[French] Travel in Capability - Voyage en Capabilité

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Mémoire de philosophie, Master 2 Voyage en Capabilité Aller & retour Université Paul Valéry, Montpellier Florian OLIVIER 1/60

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Mémoire de philosophie, Master 2

Voyage en Capabilité

Aller & retour

Université Paul Valéry, Montpellier

Florian OLIVIER

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Organisation

I. Capabilité, cité légendaire................................3

Martha Craven Nussbaum...............................4

II. HISTOIRE – ASPIRATIONS ET BATAILLES

..............................................................................7

1) Croissance et Utilitarisme...........................7

L'utilitarisme vu par Nussbaum..................7

Problème du plaisir comme objectif...........8

Utilitarisme des préférences (problème de

l'aliénation)...............................................11

Problème de la sommation : valeur

utilitaire, valeur intrinsèque......................11

2) Le déontologisme......................................13

Le Formalisme déontologique..................13

Le Contractualisme déontologique – Agents

et Patients moraux....................................14

3) Les Droits Humains..................................17

4) La vulnérabilité-partagée..........................21

III. CONSTITUTION........................................27

1) Fondation des « Capabilities »..................27

Proximité d’Aristote et de Nussbaum.......27

L’intuition des « Capabilities ».................29

2) Dix capacités centrales..............................31

4a) Leurs types.........................................34

4b) Leurs seuils.........................................34

4c) Les incomplétudes..............................39

3) Un nouvel universalisme...........................41

4) La possibilité et l’effectivité (Anti-

autoritarisme)................................................47

« Avoir des droits » ne suffit pas..............47

Des intermédiaires légitimes ?..................50

La démocratie......................................50

Le développement................................55

IV. CAPABILITE UNE CITÉ DÉJA

CONDAMNÉE..................................................57

BIBLIOGRAPHIE.............................................58

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« Tu dois, de ce que tu veux connaître et mesurer, prendre congé au

moins pour un temps. C’est seulement après avoir quitté la ville que

tu vois à quelle hauteur s’élèvent ses tours au-dessus des maisons. »

Nietzsche, Humain, trop humain II, Le Voyageur et son Ombre, §307.

I. Capabilité, cité légendaire

Être affamé-e, sans habitat, ne pas pouvoir se soigner, se voir imposer des choix et pratiques

dégradantes dans notre vie quotidienne, mais aussi, être empêché d’exprimer son avis, ou ses

sentiments. Chaque jour de nombreux crimes et atteintes aux personnes sont commis. Selon le lieu

ou nous nous trouvons, mais aussi les conditions dont nous disposons et les moyens aux quels nous

avons accès, nous sommes libres ou pas. Si nous faisons chacun comme nous le pouvons, d’autres

se sont fait bâtisseurs, mettant à jour une cité bien réglé. C’est l’une d’entre elle, celle de Capabilité

que je vais présenter.

Il faut s’imaginer Capabilité comme une cité1, une mégalopole multiculturelle qui se dit proche

de celle des Droits Humains, mais qui contrairement à elle, ne serait pas un mirage lointain, mais

une réalité concrète.

De cette mégalopole, nous avons plusieurs récits, dont les principaux sont ceux de leurs

fondateurs : Amartya Sen et Martha Nussbaum.

Qui n’aurait pas envie de se rapprocher d’une cité dont les portes grandes ouvertes promettent a

tous ceux qui veulent bien y vivre, la reconnaissance de leur dignité et la possibilité de s’épanouir

pleinement, de réaliser ses capacités, qu’il soit animal humain, ou non humain, se sentent femme ou

homme, aie un cerveau et des membres ordinaire ou pas.

Je me suis rapproché de cette cité, et j’en suis revenu pour vous raconter ce que j’y ai vue.

D’abord sur son histoire, pour bâtir sa ville, elle aurait amélioré les objectifs de la cité des droits

humains et décidé de s’adresser à chacun comme on le fait dans les lointaines contrées de la

vulnérabilité-partagée, ou l’on prend soin et fait attention a toute chose. L’un des éléments les plus

frappant de la ville de Capabilité, est la reprise apparente des plans établie par Aristote. Par ailleurs,

la mégalopole aurait combattu et vaincu, deux ennemies : l’intriguant déontologue dont elle aurait

1 Par cité, ville, mégalopole, il faut entendre pour ceux qui veulent conserver l’appellation habituelle : éthique. J’ai

fait volontairement le choix du récit narratif a travers l’exposition d’une ville parce qu’il me paraissait pratique.

Cette image est par ailleurs bien expliqué chez Nietzsche à travers le livre « Nietzsche et le problème de la

civilisation » de Patrick Wotling. Enfin, je la trouve plus adéquate que l’image du « Parc » (employée par exemple

par PETER SLOTERDIJK, dans Règles pour le parc humain) parce qu’elle permet de contenir des éléments

d’urbanisme et de hiérarchie.

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pillé des trésors et le féroce utilitarisme, qu’elle aurait détruit.

On verra que Capacité aimerai se répandre sur la totalité de la planète, et la différence que l’on y

fait entre la possibilité et l’effectivité.

Après quoi, je m’attarderai sur la spécificité de sa proposition, la liste des dix capacités centrales,

sorte de constitution dont on parle beaucoup, avec ses types, ses seuils, ses incomplétudes.

Enfin, j’évoquerai deux éléments, qui en plus des doutes que j’avais, mon finalement décidé a

revenir ici, dans nos habitations forestières et cavernicoles : sa politique et son urbanisme.

Je ne suis pas revenu de Capabilité pour proposer les plans d’une nouvelle cité, mais en

voyageur et cela m’a éveillé des réflexions. Mais avant de les exposer, je propose une courte

présentation de Martha Nussbaum, dont j’ai suivi les principaux récits, plutôt que ceux d’Amartya

Sen (que j’ai tout de même lu). Ce choix est dû aux nombreuses histoires que l’on trouve déjà sur

Amartya Sen (déjà largement reconnu, entre autre par l’équivalent d’un prix nobel d’économie en

1998), et a l’écriture clairement générale de Nussbaum, là ou Sen conserve une approche

économiste.

Martha Craven Nussbaum a commencée des études artistique et littéraire, et s’est ensuite dirigée

vers la philosophie (en particulier de la Grèce antique, ainsi que éthique et politique)2. Elle s’est

reconnue dans le judaïsme au cours des années 1970, puis s’est fiancé à une personne juive. Sa

pensée a eu de nombreuses évolutions. Certaines ont été annoncées, comme le tournant produit en

1994 lorsqu’elle a dit adhérer a une certaine conception rawlsienne du libéralisme3.

Son père, juriste, « aurait voulu être un intellectuel » mais « d’une famille pauvre », il « devait

subvenir aux besoins de ses cadets ». Il a exercé plus « pour gagner de l’argent » que parce que

cela lui plaisait. C’était aussi « un vrai raciste du Sud4 », avec « des idées antisémites ».

Sa mère n’était « pas du tout intellectuelle », « douce et bonne », a la « sensibilité profonde ».

Elle a « été décoratrice d’intérieur » et « a souffert d’un grave problème d’alcoolisme ». Elle « a

fréquenté les alcooliques anonymes et est devenue une dirigeante très influente à l’échelle

2 Née le 6 Mai 1947 a New York aux États-Unis d'Amérique. Théâtre et lettre classique a l'université de New York.

La philosophie a Harvard. La plupart des informations retranscrite ici, sont extraite de l’article : NUSSBAUM

MARTHA C., Martha Nussbaum justice et développement humain, Propos recueillis par Laura Lee downs, Travail,

genre et sociétés, 2007/1 No 17, p. 5-20. DOI : 10.3917/tgs.017.0005

3 NUSSBAUM MARTHA C., Aristotle, Politics, and Human Capabilities : A Response to Antony, Arneson,

Charlesworth, and Mulgan. Ethics, Vol. 111, No 1 (October 2000).

4 La guerre de sécession (1861 – 1865) a grossièrement séparé les États-Unis en deux groupes. Les uns pour

l’extension de l’esclavagisme au Sud, les autres, au Nord, partisans de l’Émancipation (sans forcément être contre

l’esclavage). Malgré l’ancienneté de cette guerre civile, elle a durablement marqué les populations.

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nationale ». « Elle venait d’une famille aristocratique […] mais elle détestait tout ce snobisme. »

« elle était un beau modèle d’énergie et de joie de vivre. ».

Martha pense être venue au féminisme grâce a des enseignantes, même si elle n’avait pas

conscience à l’époque « qu’il n’y avait là que des femmes ». Elle n’avait « pas conscience d’être

féministe avant de rencontrer » elle-même la discrimination. « Ayant à faire face à des problèmes

de harcèlement sexuel et, plus tard, aux difficultés de garde d’enfant ».

Au lycée elle s’était reconnue comme libertarienne et s’est mise à travailler pour Barry

Goldwater (il a été candidat républicain à la présidence des États-Unis en 1964). Elle fini par penser

que « les gens ne changent pas d’eux-mêmes, c’est donc au gouvernement de jouer un rôle essentiel

dans la production de la justice. » Au milieu de son cursus universitaire, elle est devenue démocrate

(et a travaillé pour Eugène McCarty qui a été candidat trois fois aux primaires démocrates,

notamment en 1968). Mais elle n’a « jamais aimé les mouvements collectivistes de gauche qui

existaient à l’époque. » Elle est toujours resté une « individualiste libertarienne »5.

Elle avait « déjà une réflexion philosophique bien avant d’entendre parler d’Aristote ». Au lycée,

elle avait lu « les tragiques grecs et travaillé sur leurs idées ». Elle avait aussi écrit sur

« Dostoïevski et Henry James ». Et ses professeurs de « littérature avaient une démarche très

philosophique ». Elle a travaillée sur Rousseau, puis, plus tard, à découvert Aristote.

Elle est traversée par « deux trajectoires qui se croisent : l’une centrée sur l’émotion et l’éthique,

5 Il faudrait pouvoir vérifier dans l’original en anglais (introuvable a ce jour). Nous avons volontairement choisis de

rendre « libertarien » au lieu de la traduction originale proposé par « libertaire ». Les libertariens, sont des adeptes

de la doctrine libérale (qui ne doit pas être confondu avec sa réduction économique comme on le fait couramment

en France), mais qui s’oppose a un État (contrairement aux libéraux, qui accepte un état minimal en général pour

les questions de justice et de police, parfois dans des théories récentes, d’environnement). Les libertaires quand a

eux, ne sont pas adepte du libéralisme mais de l’anarchisme (en général, le terme libertaire distingue des personnes

adeptes de la tendance, et anarchiste, de la théorie) et si comme les libertariens ils s’opposent à l’État, ils s’opposent

en plus au capitalisme, ce qui les en distingue radicalement. Par ailleurs les anarchistes sont contre le patriarcat quel

que soit ces formes (y compris la médiatisation des liens sociaux par la marchandise), alors que le libéralisme est

contre le patriarcat disciplinaire auquel il tente de faire succéder une marchandisation des rapports sociaux (qui peu

se traduire par une logique du don-contre don, dans la mesure ou il serait entendu comme réciprocité obligatoire.

Obligation qui est actuellement un sujet de discussion par les critiques du don, comme Alain Testart).

Historiquement l’anarchisme est un courant social qui s’il met en avant l’individu, ne le met que comme fin (permettre

a chacun d’être un individu) et pas comme point de départ (ce qui est le cas du libéralisme qui présuppose les

personnes comme des individus absolument autonome, sans lien avec le monde ou les autres). Aux États-Unis, s’est

mise en place un anarchisme assez « individualiste », différent de celui présent en Europe plus prompt a se réclamer

du « communisme libertaire », mais qui reste liés aux idées sociales.

Il faut noter toutefois que Nussbaum se détache de la plupart des libéraux quand elle affirme que la propriété privée,

n’est pas une priorité face à la faim. Elle fait ainsi prévaloir les droits fondamentaux sur le libéralisme.

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l’autre sur la justice internationale, le féminisme [...] ». Par ailleurs elle indique que « Sénèque et

les autres penseurs stoïciens ont magnifiquement compris la dimension cognitive des émotions », et

elle rejoint aussi « l’idée aristotélicienne selon laquelle la raison peut informer et éduquer le désir,

et qu’elle y réussit. »

Bien que Nussbaum travaille sur des sujets différents, c’est a son approche universaliste des

capabilités (dite aussi du développement humain) que je me suis intéressé. Elle a été élaborée par

l’économiste Amartya Sen en 1985, puis ré-élaborée par Sen et Nussbaum en 1993 avant d’être

élargie par Nussbaum dans Femmes et développement humain (en 2000) et Frontier of Justice

(2006). Nussbaum, enfin résume son approche dans Creating Capabilities: The Human

Development Approach6 (2011) et Sen dans L’idée de Justice (2009).

C’est à travers l’Inde que Nussbaum a développé sa vision de Capabilité. Elle y a travaillée

parce qu’elle avait déjà des contacts, que les gens y parle librement (contrairement à la Chine), que

c’est le pays d’origine de A. Sen et enfin que c’est un pays qu’elle l’aime et qui l’a fascinée. Elle y a

voyagé 3 semaines avec Martha Chen une anthropologue indienne aux contacts locaux décisifs.

Pour Nussbaum, Capabilités est l’occasion de critiquer certaines pratiques du FMI et de la

Banque mondiale. Elle s’y sent comme porte parole ou avocate d’activistes, dans les couloirs du

pouvoir.

6 Il semble qu’une traduction française sera publié, le 5/09/2012 sous le titre : « Capabilités », comment créer les

conditions d’un monde plus juste ? Aux éditions Climats.

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II. HISTOIRE – ASPIRATIONS ET BATAILLES

Nussbaum veut mettre au point une démarche proche de celle des droits humains, dont elle va

relever quelques difficultés (nous verrons ses réponses dans la 3ième partie). Tout en faisant cela,

elle tient a s’opposer a l’unique indicateur de Croissance Économique (actuellement le plus

recherché), posant sans cesse la question des personnes, des sujets, de la communauté pour laquelle

on veut une justice. Elle examinera finalement vulnérabilité-partagée qui a de grande proximité

avec Capabilité mais qu’elle pense dépasser.

1) Croissance et Utilitarisme

Les organisations sociales qui dominent et organisent la vie de la majorité des humains sur Terre

recherche la « Croissance Économique ». Elle permettrait de travailler, de sortir de la pauvreté et de

la misère si l’on en croit la classe politique. Aujourd’hui encore, l’Europe affirme que pour sortir de

« la crise » il faut qu’elle s’organise autour de la recherche de l’unique croissance économique.

Nussbaum, n’est pas d’accord7, et va examiner ce que signifie la recherche de la Croissance

Économique et sa visée exclusive à travers le paradigme de l’Utilitarisme.

Nous allons d’abord voir ce qu’est l’utilitarisme, et les deux problèmes principaux qu’il pose

selon Nussbaum : la réduction de la pluralité des valeurs d’une part et le bonheur comme agrégation

comptable d’autre part.

L’utilitarisme est l’approche alternative que Nussbaum va critiquer de manière radicale. Il s’agit

de la méthode la plus employée dans les théories8, de part l’engouement qu’elle génère chez les

théoriciens de l’économie9. Au-delà d’une critique simplement négative de l’utilitarisme, Nussbaum

va mettre a profit les faiblesses qu’elle croit déceler chez lui (le réductionnisme hédoniste, les

7 Dans Femmes et Développement Humain, Nussbaum critique la croissance sans trop insister dessus cependant,

précisant qu’il ne faut pas la « diaboliser ». Dans son dernier livre (Capabilité), la critique de la croissance prend

une place plus importante, elle apparaît dès la Préface, et Nussbaum semble justifier son insistance par un « modèle

qui a la vie dure », malgré les alternatives existantes.

8 Dans la vie courante, l’utilitarisme n’est que très peu employé. La plupart des personnes utilise des raisonnements

mixtes qui vont piocher, sans le soupçonner, dans des courants éthiques déjà constitué.

9 Par « théoriciens de l’économie » j’entends, non pas toute la litanie quotidienne relayée par les journalistes et la

classe politique, qui relève plus, à vrai dire de « pré-supposé », mais les débats tenus par les économistes autour de

questions précises, comme c’est le cas ici en ce qui concerne le développement, ou les droits fondamentaux. Pour

une critique de l’économie en tant que savoir rigoureux, cohérent et susceptible de prédiction, voir GILBERT RIST,

L’économie ordinaire entre songes et mensonges, éd. presse de la fondation nationale des sciences politiques, 2010.

Ainsi que la revue « Sortir de l’Économie » http://sortirdeleconomie.ouvaton.org/. La critique a aussi été popularisé

par Bernard Maris, entre autre dans ces « anti-manuel d’économie ».

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préférences préformées par le contexte) pour laisser de l’espace en contrepoint a certaines de ses

propositions (pluralité des valeurs, universalité des capabilités).

L’utilitarisme est un courant éthique, initialement formalisé par Bentham (qui puisa chez des

auteurs antérieurs). Il sera repris par John-Stuart Mill et connaîtra une prospérité importante surtout

dans le monde anglo-saxon.

L'utilitarisme vu par Nussbaum

L’utilitarisme pourrait être défini comme une méthode visant le maximum d’utilité pour le plus

grand nombre, avec des débats parmi ces partisans entre ceux qui entendent utilité comme

maximisation des plaisirs ou des préférences.

Cependant Nussbaum ne considère pas l’utilitarisme comme une méthode, mais comme une

visée téléologique : l’utilitarisme porterai en soi l’objectif de l’hédonisme, la recherche des

préférences serait une adaptation ad hoc (c’est-à-dire une théorie montée non pas pour être adapté a

l’objet de recherche, mais pour maintenir avant tout, la théorie elle-même10).

Pourtant l’hédonisme n’est pas nécessairement inclus dans l’utilitarisme, il n’est qu’un objectif

qui lui a été historiquement attribué (par Bentham et Mill). Quoi qu’il en soit, Nussbaum a dû aussi

élaborer une critique de la théorie de « la satisfaction des préférences » (qui peu certes avoir un

rapport avec l’hédonisme, mais pas nécessairement).

