences non identifiées à Islamabad (massive quake sparks tsunami panic).

—Correspondances à Stockholm (new strong quake créâtes panic in South-East Asia)et dans l'IHT (big asian triggers panic, but no tsunami).

—En allemand :

—Panachages AFP/concurrence dans Berliner Zeitung (DPA/AP/AFP : la paniqueaprès l'alarme au tsunami) et Tagesspiegel (AFP/AP/DPA : panique après un nouveau razde marée en Asie du Sud-Est).

—Panachages concurrence à Vienne (RTR/DPA : new quake hits Sumatra) et dans laFAZ (DPA/AP : un nouveau raz de marée touche la région de Sumatra).

RUSSIE-KIRGHIZSTAN

—En français :

—Papiers de 500 mots et plus :

- AP/les vainqueurs affirment leur pouvoir/1 à Bruxelles.

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/le parlement confirme la nomination du premier minister intérimaire/1 àBruxelles.

—Panachage AFP/concurrence à La Haye (AFP/AP/RTR : Bakiev accepte le parlementen Kirghizstan).

—Correspondances dans le Figaro (Roza Otounbaïeva, le troisième homme de larévolution kirghize) et Libération (la révolution prend des allures de coup d'état).

—En anglais :

322

—Papiers de 500 mots et plus :

- AFP/Kyrgyz coup news filters through/1 à Hong Kong ; papier Coleman/revolt leavescountry région gasping/1 dans Jordan Times à Amman ; Uighurs hope for tolérance afterbazaar attack/1 à Dubai.

- AP/parliament vie for power after overthrow of leader/1 dans Jordan Times à Amman.- RTR/Akayev is still président-speaker, Kirghizstan plunges into deeper crisis/2 à

Islamabad.

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/mob orders Uighurs to go back to China/1 à Bangkok ; new news is good newsfor résidents/1 à Hong Kong ; was it the power of people or Kung fu ?/l à Dubai.

- RTR/asian state in turmoil/1 à Jobourg ; Bakiyev heads state for now/2 à Bangkok ;instigator of kyrgyz coup named as intérim PM/1 à Hong Kong ; new leader installée inKirghizstan/1 dans PIHT.

- AP/Bakiyev throws his weight behind new Kurgyz parliament, Kirghizstan rivalrycould allow ousted leader to regain power, new parliament légal, conflicts could giveAkayev foothold, radical islamism may be on rise amid political turmoil in Kirghizstan/5à Tokyo ; 2 parliaments vie for power in Kirghizstan/1 à Manille.

—Papiers de moins de 300 mots :

- AFP/1 à Manille, 1 à Kuala Lumpur.- AP/1 à Singapour.- RTR/1 à Dubai.

—Panachages AFP/concurrence à Tokyo (RTR/AP/AFP : new leader tries to endrivalry in Kirghizstan) et Dubai (AFP/RTR : Kyrgyz parliament cèdes power).

—Panachages concurrence à Sydney (AP/Times : leader moves to end Kyrgyz powerstruggle, RTR/AP : power wtruggle rages after people's révolution).

—Agences non identifiées à Taipeh (Kirghizstan's intérim leader backs newparliament).

—Correspondances à Stockholm (parliament agrées on new leader), Moscou (power inKirghizstan transfers to parliament elected by Akayev).

—En espagnol (reprises de la veille) :

—Papiers de 500 mots et plus :

- AP/se complica situacion en Kirghizstan/1 à Caracas.

323

—Panachage AFP/concurrence à Sao Paulo (RTR/DPA/AFP : dos disputan el poder etKirghizstan).

—Panachage concurrence à Caracas (ANSA/DPA : se complica situacion enKirghizstan).

—En allemand :

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/Akayev calls for end to reprisais against his followers/1 à Vienne.

—Papiers de moins de 300 mots :

- DPA/1 à Vienne.

PROCHE-ORIENT

—En français :

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/référendum sur le plan de retrait de Gaza : la Knesset contre, début du compte àrebours/1 à Abidjan ; Ariel Sharon franchit l'obstacle dressé par son propre parti, leréférendum contre le retrait de Gaza rejeté/2 à Genève.

—Panachage AFP/concurrence à Athènes (AP/AFP : les colons menacent de guerrecivile).

—Agences non identifiées dans le Figaro (plus aucun obstacle parlementaire au retraitde Gaza).

—En anglais :

—Papiers de 500 mots et plus :

- AFP/israeli MPs reject référendum proposai, Erakat calls for immédiate talks withIsrael/2 à Islamabad.

- AP/referendum over Gaza pullout rejected/1 à Tokyo.

—Papiers de 300 à 500 mots :

324

- AFP/damning report expected on Jérusalem land affair/1 à Beyrouth ; Israël vows tokeep biggest West Bank settlements/1 à Jobourg ; Gaza référendum plan shot down/1 àNew Delhi ; largest settlements will stay, Sharon says/1 à Bangkok ; Hamas ready to joinPLO say top leader, Palestinians seek resumption ot ties with Israel/2 à Dubai.

- RTR/Israel to defer withdrawal from 3rd West Bank town, Mourinho lends supportfor Mideast peace project/2 à Tokyo ; PLO may accept islamic Jihad, Hamas in its fold/1à Dubai.

- AP/soccer teams mix it up to promote Mideast peace/1 à Tokyo.

—Papiers de moins de 300 mots :

- AFP/1 à Stockholm, 1 à Jobourg, 1 à Hong Kong, 2 à Dubai.- RTR/1 à Singapour, 1 à Tokyo, 1 à Djakarta, 1 à Sydney.- AP/1 à Tokyo, 1 à Djakarta, 2 à Dubai, 1 dans l'IHT.

—Panachage AFP/concurrence à Beyrouth (AP/AFP : Palestinians urge immédiatepolitical négociations).

—Panachage concurrence à Dubai (AP/RTR : référendum on Gaza rejected).

—Correspondances à Moscou (none will any longer prevent sharov separating fromPalestinians) et dans Jordan Times à Amman (Knesset rejects pullout référendum).

—En espagnol (reprises de la veille) :

—Papiers de 500 mots et plus :

- EFE/Israelies y Palestinos unidos por la inusica/1 à Bogota.

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/Sharon asesta rêves a opositores a retirada de Gaza/1 à Caracas ; logra Sharonopositor/1 à Mexico.

—Papiers de moins de 300 mots :

- AFP/1 à Mexico.- EFE/1 à San José.

—Panachages AFP/concurrence à Sao Paulo (RTR/EFE/AFP : Sharon mantienemayoria y garantiza el retiro de Gaza) et Mexico (DPA/AFP : retrasa Israël la entrega deKalkiliya).

—Panachage concurrence à Sao Paulo (DPA/EFE : contrabando de armas lleva a Israëla postergar la entrega de ciudad).

325

T, , .

—En allemand :

—Papiers de 500 mots et plus :

- AP/Sharon seul à la tête du gouvernement/1 dans Tagesspiegel.

—Panachage concurrence dans la FAZ (DPA/AP : le parlement israélien s'oppose auréférendum sur le retrait de Gaza).

VATICAN-PAPE-SANTE

—En français :

—Papiers de 500 mots et plus :

- AFP/Jean Paul II trahi par son corps/1 à Genève.

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/le Pape rate complètement la fête de Pâques/1 à Bruxelles ; l'Eglise dans ledésarroi/1 à Genève.

—Papiers de moins de 300 mots :

- AFP/1 à Abidjan.

—Panachage AFP/concurrence à La Haye (AFP/AP/RTR : le Pape essaie de parler en

vain).

—En anglais :

—Papiers de 300 à 500 mots :- AFP/dramatic papal appearance raises concerns for Roman Catholic church/1 dans

Jordan Times à Amman ; Pope's health raises concerns for Catholic Church/l à Dubai.- RTR/Pope skips Easter blessing/1 à Islamabad.