Problème du plaisir comme objectif.

Si les affections du plaisir et de la peine ont une place importante dans l’utilitarisme, c’est

qu’historiquement il lui a reconnu 2 rôles. Ce qui guide et oriente les actions des êtres sensibles

(observation) et ce qui devrait permettre au législateur de leur indiquer les limites a ne pas franchir

(levier de contrôle)11. Il ne s’agit pas de généraliser légalement ce qui se fait (sophisme

naturaliste12), mais de prendre en compte ce qui se fait, lorsque l’on propose ce qui devrait l’être.

Le plaisir est initialement proposé comme (1) satisfaction terrestre atteignable (2) expérience

concrète, voire objective, en opposition aux idées abstraites, voire arbitraire pour régir les

comportements (comme la « Nature » ou la « Raison » a partir des quelles on peut faire dire

beaucoup de choses différentes voire contradictoires).

10 Pour ceux que le sujet intéresse, voir en philosophie des sciences, Karl Popper.

11 Par ex. avec Bentham : « la nature a placé l’humanité sous l’égide de deux maîtres souverains, la douleur et le

plaisir. Il leur revient à eux seuls aussi bien d’indiquer ce que nous devons faire que de déterminer ce que nous

ferons » Principes de législation et d’économie politique. Ch.1

12 L’accusation a été porté par Moore sur l’utilitarisme, ce qui a amené les utilitaristes à réaffirmer une position qui

visiblement n’avait pas été écrite de manière suffisamment claire.

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Bentham13 pensait que (1) tous les plaisirs obtenus se valent14 bien que certains soient plus

intéressants à rechercher que d’autres15, que (2) si l'on fait quelque chose c’est uniquement parce

que l’on a un gain dans son intérêt personnel en retour (psychologie présupposé égoïste16) et

qu’enfin (3) le bonheur, ou le bien être n’est rien d’autre que le plaisir. Pour entrevoir les

conséquences politiques : Le plaisir pourrait être comptabilisé approximativement (et non

exactement) en argent17. Il est intéressant de relever que Bentham croit que la société en tant que

tout, différent d’individus collectivement organisé, n’existe pas. Paradoxalement alors qu’il accorde

un si grand intérêt pour les plaisirs, il l’oppose aux sentiments qui conduiraient a de mauvaises

évaluations, non-objective. Et dans une certaines mesure a ceux qui profitent de leur poids social,

non pas pour critiquer ce poids, mais pour proposer des conceptions différentes des siennes.

13 Philosophe et juriste, réformiste. Il vécu en Grande-Bretagne. Il a étudié le droit et est devenue avocat, mais il s’en

écarte et s’attaque aux réformes du droit pénal. Il combat les préjugés, et pour sa mort ordonnera que l’on dissèque

son cadavre pour la science, qu’on le momifie et qu’on l’expose.

14 « le jeu de poussette a autant de valeur que la poésie » (John Stuart Mill, Essay on Bentham, 1838.) - certains

nomment en conséquence sa conception du plaisir, le plaisir du pourceau en référence a Épicure qui comparait la

vie humaine a celle d'un porc.

15 Bentham propose 7 critères de distinction dans une Arithmétique des plaisirs et des douleurs (An Introduction to 

the Principles of Morals and Legislation [1780], Chapitre 4) : la durée (durée de l’affection), l’intensité, la

certitude (probabilité des conséquences d’une action), la proximité (quand est ce que les conséquences arriveront ?),

la fécondité (capacité à engendrer peu ou beaucoup d’autres plaisirs), la pureté (le plaisir est obtenu au prix de

combien de déplaisir ?) et, l’étendue (a combien de personne profite ce plaisir ?). On peut noter que certains critères

vont clairement a l’encontre d’une intuition psychologique (comme la durée et la fécondité), qui plus est défini

comme égoïste (comme l’étendue).

16 Jean-Pierre Airut propose de retrouver cette idée d'égoïsme foncier de l'homme avec « Pascal, Nicole, La

Rochefoucauld et de Mandeville notamment », généralement acommpagné de « complémentarité de l'intérêt

particulier et de l'intérêt général (A. Smith) ». J-P A. précise encore : « Agit-il pour autrui par « sympathie », c'est

parce qu'il y trouve une satisfaction – morale (se conformer à la loi, par exemple) ou religieuse (oeuvrer à son

salut). Ainsi, pas plus que le bonheur n'est supra-terrestre, il n'est collectif, sinon illusoirement : « Je suis un

égoïste, aussi égoïste qu'homme peut l'être, mais en moi il se trouve que l'égoïsme a pris la forme de la

bienveillance. Il n'y a pas un homme sur la terre dont les souffrances ne me seraient pas pénibles », écrit de lui

même Bentham, également connu pour ses qualités d'âme. »

Il est intéressant de noter que là ou habituellement les libéraux utilitaristes reproches aux communautariens de vouloir le

bien des individus malgré eux, a travers la définition d'un bien commun, Bentham justifiait l'égoïsme en prétendant

lui aussi être « bienveillant ». Peut-être reconduis-je ici, un problème relevé par Michel Villey « il est étrange que

Bentham, contre ses principes, fût rempli d'humanitarisme ».

17 Bentham identifie aussi que passé un certain seuil l’argent supplémentaire n’apporte pas un bonheur suplémentaire

proportionnel. Il devient plus difficile d’y accéder. Il vaut mieux donc placer ces sommes supplémentaire chez les

plus pauvres économiquement.

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John-Stuart Mill18 a une conception différente, (1) il ne partage pas la logique du soupçon sur la

psychologie : ont peu donner parce que l’on se réjouit de donner, pas forcément parce que l’on en

obtiendrait un plaisir. (2) Il attribue aussi un plus grand intérêt aux abstractions. Il est moins

empirique et plus rationnel, ce qui l’amène a (2a) hiérarchiser les plaisirs (et pas simplement les

distinguer), les spirituels et les corporels et à accorder plus d’importance aux premiers qu’aux

seconds (« il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait » écrit-il dans l’Utilitarisme).

(2b) Faire confiance a des représentations (ou « croyances fermes ») et pas qu’a l’expérience

directe19. La perception de ces représentations et de cette hiérarchie dépend de la formation ou des

capacités des agents a les percevoir20. Ceux qui ont une conception supérieure des plaisirs méprise

tendanciellement les plaisirs inférieurs. Il s’ensuit des conséquences politiques : ces aristocrates ont

un avis auquel sera accordé une valeur supérieure (déjà de fait, les universitaires avaient une voie

qui comptait double à l’époque en Angleterre) qui aura pour conséquences un désintérêt pour les

êtres dont la capacité à juger des qualités des plaisirs est inférieure. On nous assure cependant que

Mill reste ouvert à un cadre démocratique...

Suivre une téléologie ou un réductionnisme du plaisir, pose pour Nussbaum au moins deux

problèmes : 1.Le plaisir pose problème quand il s’obtient aux détriments d’autres personnes21,

2.D’autres valeurs que le plaisir, sont importantes (comme la liberté d’expression).

Nussbaum rejette ainsi le plaisir en tant qu’il réduit l’horizon de ce qui a de l’importance, mais

ne l’exclus pas totalement. Puisqu’elle considère par exemple, qu’il faut faire attention à la

sensibilité des vivants non-humains pour agir avec compassion, empathie, voire justice avec eux.

Mais le plaisir comme objectif (pathocentrisme) connaît au moins trois critiques, une

épistémologique : comment reconnaît-on un plaisir d’un déplaisir chez un non-humain ? Es-ce

possible ? Ceux qui tentent de répondre a cette question déploie tout une connaissance sur ce que

l’on appelle la « nociception » et font dépendre le jugement moral de la connaissance que l’ont peu

obtenir de ces recherches.

18 Philosophe, débuté pritannique, à vécu en Grande-Bretagne. Il est le fils d’un ami personnel de Bentham. Il subit

une éducation difficile dont il sortira dépressif à 20 ans. En plus de « De la liberté » (1859) et « L'utilitarisme »

(1861), il a entre autre écrit sur « L'assujetissement des femmes » (1869).

19 C'est cette distinction, parfois mal interprété que certains traduisent par utilitarisme de l'acte et de la règle. Par

« règle » il faut comprendre confiance en des représentations, la ou « l'acte » proposait la seule expérience directe.

20 Cette posture anthropologique (qui se conclue en politique favorable a une forme naturalisée d’aristocratie) peut-

être critiqué dans un esprit Benthamien comme une valorisation du dualisme chrétien (comme le pense Jean-Pierre

Airut), puisqu’il était déjà possible avec les distinctions que proposait Bentham de préférer la recherche du plaisir

de la poésie à celui du jeu de poussette, l'un satisfaisant sur une durée plus longue que l'autre par exemple.

21 NUSSBAUM MARTHA C., Par-delà la « compassion » et l' « humanité », justice pour les animaux non humains.

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Les deux autres critique du pathocentrisme reste sur le plan du jugement de valeur : Elles sont

dut au peu de précision concernant la critique de la douleur et de la souffrance. Cette absence de

précision permet la tendance « abolitionniste » qui comme son nom l’indique ne veux pas diminuer

la souffrance, mais la faire disparaître. Un tel projet représente une césure a l’intérieur de

l’utilitarisme, étant donné que du point de vue du législateur il faut pas forcément diminuer ou

abolir la souffrance, mais surtout la canaliser, la contrôler, l’employer contre ceux dont on juge que

leur actions était mauvaise, et afin de prévenir ces actions.

1. La douleur, le déplaisir, peuvent non seulement être recherché dans une certaine mesure (au-

delà du sado-masochisme, simplement ceux qui prennent certaines substances en sacrifiant leur

santé souvent au bénéfice d’un gain en productivité), mais en plus peuvent tout simplement

permettre de vivre. Contre ceux qui voudraient abolir toute souffrance, on peut indiquer que chez

les humains qui n’ont plus la capacité de souffrir (parce que leurs nerfs ont été détruit, où sont sujets

d’une maladie rare), la mort arrive bien plus vite (il évite moins les destructions de leur corps, parce

qu’ils n’ont plus l’indicateur leur donnant une raison de les éviter). 2. Certains plaisirs sont très

culturel, mais sont des plaisirs tout de même, ils deviennent très peu fiable : les racistes

« souffrent » d’être entourés d’étrangers. Les riches « souffrent » à l’idée que trop de pauvres

puissent leur prendre leur argent, etc.

Malgré tout, Nussbaum se focalise, sur le deuxième aspect problématique de l’hédonisme, à

savoir sa réduction de ce qui peu avoir de l’importance. Pour Nussbaum, c’est pour résoudre ce

problème qu’à émerger chez les utilitaristes, le remplacement du pathocentrisme par la satisfaction

des préférences (aspect positif) ou la recherche du moindre mal (aspect négatif).

Utilitarisme des préférences (problème de l'aliénation).

Une théorie plus subtile de l’utilitarisme a fait jour. Moins autoritaire, elle n’impose pas le plaisir

comme fin des actions humaines, mais laisse le choix aux préférences.

Pour Nussbaum, le critère de la préférence pose les problèmes de l’aliénation sur la question de

l’information : si l’on est mal informé (volontairement ou pas), ou que l’on préfère la soumission ou

la domination ? Ce problème est a présent thématisé comme « préférence adaptative ». Les

personnes établissent leurs préférences en fonction d’un contexte particulier, qui n’est pas

forcément favorable a la possibilité même d’imaginer, déterminer ou proposer des préférences

émancipatrices.

Autre problème : la préférence implique parfois la reconnaissance d’un choix conscient. Cette

intervention de la « conscience » évite d’identifier comme problématique toute privation qui n’est

pas connues, ou reconnues comme telle22. Il faudrait donc attendre de l’aliéné qu’il déclare

22 Le problème est radical chez les personnes lourdement handicapées au niveau de la communication ou de

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pleinement son refus de tel ou tel traitement.

Problème de la sommation : valeur utilitaire, valeur intrinsèque.

L’utilitarisme cherche « l'utilité totale ou moyenne de la population mesurée par l’expression de

la satisfaction. » Le calcul de ce total, ou de cette moyenne est le fruit d’une somme. La sommation

(ou agrégation) des plaisirs ou des préférences se présente avant tout comme un moyen pratique et

rapide d’évaluation. Le quantitatif au service du qualitatif.

Cependant, elle mène à voir des personnes vivantes comme des objets ou moyens (valeur

utilitaire23) pour d’autres. On pourrait parler de préférences désincarnée. Elle permet de faire des

substitutions et de violer l’intérêt de chacun au profit d’un tout abstrait. Nussbaum au contraire

pense que les personnes doivent être traitées comme des fins (valeur intrinsèque), aucuns individus

n’est une « quantité négligeable24 ».

« Ne donnant qu’une moyenne, [il] ne nous dit pas où se trouvent les indices supérieur et

inférieur. » Il maquille les inégalités dûes a la contingence sous couvert d’une généralité positive. Il

« ne nous renseigne pas suffisamment sur les différents types d’individus ni sur leur positionnement

social relatif. » Nussbaum dénonce la politique du chiffre25. Ce qui l’intéresserai excède le ressentis

l’expression, mais aussi chez les vivants non-humains. « […] les animaux élevés dans des mauvaises conditions ne

peuvent pas imaginer ce que pourrait être une vie meilleure qu’ils ne connaîtront jamais, en sorte qu’ils ne sauront

jamais que leur manière de vivre n’est pas celle qui était le plus susceptible de les épanouir. » §.L'utilitarisme et

l'épanouissement des animaux. NUSSBAUM MARTHA C., Par-delà la « compassion » et l' « humanité », justice pour

les animaux non humains.

23 Comme le défend un utilitariste : « ils doivent accepter de devenir son moyen dans le même temps que lui-même

devient le leur. » Jean-Pierre Airut (art. Utilitarisme dans le dictionnaire de concepts philosophiques). Un

raisonnement circulaire ou régression a l’infini. C’est au final au service de ceux qui légifèrent ou domines que

chacun devient une variable d’ajustement.

24 « trop souvent les femmes ne sont pas considérée comme des fins en soi […] elles ne sont considérées que comme

de simples instruments au service des fins des autres – simples reproductrices, dispensatrices de soins, objets

sexuels, actrices de la prospérité générale de la famille. […] Un outil dont la raison d’être à disparu : voilà ce

qu’est une veuve, et c’est un peu comme être morte. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ;

L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. Introduction §1.Développement

et égalité entre les sexes. Nussbaum précise bien : « j'adopte un principe de capabilité de chaque personne, fondé

sur un principe de chaque personne considérée comme une fin ». MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et

développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque.

Introduction §.II

25 « ce sont tous des biens séparés, qui, dans une certaine mesure, varient de façon indépendante ; et il y a des

raisons de penser qu'ils ont tous de l'importance, que nous ne devrions pas renoncer à l'un de ces biens simplement

pour en obtenir un autre en très grande quantité. […] il encourage les échanges entre ces biens et d'autres, afin de

produire le total (ou la moyenne) social le plus élevé. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement 

12/60

individuels auquel ont pourrait réduire son approche : « nous voulons aussi savoir ce qu’ils ont

réellement les moyens de faire et d’être. » Au final c’est l’adaptabilité du libéralisme qui est

critiqué, celui qui demande « d’ajuster ses vues au genre de vie que l’on peut réellement avoir ».

Une variante de l’approche utilitariste est relevé, faisant référence a un groupe plus restreint que

la nation ou le pays : la famille (mis au point par Gary Becker). Le problème de l’approche par

foyer c’est qu’il présuppose l’altruisme a l’intérieur de la famille, ce qui est loin d’être la pratique la

plus répandue... sans parler de ceux qui n’ont plus (veuves) ou pas de famille (orphelin).

Nussbaum effectue une critique « sociale » de la croissance économique (en mettant en valeur

l’éviction de la question de la redistribution et des sujets) et de son réductionnisme (si seul la

croissance économique compte, alors il faudra la préférer y compris contre certains droits26) à

travers un utilitarisme pointé comme la recherche unique du plaisir au détriment d’autres valeurs.

Un problème que ne résout pas entièrement la part laissée à des préférences personnelles (qui

engendre les difficultés dues a l’aliénation). Le défaut majeur de cette approche est la considération

des personnes au mieux comme des sujets qui ont une valeur égale, au pire qui peuvent être niées à

la faveur d’une moyenne établie par l’agrégation des plaisirs ou des préférences. L’attention a

l’agent y est faible au point qu’il est difficile de savoir quel est clairement l’agent utilitariste : la

sensibilité suffit ou faut-il être capable de calculs savant ? Les autres courants sont beaucoup plus

précis sur la définition de ce qu’est un agent.

2) Le déontologisme

Si l’on cherche a faire justice, il est essentiel d’indiquer ce qu’elle signifie (arbitrer ou

organiser ? Impartialité ou Engagement ?) et a qui elle est destinée (aux seuls êtres rationnels ou à

d’autres groupes ?). Le Déontologisme de Kant, prend clairement position pour une justice

impartiale en faveur des humains rationnels.

Déontologisme est souvent présenté comme une alternative a Utilitarisme. Elle est défendue par

John Rawls, auquel Nussbaum dit souvent avoir repris la perspective générale. On va comprendre

qu’il s’agit bien de la « perspective » et pas de l’outil. De part sa conception, Déontologisme ouvre

la réflexion a deux sujets centraux de l’objectif d’une ville : (1) l’abandon d’une place publique

(bien commun ou téléologie) ou non, (2) La diversité des habitants et de leurs soucis (agents et

humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.III. Les défauts des 

approches économiques standards.

26 Le problème est évident quand il s’agit de contrat d’armement, ou de vendre ou acheter a des dictatures sans

contreparties politique ou légale.

13/60

patients moraux), c’est-à-dire : de qui doit-on s’occuper, et a quoi devons nous faire attention ?

Déontologisme est une ville formalisée par Kant, que l’on pourrait résumer grossièrement en

disant qu’il préconise de ne pas faire aux autres ce que l’ont ne veux pas qu’ils nous fassent, et qu’il

faut toujours faire de son mieux, même si l’on ne parvient pas a faire ce qu’il y a de mieux (voire

que l’on aboutit au pire). C’est une sorte de ville de la reconnaissance. Ici, nous l’étudierons par

deux aspects caractéristique : son formalisme (c’est-à-dire son refus de l’établissement d’une place

publique – un bien commun) et ses faveurs au contractualisme (c’est-à-dire la nécessité de la part

des habitants d’adhérer a un contrat).

Nous allons comprendre les conséquences morales de ces perspectives et l’intérêt que Nussbaum

a développé pour y parer en proposant « l’épanouissement » ou « développement » comme critère

en lieu et place du formalisme, et l’élargissement de la diversité des participants aux êtres sentients

au lieu des seuls susceptible de contracter.

Le Formalisme déontologique

Kant se distingue par une coupure importante qui consiste a ne pas indiquer d’objectif

téléologique particulier, a ne pas rechercher le bien ou le bonheur. Finalement la morale kantienne

consiste plus en une exigence de logique qu’en une exigence morale : elle ne dit pas qu’il est mal de

se moquer ou de provoquer la honte27, mais qu’il est mal de faire ce qui ne pourrait pas être

universalisé : « Agis toujours d’après une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps

qu’elle devienne une loi universelle ». Cette force laisse au sujet une apparente liberté et faciliterai

l’adhésion sur le principe que l’on ne retrouve pas la partialité habituelle que l’on peut rencontrer

dans la définition d’un bien commun. Le déontologisme vise plus a permettre a chacun de réaliser

sa conception du bien, que de faire en sorte que chacun possède des choses égales.

Mais cela entraîne aussi un certain laxisme : comment reprocher la moquerie ou de faire naître

chez un autre le sentiment de honte, quand une personne ne le ressent pas, et ne voie donc pas de

problème a ses agissements dont elle peu penser légitimement qu’ils pourraient être universel ?

C’est pourquoi, Nussbaum pense qu’il faut établir clairement un bien commun, et propose de

reprendre le développement ou épanouissement qu’avait lancé Aristote, en le précisant a travers une

liste en 10 points sur laquelle je reviendrais plus tard.

Le Contractualisme déontologique – Agents et Patients moraux

Contrairement a l’utilitarisme qui n’établit pas de manière univoque des critères d’agents et

patients moraux (certains évoque la sensibilité, mais il ne s’agit pas de la sensibilité d’un agent,

mais celle d’une agrégation), le déontologisme est basé sur des pré-supposés importants, qui sont

27 Kant donne 4 exemples pratique dans Fondements de la métaphysique des moeurs : (1) l’interdiction du suicide, la

nécessité de (2) tenir ses promesses, de (3) déployer ses capacités, (4) de porter assistance aux autres.

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autant de nécessité pour être reconnu agent et patient moral.

Ce pré-supposé, pour Kant, est la rationalité, auquel s’ajoute, pour Rawls, un rapport de pouvoir

symétrique. Il faut pouvoir comprendre et ne pas avoir été contraint par la force, pour adhérer a des

valeurs commune. Ces valeurs, ce contrat, sont le fruit de la raison. Sans le respect de ces

conditions le contrat n’a pas de valeur.

C’est sur la présence de la rationalité que le déontologisme distingue ceux qui ont des droits et

devoirs de ceux qui en auront pas. Kant a adopté la croyance anthropologique selon laquelle

l’humain se distingue par sa rationalité de l’ensemble des espèces.

Ce critère pose différent problèmes : 1.épistémologique 2.moraux 3.conceptuel

1.a) Il n’existe pas d’uniformité rationnelle chez l’espèce humaine : les nouveaux nés, les

enfants, les séniles et « les déficients » font partie de l’espèce et on une rationalité spécifique,

moindre, l’ont perdu, ou n’en possède pas. « Même à la fleur de l’âge, beaucoup d’entre nous

rencontrent de plus ou moins courtes ou longues périodes de dépendance envers les autres – après

une intervention chirurgicale, ou une blessure sévère, ou pendant une période de dépression ou de

stress mental aiguë 28 ».

b) Les études éthologiques tendent à montrer qu’il existe un ensemble de vivant non-humain

chez qui l’on peut observer des comportements qui correspondent a ceux que l’on associe

habituellement avec la rationalité29 (même si l’on peut tergiverser sur la définition de ce qu’est la

rationalité, ainsi que l’on pourrait distinguer différentes sortes de rationalité30).

Ces remarques épistémologiques ont des conséquences morales :

2.a) Les partisans d’un intuitionnisme moral, font remarquer que les enfants seraient logiquement

exclus, des droits et devoirs. La même réflexion, généralement élargie a d’autres sujets que les

enfants humains (comme les grands singes) est présente chez les utilitaristes sous la dénomination

de « cas marginaux » : pourquoi devrait-on refuser de faire des expériences sur les enfants, et les

accepter sur les grands singes sans queue, alors que l’on pourrait reconnaître aux uns, comme aux

autres, qu’ils sont rationnels ?

2.b) Kant permet de résoudre en partie la question en attribuants des droits indirects, sur le

registre : nos actes représentent ceux de l’humanité entière, respecter les animaux non-humain, c’est

respecter l’humanité des humains. Rawls va plus loin, nous pouvons avoir des devoirs directs

28 MARTHA C. NUSSBAUM, Frontiers of Justice : Disability, Nationality, Species Membership, Cambridge (USA), The

Belknap Press of Harvard University Press, 2007, p. 101. Traduit par Philippe Sanchez, dans son article « Handicap

et capabilités » Lecture de Frontiers of Justice de Martha Nussbaum, Revue d'éthique et de théologie morale,

2009/HS n°256, p. 29-48. DOI : 10.3917/retm.256.0029

29 DOMINIQUE LESTEL, Les origines animales de la culture, 2001.

30 Alain Prochiantz

15/60

envers les animaux, mais qui ne relève pas de la justice, mais de la compassion et de l’humanité31.

En ce qui concerne l’adhésion au contrat il propose, en plus de la rationalité, un rapport de pouvoir

symétrique égal. Un contractant pouvant faire pression sur l'autre, même s'ils sont tous les deux

rationnels.

Mais, pour Nussbaum, cette perspective ne permet pas de blâmer ceux qui ont mal agit32, par

ailleurs, épistémologiquement, ce n’est pas reconnaître les animaux non-humain comme des êtres

actifs, mais juste passif, ce qui est un problème fondamental. Elle propose donc, au contraire de

reconnaître l’activité de tout les êtres vivants : ils cherchent tous a se développer, s’épanouir,

l’animal non-humain est lui-même « un agent et un sujet33 ». Elle reprend la visée téléologique que

l’on trouve chez Aristote : le bonheur serai de pouvoir développer toutes ses capacités.

C’est l’épanouissement de chaque espèce, et a l’intérieur de cette espèce, de chaque vivant, qui

importe. Elle précise qu’il y a un épanouissement spécifique pour chacun. Nussbaum se distingue

par cette position de l’antispécisme34, souvent dut aux critères agrégatifs des utilitaristes, qui ne

peuvent pas penser pour chacun, mais uniquement pour tous. Elle rejoint, aussi les partisans du

care, dans la critique des « cas marginaux35 », qui n’ont pour les utilitaristes pas d’intérêt pour eux-

même, mais qu’en tant qu’ils servent un critère agrégatif attendu. À forme de vie différentes, droits

différents. Chaque espèce a sa liberté spécifique, ce n’est pas la même chose d’être privé d’une

capacité qu’on pourrait avoir (en tant qu’appartenant a l’espèce) qu’avoir l’air d’être privé de

quelque chose que l’on ne pourrait pas avoir. En cela contrairement aux analyses utilitaristes

31 Je signale ici, l’existence dans le déontologisme d’un auteur particulier : Nelson, qui dans son System of Ethics

indique :« Sous la loi morale, tous les êtres qui ont des intérêts sont des sujets de droit, tandis que tout ceux qui, en

outre, sont également capable de comprendre les exigences du devoir sont des sujets d’obligation. » (Nelson,

system of Ethics, p.136.) Sa compréhension d’intérêt diffère cependant de celles des kantiens plus classique qui

pensent qui sont liés a la présence de croyance, alors que pour Nelson l’intérêt est juste « La faculté d'attribuer des

valeurs positives ou négatives aux choses » (sys. Of Ethic p.97).

32 «Le sentiment de compassion n'implique pas l'idée qu'il y a quelqu'un qui doit être blâmé pour cette souffrance.»

Or il devrait en être autrement, car comme le reconnait Nussbaum : « nous partageons un monde dont les

ressources sont en nombre limité avec les animaux ». Par-delà la « compassion » et « l'humanité », Justice pour les

animaux non-humains. §Le néo-contractualisme kantien : devoirs indirects, devoir de compassion.

33 Par-delà la « compassion » et « l'humanité », Justice pour les animaux non-humains. §Le néo-contractualisme

kantien : devoirs indirects, devoir de compassion.

34 Pour l’antispécisme, l’appartenance a une espèce n’a pas d’importance du point de vue moral.

35 Par cas marginaux, il faut entendre la négation de l’importance des différences anatomique des handicapées, des

enfants, des humains, des singes, au profit du rassemblement autour d’un critère moral commun. Cette

homogénéïsation des sujets moraux ne joue pas forcément en leur faveur, on trouve d’ailleurs un critique de ce

positionnement, qui s’en amuse dans le titre de son livre : « A Rat Is a Pig Is a Dog Is a Boy » de Wesley J. Smith,

2009.

16/60

classiques, un enfant est différent d’un chimpanzé. De même il ne relève pas d'une question de

justice de tenter d’apprendre a une espèce des choses qui ne s'y trouvent pas habituellement (comme

le langage à un chimpanzé). On attendra pas que les grenouilles votes, mais l’on reconnaîtra la

possibilité que les grenouille puisse s’épanouir comme une question politique.

D’une manière générale Nussbaum oppose a l’attrait spécifique pour la rationalité, l’intérêt des

sentiments moraux, comme les partisans du care (et de l’écoféminisme), elle demande la

reconnaissance positive des sentiments : ils sont sources de connaissances. Elle illustre

philosophiquement cette idée à travers les stoïciens36.

3.Conceptuel : droits et devoirs constitue-t’il un seul et même champs ou des champs différents ?

Pour certains esprits abstraits ou logico-dogmatique, il n’est pas normal qu’il y ait plus de sujets qui

aie des droits, que de sujets qui aie des devoirs. Je ne vois pas quel est le problème, a moins de

maintenir une idée non argumenté (un dogme) selon lequel ont ne peut avoir des droits que si l’on a

des devoirs. On peut reconnaître de l’importance a tous ceux qui sont vivants, sans pour autant

exiger des devoirs d’un nouveau né.

Un patient clairement individuel

L'auteure a toujours écarté sa proposition d’une application utilitariste en rappelant que chaque

personne a une valeur en soi37, que « en général, l’excès de bonheur et de liberté de telle personne

ne rendra pas telle autre comme par magie, heureuse et libre.38 » Les programmes de

développement prennent souvent la quantité pour de la qualité39. L’approche des droits par exemple

36 MARTHA C. NUSSBAUM, Les émotions démocratiques, comment former le citoyen du XXI siècle ? éd. Climats 2011

[2010].

37 « L'argument suggère une chose de plus : que l'explication que nous recherchons protège les libertés et les

possibilités de chaque personne sans exception, prise une à une, en respectant chaque personne comme une fin, au

lieu de la considérer seulement comme agent des fins des autres ou au service de ceux-ci. » MARTHA C. 

NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – 

Antoinette Fouque. 1.II. Trois arguments : culture, diversité, paternalisme.

38 Nussbaum fourni aussi des exemples pratiques : « chaque personne ne dispose que d'une seule vie, pas une de

plus ; que la nourriture dans l'assiette de A ne remplira pas par magie l'estomac de B ; que le plaisir qu'éprouve C

ne rendra pas la douleur ressentie par D moins vive ; que le revenu procuré par l'activité économique de E n'aidera

pas F à se nourrir ni à trouver un logement » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; 

L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.II. Trois arguments : culture, 

diversité, paternalisme.

39 « Les programmes qui ont pour objectif un accroissement du bien-être en général ou moyen n'améliorent pas la

situation des plus défavorisés, à moins qu'ils n’œuvrent directement à améliorer la qualité de vie de ces personnes-

là. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. 

Des femmes – Antoinette Fouque. 1.II. Trois arguments : culture, diversité, paternalisme.

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est Étatiste, lié a une population globale qu’elle gère, ses administrés. En cela elle reproduit le

féroce défaut utilitariste de l’agrégation. Elle ne reconnaît pas a chacun le droit a un toit, mais à sa

population en général, se satisfaisant d’une moyenne positive40.

La considération de chacun comme une fin en soi ou valeur intrinsèque, est un point d’accord

auquel arrive les déontologistes et Nussbaum, mais par deux voies différentes. Les uns par la

reconnaissance d’une rationalité commune41, Nussbaum, par la reconnaissance que chaque être

sentient cherche son épanouissement.

Nussbaum critique la justice impartiale (au profit de celle qui arbitre en fonction d’un bien

commun), et ses administrés exclusivement composé d’humains rationnels (pour s’attarder sur tout

ceux qui peuvent souffrir ou cherche a se développer).

3) Les Droits Humains

Si Nussbaum tient a se détacher de l’utilitarisme et du déontologisme, elle cherche au contraire

une proximité avec les droits humains et l’éthique du care, récupérant d’un côté la volonté

d’application pratique, et de l’autre, le souci de la vulnérabilité considérée comme base commune

universelle à la place de la citoyenneté.

L’appellation Droits de l’Homme en France, est recommandé comme étant à conserver42 malgré

son ambiguité de genre43, aux détriments du vocabulaire44 et d’appellation francophone plus claire

comme Droits de la Personne (Québec, ou organisation comme le Mouvement Français pour le

Planning Familial) ou Droits Humains (Suisse, et organisation comme Amnesty International) qui

40 « Une fois encore, nous devons distinguer la revendication « A a droit à un toit » - qui renvoie souvent à une

revendication morale de A en vertu de sa qualité d'être humain, possédant ce que j'appelle des capabilités de base

– de la déclaration « le pays C donne à ses citoyens le droit à un toit » » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et 

développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.VI. 

Capabilités et droits humains.

41 Si l’on reconnaît l’autonomie de chacun et sa rationalité, puisque c’est a partir de là que peuvent être établie les

maximes elle-même, alors logiquement, on doit en tirer la conclusion morale cette fois (et non ontologique), que

chaque humain est une fin en soi et non un moyen (au service d’une fin qui serait jugé « plus grande ») : « Agis

toujours de manière à ce que tu traites l’humanité en ta personne aussi bien qu’en celle de tout autre, toujours

comme un fin, jamais comme simple moyen. »

42 Avis du 19 décembre 1998 de la commission française consultative des droits de l’homme. Le non respect de cette

appellation peut-être considéré comme une faute dans l’application du Droit qui attend une écriture exacte de ce

que la loi reconnaît.

43 Dés son apparition, des femmes ont du revendiquées l’existence d’un droit des femmes.

44 Depuis quand la présence d’une majuscule a la première lettre d’un mot, en change complètement le sens ?

18/60

est pourtant la traduction littérale de « Human Right ».

Nature, Sacré, Convention. La déclaration du 27 Août 1789 se présente comme relevant d’un

« droit naturel » inaliénable, une proposition adéquate avec son temps ou des penseurs tentaient

d’imaginer un « état de nature45 ». Ici, il s’agit pourtant clairement d’une volonté, de type politique

qui s’est formalisé au moins au cours de 2 jours, mais qui est surtout le résultat de la macération de

la philosophie des lumières et des décisions adoptées dans les anciennes colonies britanniques

d’Amérique du Nord46, chez certains intellectuels.

Elle se réclame aussi, du sacré, mais peut-on le proclamer ? N’est-il pas affaire de

reconnaissance ou processus historique non-conscient ? Toutes ces difficultés théoriques, on laissé

la place, et cela dès leurs apparitions, à de nombreuse critiques radicale47, mais aussi de propositions

de modifications (réclamant par exemple, plus d’égalité, ou des droits pour les personnes associées

au genre femme48). Par la suite, elle fut même oubliée aux profits d’autres Déclarations (girondine,

montagnarde de 1793, puis celle de 1795).

Vocation universaliste et sujets de l’attention. La déclaration du 27 Août 1789 à d’abord une

vocation essentialiste (adapté a tous les humains sans distinction) et universaliste (adapté a toutes

les cultures et pratiques différentes)49 mais elle est plutôt devenue une « matrice du genre, la

45 Pour une critique de ces conceptions dans les courants politique, par Clément Rosset, qui y oppose un artificialisme,

voir CLÉMENT ROSSET, L’anti-nature, 1973, éd. PUF. Pour une critique de la référence même de « nature » pure,

non-humaine, vis-à-vis d’une « culture » qui elle serait une construction purement humaine sans rapport avec cette

dernière, voir Bruno Latour, Nous n’avons jamais été moderne, si possible, y préférer PHILIPPE DESCOLA. Par-delà

Nature et Culture. 2005. La conception de « nature » y est montré comme étant une spécificité d’un type de culture

particulier. La culture par ailleurs est une possibilité rendue accessible avec des manières spécifiques par beaucoup

de mammifères non-humain (c’est une possibilité donné par la pousse de ces variations biologiques). Voir CHARLES

DARWIN, la descendance de l’homme, pour la naissance de cette idée, mais le livre est devenue difficile d’accès, y

préférer DOMINIQUE LESTEL, Les origines animales de la culture, 2001.

46 Sur l’influence anglaise dans la constitution, voir le débat lancé par Georg Jellinek, notamment a travers son livre

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, contribution à l’histoire du droit constitutionnel moderne

(1902).