—Papiers de moins de 300 mots :

- RTR/1 à Jobourg, 1 à Bangkok, 1 à Sydney, 1 à Hong Kong, 1 à Dubai.- AP/1 à Kuala Lumpur, 1 dans l'IHT.

—En espagnol (reprises de la veille) :

326

—Papiers de 500 mots et plus :

- AFP/bendicion sin palabras del Papa a sus fieles/1 à Bogota ; Papa da una bendicion;ilenciosa/l à Caracas ; el Papa no pronuncia la bendicion Urbi et Orbi por su precariaialud/1 à Asuncion.

—Papiers de 300 à 500 mots :

- AFP/dramatica aparicional Papa al cierre de la Semana Santa/1 à San José.

—Papiers de moins de 300 mots :

-AP/1 à Bogota.

—Panachage AFP/concurrence à Caracas (ANSA/DPA/AFP/EFE : el Papa impartio eniilencio la bendicion Urbi et Orbi).

—Panachages concurrence à Sao Paulo (AP/RTR/Times : bendicion del Papa-onmueve a la multitud) et Mexico (RTR/DPA : bendicion Urbi et Orbi en el Vaticano).

—Agences non identifiées à Quito (el Papa reaparecio pero su salud no ha mejorado).

—Correspondances à Santiago (silencioso, Papa conmovio al mundo).

—En allemand :

—Panachage concurrence dans Tagesspiegel (AP/DPA : le Pape reste muet).

-ALA

327

3. Notes Nicosie-Le Caire, 29 mars 2005, l lhlO.

note-LeCaire

NICOSIE - 29/03/05 - 1110 - attn hz/jmm: concurrence score aujourd'hui pratiquementpartout avec comme angle 'Brotherhood says over 230 arrested in Egypt', info que sauferreur n'avons pas eue. preneurs d'un follow-up sur la nervosité apparente des autorités àl'égard de ces mouvements de contestation inédits en Egypte, amts. Pad

328

4. Prévisions Sport, 19 juillet 2005.

3 ATD49 SPO FAF.NOT-NS.SPO S EMI 1907O5-10hl5 W0385

Prévisions-SportsA l'attention des rédactions

PARIS, 19 juil (AFP) - Prévisions Sports du MARDI 19 JUILLET

Cycli sme-ProTour-TDF-PRPAU

Tour de France - L'étape de mercredi Pau-RevelPRESENTATION 250 mots 15h00

Cycli sme-ProTour-TDF-MGPAU

Tour de France -MAGAZINE 5/600 mots 17h00

Cycli sme-ProTour-TDF-ECPAU

Tour de France - La gazetteECHOS 300 mots 17h00

Cyclisme-ProTour-TDF-CR-DC-MG-CO-ENPAU

Tour de France 2005 - 16e étape Mourenx - Pau, 180,5 kmCOMPTE RENDU 5/600 mots 18h30DECLARATIONS (vainqueur, maillot jaune, principaux acteurs)PORTRAIT du vainqueur 400 mots 19n00COMMENTAIRE 7/800 mots 20h00ENCADRE: les décisions officielles 20h00=(PHOTOS)=

Cycli sme-TDF-ProTour-Sport-MGPARIS

Tour de France - Saunier Duval , ou comment rentabil iser le Tour deFrance

Parrainer une équipe du Tour de France cycl iste, en 2005, permetaussi d'exploiter au maximum la notoriété de l'épreuve en termed'image, de marketing et de motivation interne, comme le montrel'exemple du chauffagiste Saunier Duval, pour sa premièreparticipation à la Grande Boucle.

MAGAZINE 600 mots TRANSMIS

FOOt-FRA-Ll-MGPARIS

Ligue 1 - Les t ro i s promus - Le Mans, Nancy et Troyes - vont devoirbata i l le r pour conserver leur place parmi l ' é l i t e avec des entraîneursqui n'ont jamais exercé en L l . Le handicap n 'es t - i l pas trop lourd ?

MAGAZINE 500 mots 14h00

FOOt-FRA-Ll-ENNANCY

ENCADRE: fiche de Nancy llhOO

FOOt-FRA-Ll-ENTROYES

ENCADRE: fiche de Troyes llhOO

FOOt-FRA-Ll-ENLE MANS

ENCADRE: fiche sur Le Mans llhOO

Natati on-MOND-CRMONTREAL

Mondiaux-2005 - Natation synchroniséeCOMPTE RENDU 300 mots 21h00, COMPTE RENDU ACTUALISE 4/600 mots

(nuit)=(PHOTOS)=

Natation-MOND-CRMONTREAL

329

5. Organigramme des filiales de l'AFP

AsiaSporI(en .cille)

ABN (infos

Agence France Presse(AFP)

Agence France Presse Ltd(AFP Ltd)

rabc)

DPA / AFX FranceAFX

BPL/AFXinformation{en veille)

AFP GmbHinfos en allemand

CompanyNew)

Diffusion

SID GmbH &KG

sports en allemandCosmos GmbHorganis. événements

sportifs

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6. Récapitulatif des attributs, Manuel de l'Agencier, 2004, page 69.

> Récapitulatif des attributs

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7. Audit des clients français de l'AFP, 2003.

Rappel général

Les résultats du sondage réalisé à l'automne 2003 par la rédaction en chef auprès desabonnés français (sept quotidiens PQR, les quotidiens parisiens, TF1, France 2 et France 3,

-trois radios), sont toujours d'actualité et doivent continuer à guider notre réflexion sur lecontenu de la copie.

Les attentes exprimées s'organisaient autour de quatre grands thèmes :

1/ Décryptage de l'infoL'essentiel, c'est la pédagogie, la clarté. Les clients veulent des encadrés, des fichestechniques, des chronos, et des papiers rédigés pour un lecteur "grand public", répondantaux questions: que faut-il comprendre? Ca change quoi dans la vie quotidienne?

Agnès Molinier (France 2) : « Nous avons surtout besoin de chronos, de dossiers, depapiers de background, quitte à repasser plusieurs fois les mêmes dès qu'un événementimportant survient. Il faut pouvoir mettre en perspective, ne pas avoir le nez sur l'événementsi on veut le rendre lisible »La Provence : >< L'info est de plus en plus compliquée, il faut la décrypter. Au niveau del'écriture, il faut viser le grand public et traduire la langue de bois des sources. La partiescience est bonne justement parce que vous faites cet effort de vulgarisation ».Chantai Danon (Le Progrès de Lyon) : « Nous apprécions tout ce qui est éclairage etanalyse, nous avons besoin de papiers qui donnent des repères, des mises enperspective. »

2/ "Sociétal"Dans la même veine, les abonnés apprécient que les sujets institutionnels ou d'actu soientdéclinés sur le mode "sociétal". Un constat assez général est que l'AFP est encore faibledans les secteurs qui touchent au "life style", qu'ils relèvent de la consommation, desnouveaux modes de vie, des nouvelles relations familiales, etc..

3/ Info sur les réglonsOn note également une demande d'info régionale accrue.Ouest-France : « A l'avenir, il me semble que la vie politique des régions devra être mieuxprise en compte. »Le Figaro : « L'AFP pourrait donner plus d'info des régions, nous sommes preneurs depapiers transversaux à l'occasion des élections locales»

4/ AnticipationLes journaux, rejoignant en cela certains services des télévisions, travaillent de plus en plusà J-2, préparent des pages froides sur des dossiers (style: l'événement de Libé). Ilsapprécient nos efforts d'anticipation, nos dossiers d'avant-papiers diffusés suffisamment àl'avance. Pour un événement classique, nous devons systématiquement diffuser l'avant-papier l'avant-veille, puis repasser un papier balai la veille et, si nécessaire, un lever derideau.

332

8. Rédaction en chef : notes rédactionnelles, Informations people12 janvier 2000, ASAP.

REDACTION EN CHEF : NOTES REDACTIONNELLES> Notes rédactionnelles permanentesT Informations "people"

Du 12/01/2000

PARIS, 12/01/99 - 1525 - Voici quelques principes rédactionnels concernant les informations "people", dontcertains clients sont friands.SUJETS: les personnalités de la scène, des arts, du sport, des médias, les "rayais", mais sans oublier leschefs des grandes entreprises et les dirigeants politiques, selon la nature des informations les concernant. Lessujets sont vastes: projets, déclarations, naissances, unions ou ruptures (sans tomber dans le graveleux), etc..VOLUME: faire court. Les clients radios cherchent des brèves pour alléger leurs journaux, la presse écrite desbrèves pour boucher les trous dans des maquettes de plus en plus rigides. Bien sûr, des infos de type peoplepeuvent parfois être développées et donner lieu à des papiers plus longs.SOURCES: le fait qu'il s'agisse de sujets légers ne signifie en rien qu'il faille prendre des libertés avec lesrègles d'agence. Les mêmes règles de fiabilité, de respect de la vie privée et de vigilance sur la diffamationdoivent s'appliquer.La source doit être identifiée, a fortiori s'il s'agit d'un autre média. Il n'est pas toujours possible d'obtenir desconfirmations. C'est vous, dans les bureaux, qui connaissez le crédit à apporter aux pages "people" de tel outel journal.En tout état de cause, il est préférable d'obtenir des infos originales.ECRITURE: il faut la soigner. Elle doit être vive : le "people" se satisfait mal des rapports de police.PHOTO : autant que possible, envoyer la nouvelle en lien avec le service photo de manière à founir aussi uneillustration au client.RAPPEL: le slug "people" doit figurer dans chaque dépêche, éventuellement décliné avec un autre mot-clé(par exemple USA-presse-people).Merci adresser toute question sur le traitement d'une information "people" à la rédaction en chef et au chef duservice Société, Frédéric Bichon.Amts. redchef Iba

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9. AFP, Rapport, « Les priorités rédactionnelles de l'agence », 2000.

PARIS -22106100 -1600 -Voici une évaluation par la redchef des progrès accomplis depuis l'andernier dans la mise en oeuvre des priorités rédactionnelles de l'agence, et quelques pistes pourapprofondir le travail.

1/RENFORCER NOTRE CREDIBILITEA/ Les efforts de l'AFP pour améliorer l'intérêt, la précision et l'exactitude de ses informations sontfructueux et ont été remarqués par des clients, y compris les plus exigeants (cf récents commentairesdu New York Timesconsultables sur l'intranet). Nous devons poursuivre dans cette voie. Le document sur les sources -quidoit être remis à tout nouvel arrivant, en même temps que le manuel de l'agencier —est généralementbien suivi par les producteurs et les desks.Nous devons trouver une source identifiée, autant que possible. Nous devons rester très vigilants quantà l'utilisation de sources de seconde main et nous assurer que les citations que nous reproduisons sontcomplètes (phrases entières) et rigoureusement exactes.B/11 y a encore beaucoup à faire pour publier une copie propre. Trop de fautes d'orthographe et fautesde frappe se retrouvent sur le fil, avec des anglicismes en français et des gallicismes en anglais. Larelecture dans les bureaux et services, avant que la copie soit envoyée aux desks, doit être la règle. Lesdesks, surcharges, doivent absolument recevoir une copie propre des producteurs (a fortiori si la copieest urgente).Les desks de leur côté, outre l'indispensable relecture sur le fond, doivent s'assurer de la qualitéformelle de la copie servie aux clients et, le cas échéant, renvoyer au producteur une dépêche malrédigée.C/ Pour analyser notre couverture, la redchef travaille étroitement avec le service alerte et analyse àParis et en coordination avec les responsables rédactionnels des régions. Elle étudie en permanencenotre production et celle de la concurrence, de même que des sites internet de nouvelles. Les leçons àtirer, qui sont relevées dans les notes rédactionnelles régulières (consultables sur fil note et surintranet), sont appliquées dès que possible.D/ Sur l'harmonisation de la copie, il reste des efforts à faire entre le français, l'anglais et l'espagnol.Des différences d'angle peuvent bien sûr être nécessaires dans des dépêches destinées à des régions etdes

abonnés différents. Néanmoins, nous avons encore trop de divergences factuelles entre certaines

dépêches, y compris dans des urgents. De même, pour une histoire mondiale, l'angle principal doit être

traité de façon similaire dans les différentes langues.

Lorsqu'un desk conteste l'angle retenu par un producteur, la redchef régionale ou centrale doitimmédiatement être alertée pour que la couverture puisse être réexaminée et que le papier puisse le caséchéant être remanié par le producteur lui-même.Les responsables rédactionnels régionaux ont un rôle important à jouer sur ce plan, en suivant la copiedans toutes les langues et pas seulement dans la langue principale de leur région.

2/AMELIORER LES CONTENUS

AI Des progrès ont été accomplis pour servir aux clients des papiers principaux plus régulièrement sur

les dominantes mondiales ou régionales du jour. Il faut commencer le plus tôt possible dans lajournée

(pour les grands événements attendus, envoyer un overnighter la veille au soir). En français comme en

espagnol, nous sommes souvent lents à réactualiser les papiers principaux après un développement

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majeur. Nous devons aussi soigner l'écriture. Les grands développements méritent une écriture

attentive, pour battre la concurrence qui s'efforce systématiquement de produire une copie bien écrite

sur les dominantes du jour.

Chaque fois que cela est possible, nous devons détacher un éditeur expérimenté pour relire les papiersprincipaux. Un bon papier journée n'est pas simplement un copié-collé d'histoires précédentes et dontle volume gonfle à chaque nouveau développement. Il doit être bien construit et soigneusement réécrit.

335

Producteu-s et deeos doivent veiller à ce que les nouveau* dêvelunjuinmits soient traites en factuel séparéayant d"ê!re in;orporé« dans un nouveau papier général. Ceci est important non seulement pour CB-tainsclients mais aussi oour les desks d'autres langues qui peuvent travailler avec votre copie. Sauf dans descirconstances temporaires al particulières, Ica journalistes ce l'AFP ne travaillant pas pour un seul servies delangue, mais pour toute l'AFP.

R' Un événement majeur doit être traité avec un bullotrt. même si l'événement éUil aiteneu. Simultanément,nous devons veiller ô ne pas avoir trop d'urgents consécutifs sur une même histoire, peur éviter unemultiplication d'urgents sur le fil. En cas de doute, rous conseillons de toujours privilégier la priorité supérieure(envoyez tn bulletin si vous tôGiiez entre un fcullotin et un urgent, un urgent si vuts hésitai entie ur P3 Bt unutgent).

d Nous réservons sncore tiop eouvent un traitement institutionnel aux avènements Institutionnels qui, avecun peu d'imagination, peurra ent être couverts de façon plus vivante. Par exenpie, II faut éviter fe focalifior tecouverture d'ure jojrnès électorale sur les conditions météo et les modalités du vote, pour n'arriver qu'aidixième paragraphe aux enjeux du ocmtin et aux candidats,N'oublons jamais la phrase expliquant pourquoi l'événement dani nous partons est digne d'être relaté. Ergénéral, elle dot être placée 1res lautdans la dépê;he.