47 Bertrand Binoche dans « Critique des droits de l’homme » en « caractérise trois : empiriste, providentialiste et

historiciste, illustrées par huit noms grâce à leurs courants internes. Empirisme traditionaliste de Burke ou

utilitariste de Bentham. Provientialisme de Maistre. Historicisme rationaliste libéral de Constant ou positiviste de

Comte ; organiciste linéaire de Savigny, dialectique de Hegel ; matérialiste de Marx ». Selon la lecture de Émile

Poulat paru dans « Archives des sciences sociales des religions, Année 1989, Volume 68, Numéro 2 ». En ligne :

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/assr_0335-5985_1989_num_68_2_1412_t1_0204_0000_4

48 Déclaration des droits de la femme, proposé par Olympe de Gouges en Septembre 1791.

49 « Convenable à tous les hommes, à toutes les nations. […] dire les vérités de tous les temps et de tous les pays.»

Adrien Duport (1759 – 1798), conseiller au Parlement. La citation est extraite des archives parlementaires, 18 Août

19/60

Déclaration par excellence50 », ce qui n’empêche pas que certains reprennent ces ambitions. Elle

s’adressait par ailleurs aux humains conçus de manière abstraites, ce que les textes ultérieurs on

tenté de corriger en considérant le sexe (Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne,

1791), l’âge (Déclaration des droits de l’enfant, 1959), les handicaps (Déclaration des droits des

personnes handicapées, 1975), des considérations économiques et linguistiques (Charte européenne

des langues régionales ou minoritaires, 1992), culturelles ou ethniques. Une Charte de

l’environnement a été élaborée (2004, en France), c’est un droit des humains à un certain

environnement, et non un droit de l’environnement, par ailleurs contrairement aux autres

Déclarations, la Charte est entièrement inféodé au « développement économique », à peine

contrebalancé par un « progrès social », qui contrairement au critère précédent n’a pas d’indicateur

qui fasse l’unanimité51, il est donc toujours délaissé, sous prétexte de dispute, face au gain de

croissance économique, voire de profit.

Certains ont proposés aussi de s’adresser aux animaux non-humain (Déclaration Universelle des

Droits de l’Animal, 1978), ainsi qu’aux plantes52, mais ces initiatives sont loin d’avoir la

reconnaissance des précédentes.

La Déclaration des Droits Humains ne nécessite pas de contrepartie autre que la reconnaissance

d’être humain. Elle inclus certains devoirs, mais ceux-ci semblent se présenter comme la réciprocité

logique des Droits préalablement donnés. La reconnaissance de ces droits, dépend théoriquement

d’une justice qui se veux internationale, mais pratiquement de gouvernements, d’États signataires

ayant une qualité spécifique, que l’on appelle État de droit53, et fonctionnant a priori selon un

1789, t. VIII, p.451, par FRÉDÉRIC ROUVILLOIS dans son Anthologie, « Les déclarations des droits de l’homme ».

50 FRÉDÉRIC ROUVILLOIS, Anthologie, Les déclarations des droits de l’homme.

51 Il existe de nombreux indicateurs qui se propose d’établir ce qui pourrait être une évaluation vers un progrès social,

certains reprennent le PIB comme un des critères (comme l’Indice de Développement Humain, ou l’Indice de

Progrès Véritable) ne faisant que repousser les problèmes posés par cet indice lui-même, s’il est mauvais pourquoi

s’obstiner a le conserver ? Quel intérêt y’a t’il à inféoder les soucis de justice, aux questions de gains économique ?

« La multiplication du nombre de procès, de recours aux tribunaux » sert d’ailleurs d’indicateur pour contrer un

PIB vue comme élévation de la qualité de vie, en plus des plus classique veille sur la santé et l’environnement

(souvent réduit a une question de qualité de l’air). D’autres s’en libère (comme l’indice de vivre mieux [Better

Life]), voire montre l’absurdité du PIB (comme l’Indice de Santé Sociale). D’une manière générale, la plupart des

indicateurs appliqué actuelle et dont nous disposons facilement « ont été construits dans les années 1950 » (les

citations sont de Jean-Paul Fitoussi, Comment mesurer le progrès économique et social ? Le Monde, 03/09/2009).

52 La Suisse a reconnu en 2008 la dignité des plantes, entraînant comme principale conséquence la demande de

justification des scientifiques qui veulent agir sur elles. En Amérique du Sud, certains ont réellement proposé une

Déclaration des Droits des Plantes.

53 Ils peuvent distinguer des « administrés » et des « citoyens » parmi l’ensemble de la population qui traverse les

20/60

régime comme la démocratie.

Pratique. Aujourd’hui une centaine de pays reconnaisse une déclaration des Droits Humains

déclinée en 30 articles. Elle a inspiré d’autres mouvements politique et beaucoup revendiquent

certains articles de Déclaration qui n’ont pas été retenue, dont un article 35 revient souvent

autorisant a la rébellion54. De nombreux textes reprennent ses intentions (empêcher l’oppression,

l’avilissement par la tyrannie). La production d’autres nombreuses Déclarations, peut aussi être vu

comme la limite à l’universalité proclamée.

Le texte commencera a avoir une certaine valeur juridictionnelle et sera promulguée à travers des

institutions internationales après d’importants crimes, guerres et conflits, excusé par la ligne

classique : des violences passées ou d’aujourd’hui contre les violences a venir, on trouve ce genre

de rhétorique aussi bien pour défendre la démocratie (« de la violence mais contre la violence. De

la violence passée contre la violence future55 ») que la dictature chinoise (des exploités aujourd’hui,

contre la nécessité d’exploitation demain). Ils ont conduit, y compris ses adversaires habituels

quelque sois leurs origine a y reconnaître une importance56. C’est ensuite leur respect dans la

pratique de certains États qui ont conduit a leur effectivité, y compris a l’échelle internationale57.

Nussbaum pense que Droits Humains pourrait être un bon allié, pour ne pas dire, être amélioré,

par Capabilités, qui ne s’adressera pas qu’aux Humains, mais a l’ensemble des êtres vivants

sentients. La sanction attendue, du non respect des droits, est selon Nussbaum ce qui distingue une

territoires qu’ils se sont appropriés il y a plusieurs centaines d’années par gangstérisme territorial (le plus souvent

par la guerre, les crimes et meurtres). Les clandestins issus pour la plupart de l’immigration ne rentre dans aucune

de ces catégories, bien qu’ils soient dans la population, ils n’ont pas de droit. Parmi les administrés, il faut

distinguer les citoyens qui ont des droits, et ceux que l’on a déchut de leurs droits en les mettant en prison (ils ont

cependant toujours des administrés)... Et tout ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir accès a la justice pour diverses

raisons qu’on essaye de compenser... seulement si celles-ci sont biologiques (par des tuteurs), si elles sont

économiques, elles n’ont dans la pratique pas de Droits. En France, avoir Droit a la Justice coûte 35 € pour la

plupart des cas, dans certains cas particuliers une aide financière peut-être proposée.

http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/les-fondements-et-principes-10032/la-gratuite-de-la-

justice-12042.html

54 « Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du

peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Déclaration proposée par Hérault de Séchelles

à la Convention, le 23 Juin 1793.

55 Norberto Bobbio, « Piazza della Loggia. La democrazia violentata », La Stampa, 28 Mai 1994.

56 Ce que Blandine Barret-Kriegel appelle « un aggiornamento de fait ». Voir son livre, Les Droits de l’homme et le

droit naturel.

57 Avec la Déclaration de 1948 et surtout les pactes de 1966 relatifs à la garantie des droits civils et politiques et à

celle des droits économiques, sociaux et culturels.

21/60

attitude de simple compassion, d’une attitude de justice. Mais Droits Humains est il efficace dans ce

domaine ? Car Droits Humains est aussi connus pour rencontrer deux problèmes classiques que

Nussbaum va tenter de résoudre : l’universalisme et l’oublie des questions matérielles58.

4) La vulnérabilité-partagée

Elle se présente souvent comme une éthique né « aux États-Unis dans les années 1980 et dans le

contexte de la psychologie du développement moral, sous l’égide de la critique féministe de la

théorie de Lawrence Kolhberg par Carol Gilligan59 », tandis que d’autres la range comme un type

d’éthique des vertus, soulignant son attention centrée sur la personne et la psychologie, comme

l’avait fait Aristote dans ses Éthiques60.

Pour aborder l’éthique du care, il faut prendre soin de bien distinguer 3 aspects différents, que les

textes confondent parfois : a) le commun (la fragilité), b) Ce que l’on fait vis-à-vis de lui, c) ce qui

doit être fait (le souci, la sollicitude).

a) L'éthique du care, qui peut aussi être appelé éthique de la sollicitude, du soin, ou encore

de l'attention : place « la vulnérabilité au cœur même de la morale – en lieu et place de ses valeurs

jusqu'ici essentielles comme l'autonomie, l'impartialité, l'équité61. » C’est pourquoi, il me semble

plus heureux de l’appeler éthique de la « vulnérabilité partagée ».

Le care, n’ignore pas l'idée d'une dark face du care, un côté obscur, qui montre les différentes

formes d'indifférence ou de négligence, d'insouciance, voire de violation62, qui peuvent apparaître.

58 Je montre les arguments de Nussbaum dans la 3ième partie, respectivement : un nouvel universalisme et la

possibilité et l’effectivité.

59 Elles précisent : « Carol Gilligan a pour la première fois isolé et nommé l’éthique du care. Le livre qu’elle lui a

consacré, Une voix différente, a été l’un des plus influents de la seconde vague du féminisme états-unien. » Elle ne

précise rien cependant sur ce que serai ce « féminisme états-unien ». PASCALE MOLINIER, SANDRA LAUGIER,

PATRICIA PAPERMAN. Qu’est-ce que le care ? dans Qu'est ce que le care ? Souci des autres, sensibilité,

responsabilité. éd. Petite bibliothèque Payot. 2009.

60 Pour ma part, il s’agit a minima d’une réactivation originale de la théorie des sentiments moraux, très présente dans

les lumières écossaises et particulièrement chez Hume. Par ailleurs, des similitudes peuvent être faite avec des

pratiques antiques d’une part reportés, mais non formalisés en tant que théorie (par ex. dans les propos de

Théophraste), mais aussi contemporaines d’autre part (comme la sociologie des sans-pouvoirs, et les pédagogies de

l’opprimée). L’ignorance de ces proximités chez certains partisans de la vulnérabilité-partagée est probablement dû

à leurs pratiques du pragmatisme, peu soucieux du passé d’une part, et a sa démarche universitaire (pour ce qui est

de la connaissance des pratiques des opprimés).

61 Je base l’essentiel de ma présentation sur les textes de Sandra Laugier. SANDRA LAUGIER, Tous vulnérables ? Le

care, les animaux et l’environnement. éd. Payot & Rivages, 2012. §.Introduction, Frontières du care, par Sandra

Laugier.

62 Il ne s’agit pas la de la violation du droit, mais d’une violation de l’intime, du personnel, comme quand on révèle

22/60

Cet aspect est très important si l'on ne veut pas confondre l'aspect descriptif des études sur le care,

et l'aspect prescriptif63. Je ne sais pas si une étude de cette approche s’est portée par ailleurs sur le

questionnement des conséquences potentiellement négative d’un lien trop fort, que l’on arrive pas à

couper, comme cela apparaît dans les villages ou l’on se tait face à un acte répréhensible commis,

tenu, par les liens aux autres.

b) Elle se caractérise par son aspect contextualisé et « enracinées dans la relation vivante à

autrui », elle s’inscrit dans l’ordinaire de nos vies, pense l’interdépendance, la vulnérabilité, sans

rechercher de grands principes généraux. Ces éthiques « s'inscrivent à contre courant des modèles

tant d’une éthique de l’obligation d'un côté, que des éthiques conséquentialistes de l'autre. » « Le

centre de gravité de l'éthique est ainsi déplacé, du « juste » à l'« important ». « Elle peut […] être

étendue au non-humain : la vulnérabilité animale, mais aussi celle de tout ce qui dans la nature est

fragile, à protéger – la biodiversité, la qualité de l’eau, etc. » Ce dernier questionnement, très

intéressant, a été réactivité récemment64, il est pourtant très ancien comme l’atteste les propos

quelque chose sur la santé ou l’intimité de quelqu’un. Voir Frédéric Worms, Le moment du soin.

63 Ce que certains semblent faire, par exemple en relayant cette définition présentée comme classique du care par Joan

Tronto et Berenice Fischer : « Au niveau le plus général, nous suggérons que le care soit considéré comme une

activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de

sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre

environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie. »

64 Un des premiers et meilleur travail dans ce domaine : BRIAN LUKE, Brutal : Manhood and the Exploitation of

Animals, Urbana, University of Illinois Press. Un article en a été traduit : BRIAN LUKE, Justice, Sollicitude et

Libération animale, trad. Estiva Reus, [1996] dans les cahiers antispécistes [l’article original se trouve dans

JOSEPHINE DONOVAN, CAROL J. ADAMS (dir.), The Feminist Care Tradition in Animal Ethics. A Reader, NY,

Columbia UP, 2007 et dans l'ouvrage collectif Beyond Animal Right, ed. Continuum]. Une fois encore on peut se

référer au recueil SANDRA LAUGIER, Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement. éd. Payot &

Rivages, 2012. §.Introduction, Frontières du care, par Sandra Laugier.

Sur ces questions il est très instructif de lire le courant dit Écoféministe, en prenant ses distances vis-à-vis d’une partie

proche d’un certain mysticisme et d’une naturalisation des genres crées par le patriarcat, comme a su le dénoncer

Val Plumwood et Karen Warren sous le concept de « féminisme d’inversion non critique » auquel elles proposent

que succède un autre Écoféminisme (dit de la troisième vague). On peut voir aussi le travail pratique et concret de

Vandana Shiva avec les paysans sans terres indiens contre les industries agro-alimentaires et les pesticides. Dans

l’éthique de l’environnement, on pourra trouver les textes de J. B. Callicott sur l’Éthique de la Terre ou encore

l’écologie sociale de Murray Bookchin. Par contre, on évitera l’Écologie Profonde, et les Primitivistes. Pour une

bonne introduction a tous ces sujets : JOSEPH R. DES JARDINS. Éthique de l’environnement ; une introduction à la 

philosophie environnementale. 1995.

Malheureusement tous ces courants on des lacunes sur les critiques de l’Appareil technique industriel, et seule la 

critique culturelle de Illich et fataliste de Ellul ont perçu ce problème dans sa généralité. Bergson (dans le passage 

sur le supplément d’âme) et Gunther Anders (dans l’obsolescence de l’homme), on toutefois montré ce que pouvais 

23/60

rapportés de Théophraste (3ième siècle av. J.-C.) par Porphyre sur le sujet65.

Le care n’est pas de la sensiblerie, mais bien une perspective « indissociablement éthique et

politique ». Les sentiments, le vécu66, y sont pleinement reconnus comme sources d’informations,

relèvent d’un véritable moyen de connaissance. On peut relever un manque d’intérêt pour le rôle

que peut tenir la rationalité dans l’éducation des désirs, toutefois certains67 mettent en valeur un

care rationnel, auquel participerai Stephen Darwall et Martha Nussbaum (qui a ma connaissance, ne

revendique pas cette affiliation).

Le care est, aussi, un travail. Un travail qui peu passer par l’éducation de la perception, de

l’expression, de la sensibilité (à travers des expériences narratives, tout media confondu). Travail

malheureusement souvent laissé uniquement aux personnes associées au genre femme. Cet aspect

est source d’important débat interne au care, et aux féministes. Nel Nodding, y tient une position

essentialiste : le genre femme y est naturalisé comme maternel, soignant, préoccuper par

l’éducation. Joan Tronto a commencé sa dénaturalisation en centrant la définition du care non « sur

une disposition psychologique qui serait inhérente au développement psychocognitif des femmes,

mais sur une série d’expériences ou d’activités68 ». Laugier, si, elle pense qu’initialement l'éthique

du care était féministe (au sens de non-mixte : porté par des femmes), ne semble pas vouloir l’y

confiner. D’autres encore, affirme cette ouverture, par exemple Martha Nussbaum pense que la

sollicitude féminine est « éminement artificielle », le produit d’une formation culturelle contingente

enseignée tout au long de la vie et commençant dès le plus jeune age69. Enfin, il faut noter, bien

faire une approche, pour moi similaire au care, autour des techniques industrielles, ne cherchant pas la vulnérabilité

de la technique, mais indiquant déjà la vulnérabilité humaine face à certaines techniques dont la perception des 

conséquences excède les fragiles capacités humaines. Par ailleurs, cela est peut­être le signe que le soucie existe 

aussi chez les personnes associées au genre homme, mais peut­être que ce soucie est lui­même genré.

Il manque toujours une critique rationnelle de cet Appareil et des propositions pour d’autres organisations humaines 

cohabitant et soutenant les organisations des autres vivants et notre monde commun (la Terre).

65 Par exemple dans JEAN-BAPTISTE JEANGÈNE VILMER, Anthologie d’éthique animale, Apologies des bêtes. éd. Puf,

2011.

66 « Sans cette confiance en notre expérience qui s’exprime par la volonté de trouver les mots pour la dire, nous

sommes dépourvus d’autorité dans notre propre expérience » Stanley Cavell, À la recherche du plaisir, cité par

PASCALE MOLINIER, SANDRA LAUGIER, PATRICIA PAPERMAN. Qu’est-ce que le care ? dans Qu'est ce que le care ?

Souci des autres, sensibilité, responsabilité. éd. Petite bibliothèque Payot. 2009.

67 Comme l’évoque l’article « Handicap et animaux », de Nicolas Delon, dans le recueil coordonné par SANDRA

LAUGIER, Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement. éd. Payot & Rivages, 2012. Ch. IV.

68 PASCALE MOLINIER, SANDRA LAUGIER, PATRICIA PAPERMAN. Qu’est-ce que le care ? dans Qu'est ce que le care ?

Souci des autres, sensibilité, responsabilité. éd. Petite bibliothèque Payot. 2009.