D/ Nous devons veiller a bien anticiper les couvertures, en repérant où les troubles se profitent et en envoyantà 'emps les renforts nécessaires texte et p-ratoSi un événement majeur eurviont cane p'ivotïir, i- ne faut pas perdre oe temps et ~ voir comment cefâ vaévoluer ", mais dépêcher sans délai una équipe texte et photo II est très rare qu'une équipe revenne lesmains vicies. A finverse, si nous arrivons trop tard sur les lieux, il est difficile de rattraper le temps pejdu. SI unbureau n'a pas de moyens à ea diepooition, il doit contacter Immédiatement la iBjcIiHf régionale. En cas debesoin, des renforts peuvent aussi être envoyés de Paris.Nous avons eu aussi des exemples récents de bureaux fermant prématurément alors que des événementsimportants eo déroulaient dane leur zona do couverture. Dans u i tel oass, ta t'umfcu doit consulter la r6och©frégionale ou centrale avant de fermer.

E/ Los différente types de papiers à di'fuser sur une histoire mpûi tanlu sont connus. A part le papier principalet les différents angles qui peuvent être développés, un bureau couvrant un événement important dot sficoordonner aves la redehef pour que soient diffusés à ternis les pertraiis, ctironologiôs, îdies techniquas,papiers coUeur, anaysca et aynthâaes téactiorvs.

Quelle que soit la langue de travail, la longueur des papiers doit êTe au maximum de 600 mots pour tespapiers principaux, sauf oour des èvèiements mondiauK d'ampleur exceptionnelle. Les angles st reportagespeuvent avantageuGomctt ôtre limités à -400/500 mots. M est à iniiiaiquer que les impératifs du multimBdianous obligeit è être sncore plus esneis (sur un site wab. une histoire en 400 mots est déjà longue). Les rieskspejvent renvoyer un papier trop long au producteur, pou- rééDritute.Lss titres doivont ôtre oourta et préci3.

F/ Nous produi&sns de plus en plus de dépêches sur des sujets internet/santéfeocièté, mais la demande descliente sroit onooro plu3 vite. Malgré de gros efforts fournis par las bureaux si services, notre couverture del'imemet et de la haute technologie reste souvent insuffisante, avec fréquemment de grcs écarts anire régionset langues ce production. Pour faite face, il convient d'abord de renforcer notre réBeau, en mettant l'accent surune an^ôliorcitlon do la production au* CtcHs-Untà, uù iiuus sommes faibles Bn anglais.

G/Agendas : la région Europe a lancé l'an derner sur les fils un agenda quotidien qui fournit un excelent outilde travail pour l'AF!*1 commo pour ses clients. Il audiait l'étendre sous forma puoliable a l'Afrique et aux autresrégions qui ne le font pas encore.

H/ Plan3 de couverture : chaque bureau ou seivice couvrant un événement important doit envoyer â l'avanceà sa rédaetbn en chef régionale un plan de couverture détaillé. Copie peut aussi Mm p.nvnyée â la redehefcentrale-.Si ^événement est sifBsamenl impuTtait, te plan de couvertu'6 peut être diffuse sur le fS pour les clients, afinde leur expliquer ce cu'Hs peuvent attendre de l'AFP. Ne oas hésiter à snfrar flans las d^ails pour dire si rwiis

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prévoyons bullstins ou urgents, à quefle heure nous prévoyons las Iftarts prinapaux et las reportages, etc.. Ala fin de la note, if Envient de mettre une plrase expliquait que ce plan de couvertue peut êire modifié enfonction do3 avènement».

» DEVELOPPER IA COORDINATION

La coopération est étroite entre la redehef centrale, les régions et le technique, e( la ooordination texte-photoest en train d'être renforcé*, la réclacliwn t?n chef â Parts organise des oontérenœs audio quotidiennes avecHong Kong, Neosifl, Washirtgton e! Morteviceo. est en contact parmanant avec l'Euraf et a une rencontrequotidienne avec les chofs das services de production parisiens.La noTiinotion d'un coordinateur écottonique International a aide a améliorer la coordination Les serviceséconomiques doivent identifier et produire des papiers grand public sur i«»s Avénarrenfe principaux pour les filogénéraux.

4/ AMELIORER LE RESEAU

Des progrès doivenl être faits pour améliorer le recrutement. En partiraifer, les affichages dos poetoo de statutrégional devraient être plus largement connus. La formation des nouvelles recrues doit être renforcée,

5/ECHOS DES CLIENTS

La redehel, les rédacteurs an coef régionaux et les chefs d« bureaux sont on contact régulier avec lesclients. Nous recueillons régulièrement dos réactions. Certaines sont disponibles sur l'intranet. Ladistribution doit cependant être améliorée,

6/CONSOLIDER LA REGIONALISATION

Los structuras rédactionnelles régionales (redchèf-réglonn-biifeauxj fonctionnent d'une manièregénérale correctement, avec un dialogue fréquent. Cependant, il y a encore des occasions où lesbureaux, voire la radchwf, court-clrcuitent les rédacteurs en chef régionaux sur des questionstouchant aux couvertures. Ceci ne peut pas subsister Sauf bien sûr en cae d'urgence, Ica seulscontacts directs court-circuitatv. une rocchef régionale doivent être limités à des questions routinièresd'un de&K k un producteur sur une dépêche, qui ne changeraient pas fondamentelemont la substancede l'histoire.Lea envoyés spéciaux doiv&nt prendre contact immédiatement (si possible avant leur départ) avec lebureau et le rédacteur en chat régional. Lors de la mission, le contact doit être maintenu enpermanence, y compris au moment de "ri

EWrt-BA/RecfchBf 22/06/00

Priorités rédactionnelles:CR des réunions des 30/09 et (Jl'io 1999

Voici une liste de six priorités qui ont été abordées au cours des réunions rédactionnelles organiséespar la direction de l'information et la rédaction en chef centrale les 30709 et 01/10 à Parts. Lesresponsables rédactionnels dn I'a0enc« sont appelée à «ouvrer à doa améliorations dans cesdomaines, Nous passerons en revue les progrès après six mois.

1/ Ronforeer fa crédtoilité

-L'exactitude de nos informations doit être la priorité des priorités, d'autant plus que l'AFP estparfois critiquée pour sa crédibilité. Cet impératif d'exactitude doit aller de pair avec l'exigencede rapidité (qui ne doit pas être confondue avec la précipitation). L'AFP tire d'abord et vérifie ensuite:

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c'est la réputation à laquelle nous devons tordre le cou dans les mois qui viennent, en interne et enexterne.-Pour cela, il faut respecter les règles rédactionnelles et développer sans cesse les garde-fous. Enassurant une relecture systématique de la copie dans les services et les bureaux et en la matérialisantpar des initiales. En vérifiant et en faisant vérifier plutôt deux fois qu'une (quand nous diffusons uneinfo en citant un autre média, passer systématiquement un lead dès que la vérification aura pu êtrefaite). S'assurer que les infos sont correctement et rigoureusement sourcées. Bannir en particulierl'utilisation clandestine des sources secondaires. Inciter les correspondants à cultiver les sources et àconnaître leurs dossiers. Au desk, vérifier que les titres correspondent aux leads, que les leads sontétayés par des citations complètes et exactes et que 2 et 2 font 4. Veiller dès la production à ce qu'unecopie propre soit rédigée et servie aux clients, sans faute d'orthographe ni erreur grammaticale ni fautede frappe.-Développer l'analyse de nos couvertures à chaud et a posteriori. Veiller au suivi des erreurs qui noussont imputables, des ratages importants ou des retards significatifs. S'assurer que les enseignementssont bien tirés au niveau régional et, dans le cas où ces enseignements ont une valeur plus universelle,les faire connaître aux autres régions. A l'inverse, mettre aussi en relief nos succès.-Harmoniser nos fils. Faire attention à parler sur le même ton dans les différentes langues. Couvrir ladominante du jour en plusieurs langues.

2/ Améliorer les contenus-Privilégier la qualité sur la quantité. Réfléchir à ce que nous faisons, pourquoi, comment et pour qui.Faire plus court (factuels de 200 mots maxi, papiers de 600 mots maxi, voire moins). Toujours sortiren factuel les informations importantes avant de les intégrer dans un lead ou round-up. Rechercher lemeilleur angle. S'efforcer systématiquement et sans attendre d'expliquer l'événement et de le situerdans son contexte. Ecrire pour le lecteur et non pas pour la source. S'interroger sur la nécessité desmissions, la taille et la composition des équipes de couverture.-Donner la priorité au papier principal (trunk story). Il doit être complet et soigné. Il doit être bien écritet ne pas se contenter d'être un simple collage d'informations précédentes. Il doit être régulièrementactualisé.-Confectionner un service moins institutionnel. De même, couvrir de façon moins institutionnelle lessujets institutionnels. Développer les couvertures société, vie quotidienne, vie pratique, people, éco,sport, sciences et technologie. Faire plus d'interviews, de portraits, de reportages couleurs. Faire plusde papiers mondiaux.-Mieux anticiper. Développer les agendas. Signaler les événements méritant une couverture.Expliquer le cas échéant pourquoi ils sont importants. Dès que cela sera possible, mettre les agendassur Intranet. Les prévisions d'événements sportifs doivent figurer aux agendas hebdo et mensuels, aumême titre que les autres événements. Prendre l'habitude de faire des programmes de couverture pourles grands événements.-Améliorer la qualité de nos analyses servies aux clients. Constituer dans chaque région un réseaud'experts susceptibles d'être consultés et de s'exprimer sur les grands sujets d'actualité. Faire attentionà la qualité des experts.

3/ Développer la coordination-Renforcer les liens entre le texte, la photo et le technique et rechercher les synergies, au niveaurégional mais aussi dans chaque bureau. Harmoniser les slugs (nécessité pour le multimédia). Faireattention aux légendes photo.-Améliorer la coordination économique internationale. Mieux assurer les préparations de couvertureet le suivi'de la copie dans ce domaine. Idem pour l'information sportive internationale.-Penser multimédia. Image, infographie, voire son. Etre très vigilant sur la présentation de la copie et

338

4/ Améliorer la qualité du réseau

- Redoubler d'exigences on matière d'embauché.- Œuvrer à la formation permanente en région. Organiser des stages régionaux,

5/ Mieux connaître les attentes des clients

- Travailler plus étroitement avoc les services commerciaux, en région, dans chaque bureau. Organiserune coordination de façon à ce que les remarques des clients soient transmises aux responsablesrédactionnels concernés. Veiller atnssl à ce quo le» bonne» questions eolant pcsoea aux clisnts- Pour las régions ; rédiger un mémo mensuel pour la rédaction en chef centrale sur lesattentesibesoins/remarquos des clionts Ne pas hésiter à faire remonter entre-temps d'évontuaiiesremarques sur la couverture d'événements importants. Sollioitor cas remarques auprès <t«s clientsCultiver tes relations avec les médias locaux.

6/ Consolider la réoionalisatlon

- Développer la communication aveu te centre et ôntre régions. Faire urve nota cfuotldienno (styletél^orafihiqus) sur les questions de couverture. Aussi sur les envoyés spéciaux.- Etre flexibles : favoriser le recours aux mini d8sks et à la validation directe pour les grand*événements.- Les «nvnyés spéciaux d'uns région dans une autre région doivent veiller à prendre contactImmédiatement avec la rédaction en chef régionale et à transmettre leur copio aux desks régionaux. Lacopie des envoyés spéciaux doit passer par la région (veiller au respect systématique du vacte-mRMimdp l'onvnyA spécial).- En cas de déplacement d'une personnalité, chaque région (chaque bureau) doil veiller à Informer lesresponsables rédactionnels de l'endroit où elle se rend en envoyant une nota de quelques lignesdonnant IRA datas du voyage, un minimum de background sur l'importance du déplacement et dessuggestion» pour la couverture souhaitée.

339

10. Communiqué du collectif Femmes de l'AFP, 22 août 2005

COLLECTIP FEMMES ; PETITIONt> Les propositions du collectif fommes pour {'égalité professfonnelfo à l'AFPr Ce texte a été adopté à fa suite d'un voto pat- o-rnall : 146 voix pour, 12 contre et (J

abstentions

Ou î2«je;aoos

Fortes (l'une pétition signée à ce jour par 551 tommes journalistes de l'AFP et 86 de leurs collègues masculinspour dénoncer les inégoSiiès salariale» <?t tes dt^perilés d'évolution de carrière entre tes hommes ni leslemmes à l'Agence, los femmes journalistes ont décidé la création d'un Collectif femmes. Ce collectif aIdentifié une première aérlo de revendications en matière d'égalité professionnelle qu'il souhaita faire avancerà l'AFP, on coopération étroite avec les syndicats et la commission ad hoc du Comité ci"entrepose, «ans lecadre do négociations sur l'égalité professionnelle tel las que prévues pai la loi Ces revendications sont tessuivantes

1) obtenir de la direction de l'AFP qu'elle complète le» statistiques fournies depuis quelque» années surl*égalftè professionnelte nommes-femmes pat dos cttffres plus pertinente pour FAFP, Pour un rééquilibragesalarial, il est indispensable cfavoir communication de tous les salaires versés à l'étranger tant auxcollaborateurs ayant l© statut du siège» qu'aux locaux ou régionaux (et pas uniquement lias salaires derô(éfenci» parisiens retenus pour les journalistes ayant te statut du siège), ceux versés aux 25 grandsdirecteur!*, ainsi que le nombre de femmes figurant dans les 10 plus hauts salaires de l'agença (ce derniorchiffre est d'ores et déjà prévu p<3r la Joi mais non fourni â l'AFP)

2) un enuagemeul de la direction à mener une politique résolument volontariste en favour des famines. Cettepolitique), appelée à devenir un plan d'action à long terme, davra se traduire pat des résultats concrets e\quantiflables dont la direction devra rendre compte régulièrement devant te Comité d'entreprise. Les mesuresBouhatttws sont de deux ordres

- un rééquilibrage» hommes-femmes dans les postes do direollan/managernenl de l'agence. Le collectif aitterrtffiè quelque 130 postes à responsabilité au sein de l'agence tient tes femmes journalistes •sentglobalement exclues: iî s'agit d'unis vingtaine de directmirs parisiôns, cinq directeur régionaux Asie, AmrtOCd,Amsud, Proche Orient et Euraf, 12 rédacteurs en chef d Paris (central, France, photo centrale, photo Franceet photo Euraf, gmbh, afx et cinq rédacteurs en chef régionaux). t4 chefs de services, 16 chefs de des*. 3chefs de reportage. 4 responsables photo régionaux, 51 directeurs de bureaux fl l'étranger ayant le statut dusiège et 7 directeurs cfe bureaux de province.

Après le retour d'ici à la fin do l'été de plusieurs directrices de bureau à l'étranger nommées en 2001 et lesprises de fonction des deux femmes nommées depuis dêcamfcce, il n'y aura plus yu.e deux femmes directricesda bureaux étrangers (Lisbonne? et Kinshasa), trois femmes dlroclrices de bureaux d© province (Mais&ille,Bordeaux et StrashourQ), deux femmes chefs de service (social et vidéo), 3 femmes chefs de- desk et douxdirectrices (Paota Messaria et Anne Tavard). soit 13 femmes au total, cet qui «présent» à peine 10% despostes à responsabilité! (nous avons volontairement écarts les adjoints ainsi que tus directeurs de bureaux àalalut local, en l'absence d'Informations précises à leur sujet). Dans la mesure où les fammos de statut dusiiège représentent un tiers dos jourraJ&fës ayant plus de 20 ans d'ancienneté, il devrait y avou unequarantaine de femmes au total dans lee 130 postes à responsabilité retonus pour rétablir la situation, co quieit loin d'ëtra le cas.Pour faire ssutpr te plafond ae. verre et offrit des parcours professionnels similaires aux hommes et auxfemmes, lo collectif demande la mise en place négociée d'un calendrier d'application des objeclils fia part desfemmes occupant des pontes de direction devant augmenter gradueltennant pour passer à 20 % fin ZOOtî es30% fin ?008), assorti d'un suivi trimestriel pour taire le point de la situation avec la direction.