69 MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des

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qu’elle ne soit pas directement liée aux recherches sur le care, que des critiques de Catherine Vidal

(neurobiologiste) sur les théories affirmant l’existence de cerveaux genrés de manière innée, vont

dans le même sens70.

Selon Joan Tronto, le care serait fragmenté (care domestique privé, care affectif, travail des

professions de care, care assuré par d'autres professions ou activités). Fragmentation et refus de

reconnaissance de ce travail essentiellement fait par des femmes et qui « pour être réussi doit-être

discret […] disparaît comme effort ou comme travail71 », entraînerai « le déni de la masse de travail

mobilisée pour garantir l'indépendance ». « Se soucier des autres est un travail qui serait mieux

réalisé s’il était autrement et plus justement distribué.72 »

c) Nussbaum pense que l’approche des Capacités intègre73 la nécessité de soins et d’attention

mais uniquement dans la mesure ou la capacité du respect de soi du récipiendaire n’est pas lésée, et

aussi dans la mesure ou celui qui donne l’attention n’est pas exploité et discriminé du fait qu’ils

rendent ce service. Autrement dit, une bonne société doit s’arranger pour fournir de l’attention a

ceux qui sont en condition d’extrême dépendance, sans exploiter les femmes comme elles l’ont été

traditionnellement, et les priver elle-même d’autres importantes capacités. Je pense qu’il faudrait

surtout une société qui ne soit pas une agglomération d’individus, assemblé pour des raisons

femmes – Antoinette Fouque. Ch.4 §.V.

70 Quand on augmente le nombre et le temps des expériences menées, on découvre que les résultats affirmant

l’existence de cerveaux genrés de manière innée disparaît tendanciellement. Autrement dit, ce ne sont que des

expériences menée sur un petit nombre de sujets, et sur de court terme qui donne ces résultats partiaux (sauf

évidemment pour les parties du cerveau s’occupant des fonctions hormonales).

71 PASCALE MOLINIER, SANDRA LAUGIER, PATRICIA PAPERMAN. Qu’est-ce que le care ? dans Qu'est ce que le care ?

Souci des autres, sensibilité, responsabilité. éd. Petite bibliothèque Payot. 2009.

72 PASCALE MOLINIER, SANDRA LAUGIER, PATRICIA PAPERMAN. Qu’est-ce que le care ? dans Qu'est ce que le care ?

Souci des autres, sensibilité, responsabilité. éd. Petite bibliothèque Payot. 2009.

73 En lisant les textes de Nussbaum et d’autres auteurs plus clairement affilié au care, on peu avoir l’impression

d’assister a une sorte de jeu de la concurrence, ou chacun tente de se démarquer de l’autre, revendiquant avoir

« LA » bonne approche.

« Let me now return to the other approaches and briefly indicate how the capabilities approach goes beyond them » A

l’inverse ceux qui défendent le care, pense que c’est leur approche qui va au-delà de celle des Capacités, ou comme

Solange Chavel, que le care serai plus radical, parce que moins libéral. Des deux côtés cependant les arguments me

semble assez pauvre. Voir SANDRA LAUGIER, Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement. éd. Payot

& Rivages, 2012. Surtout le Ch. III, ou Chavel a visiblement mal lu, les positions de Nussbaum sur les animaux.

Elle pense que celle-ci demanderai une intervention entre tous les conflits inter-espèces pour en faire l’arbitrage,

alors que Nussbaum indique précisément qu’il ne faudrait intervenir que dans le cas des animaux dont ont a la

responsabilité, a savoir 1.les animaux domestique 2.ceux que l’on tient en cage, dans les zoos. Pour les autres il

s’agit avant tout de limiter sur eux l’impact des activités humaines.

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économiques (la croissance), ou langagière. Si les personnes d’une même société se connaissait les

unes, les autres, au lieu d’avoir des liens plus mécaniques, qu’humain, le care serait moins

considéré comme un travail, et serait accompli avant tout par affection, la question de la justice (du

care pour tous, pas que pour ceux qui nous affectent) ne doit se poser qu’après ce contexte

favorable.

Une des difficultés74 d’un care politique est de reconnaître que nous avons tous droits a

l’attention, mais pas « de la même façon, ni de façon égale », certains ayant des vulnérabilités

particulières, le tout sans ouvrir « une voie royale pour la victimisation des sujets dominés ? » Une

des propositions serait d’accéder a la possibilité de définir nos besoins et les « formes adéquates de

réponse qu’ils requièrent », autrement dit qu’il existe « une autonomie au sein de la dépendance ».

C’est un peu la difficulté que tente de franchir Nussbaum en distinguant la possibilité et

l’effectivité.

Nous avons présenté ici, l’analyse que fait Nussbaum afin de positionner Capabilité parmi les

autres perspectives. Si elle affiche une base qui peu paraître initialement éthique (la vulnérabilité est

le lot de tous), elle a un objectif final politique à travers une recherche de Justice d’où son

rapprochement de Droits Humains.

De Déontologisme, elle a pris les trésors du questionnement de l’intérêt d’une place publique et

de la diversité des habitants, pour choisir le développement et l’élargissement des habitants a

l’ensemble des animaux sensibles humain et non-humains.

Quand a Utilitarisme, elle a décidé de le renverser pour ne pas réduire le champ de notre soucie à

la recherche du plaisir ou a celui des préférences formé par le contexte, mais a une pluralité de

valeurs ancré dans une réalité de la personne prise comme une fin, et non comme élément d’un

agrégat.

À présent voyons ce qui fait l’originalité positive de la proposition de Nussbaum a travers un

renouvellement de l’universalisme, des modes concrets d’interventions et des dix capacités

centrales qu’elle met en avant.

74 Elle est relevée, et les citations en proviennent dans PASCALE MOLINIER, SANDRA LAUGIER, PATRICIA PAPERMAN.

Qu’est-ce que le care ? dans Qu'est ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité. éd. Petite

bibliothèque Payot. 2009.

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III. CONSTITUTION

Capabilités présenterai l’avantage de prendre en compte les animaux non-humains sans nécessité

de modification de son objectif initial, et sans donner lieu a une banlieue autonome, tout en étant

mieux placé que Déontologisme et Utilitarisme « parce qu’elle est capable de reconnaître une

grande variété de types de dignité animale et de besoins correspondants d’épanouissement.75 »

Cependant si l’objectif de Nussbaum peut-être reconnu comme favoriser les conditions

d’épanouissement de toute vie, alors pourquoi écarte-t-elle les vivants non sentients, ainsi que le

soucie pour l’eau et leurs habitats ? Les partisans de la vulnérabilité partagée, eux, ont commencé à

se poser sérieusement la question.

Je vais présenter la place centrale de Capabilité, afin que l’on comprenne l’origine de son nom,

ce que l’on y trouve, son fonctionnement, ainsi que son projet de diffusion et amélioration. Capacité

consiste essentiellement à multiplier des usines et machines de conversion ou transformations. Une

multiplication qui se fait, sans questionner l’urbanisme, c’est-à-dire, les conséquences de ces

productions du point de vue écologique et social, notamment la limite des ressources. La notion de

seuil présenté plus tard, ne concerne elle-même que des seuils vis-à-vis des individus, et pas vis-à-

vis des limites de la planète. L’absence de précision pratique sur ces productions auquel donne droit

les capacités est lui aussi problématique : la question internationale n’est traité que pour faire

accepter Capabilité, pas du point de vue de la mondialisation du système de production et de la

nouvelle répartition et exploitation des populations. Le flux « correct » ou « attendu » de la grappe

occidentale du système technique capitaliste mondialisée (notre mobilité, accès aux

marchandises...), n’est possible que grâce a une exploitation et une dépossession massive des

populations asiatique et africaines, et notre aliénation importante, ainsi que la destruction accélérée

de la diversité des espèces et de leurs habitats au niveau mondial.

1) Fondation des « Capabilities »

Proximité d’Aristote et de Nussbaum

Il est devenu coutume de présenter 3 grandes villes76. Utilitarisme, Déontologisme et la-ville-

des-vertueux. En général, on distingue par ailleurs à l’intérieur de la-ville-des-vertueux, les

communautariens (qui recouvrent différents courants proches, ou se réclamant d’une idée

aristotélicienne du bien commun), ceux de la contrée de la Vulnérabilité-partagée (care) et ceux de

75 NUSSBAUM MARTHA C., Par-delà la « compassion » et l' « humanité », justice pour les animaux non humains. Le

care revendique quasiment mot pour mot ce même avantage. SANDRA LAUGIER, Tous vulnérables ? Le care, les

animaux et l’environnement. éd. Payot & Rivages, 2012.

76 Par exemple MARTIN PROVENCHER. Petit cours d'éthique et politique. éd. Chenelière, 2008.

27/60

Capabilités.

Nussbaum, bien qu’elle souscrit largement à ce panorama (dont il est clair qu’elle partage la

normativité puisqu’elle la critique) tout en désapprouvant les 2 villes majeures (Utilitarisme et

Déontologisme), tente d’échapper a une catégorisation trop rapide dans la-ville-des-vertueux en la

décrivant comme un mirage, et en essayant de rallier à elle les habitants de Vulnérabilité-partagée.

Capabilité semble reprendre les vieux plans établie par Aristote. Un bâtisseur antique, a l’origine

de La-ville-des-vertueux. Elle indique77 s’être rapproché d’Aristote en partie parce que c’est par ces

plans et ceux de Platon qu’elle a commencé à travailler.

Si on la nomme sa ville ainsi, c’est qu’a l’intérieur au lieu de se soucier du bien de tous, ou de

tous suivre les mêmes règles, on y cherche a développé sa vertu, son caractère spécifique, qui lui

correspond le mieux, bref, a y déployer ses pleines capacités. Le rapprochement avec Capacité

paraît évident. Cependant dans un récit78, Nussbaum rejette l’appellation Ville-des-vertueux, car les

autres villes font aussi appel a la formation de caractères spécifiques : Utilitarisme veux des

égoïstes rationnels et Déontologisme, des rationnalistes universalistes. Il existe bien un traitement

des vertus ni utilitarien, ni kantien, qui pourrait être dit comme étant celui de la ville-des-vertus

mais il est difficile d’y trouver une unité, à part un certain intérêt commun pour la place des

motivations et passions, la formation du caractère, et la vie des habitants. Il reste un profond

désaccord, particulièrement sur le rôle de la raison dans la ville.

Aristote a servi de nombreuses conceptions différentes : Il a été une inspiration centrale pour

« les libéraux ratio-universalistes Catholique à travers la tradition Sociale démocrate (Jacques

Maritain), pour les conservateurs ratio-universaliste Catholique à travers la tradition de la

« nouvelle-loi-naturelle » (John Finnis, Germain Grisez, et Robert George), pour l’historisme

communautarien Catholique à travers le refus de la possibilité d’un principe rationnel universel

(Alasdair MacIntyre), pour les humanistes-universalistes Marxistes (le jeune Marx et les marxistes

humanistes, comme Mihailo Marcovic), et pour les perfectionnistes libéraux sociaux démocrate de

Grande-Bretagne (T. H. Green and Ernest Barker). ». La pensée d'Aristote rassemble, à travers le

but politique de permettre la « pluralité des activités de la vie humaine » (« plurality of human life-

activities »). Cette tradition néo-Aristotélicienne se dessine proche de Kant, et Martha Nussbaum y

voit une lecture Marxiste d’Aristote qui est en nombreuses manière façonnée par l’idée Kantienne

77 Dans un article qu’elle écrit en réponse a des critiques effectué par des collègues. NUSSBAUM MARTHA C.,

Aristotle, Politics, and Human Capabilities : A Response to Antony, Arneson, Charlesworth, and Mulgan. Ethics,

Vol. 111, No 1 (October 2000).

78 « L’éthique de la vertu : une catégorie erronée ? » NUSSBAUM MARTHA C., Virtue Ethics : a misleading category ?

The Journal of Ethics 3, 1999

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de l’humanité comme fin.

Nussbaum conclue que cette catégorie n’est pas pertinente, et qu’il vaudrait mieux caractériser la

perspective de chaque bâtisseur – et se faire une idée de ce que l’on en pense soi-même.

Par ailleurs, elle a signalé très tôt son désaccord avec les arguments « stupides et inacceptables »

en faveur des esclaves et du mauvais traitement des femmes que l’on trouve chez lui. Elle les

considère comme ne faisant pas partie du cœur de ses conceptions. Nussbaum pense que cela ne

ravie pas Aristote d’interdire l’accès a la politique aux étrangers et artisans. Il est lui-même un

étranger qui a été forcé à l’exil politique a deux reprises à cause de ses origines macédonnienne. De

même ses critiques des femmes sont caricaturales, mais rien n’indique qu’il leur interdirai de faire

de la politique (elles disposent de la faculté de délibérer). L’esclavage quand a lui, serai justifié

uniquement quand les personnes en questions serait incapable de se projeter dans le futur et

manquerai totalement de la faculté de délibération.

Elle est une historienne reconnue d’Aristote, et bien qu’elle s’en inspire pour sa méthode, sa

philosophie de l’action ; elle n’en suit pas forcément les raisonnements normatifs : évidement les

plus problématiques (comme l'esclavagisme), mais même ceux que d’autres acceptent comme la

hiérarchie des formes de vie79.

Une critique moins « coûteuse » du rapport a l’Aristotélisme aurait pu consister à indiquer que

l’esclavage, ainsi que l’asservissement des femmes et des étrangers, ne sont pas des idées

spécifiquement d’Aristote, mais qu’elles ont cours dans la plupart des régimes de l’époque. Aristote

se serait alors contenté de reprendre ses aspects là, sans les avoir questionné ou confronté a sa

théorie générale.

L’intuition des « Capabilities »

Par Capabilité Nussbaum entend « ce que les personnes ont réellement les moyens de faire et

d’être – inspirée d’une certaine manière par l’idée intuitive de ce que doit être une vie humaine

digne de ce nom.80 »

De la même manière qu’Aristote prend en compte les aléas de la fortune, les capacités sont

conditionnées a un contexte qui est environnemental, culturel, social, économique et biologique

(âge, aptitude mentale et physique...). Il s’agit de voir ce que peu réellement réaliser une personne

en conversant, utilisant, le contexte et de venir compenser la difficulté de réalisé ses capacités par

79 « Il me semble que nous ne devrions pas suivre Aristote en disant qu’il y a un ordonnnancement naturel des formes

de vie, certaines d’entre elles étant plus dignes de notre protection et de notre émerveillement que d‘autres. » Art.

Par-delà la « compassion » et « l'humanité » Justice pour les animaux non-humains. On pourrait préciser cette

position en l’indiquant comme pathocentrisme égalitariste par opposition a un pathocentrisme hiérarchiste.

80 MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des

femmes – Antoinette Fouque. Introduction §.II.

29/60

des moyens qui ne soit pas réduit à une compensation économique (comme c’est courant dans les

projets internationaux de « développement »).

Le fondement de ce raisonnement s’inscrit dans un courant appelé intuitionisme. Selon lui, les

choses sont morales ou pas, en soi. Une attribution qui ne provient pas de notre volonté, ni de notre

pensée, mais de connaissance mentale interne, dont la source est soit Dieu, soit « naturelle » (mais

pas biologique), soit « évidente ». Les intuitions ne sont pas l’objet de démonstration, privilégie

l’immédiateté et pousse ses partisans à défendre des valeurs héritées de manière non-consciente ou

une collection de propositions « belles » ou « simples ». Sous certains aspects l’intuitionnisme peu

rejoindre des positions sensibilistes dans la mesure ou il considère que l’on peut-être moral sans

avoir besoin de raisonner. Cependant pour lui ce n’est pas parce que un vivant aurait formé des

habitudes ou se conformerai à ses obligations biologiques, mais parce qu’il suivrait ses intuitions.

Cette approche aurai l’avantage de trouver « un large écho d’une culture à l’autre ». Le flou, les

banalités et généralités dangereuses permise par l’intuitionnisme, sont ici limités par un ensemble

de dispositifs originaux : une liste de capacités identifié comme « centrales » (dont certaines sont

matérielle), capacités dont Nussbaum distingue 3 types, un seuil81 minimal a respecté et des

incomplétudes volontaires. Par ailleurs l’ensemble de ces capacités peuvent soit-être imposés, soit

être disponible (on verra dans quel cas), enfin Capabilité pense pouvoir s’étendre sur la planète

entière malgré sa disparité et ses conflits en s’adressant a des individus que l’on ne peu ni dissoudre

dans des groupes, espèces, familles, États ou personnes morales, ni échangé ou voir comme

« outils ».

Le terme de « capabilité » est un néologisme en langue française pour le terme anglais

« capabilities » qui n’est pas présent dans d’autres traductions (Espagnole et Italienne82). Le terme

est intéressant dans la mesure ou en français, on traduit déjà « capacity » par capacité et « capable »

par capable. Toutefois, les sujets abordés par l’auteur sont éthiques et politiques, peu techniques et

l’importance de la lisibilité et de l'aspect pratique dans ces thèmes sont fort. Dans ce sens,

Nussbaum valorise l’argumentation par la narration (qui nous replace dans la vie d’une personne).

Par conséquent, j’ai trouvé plus pertinent de ne pas conserver le terme spécifique (ou seulement

entre parenthèses) et de le traduire par un mot correspondant selon le contexte83, comme « la

81 «Si les gens tombent systématiquement au-dessous du seuil dans l'un de ces domaines essentiels, on devrait

considérer cela comme une situation à la fois injuste et tragique, qui requiert une attention urgente – même si par

ailleurs les choses vont bien. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des 

capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.IV. Les capabilités humaines centrales.

82 MICHEL TERESTCHENKO, Amartya Sen, Martha Nussbaum et l’idée de justice. Revue du MAUSS permanente,

14/10/2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/spip.php?article719

83 A mon avis, si le terme « capabilité » a été conservé en français c'est certainement en raison d‘une culture

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capacité84 » (à obtenir, conserver ou sauver), « l’accessibilité », la « possibilité », ou encore le

« potentiel ». De plus, Nussbaum utilise elle-même des termes différents pour décrire les

capabilities.