Le coli«ct»f exige égalâmes! ia p(us grande transparence dans tes nominations, qui jusqu'à présent étaientdécidées par un comité do rédaction entièrement masculin, dans la plus grande opacité, selon des critères âgéométrie variable, souvent définis ou redéfinis on fonction du candidat pressenti (et de fait choisi) bien avantrafficfaage d" poste. Le collectif ©sttrne que la multiplication des postes "fennés* ces dernière» années aconstitua un sérieux frein à la carrière professionnelle des fcmmiia journalistes al demandé qu'à l'avenir lesprofilfe recherchés pour tel ou tel poste (compétence linguistique notamment) soient définis êe maniera préciseet constante et qu'ils soient bien évidemment respectés. Le collectif considère en outre que la fin de l'arbitraireprofitera à tous les journalistes de l'AFPl! demanfle la nasse en p!sce d'un mécanisme da dmeussi-oo systématique avec un représentant de la dhacîian

340

nsultation des pages rage i or

avant et après les nominations, afin d'attirer l'attention sur les candidatures féminines et pour obtenir par lasuite des explications sur les choix effectués,

- des rattrapages salariaux par le biais des primes et promotions pour toutes celles qui ont le statut du siège etpar le biais des salaires pour les collaboratrices locales ou régionales. Le collectif tient à cet égard à rappelerque le mouvement concerne ces dernières au même titre que les journalistes de statut du siège.En ce qui concerne les journalistes ayant le statut du siège, le plan de carrière automatique jusqu'à la 4èmecatégorie, négocié par les syndicats, a permis de gommer les disparités les plus criantes en début de carrière,mais la situation se dégrade rapidement ensuite. D'après les chiffres fournis par la direction, les femmes sontsur-représentées dans les 4ème et 5ème catégories et sous-représentées dans les 7è et 8è catégories (62femmes et 76 hommes étaient à la 4ème catégorie, 86 femmes et 138 hommes à la 5ème ; 20 femmes et 77hommes à la 6ème, 2 femmes et 67 hommes à la 7ème et 1 femme et 32 hommes à la 8ème au 31 décembre2003, selon les derniers chiffres fournis par la direction,)Compte tenu de la situation, le collectif demande immédiatement un 2ème rattrapage dans les primes etpromotions 2005 en faveur des femmes. Les rattrapages devront se poursuivre au cours des prochainesannées jusqu'à ce que l'égalité professionnelle soit véritablement respectée.

3) relancer le dialogue avec la DRH sur les conditions de la mobilité et de l'expatriation à l'AFP, avec lacréation d'un comité ad hoc élargi (réunissant des journalistes hommes et femmes, la direction et lessyndicats) pour discuter de ces questions de mobilité/expatriation dans l'optique de la signature d'un accordspécifique avec la direction sur ce thème.Les discussions auront pour but de mettre à plat tous les problèmes qui se posent aux collaborateurs mutés àl'étranger ou en province. Bien que le sujet concerne tout autant les collaborateurs masculins, les nombreuxtémoignages recensés par le collectif ont souligné qu'il s'agissait d'un vrai sujet de préoccupation parmi lesfemmes journalistes qui sont de plus en plus nombreuses à postuler en province ou à l'étranger. Parmi lesprincipales demandes figurent :- la transparence dans la négociation des contrats à l'étranger avec le respect de grilles de salaires précises,tenant notamment compte des catégories et dès conditions familiales. Les grilles doivent être largementdiffusées, y compris sur ASAP et fournies avant qu'un candidat ne postule et non après, comme c'est le casaujourd'hui.- des aides spécifiques pour le conjoint e.t pour les enfants, selon leur âge, également définies selon unbarème précis, en tenant compte des conditions propres à chaque pays.Il pourrait s'agir de frais de gardepour les enfants en bas âge ou d'un dédommagement ou de frais d'études pour un conjoint qui suit sa familleexpatriée, mais également d'aides en cas de séparation des couples pour amortir les frais de double domicileet de déplacement.

- assistance de l'AFP à Paris et à l'étranger pour aider à obtenir des titres de séjour ou de travail pour lesconjoints- suppression de la règle non écrite qui empêche les couples de partir ensemble en poste ou de travaillerdans le même service.- prévoir un maximum de temps (six mois) entre la date de la nomination et la prise de fonction pour donner letemps au conjoint de prendre ses dispositions.

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11. Communiqué du syndicat SNJ- AFP,vendredi 9 juillet 2004

Franco-anglo : Quelle "égalité des chances" ?

Le sort de la couverture francophone de l'Asie, symboliquement illustrée par la nominationd'un directeur anglophone dans un bureau important de la région, provoque un débat et unecertaine émotion au sein de la rédaction. Plusieurs textes (CGT, SDJ) y ont fait référence etune "pétition" impulsée par un groupe de journalistes anglophones occupant des postes-clé àtravers le monde a été lancée sous le titre "Non à la discrimination - l'égalité des chancespour tous à l'AFP".

Au total, 65 journalistes travaillant en anglais, un peu plus du quart des 237journalistes anglophones, toutes catégories confondues, que compte l'agence ont signé,rejoints par trois francophones.

Voici quelques extraits, traduits par nos soins puisque leurs auteurs n'ont pas jugé bond'en diffuser une version en français :

"Non à la discrimination - l'égalité des chances pour tous à l'AFP""Nous souhaitons exprimer notre déception suite à la polémique dirigée contre le service enanglais par certains de nos collègues français à cause d'une nomination récente. Larhétorique employée a été sur certains points insultante, souhaitant faire des anglophones descitoyens de deuxième zone à l'intérieur de l'AFP et suggérant que nous ne devrions être riend'autre qu'un service de traduction..."

"Nous avons travaillé dur et depuis longtemps pour être des partenaires égaux à l'intérieur del'AFP, et cela nous attriste de voir que des préjugés désuets et profonds ont la peau dure.Mais la question soulevée est beaucoup plus large. Est-ce que l'AFP va cautionner des appelsà une discrimination pure et simple sur le lieu de travail? L'avenir de l'AFP concerne tous lesservices au même degré, et nous serions favorables à un débat sur le rôle du service anglaisdans ce contexte. Mais nous avons besoin d'être assurés que nous ne subirons pas dediscrimination simplement à cause de notre langue de travail."

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Il semble étrange de voir des journalistes anglophones s'inquiéter collectivement d'uneprétendue discrimination, alors que le service en anglais est celui dont l'avenir paraît leplus prometteur au sein de l'agence, autant en termes de clientèle qu'en termes depossibilités de carrière pour ses journalistes.

De plus, ce n'est pas tous les jours qu'un groupe important de salariés en appelle à ladirection - et à elle seule - contre un texte d'une organisation syndicale.

Malgré tout, ce texte, après ceux de la SDJ et de la CGT - c'est surtout ce dernier qui aprovoqué l'ire de certains anglophones - ouvre un débat essentiel. Voire deux : l'un surle statut de ce qu'on a l'habitude d'appeler les "services de langue", et notamment duservice anglais, et l'autre sur la sempiternelle question des nominations à l'AFP.

Nominations au mérite ou copinage ?