Rawls, le déontologiste et Amartya Sen co-fondateur de Capabilité, ont travaillés tout deux sur

des équivalents d’une telle constitution.

Rawls prescrit « une liste de « biens premiers », biens que tout individu rationnel [...] est

supposé désirer ». Mais il restreint son applicabilité à la culture occidentale, de plus « Les

principales différences entre cette liste de capabilités et la liste des biens premiers de Rawls sont sa

longueur et sa précision ; le refus de faire d’éléments matériels, comme le revenu et la richesse, des

objectifs en soi ; et en particulier, comme je l’ai dit, la détermination à mettre dans la liste la base

sociale de plusieurs biens que Rawls a appelés « bien naturels », tels que « la santé et la vigueur,

l'intelligence et l'imagination »85 ».

Sen86, partage l’objectif de Nussbaum mais diverge sur les présupposés, notamment la

construction de l'objectivité et la place des sentiments dans cette construction. Sur la question des

capacités même, il n’a jamais établi une liste en distinguant les plus importantes, ne fait pas

intervenir de notion de Seuil87, ne distingue pas de manière systématique la possibilité et

l’effectivité d’une capacité. Enfin son rapport au libéralisme a l’air plus proche du libéralisme-

réellement existant, que d’une critique au profit d’un libéralisme politique idéal qui serait critique

de son application actuelle (c’est cette dernière position que Nussbaum défend).

2) Dix capacités centrales

Nussbaum, propose une liste de 10 capacités centrales, on peut y distinguer des capacités plus

philosophique portée sur l’abstraction, tendance claire en Europe (et en particulier en France et en Allemagne), la

ou les États Unis ont su cultiver le pragmatisme (qui en France existe chez quelques auteurs, sans pour autant

constituer un courant majeur).

84 Les textes disponibles sur le site du parlement européen traduisant le terme « capabilities », le rendent dans les

textes français par « capacités », comme nous l’apprend une recherche rapide avec http://www.linguee.fr/francais-

anglais?query=capabilities&source=english. Plus rarement on trouve « ressources » ou « moyens ». Quand a

« capability » le mot proposé couramment est « pouvoir ».

85MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des 

femmes – Antoinette Fouque. 1.V. Fonctionnement et capabilité.

86 Pour plus de détail sur ces rapports, voir MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche 

des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. Introduction III.

87 « Sen n'utilise nulle part l'idée de seuil. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche

des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. Introduction. §III

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sociales (contrôle politique, vie avec les autres, bases sociale du respect mutuel, appréciation des

autres espèces, jeux), d’autres physiques (santé et intégrité corporelle, contrôle sur

l’environnement), ou encore mentale (sens, imagination, pensée, émotion, attention, raison

pratique). Mais surtout, elle indique qu’elles ont toute la même importance88, qu’il ne faut pas les

ordonner par avance, car aucune ne vient en compenser une autre. Pourtant, elle précise : « deux –

la raison pratique et l'affiliation – se distinguent par leur importance particulière, puisqu'elles

organisent et imprègnent à la fois toutes les autres, en ce qu’elles rendent leur recherche

véritablement humaine. »

Nussbaum présente une liste en 10 points de capacité centrales a défendre politiquement qu’elle

a établi pour les humains89 et qu’il faut voir comme les 40 articles des Droits Humains ; Le terme

capacité venant insister sur les aspects matériels et sociaux que Nussbaum trouve manquant aux

droits humains.

« 1. La vie. Pouvoir vivre, autant que possible, une vie humaine complète jusqu’à la fin ; ne pas

mourir prématurément, ou pouvoir mourir avant que notre vie soit diminuée au point de ne plus

valoir la peine d’être vécue.

2. La santé physique. Pouvoir jouir d’une bonne santé, incluant la fertilité [reproductive

health] ; d’une alimentation adéquate, incluant un logement décent.

3. L’intégrité physique. Pouvoir se déplacer d’un endroit à l’autre ; en sécurité des agressions, y

compris les agressions sexuelles et la violence domestique ; avoir des opportunités de satisfaction

sexuelle et le choix en matière de reproduction90.

88 « toutes les capabilités sont fondamentales au même titre, et je n'instaure pas d'ordre lexical entre elles. » MARTHA

C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes –

Antoinette Fouque. Introduction. §III.

89 J’ai établi la présente traduction a partir de son dernier livre disponible en anglais, Creating Capabilities. p.33 et 34.

Nussbaum a établie une version particulière de cette liste adaptée pour les animaux non-humains, on y remarque que le

point sur la vie considère la chasse comme une tuerie gratuite, ce qui est discutable dans certains cas, notamment

avec les pratiques des chasseurs-cueilleurs ; Qu’elle ne s’oppose pas a l’élevage (non concentrationnaire) pour des

fins alimentaires ; Qu’elle n’aboutit ni au végétarisme, ni au véganisme et pense qu’il est possible de tuer sans

douleur ; Enfin elle ne s’oppose pas aux expériences sur les animaux bien qu’elle en précise beaucoup de conditions

qui tendrait clairement à empêcher une grande part des expériences actuelles, dont le critère de la nécessité. Critère

dont Florence Burgat pense qu’elles utilisent toutes comme alibi. Par ailleurs, souvent, on ne sait pas où et qu’elles

expériences sont menées (secret industriel), difficile dans ces cas d’en dire quelque chose. Cette difficulté étant

aussi le cas des entreprises entre elles, des expériences déjà menées sont parfois reproduite de nombreuses fois.

90 Avec le point 1 et 3, Nussbaum prend position en faveur de l’Euthanasie et de l’avortement, alors que dans les

Droits Humains, les débats sont courants sur l’avortement, la peine de mort, l’euthanasie, l’auto-défense et la

guerre.

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4. Les sens, l’imagination et la pensée. Pouvoir utiliser nos sens, imaginer, penser et raisonner

– et le faire de manière réellement humaine [in a « truly human » way], en étant informé et cultivé

par une éducation adéquate, incluant, mais s’y limitant aucunement, la littérature, des bases

mathématiques et un entraînement scientifique. Pouvoir utiliser son imagination et sa pensée de

manière pratique en produisant des œuvres et événements de notre choix, qu’ils soient religieux,

littéraire, musicaux, etc. Pouvoir utiliser son esprit en étant protégé par une liberté d’expression

garantie à l’égard des discours politique, artistique, et religieux. Avoir les moyens de faire des

expériences plaisantes et d’éviter toute souffrance inutile.

5. Les sentiments. Pouvoir éprouver un attachement pour des personnes et des réalités

extérieures à nous-mêmes ; aimer ceux qui nous aiment et se soucient de notre sort, pouvoir pleurer

de leur absence ; en général, pouvoir aimer et présenter ses griefs, éprouver de la nostalgie, de la

reconnaissance et des colères justifiées. Ne pas avoir son développement émotionnel gangrené par

la peur et l'anxiété. (Soutenir cette capacité implique d’approuver des formes d'associations

humaines dont on peut prouver le rôle crucial dans ce développement).

6. La raison pratique. Pouvoir se former une conception du bien et s’engager dans une réflexion

critique sur la planification de notre propre vie. (Ce qui implique la protection de la liberté de

conscience et des pratiques religieuses).

7. L’affiliation. (A) Pouvoir vivre pour et vers les autres êtres humains, leur manifester notre

reconnaissance et de l’attention, nous consacrer à diverses formes d’interaction sociale ; Pouvoir

imaginer la situation d’un autre. (Protéger cette capacité signifie protéger les institutions qui

constituent et alimentent ces formes d'affiliation et protége la liberté de réunion et d’expression

politique). (B) Avoir les bases sociales pour le respect de soi et l’absence d'humiliation ;

Voir sa dignité reconnue, d’une valeur égale à celle des autres. Cela comporte des dispositions

contre les discriminations fondées sur la race, le sexe, l’orientation sexuelle, l’appartenance

ethnique, la caste, la religion ou le pays d’origine.

8. Les autres espèces. Pouvoir vivre dans le souci et en relation avec les animaux, les plantes, le

monde de la nature.

9. Le jeu. Pouvoir rire, jouer et nous adonner à des activités récréatives.

10. Le contrôle de son propre environnement. (A) Politique. Pouvoir participer effectivement

aux choix politiques qui régissent notre vie ; avoir le droit a la participation politique, a la

protection de la liberté d'expression et d'association. (B) Matériel. Être en mesure de détenir des

biens (foncier ou mobilier) et des droits de propriétés sur un pied d’égalité avec les autres, de

même pour le droit de chercher un emploi. Ne pas subir de perquisition ou de saisie injustifiées.

Dans le travail, pouvoir travailler comme un être humain, en pouvant exercer sa raison pratique et

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entrer dans des relations significatives de reconnaissance mutuelle avec les autres travailleurs. »

L'avantage d’une telle formulation, est qu’elle n’existe pas en tant que critique d’un système

particulier, mais comme référence positive inconditionnée au contexte. Elle pose aussi un ensemble

de questions qui restent sans réponses depuis son élaboration : pourquoi 10 et pas plus ou moins ?

Pourquoi celle-ci et pas d'autres ? Comment argumenter aux niveaux internationaux, une position

intuitionniste qui précisément n’offre pas plus d’argumentation justificative qu’une « intuition » ?

4a) Leurs types

On peut distinguer 3 types de capacités : les capacités de base (qui font référence au « bagage

inné des individus »), les capacités internes (que l'on obtient par maturité ou éducation), et les

capacités combinées91 (étude de la présence des contingences matérielles nécessaire au

fonctionnement d’une capacité). Les 10 capacités centrales sont des capacités combinées.

Toute l’organisation de Capacité, vise avant tout a se produire et produire, a « transformer » les

ressources, ou les « convertir »92. La recherche des capabilités est une multiplication d’usines

conceptuelles.

4b) Leurs seuils

Nussbaum « utilise l'idée d'un niveau de seuil de chaque capacité, au-dessous duquel on admet

que les citoyens n'ont pas accès à un fonctionnement véritablement humain : l’objectif social

devrait être entendu comme condition pour que les citoyens dépassent ce seuil de capacité. »

En dessous du seuil attendue, « l'absence d'une capabilité pour une fonction centrale est si grave

que la personne n’est alors pas vraiment un être humain, ou ne l’est plus – comme c’est le cas dans

les formes sévères de maladie mentale ou de démence sénile. »

Cette proposition pose deux problèmes : (1) Conceptuel : l’influence de l’intuitionnisme sur le

niveau du Seuil. (2) Écologique : il n’y a de seuil que minimum et pas maximum.

1.La notion de seuil a une place majeure dans la proposition de Nussbaum, elle « est plus

importante dans mon exposé que la notion d’entière égalité de capacité » Il faut donc y accorder

toute son importance pratique... Mais comment faire avec une approche intuitionniste qui présenté

comme laissant une place a la subjectivité et à la partialité de la situation, est surtout peu évidente

sur des points fondamentaux (puisqu’ils sont censés permettre une décision) : ce qui est attendu

91 Qu'elle appelait originellement capacités externes, jusqu’à ce que David Crocker la convainc que « cela laissait

entendre, de façon erronée, une focalisation sur les conditions extérieures plutôt que sur une adéquation interne.

En fait, j'entends suggérer la combinaison adéquate de ce qui est « interne » et de ce qui est « externe ». » MARTHA

C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – 

Antoinette Fouque. 1.IV. Les capabilités humaines centrales. Dans une note de bas de page.

92 Les termes de ce genre sont bien plus clair et présent dans les textes de A. Sen, que ceux de Nussbaum. Mais ils

vont clairement tout deux dans le même sens sur ce sujet la, car c’est l’objectif même de Capababilité.

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comme des pratiques « spécifiquement humaine » « véritablement humaine » ou « mode qui n'est

pas complètement humain », n’est pas clair. Qu’est-ce qu’une manière de se comporter « qui n'est

pas totalement humaine » ? Quelle pratiques, ou objectifs, sont clairement désignés ?93 Si dans

l’éthique personnelle, la question se résolve facilement, il en sera tout autre quand il faudra

légiférer.

De même, limiter la diversité des agents et patients moraux par 1.l’intuition que leur

sensibilité est le critère 2. que la biodiversité ou les habitats ne sont pas des patients laisse la porte

ouverte a la destruction rapides d’individus d’espèces peu charismatique.

Pour Nussbaum le « pour qui » à d’abord concerné les femmes, pour ensuite se soucier des

handicapés, des étrangers et puis l’ensemble des formes de vie94 et pas que les « animaux » (terme

qui exclue généralement les plantes et les arbres par ex.). Mais le texte fini par préciser que seul

ceux qui sont sensibles peuvent être des patients/agents. Elle établie (sans arguments) qu’une

condition minimale de l’appartenance à la communauté des êtres dont les droits sont fondés en

justice est la sensibilité95.

Une limite très discutable pour le conatus des acacias96 par exemple, ces derniers étant capable

de se modifier chimiquement pour ne pas être mangé par un prédateur, ils communiquent aussi a

leurs congénères l’approche de ces derniers par la diffusion d’hormones afin qu’ils se modifient

chimiquement a leur tour, au point que les prédateurs pour pouvoir les mangers, doivent savoir aller

au contraire du sens du vent.

Alors qu’il semble aller de soi de reconnaître au tableau d’un maître une attention, une valeur

93 Comment faire avec des remarques aussi flou que « Cela implique d'être capable de se comporter comme un être

pensant, et non d'être juste un rouage dans une machine ; et on doit être capable de le faire avec les autres et à leur

égard d'une façon qui implique la reconnaissance mutuelle de notre humanité. »

94 En parlant des capabilités : « La même attitude qui préside à la façon dont nous considérons les pouvoirs humains

doit guider notre approche dans le cas de toutes les formes de vie. » Par-delà la « compassion » et « l'humanité »,

Justice pour les animaux non-humains. §Types de dignité, types d'épanouissement : essai d'extension de l'approche

par les capacités.

95 Elle décrète que la condition minimale doit être la perception du plaisir et de la douleur, le lieu d’une expérience...

mais sans débattre d’autres arguments qui existent de longue date. Dans son dernier livre (2011), Creating

Capabilities, elle revient très rapidement sur la question et évoque la possibilité de capabilité pour tous les vivants,

plantes comprises, mais laisse cette question de côté en estimant que le temps et les débats futurs aiderons a mieux

clarifier ce terrain complexe. p.158 : « The capabilities of all living organisms, including plants, should count, but as

individual entities, not as parts of ecosystems. » p.159 : « an ecosystem is not a center of experience and does not have a life-

project or striving, so it seems odd to suggest thant an ecosystem suffers injustice, although it may suffer many types of damage,

and although there may be reasons, both moral and nonmoral (intellectual, scientific, economic) for caring about that damage.

Such intuitions are difficult to articulate, and only time and future debate will more clearly map this complicated terrain. »

96 http://tpedouleurvegetale.wordpress.com/acacia/

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importante, pourquoi n’en irai t’il pas autant d’une montagne, ou des rivières ? On pourrait dire que

cette proposition est relié a des humains qui leur donne cette valeur (qu’elle est donc

anthropogénique), mais montagne et rivière n’ont pas d’importance que pour les humains, mais

pour tous les vivants qui habite le monde grâce a leur présence, et les modifient pour y rester a

demeure. Cet argument ne doit pas être confondu avec son bouc-émissaire rejeté, a raison,

systématiquement : il ne s’agit pas d’attribuer ici une considération inhérente a la montagne ou a la

rivière, sous entendent qu’il faudrait faire ce qu’il y a de bien pour elle, ou pour un ensemble

abstrait comme l’écosystème. C’est impossible. Il ne s’agit pas de « penser comme une montagne »,

mais de penser qu’il va de soi pour chaque vivant d’entretenir un milieu qui lui soit favorable. Enfin

il est possible de penser aussi l’enrichissement de la biodiversité, et donc d’entretenir les conditions

qui permettent et améliore « la biodiversité-en-tant-que-processus97 ».

2. A l’époque d’Aristote la conscience des limites terrestres des ressources n’était pas à l’ordre

du jour. Sa cosmologie n’est plus adapté a notre puissance. Nous savons aujourd’hui que les

ressources sont limités. La pensée d’Aristote, tout comme celle de Sen et de Nussbaum est conçue

pour les individus vivants, sans leur monde98. Le vivant de Nussbaum n’est pas dans l’espace de la

Terre99, il est dans un espace conceptuel. Sans limite, ou le soucie prioritaire est de pouvoir réaliser

sa ponction transformative, ses capacités. La nature est «conçue comme un matériau extérieur à la

personne humaine. La liberté est le résultat de l’agencement des volontés travaillant ce réceptacle

passif qu’est la matière, vivante ou non.100»

La dégradation101 de la régularité du climat et de la qualité des écosystèmes par certaines

97 Sur cette question, je renvois au très bon livre de VIRGINIE MARIS, Philosophie de la biodiversité (Petite éthique

pour une nature en péril), 2010, éd. Buchet Chastel.

98 Sur ce sujet en général (pas de rapport direct avec Nussbaum ou Aristote), au lieu d’un questionnement

métaphysique comme celui de JACOB VON UEXKÜLL, dans Monde animaux et monde humain. [1956] 1965 fr. On

préférera grandement : KINJI IMANISHI, Le monde des êtres vivants ; une théorie écologique de l’évolution. [1941] 

2011 Fr. éd. Wildproject.

99 Pour une éthique qui se soucie de ce genre de question, voir par exemple AUGUSTIN BERQUE, Être humain sur

Terre. 1996.