Le texte demande "que tous les postes et les promotions [soient] accordés sur la seulebase du mérite". On ne peut qu'être d'accord ; c'est d'ailleurs une revendicationconstante des syndicats à l'AFP depuis des années. La tâche n'est évidemment passimple et les syndicats s'interdisent les jugements de compétence dans leur défense dessalariés.

Néanmoins, on ne peut ignorer et rester indifférent devant certaines habitudesfâcheuses qui se sont établies au fil des ans en la matière :

Par exemple, décourager les candidatures à certains postes. Du style "Oh, ce n'est pasla peine de postuler à ce poste car tout le monde sait que c'est machin qui va l'avoir".Ou plus direct et individuel, lorsqu'on demande gentiment à tel ou tel, dont lesqualifications pour un poste seraient difficiles à contourner, de ne pas se portercandidat afin qu'un favori puisse être nommé sans provoquer trop de vagues dans lamaison.

D'autres phénomènes connus peuvent créer l'impression qu'il existe au sein de l'agenceun clan "d'élus" qui circulent aisément dans des sphères protégées, s'épaulantmutuellement, s'attribuant des promotions et des postes et excluant de fait d'autrescandidats dont la seule faute est de ne pas faire partie du cercle magique. Les syndicatssont souvent amenés à dénoncer les nominations "de poste à poste", sans passage parParis ou un autre centre régional. Nous sommes obligés, hélas, de constater que lenouveau chef de bureau dont il est question passe directement d'un poste à un autre.

Quelles que soient les "discriminations" dont peuvent souffrir telle ou telle catégoriede journalistes à l'AFP, rien ne nous indique que les nominations chez les anglophonessoient exemptes des phénomènes de copinage que nous constatons ailleurs.

Nombre de francophones s'étonnent d'ailleurs de voir certains confrères anglophonespoursuivre des carrières fulgurantes après seulement un poste de production, voireuniquement une ou deux expériences de desk. Autant dire que si l'on devait un jourfaire une comparaison des plans de carrière en fonction de la langue de travail, onrisquerait de trouver que, si discrimination il y a, elle n'est pas du tout dans le sensdénoncé par la "pétition anglophone".

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Suite à la publication du texte en question, le SNJ a posé la question suivante à laDirection, lors de la réunion "DPJ" du jeudi 8 juillet :

"Merci de nous donner vos réactions à la pétition lancée par un certain nombre dejournalistes anglophones. Merci également de nous confirmer que la récente nomination auposte d'un chef de bureau en Asie s'est faite sur des critères uniquement professionnels, etqu'en particulier la Direction n'a demandé à personne de ne pas se porter candidat à ceposte."

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La direction a bien sûr démenti avoir demandé à qui que ce soit de renoncer à postuler.Le Directeur de l'Info a insisté en substance sur l'unicité de l'AFP et la richesse de son"multilinguisme" qui garantissait son identité.

Une entreprise française multilingue

L'anglais a un statut de "langue de référence" dans le monde d'aujourd'hui, qu'on leveuille ou non. A l'AFP, il y a 20 ans, l'ensemble de la copie publiée en anglais étaittraduite du français, à l'exception de celle fournie par un correspondant anglophone auservice économique. Aujourd'hui, selon les derniers chiffres de la Direction, le nombrede journalistes travaillant pour l'étranger (toutes catégories, desks plus correspondants)sont les suivants : 274 francophones, 237 anglos, 81 hispanos, 35 arabophones et 15lusophones. Les germanophones sont comptés par ailleurs. .

Mais quelle que soit l'importance de telle ou telle langue dans le monde et dans lastratégie commerciale de l'agence, l'AFP reste, jusqu'à nouvel ordre, une entreprisefrançaise, et la seule agence de presse non anglo-saxonne dans le monde. Toutes lesdécisions concernant son développement sont prises par des Français, et le marchéfrancophone (l'État y compris) fournit environ les deux tiers de son chiffre d'affaires.Le poids spécifique du service francophone est donc déterminant au sein de l'AFP, etce n'est pas forcément faire preuve de nationalisme borné que de le constater.

On peut donc considérer comme légitime l'idée qu'un chef de bureau - c'est-à-direnotre représentant officiel dans un pays - doive, d'une manière ou une autre, refléterl'identité de l'agence. Il n'est donc pas aberrant qu'on exige de lui la connaissance dufrançais, comme on exige des francophones une connaissance de l'anglais. Maislorsqu'on entend un membre éminent de la rédaction affirmer que pour être chef debureau dans tel pays du Commonwealth il faut également savoir "parler cricket", onpeut se demander où l'on va.

Plus généralement, la maîtrise de la langue française doit être considérée comme unélément constitutif de l'identité de l'AFP et de la cohérence de sa copie, tout comme lalangue anglaise est indispensable pour des raisons pratiques. Si on peut comprendreque bon nombre d'employés locaux dans diverses régions du monde ne puissent pasapprendre le français, un niveau minimum est souhaitable pour l'ensemble desjournalistes statut siège et futur statut régional.

Le SNJ veille au respect des droits des salariés, sans distinction de race, sexe, statut,lieu ou langue de travail. A ce titre, nous nous préoccupons de la cohésion des salariésau sein de l'agence. C'est un point capital, non seulement pour l'entreprise maiségalement pour l'accomplissement de notre travail syndical.

Le texte publié par certains anglophones - adressé, comme nous l'avons déjà noté, à laseule Direction et rédigé dans une seule langue - confirme de manière éclatante quepour certains de nos collègues, l'AFP est vécue comme un conglomérat de"communautés", plutôt que comme un ensemble organique et indivisible. Sur le plansocial, cela peut, hélas, se comprendre. Le moins qu'on puisse dire est que l'AFPmanque d'outils de communication internes performants, ce qui fait que bon nombrede salariés se sentent isolés, ne connaissant que des relations de proximité.L'incapacité des directions successives à élaborer une politique linguistique cohérente,et l'embauche d'un nombre toujours plus important de journalistes qui ne parlent pas

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un mot de français, notamment dans certaines régions, ne peuvent qu'encourager cettetendance au "communautarisme".

Sur le plan rédactionnel, et en ce qui concerne le service anglais en particulier, cecommunautarisme comporte un aspect encore plus troublant : l'idée assez répandueselon laquelle l'AFP devrait laisser se développer un service international en anglaisquasi autonome, et même laisser doucement péricliter le service en français au pointde faire de lui une simple agence "nationale". D'ailleurs on constate déjà, dans letravail de tous les jours, que le service anglais s'affranchit souvent de la rédaction enchef, passant ses propres notes de service sans réelle coordination. Sans parler des trèsnombreux papiers écrits en français et qui ne sont jamais publiés en anglais - et pastoujours faute de moyens.

Il va de soi que personne n'est en train de suggérer que le service anglais ne devraits'occuper que de l'adaptation en anglais de papiers écrits en français. Une telle idéeserait absurde et les chiffres le montrent. Nous savons également que ces problèmesexistent entre toutes les langues de travail de l'agence - bon nombre de papiers écritsen anglais ne sont pas utilisés en français, beaucoup de dépêches rédigées en espagnolne sont jamais traduites dans une quelconque autre langue, et ainsi de suite. La"traduction" et l'adaptation font forcément partie de notre mission, sous peine de voirl'agence perdre son unicité et donc son identité.

Une AFP qui ne serait qu'un assemblage de réseaux semi-autonomes par langue estinconcevable pour au moins deux raisons :

Premièrement, parce que cela impliquerait un gâchis énorme en termes de ressources.Plus notre agence deviendra multi langues, plus nous devons être amenés à exploiter, pour lebien du service dans son ensemble, les ressources fournies par tous les journalistestravaillant dans ces différentes langues.

Deuxièmement parce que la notion de "culture d'entreprise" a un sens, surtout pourune entreprise de presse. Sans entrer dans la question complexe de savoir s'il existe unespécificité du journalisme "à la française" par rapport à une hypothétique essence "anglo-saxonne", un journalisme qui fonctionne en vase clos à l'intérieur d'une culture ou d'unmilieu donné est forcément beaucoup moins riche qu'un travail qui résulte de multiplesconfrontations, d'échanges, et disons-le, de traductions.

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Quant à l'idée selon laquelle l'anglais devrait devenir la langue de travail dominante del'agence au niveau international, elle se heurte à une objection bêtement pratique : onne voit pas au nom de quoi une Direction et un conseil d'administration français, sansparler des acteurs sociaux français, soutiendraient à terme une entreprise qui n'offriraitplus aucun débouché important à des francophones !La fourniture d'un servicemondial en langue française, fabriqué par des correspondants dans le monde entier,fait partie de la mission de base de l'AFP. Il n'est tout simplement pas acceptable devoir le réseau de correspondants francophones en Asie, par exemple se réduire commeune peau de chagrin, pour être remplacé par des services de traduction de la copieanglaise fonctionnant, tant bien que mal, à Paris.Or c'était ce problème-là, et non pas laseule nomination d'un chef de bureau anglophone, qui motivait les récents textes de laSociété des Journalistes et de la CGT journalistes. Détourner ce débat essentiel etjustifié pour en faire un casus belli à propos d'un seul poste relève de la mauvaise foi.

Pour en finir avec le communautarisme

L'AFP est la seule agence de presse mondiale à ne pas avoir l'anglais comme languematernelle. Le fait d'avoir de ce fait plus d'une seule "langue principale" devrait êtrepour elle une source de richesse.

Au moment où nous nous apprêtons à négocier un statut régional qui bénéficierasurtout aux journalistes travaillant dans les langues autres que le français, il est grandtemps de mettre fin aux phénomènes de ghettoïsation à l'AFP. Sur ce point, lesjournalistes anglophones pourraient jouer un rôle important, en comprenant qu'ils neforment pas une communauté à part. Il peut y avoir plus d'intérêts communs entre unCDD anglophone et un CDD francophone, hispanophone ou autre qu'entre ce mêmeCDD et un journaliste qui se trouve parler la même langue que lui, mais occupe unefonction tout autre ou a su s'adapter à une coterie de copains !

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Annexes C - Outils de recherche

1. Formulaire de consentement

Les transformations du journalisme : le cas des journalistes de l'Agence France Presse

Cette recherche s'effectue dans le cadre du projet de doctorat de Mme Camille Laville sous la

direction de Messieurs Armand Mattelart (de l'Université de Paris 8) et Jean Charron (de

l'Université Laval, à Québec). La nature et les procédés de la recherche se définissent comme

suit :

La recherche a pour but d'étudier les changements des pratiques et de l'identité de

journalistes de l'Agence France Presse exerçant ou ayant exercé la profession de journaliste

à l'étranger.

1. Les entrevues réalisées dans le cadre de cette recherche visent à recueillir le point de

vue d'une cinquantaine de journalistes sur différents aspects de leur métier.

2. Les entrevues font l'objet d'un enregistrement audio et durent en moyenne une heure

trente minutes.

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3. Chaque participant(e) peut mettre fin à l'entrevue en tout temps, sans avoir à fournir

de raison, ni à subir de préjudice quelconque.

4. Les propos recueillis lors de ces entrevues pourront être cités dans des rapports de

recherche ou des articles scientifiques produits par la chercheuse ; celle-ci s'engage

à respecter en tout temps l'anonymat des répondants. Les enregistrements audio

seront détruits à la fin du mémoire, et les verbatims conservés sous forme anonymisee.

Les données de cette recherche ne pourront être accessibles à d'autres chercheurs que

sous une forme anonyme.

5. Pour garantir la confidentialité des personnes interviewées, les mesures suivantes

sont prévues :

- Les noms des personnes n'apparaîtront sur aucun document ;

- Les personnes seront identifiées par un code ; seule la chercheuse aura accès à

la liste des noms correspondants aux codes.

- Les propos des journalistes ne seront jamais versés à leurs dossiers

d'employés.

6. Un résumé des résultats de la recherche pourra être transmis aux participantes qui en

feront la demande.

349

Toute question concernant le projet pourra être adressée à la chercheuse (Camille Laville, résidenceJean Sarrailh, ch 757, 39 avenue Georges Bernanos, 75231 Paris cedex 05).Toute plainte ou critiquepourra être adressée au Bureau de l'ombudsman de l'Université Laval à l'adresse suivante : PavillonAlphonse Desjardins, Bureau 3320, Renseignements- Secrétariat : 656-3081

Télécopieur : 656-3846Courriel : ombuds(a),ombuds.ulaval.ca

Je soussigné(e) consens librement à participer à la rechercheintitulée : «Analyse des changements des pratiques et de l'identité des journalistes au coursdes cinquante dernières années : le cas des journalistes de l'Agence France Presse exerçant àl'étranger ».

Signature du (de la) participant(e) Date

Signature du (de la ) chercheur(e) Date

No d'approbation 2004-196 du CERUL et date d'approbation : 21 octobre 2004.

350

2.Questionnaire

Entourez la réponse correspondante :

• Tout à faitd'accord

1

• Plutôtd'accord

2

•Plutôten désaccord

3

• Tout à faiten désaccord

4

- Le rôle de l'agencier consiste moins à collecter activement de l'information qu'à

sélectionner et traiter celle qu'on lui fait parvenir.

- Les grands réseaux de télévision et d'information continue auront tôt fait de remplacer lesagences de presse internationales.

1 2 3 4

- La formation par les écoles de journalisme permet une meilleure intégration d'un journalistelors de son entrée à l'AFP

1 2 3 4

- L'information est un produit commercial comme un autre.

1 2 3 4

- Le rôle d'une agence de presse comme l'AFP n'est pas différent aujourd'hui de ce qu'ilétait il y a trente ou quarante ans

1 2 3 4

351

- Les thématiques de société ont pris une place plus importante qu'autrefois dans les papiersd'agence

1 2 3 4

- Le travail d'un agencier en poste à l'étranger et celui d'un correspondant d'un autre média

sont tout à fait similaires.

1 2 3 4

- Aujourd'hui, du point de vue du journaliste intéresser et divertir compte autant qu'informer.

1 2 3 4

- Le correspondant agencier est davantage sédentaire qu'il y a 15 ou 20 ans.

1 2 3 4

- Le rôle de l'agencier est de rapporter les faits, c'est aux journalistes des médias qu'ilappartient de les commenter et de les expliquer.

1 2 3 4

- L'économie est devenue une thématique plus importante que la politique.

1 2 3 4

- La situation économique (salaire, sécurité d'emploi, statut) d'un correspondant étranger estplus précaire qu'il y a 15 ans.

1 2 3 4

- L'initiative personnelle du correspondant étranger agencier dans le choix des sujets estmoins importante aujourd'hui.

1 2 3 4

- Les agenciers traitent aujourd'hui d'une plus grande variété de sujets qu'autrefois.

1 2 3 4

- Je préfère travailler à l'AFP que dans une autre entreprise de presse.

1 2 3 4

- Il existe une forte solidarité entre les journalistes expérimentés et les nouveaux venus.

1 2 3 4

- Si on a exercé la fonction d'agencier, on peut exercer sans difficulté la fonction dejournaliste dans un autre média.

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1 2 3 4

- Les journalistes de l'AFP ressentent davantage la concurrence qu'autrefois.

1 2 3 4

- Sans sacrifier la rigueur, les journalistes de l'AFP peuvent davantage qu'autrefois adopter unstyle plus personnel dans le compte rendu des événements.

1 2 3 4

353