100 FABRICE FLIPO, La capabilité : un composé de nature et de volonté. Article non daté, forcément postérieur à 2003

d’après la bibliographie. Flipo est critique de cette conception est indique que « La nature a ses processus propres, qui

agissent indépendamment de ce que les personnes en pensent. L’intention humaine peut les modifier, en infléchir le

cours, mais elle ne crée pas les lois de leur évolution, pas plus qu’elle ne crée la matière ou l’énergie. »

101 Flipo rappelle : « La régularité climatique est une question de vie ou de mort pour un milliard de paysan qui n’a

pas les revenus nécessaires pour compenser une mauvaise récolte. […] Désertification, changements climatiques,

appauvrissement de la couche d’ozone, dissémination de toxiques, création de risques technologiques majeurs,

pression excessive sur les biens naturels renouvelables etc. […] Plus le lieu est hostile, plus il doit être modifié

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activités humaines peut largement interagir avec la possibilité de certaines capacités et la pérénité

de la biodiversité102 (qui de toute façon n’est pas reconnue comme pertinente). La possibilité que

des « biens naturels » puissent être menacé n’est pas évoqué par Nussbaum, et ne l’est que très

récemment, peu et mal par Sen103. Ce dernier réduit le problème de la pollution et de l’épuisement

des ressources à 2 questions : (a) celle d’un problème démographique, et (b) celle du rapport aux

générations futures.

a) La question démographique est issue d’une réflexion de T. R. Malthus, ici Sen la reprend,

mais au lieu de faire peser le poids sur le trop grand nombre de pauvre (comme le faisait Malthus),

Sen fait peser « le réchauffement de la planète et la destruction croissante des milieux naturels » à

« l’instruction et l’emploi des femmes » ! Une réflexion qui s’inscrit dans une logique patriarcale (la

reproduction est un problème de femme, et si c’est un problème c’est parce qu’elle ne sont pas assez

instruite) et productiviste (on préfère produire plus et réduire la population, que se demander si il ne

faut pas repenser ce que l’on produit, peut-être produire moins globalement et mieux le partager

localement). Il est possible de résoudre les questionnements que Malthus a soulevé par une toute

autre approche : mettre fin a la surproduction et a l’aliénation des besoins sociaux par l’appareil

capitaliste. Que nous soyons moins nombreux à consommer (décroissance démographique), ne

change pas forcément notre consommation qui elle peu augmenter dans le même temps (et donc

rendre durable les destructions). Par ailleurs, une analyse plus fine, relèverai qu’un enfant états-

unien consomme bien plus qu’un enfant africain (si cette zone en tant que type de consommation a

un sens). Ce qui nous amène a la deuxième question. Celle des générations futures.

b) En Europe, Hans Jonas est connu pour avoir posé cette question (bien qu’il ne soit pas le seul,

ni le premier)104, Sen formule cette proposition : « on pourra définir la « liberté durable » […] ce

pour être rendu vivable. »

102 Des ensemble d’individus d’une même espèce seront tués plus vites que d’autres (celles que l’on qualifie pour

l’instant de « en voie de disparition »). Étrangement, l’intérêt pour chaque individu qui parmi les humains avait

permis d’attirer l’attention sur les conditions de ceux qui sont associés au genre femme, n’est pas ici motivé pour

s’intéresser parmi les animaux non-humains à ceux qui sont associés a des conditions des conditions de vie qui

s’amoindrissent plus vite que d’autres. Il y a pourtant des questions spécifiques à se poser au-delà de ce que

l’humain peu tirer comme ressource de la diversité, comme le problème anthropogénique d'idenfication d’animaux

non-humain charismatique (orang-outangs, bébés phoques...) qui vont bénéficier d’une mobilisation de l’attention

démesurée et qu’il serait possible de relever pour en étudier l’origine et les moyens de renversement ou au moins le

noter. De même, sur cette question, une production standardisé comme l’exige une production de masse (et pas des

masses) est une destruction programmée de la biodiversité.

103 AMARTYA SEN, L’idée de Justice. [2009] 2010 fr. éd. Flammarion. Chap.11, Vies, libertés et capabilités, §.Le

développement durable et l’environnement.

104 Et qu’il se prononce in fine pour une tyrannie éclairée pour résoudre la confrontation aux problèmes écologiques.

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serait le maintien, et si possible l’extension, des libertés et capacités concrètes dont jouissent les

gens aujourd’hui « sans compromettre la capacité des générations futures » d’avoir une liberté

semblable, ou supérieure. » Dans cette définition, le flou qui entourait le terme de besoin est

remplacé par ceux de « liberté et capabilités ». Si cela évacue la connotation exclusivement

économique, cela ne règle en rien les questions écologiques. Comme pour la définition canonique

du développement durable, l’impasse est accompli sur ce que seront ces « générations »105. C’est en

effet par le biais éducatif et politique seulement que la question peut-être résolue. Sans quoi, il suffit

d’examiner la pollution qu’exige les activités informatiques si prisée par les générations

d’aujourd’hui pour comprendre que les générations futures sont susceptibles d’être tout aussi

destructrice, si ce n’est pas plus, que les générations actuelles106.

Capabilité a plus été conçu pour permettre a chacun de se réaliser, que pour accomplir la justice.

Si l’idée de justice existe bien dans Capabilité, elle n’est que seconde vis-à-vis de l’obtention des

Capabilité. On réserve pour ainsi dire a Capabilité l’objectif de régler les disparités observables par

la justice, mais jamais Capabilité n’est la justice.

Limites du questionnement sur la justice. Nussbaum qui vise une dignité du sujet qu’il

pourrait atteindre par son autonomie, et alors même qu’elle reconnaît l’intérêt du care, n’a pas sur

voir la question de la justice jusqu’au bout : « À contre-courant de l'idéal d'autonomie qui anime la

plupart des théories morales, le care rappelle que nous avons tous besoin d’autres pour satisfaire

nos besoins primordiaux.107 » Ces dernières dépendances, ne sont pas forcément questionnées sur

leurs conséquences, mais plutôt sur la nécessité de leur reconnaissance. Ce pourrait être une des

questions de justice de revenir, avec des critères définis sur ces choix, afin d’envisager ou pas leur

entretiens, de faire le tri dans les dépendances.

Jamais il n’est dit qu’une personne a trop de capacité. Que ses capacités elle les à aux détriments

d’une autre qui ne pourra pas les avoirs parce qu’il n’existe pas de capacité qui ne soit relié a un

moment ou a un autre a une ressource matérielle, et que ces dernières sont en quantité limité sur

Terre108. Cependant dire cela, ne suffit pas, ce serait comme Capacité, confondre l’individu et

105 Voir JEAN-CLAUDE MICHÉA, L’enseignement de l’ignorance.

106 Je fais référence ici aux destructions écologiques et sociale nécessaire a la fabrication de ces produits. Les terres

rares de ces produits sont extraites par des enfants (au Congo en Afrique, pour le Coltan des puces électroniques),

ou dans des conditions sociales désastreuses (La Néodyne en Chine, pour les aimants des éoliennes industrielle).

107 SANDRA LAUGIER, Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement. éd. Payot & Rivages, 2012.

§.Introduction, Frontières du care, par Sandra Laugier.

108 Ce type de réflexion est inévitablement exclu pour Sen, car cela reviendrai à réinstaurer une sorte de principe de

Pareto écologique (par ex. L’empreinte écologique). Le principe de Pareto n’indique rien de plus qu’une disparité

quantitative. Malheureusement cette disparité quantitative est uniformément interprété par les utilitaristes comme

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l’organisation sociale. Cette invention que l’on doit a Bentham, consiste a dire que la société n’est

rien d’autre que la totalité des individus. Une telle réduction nie les hiérarchies de pouvoirs et de

responsabilité. Son approche individualiste, écarte l’extinction d’espèces des questions de justices,

pour les voir comme l’attaque d’individu non-humain par le groupe humain109. Ce ne sont pas les

individus qui ponctionnent trop, mais l’organisation sociale qui aliène les individus au point qu’elle

favorise (voire rend nécessaire) un degré de ponction pour permettre de participer a la société. Au

final, ce n’est pas les individus qu’il faut blâmer, mais l’organisation sociale qui structure les

besoins des individus.

Vis-a-vis des ressources, il paraît aller de soit, comme l’indique Flipo, d’entretenir la « pérennité

d’un état naturel accueillant […] comme l’une des conditions nécessaires pour que la liberté

continue d’avoir lieu, par-delà les accidents provoqués par les êtres humains.. »110.

4c) Les incomplétudes

L'avantage d'une liste est son rôle de repère et d'espérance, toutefois Nussbaum indique aussi

que cette liste est volontairement incomplète, ce qu’il faudrait comprendre comme une ouverture

participative111. Or loin d’offrir une participation possible, Capabilité n’a pas été constitué de

une question qualitative, puisque dans leur grille de lecture degré-de-quantité, égale degré-de-qualité [avec en plus

chez Bentham, l’idée que passé un seuil, la qualité obtenue par la quantité sera proportionnellement moindre qu’au

début]. Sen, en chassant le principe de Pareto, fait la même confusion que les utilitaristes. Il pourrait exister une

utilité au calcul de Pareto, non pour comparer ou estimer le bien être (ce que font les utilitaristes), mais pour gérer

la limite des ressources. Comme nous le verrons plus tard, aux yeux de Sen la ponction individuelle de ressource

pour sa transformation en capacité est tellement primordiale, indiscutable, qu’il préfère s’inquiéter du nombre

d’humains pouvant ponctionner, que du type ou du taux de ponction lui-même !

109 Elle précise dans son dernier livre « Creating Capabilities » p.159 : « la justice est concernée par l'individu vivant,

pas les espèces. Des espèces peuvent avoir une importance instrumentale pour la santé des individus, ou pour des

raisons esthétiques, intellectuelles du point de vue éthique. Cependant, il semble inexacte, de dire que l’extinction

d’une espèce est une injustice - hormis le fait que l'extinction se produit habituellement par voie de préjudice

injustifié aux membres d’une espèce pris individuellement » [« where justice is concerned, the living individual, not the

species, is the locus of concern. Species may have instrumental importance to the health of individuals, and they may also have

aesthetic, intellectual, and other types of ethical significance. It seems inaccurate, however, to say that the extinction of a

species is an injustice - apart from the fact that the extinction usually proceeds by way of wrongful harms to individual species

members. »].

110 Sur l’ensemble de ces questions, je pourrais être bien plus prolixe encore en détaillant les limites pour chaque

« ressource ». En indiquant que le fait même de ne pas distinguer ce qui peu faire partie ou pas des « ressources »

pose problème (car alors tout peut-être considéré comme ressource potentielle)... mais je pense que ce serait trop

s’écarte du sujet.

111 « la liste demeure ouverte et humble ; elle peut toujours être contestée et reformulée. On ne niera pas non plus que

les éléments de la liste sont quelque peu différemment élaborés par des sociétés différentes. En effet, l'idée qui

sous-tend la liste est, en partie, sa possibilité de réalisation multiple : les éléments qui la constituent peuvent être

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manière a permettre les discussions autrement que sur le papier et par des personnes déjà largement

qualifiées ou reconnues. Nussbaum reconnaît que seul les spécialistes connaissent son approche112,

et ce n’est que dans son dernier livre qu’elle tente réellement d’élargir son public et ses

participants113. J’indiques plusieurs éléments favorables a cette analyse dans la dernière partie ou je

questionne sur la possibilité et l’effectivité.

Une des premières difficultés a laquelle on pourrait pensé, que rencontre les Droits Humains

systématiquement est celle d’une barrière de la langue ou de la culture.

3) Un nouvel universalisme

Contrairement a Rawls qui cantone son approche a une application occidentale, Nussbaum

espère semer la constitution de Capabilité au niveau international114, en cohérence avec sa vision

universelle.

L’on sait que Droit Humains connais de nombreuses difficulté, Nussbaum tente de répondre a

l’opposition courante qui voudrait que ces Droits, soient avant tout ceux d’une culture particulière

et qu’en tant que tels, ils n’ont pas a s’imposer a d’autres cultures ou pays. Mais ce faisant, elle

omet de répondre a un ensemble d’autres problèmes pratiques que rencontre les Droits Humains que

je rappelle.

La possibilité que Capabilité écrase les cultures locales. Il est vrai que l’approche

universaliste donne un avantage pratique en épargnant la connaissance de chaque culture, mais

nécessite beaucoup de précautions, sans quoi on risque de nier ces cultures. Nussbaum prévient que

son approche « produit une forme d'universalisme sensible au pluralisme et à la différence

définis plus concrètement, conformément aux croyances et aux conditions locales. Elle est donc destinée à faire

place à un pluralisme modéré dans la spécification des caractéristiques. Le niveau seuil de chacune des capabilités

centrales nécessitera une définition plus précise, à mesure que les citoyens s'emploient à trouver un consensus à

des fins politiques. On peu envisager que cela prennent place au sein de chaque tradition constitutionnelle, en tant

qu'elle évolue grâce à l'interprétation et à la délibération. ».

112 « Cette approche par les capabilites, dont l’influence est croissante, a surtout été présentée dans des articles et des

livres denses, adressés aux spécialistes. » MARTHA C. NUSSBAUM, Capabilités, Comment créer les conditions d’un

monde plus juste ? éd. Climat, 2012fr [2011]. Préface.

113 Capabilités, Comment créer les conditions d’un monde plus juste ? À explicitement cet objectif, indiqué en Préface.

Il se conclue par ailleurs en appelant a des propositions pour améliorer l’approche.

114 « L'approche des capabilités est totalement universelle : les capabilités en question sont importantes pour tout

citoyen sans exception, dans chaque nation sans exception, et chaque personne doit être considérée comme une

fin. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd.

Des femmes – Antoinette Fouque. Introduction II.

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culturelle.115 », alors que d'autres universalismes peuvent être effectivement problématique s'il porte

sur l'idée par exemple, qu'il existe un type culturel de personne unique116. Toutefois cette ouverture

doit aller avec « un exposé substantiel des biens politiques fondamentaux. »

Ce qui pose un problème de méthode : ne risque t’on pas d’avoir des catégories vaines, car

« pas expressément reconnues » par une culture particulière ? Nussbaum a beau jeu de rappeller que

l'idée qu'il faille être attentif au pluralisme et à la différence culturelle, n'est déjà pas dans les faits

une tendance universelle117. Cette possibilité ne peut pas être totalement écarté car, au-delà d’un

relevé de la centaine de différents sens qu’a pu prendre le mot « développement118 », il est lui-même

incompréhensible par certains groupes humains119. Si Nussbaum peu, dans une certaines mesure

contourner ces limites en s’adressant aux corps plutôt qu’aux consciences (n’importe qui doit

pouvoir distinguer sa faim de celle d’un autre), la difficulté devient bien plus grande quand il s’agit

de participer collectivement a l’élaboration politique (un point pourtant fondamental de Capabilité).

De même, imposer un monde théorique particulier a des personnes qui ont déjà « leurs

propres idées de ce qui est juste et bon » est un problème qu’elle est loin de résoudre. Discuter de

ce qu’il y a de juste et de bon est-une chose déjà difficile (car des fois, la simple rencontre mène a

l’extermination même involontaire d’un groupe, par exemple, par la transmission de maladie120, ou

de manière un peu moins radicale à la diffusion de son mode économique de vie121) mais au-delà,

c’est plutôt la cosmologie même qui sous tend l’idée de développement qui pose problème. Pour

beaucoup de groupe humain produire sans se soucier de la Terre n’a pas de sens, et notre notion

repère de « nature », ne leur parle pas122.

115 MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des

femmes – Antoinette Fouque. Introduction §II.

116 « On peut rencontrer d'autres formes obtuses d'universalisation dans l'économie mondiale actuelle, qui suppose

parfois que les gens sont tout simplement des agents rationnels dans le marché mondial, cherchant à maximiser

l'utilité, quels que soient leurs traditions ou le contexte. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement

humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. Introduction. §.VI.

117 « Le pluralisme et le respect de la différence sont aussi des valeurs universelles que l'on n'observe pas partout »

MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des

femmes – Antoinette Fouque. Introduction. §.VI

118 GILBERT RIST, Le développement, histoire d'une croyance occidentale. 3ième édition, 2007, presse de la fondation

nationale des sciences politiques.

119 SERGE LATOUCHE, Survivre au développement. 2004, mille et une nuit.

120 JARED DIAMOND, Effondrement, Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. éd. Gallimard,

[2005] 2006fr.

121 MARSHALL SAHLINS, La découverte du vrai Sauvage. [2000] 2007 fr, éd. Gallimard.

122 PHILIPPE DESCOLA. Par-delà Nature et Culture. 2005. Et plus récemment du même auteur : l’écologie des autres,

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De plus, il faut être prudent, car l’approche peut-être vu, comme une continuité d’une

domination de colonisateur. Notamment si « la culture décrite à été colonisée et opprimée par la

culture de la narratrice. Une telle histoire n'implique […] pas une collusion de la narratrice avec

la colonisation et l'oppression ; elle peut-être résolument critique à l'égard de la colonisation,

exactement comme une autochtone peut être favorable <a> celle-ci.123 ». Par ailleurs Nussbaum

précise que Capabilité vient de l’Inde, sous prétexte qu’elle est d’Amartya Sen. J’aurai plutôt

tendance a dire, qu’elle vient surtout d’un savoir occidental d’une classe éconoique très marquée

(celle qui pratique l’économie politique internationale), même si a l’intérieur de ce savoir, elle

s’oppose a une des visions classique du développement (ce que Nussbaum, ne manque pas de

préciser). Ce problème de classe sociale demeure, même si à travers son travail international, il peut

répondre à l’idée qu’une seule culture serait à l’origine des capabilités, puisque cette proposition

a été plus ou moins adapté124 généralement sous l’idée de l'IDH (indice de développement humain),

largement repris par de nombreux pays125 (a l’exception il faut le noter, des États-Unis).

Un de ses avantages toutefois est qu’elle permet de répondre au tenant d’un « relativisme

culturel » ou « différentialisme126 » qui va consister à essentialiser ou naturaliser chaque culture, la

voire comme inamovible, uniforme et à vouloir qu’il n’y est pas de partage entre elles. L’argument

l’anthropologie et la question de la nature. 2011.

123 MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des

femmes – Antoinette Fouque. 1.I. Défis pour des normes transculturelles. Ou encore « Le problème, bien sûr, est

que l’universalisme qui sous-tend cette liste, avec son souci d’établir (ou de renforcer) des normes de justice,

d’égalité et de droits transculturelles, peut aussi être compris comme une forme d’impérialisme culturel occidental,

insensible aux différences culturelles et enclin à passer outre aux particularités culturelles locales. »

124 Nussbaum ne reconnais pas son approche dans l’indice de développement humain tel qu’il existe, et préfère le nom

d’approche des capabilités plutôt que d’approche du développement humain, parce qu’il est préoccupé aussi bien

par les animaux humains que non-humains. MARTHA C. NUSSBAUM, Creating Capabilities, The Human

Development Approach. §.2 The central capabilities.

125 Nussbaum précise : « La Human Development and Capability Association, qui fête cette année son quatrième

anniversaire, compte 700 membres, issus de 69 pays ». NUSSBAUM MARTHA C., « Martha Nussbaum justice et

développement humain » Propos recueillis par Laura Lee downs, Travail, genre et sociétés, 2007/1 No 17, p. 5-20.

DOI : 10.3917/tgs.017.0005

126 Des groupes d'extrêmes droites qui défendent ces positions l’appelle aujourd’hui antiracisme différentialiste (ou

ethno-différentialisme), un de ses partisans actif en France est Kemi Seba. Il s’agit pour eux, de répondre a

l’accusation de xénophobie. Ils se revendiquent non pas contre d’autres « races », mais pour la suprématie de

chaque « race » sur un territoire propre. Le racisme est donc toujours présent puisqu’il est présupposé comme un

fait chez les humains. Et la vision du rapport a l’autre n’a pas changé puisqu’il est entendu que chacun doit rester

sur le territoire qui lui est associé et ne pas venir se mélanger à ceux des autres. Si une personne n’est plus sur le

territoire ou le hasard de sa naissance la projeté, il pourrait être considéré comme inférieur.

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terminal avancé étant que la préservation de la diversité de ces cultures est une chose bonne en soi

(Nussbaum appelle cette perspective argumentaire argument à partir de la culture). Elle va faire

craquer cette conception grâce a une manière de considérer les agents totalement différente. Par

ailleurs si elle partage l’importance de la diversité culturelle, elle rappelle que des enjeux de pouvoir

des uns sur les autres à l’intérieur d’une même culture, peuvent être déguisé en recherche

d'homogénéïté culturelle127. Le problème n'est pas que les cultures se mélange (contrairement a ce

que soutiennent les partisans des sociétés fermés), mais qu’une culture domine, écrase les autres.

Concernant l’agent, Nussbaum relève l'importance de (1) l’évolution historique (par opposition a

une vision figée comme tradition), (2) des différentes pratiques voir de pratiques opposées a

l’intérieur d’une même culture (et non d’une pureté homogène), (3) de la circulation et du partage

de certain-e-s idées à travers l’histoire et les cultures.

C’est sa vision des personnes, agent-sujet d’une histoire dynamique, capable de changer et de se

prendre en mains qui fait la différence avec celle d’un patient-soumis a une histoire pesante, a des

idées particulières et a la répétition sans fin des mêmes pratiques qui fait la divergence. Il n’y a pas

adhésion ou rejet automatique, les agents peuvent non seulement être d’accord ou pas, mais aussi

être sujet a des sentiments qui vont jouer sur leurs avis.

Malgré tous ces changements la diversité des langues et des formes d’expression de la vie, leur

beauté intrinsèque est importante (argument de l’avantage de la diversité), mais il ne faut pas

confondre, diversité des formes d’expression (comme la langue) et acceptation de toutes les

pratiques : « les langues, en tant que telles, ne portent pas tort aux personnes, ce que les pratiques

culturelles font fréquemment.128 ». Il suffirait de proposer un cadre très général, « qui laisse toute la

latitude a la diversité, mais qui fixe également quelques repères généraux qui nous indiqueront

quand il vaudra mieux que nous laissions disparaître une pratique.129 »

Comment, alors, si les variabilités internes et interculturelles sont courantes, établir un

cadre général pour de l’universel ? Par le biais du partage d'une condition biologique (qui en

127 « Nous devrions nous demander les intérêts de qui sert cette image nostalgique d'une culture harmonieuse et

heureuse, et la résistance, la misère de qui sont en train d'être oblitérées » ; « pourquoi devrions-nous suivre les

idées locales plutôt que les meilleures idées que nous pouvons trouver ? » ; « Beaucoup de gens, surtout les

étudiants, confondent relativisme et tolérance » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; 

L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.I. Défis pour des normes 

transculturelles.

128MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des 

femmes – Antoinette Fouque. 1.II. Trois arguments : culture, diversité, paternalisme.

129MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des 

femmes – Antoinette Fouque. 1.II. Trois arguments : culture, diversité, paternalisme.

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même temps établi la différence entre les individus130), et la recherche commune de la possibilité

pour chacun de s’autodéterminer (de participer aux enjeux politiques) : « l’engagement de respecter

les choix des gens ne semble pas vraiment incompatible avec l’approbation de valeurs universelles.

En effet, il semble explicitement approuver au moins une valeur universelle : celle d'avoir la

possibilité de penser et de décider par soi-même. » Ce dernier point est la réponse que propose

Nussbaum a ce qu’elle identifie comme l’argument du paternalisme. Il ne s’agit pas d’imposer son

point de vue mais de distinguer ce qui relève d’une culture spécifique, et ce qui provient d’une

autorité injuste.

Sur le plan culturel, l’approche par les capacité semble être un succès, mais du point de vue

social et écologique, si l’on pense que Capabilité est nos biens matériels actuels pour tous, plus la

dignité, c’est une erreur, car nos biens matériels actuels sont le produits d’une exploitation et d’une

dépossession massive des populations asiatiques et africaines, ainsi que de la continuité de

l’aliénation intellectuelle des populations structuré et contrainte par une organisation sociale

mondiale faite par une oligarchie, le tout dans une destruction accélérée de la diversité des espèces

et de leurs habitats. Si l’universalisme se pose réellement les questions de l’exploitation des vivants

et de leur santé, ainsi que d’un souci général de leur condition de vie, nos biens matériels et nos

outils de productions devrait être radicalement différents.

De plus, il pérexiste un ensemble de difficulté rencontré dans l’application du droit qui laisse un

doute sur son efficacité : la force prétendue des Droits, peut paraître fort illusoire dans la pratique.

Le décalage entre les intentions affichées et la pratique est grand, non seulement les Droits

humains ont peu d’efficacité (a), mais en plus certaines organisations totalitaires n’hésite pas a s’en

réclamer131(b).

a) Déjà, les droits humains étant un idéal (au sens de non réalisé, pas forcément de désirable)

qui constitue une sorte de perfection, jamais atteinte, il est difficile pour les États disant les

reconnaître de faire la leçon aux autres, puisque eux-même sont régulièrement rappelé à l’ordre vis-

à-vis des abus qu’ils commettent132.

130 Même dans une culture connue pour prôner le sacrifice plutôt que l'individualisme, il reste possible de faire la

différence entre sa propre faim « et la faim d'un enfant ou d'un époux ».

131 FRÉDÉRIC ROUVILLOIS, dans Les déclarations des droits de l’homme, les qualifie de « Déclarations totalitaires ».

132 La France, historiquement et culturellement lié a cet objectif politique devrait en être la plus exemplaire, c’est

pourtant dans ce même pays ou les ministres n’hésitent pas a parler de « droit de l’hommisme » (pour disqualifier

vulgairement les partisans des droits de l’homme) quand sont évoqués ses liens et contrats économique avec des

dictatures (comme la Chine) ou des dictateurs, ou critiqué les expulsions ethniques (comme la population « rom »

ciblé nommément en 2010) et les procédures spéciales visant à éviter le droit d’asile et les droits des réfugiés.

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De plus, sa force est par ailleurs très relative puisqu’il suffit d’invoquer, y compris dans des États

se réclamant libéraux et par temps de paix, le combat contre le terrorisme pour que les droits

individuels tombent au profit de ceux d’un gouvernement semi-militaire voire militaire si l’État

d’exception est reconnu.

Enfin, quant aux sanctions contre les États, elles sont rares, et n’atteigne que très peu les

personnes elle-même133, relevant plus du symbolique. Même ratifié par un État dont ont réussi à

déterminer (quand il n’agit pas dans le secret134) qu’il ne les respectes pas, il y a quasiment-jamais

d’interventions (excepté quand c’est possible, humanitaire) tant que le régime en place a de forte

puissances économiques ou/et militaire. Et même si celui-ci est détruit ou renversé, rien ne promet

le rétablissement de la justice (il faut encore, que la nouvelle organisation en place soit non

seulement plus juste que la précédente, mais qu’elle soit motiver à trouver et juger les

responsables). Au final, il faudrait plus croire en la contingence, à un concours de circonstance

favorable qu’a une justice réelle.

b) Les déclarations faites par des organisations totalitaires, semblent employées pour au

moins 3 raisons : (1) caché des pratiques on ne peu plus discutables, (2) couvrir ses arrières afin de

pouvoir s’excuser par avance de situation présenté comme contrainte, ou contre sa volonté, (3)

justifier « des atteintes massives à des droits existants », pouvant aller jusqu’au meurtre ou au

massacre au nom de la Déclaration. La déclaration est pour ainsi dire prise au piège de sa volonté

spectaculaire.

Je n’exclue pas non plus que la Déclaration des Droits Humains soit une sorte de Léviathan

133 Même si dans le Droit, la Cour Pénale Internationale peu juger et condamner un chef d’État, elle châtie plutôt son

fantôme (comme le remarque Jacques Mourgeon, dans Les Droits de l’Homme, que sais-je ?, chap. III).

134 JACQUES MOURGEON, dans Les Droits de l’Homme, que sais-je ? Chap. III, liste : « secret d’État, secret de la

défense et de la surveillance du territoire, de l’instruction judiciaire, des délibérations des corps politiques et

administratifs, des archives inaccessibles, des dossiers confidentiels. Les lois sur l’informatique et les fichiers

(1978), sur la communication des documents administratifs (1978), sur les écoutes téléphoniques administratives

(1991) témoignent en l’officialisant de ce souci de dissimulation tout en lui imposant en piètres contreparties

certaines conditions et limites au respect desquelles veillent des organes collégiaux dit « autorités administratives

indépendantes », d’une indépendance seulement statutaire, mais dont les fonctions ne permettant pas de freiner la

croissance de Big Brother ».

Je me permet d’indiquer des exemples pratiques : Comme les différentes techniques de tortures et de manipulation

mentale pratiqué par la CIA aux États Unis pour ses recherches en armement après la Guerre Froide (voir ANDREW

GOLISZEK, Au nom de la science. éd. Télémaque. [2003] 2005. et CIA, (présentation de GRÉGOIRE CHAMAYOU)

Kubark, [1963] éd. Zones. Ou fait d’actualité, les armes d’espionnages actuelles vendu par des entreprises

françaises (Amesys du groupe Bull) a des gouvernements dictatoriaux permettant l’écoute et la lisibilité de toute

échange a travers les télécommunications.

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social, qui tenterai de justifier l’existence d’un État (non pour contrer comme chez Hobbes la

possibilité de chacun de tuer chacun135, mais assurer certaines libertés), comme semblait a l’époque

le promouvoir Target qui défendais l’idée qu’un bon gouvernement est possible, et qu’il ne doit pas

être bon, pour être bon, mais pour préserver sa postérité136.

Par ailleurs, les crimes contre l’humanité, fait sous couvert de l’économie libérale ne sont pas

reconnue137. « L’histoire des libertés accordées à l’homme n’a cessé de se confondre, à ce jour, avec

l’histoire des libertés accordées par l’homme a l’économie.138 » Le care, sur cette question est

souvent vu comme une critique du libéralisme. Dont-il semble effectivement dissociés en ce qui

concerne ces présupposés anthropologique. Loin d’une autonomie rationelle, ou déjà-donnée à un

individu fort, le care insiste sur l’aspect relationnel et fragile des individus. Toutefois, récemment en

France, le parti socialiste, ainsi que certaines auteures (comme Fabienne Brugère139) n’hésite pas à

le lier a leur choix politique libéraux. L’aspect social du libéralisme a toujours été présent dans son

idéologie, mais clairement absent dans la pratique du libéralisme-réellement-existant (capitalisme,

qui reste très patriarcal, pour des raisons essentielles de dressage et de domestication dont il est

difficile de libérer la population après des années d’élevage).

135 Thomas Hobbes, Éléments de la loi naturelle et politique.

136 « nous devons faire cesser les vices de notre gouvernement et en préserver la postérité. » Guy Jean-baptiste Target

(1733 – 1806) est un homme politique et un avocat engagé. Il défend la souveraineté et l’indépendance des

parlements. La citation est extraite des archives parlementaires, 1er Août 1789, t. VIII, p.321, par FRÉDÉRIC

ROUVILLOIS dans son Anthologie, « Les déclarations des droits de l’homme ».

137 Voir JEAN ZIEGLER, Le Droit à l’alimentation, éd. Fayard, 2003.

138 RAOUL VANEIGEM. Déclaration des droits de l'être Humain. De la souveraineté de la vie comme dépassement des

droits de l'homme. éd. Le cherche midi. 2001.

139 FABIENNE BRUGÈRE, L’éthique du care, Que sais-je, éd. PUF. 2011. Dans le chapitre II l’auteure, loin de critiquer le

marché, en propose son aménagement : "Reconsidérer la vulnérabilité et son traitement revient à proposer de

nouveaux modes de fonctionnement des économies de marché plus soucieux du bonheur et d’une répartition plus

juste des richesses."

En pensant critiquer les bases du libéralisme, il s’agit en fait pour l’auteure de critiquer un contractualisme (terme

qu’elle semble ignorer) au profit d’une valorisation des relations par le sensible. Or le contractualisme n’est pas une

thématique du libéralisme : il est présent chez Rousseau (clairement critique de la propriété, et défenseur évident

d’une forme de communauté), mais surtout les relations par le sensible sont aussi renvendiquées par des libéraux

comme Smith ou Mills...

L’auteure n’ayant visiblement pas compris, qu’assumer une anthropologie des sentiments moraux n’est pas un enjeu

politique, mais une question de réalisme (qui peut donc être acceptable par n’importe qui pour peu qu’elle ou il soit

observatrice-eur), ne peut, quand elle parle de ses auteurs, n’en décrire que ce qu’elle indique comme une position

"problématique" (Ch.II §III) sous entendu : qui rentre en contradiction avec sa thèse à elle, selon laquelle le

libéralisme est forcément patriarcal, rationaliste, et contractualiste.

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Au final dans la réalité, ce qui se présente avec force comme « droits inaliénable », fini par

révélé sa vacuité fantomatique, d’idéal au sens le plus éthérée du terme, de simple « conseils », qui

ne pèsent pas lourd face a la réalité bio-physique de la torture, des mines anti-personnel, de

l’intolérance etc...

Nussbaum, va tenter de répondre a une partie de ses difficultés en distinguant la possibilité

d’avoir accès à quelque chose, du fait d’y accéder effectivement. Cette opération bien qu’elle est

lieu au niveau individuel, lance chez Nussbaum une réflexion sur le rapport a la souveraineté de

chaque pays.

4) La possibilité et l’effectivité (Anti-autoritarisme)

« la possibilité [ou la capacité], non l’effectivité, est l’objectif politique adéquat140 »

« Avoir des droits » ne suffit pas, il faut aussi les moyens matériels pour pouvoir réaliser ces

droits, c’est pourquoi, elle les juge trop lié aux libertés civiles et pas assez aux droits économiques

et sociaux. En cela, Nussbaum relaye essentiellement la critique de Marx sur les Droits Humains en

critiquant la priorité de l’exclusion par la propriété privée au détriment de la justice141. C’est

pourquoi elle propose une liste de « capacité a pouvoir faire », plutôt que « de droit ».

On peut indiquer deux cas, exemplaires sur les difficultés typiques existant avec les Droits

Humains que relève Nussbaum, l’un avec les personnes associées au genre femme, l’autre avec

celles identifiées comme handicapées.

Nussbaum reproche aux Droits Humains l’oublie « caractéristique » de la protection de la vie des

femmes qui sont restreintes au foyer, ainsi que l’intégrité de leur corps, comme elles le réclament.

Dans le domaine de l’handicap, l’enjeu économique est radical, comme le relève Philipe Sanchez

dans sa lecture de Frontier of Justice142 : « Selon Nussbaum, les politiques timorées à destination

140 Traduction personnelle de « Capability, not functionning, is the appropriate political goal. ».

141 Dans La question juive, [Marx, 1843] : « L'application pratique du droit de liberté, c'est le droit de propriété

privée. Mais en quoi consiste ce dernier droit ?

"Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses

revenus, du fruit de son travail et de son industrie." (Constitution de 1793, art. 16.)

Le droit de propriété est donc le droit de jouir de sa fortune et d’en disposer "à son gré", sans se soucier des autres

hommes, indépendamment de la société ; c'est le droit de l’égoïsme. »

142 PHILIPPE SANCHEZ, « Handicap et capabilités » Lecture de Frontiers of Justice de Martha Nussbaum, Revue

d'éthique et de théologie morale, 2009/HS n°256, p. 29-48. DOI : 10.3917/retm.256.0029. Les parties en gras

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des personnes handicapées le sont parce qu’elles se fondent sur un présupposé implicite : est juste

une politique sociale qui compense des désavantages naturels. Par conséquent, la visée d’une

politique sociale à destination des personnes handicapées sera de rétablir – autant que possible –

la normalité physiologique.

[…] pour Nussbaum, le principe fondateur de toute politique soucieuse de justice sociale doive

être : est juste une politique sociale qui compense des inégalités dont la société est la cause. Et

elle affirme clairement ci-dessus que le handicap est un désavantage dû à l’inadéquation de la

société par rapport aux personnes déficientes. Considérer le handicap uniquement comme

déficience est réducteur et malhonnête intellectuellement. Nussbaum semble dire, [...] que les

tenants du modèle médical du handicap se voilent la face, pour empêcher qu’une politique

vraiment juste – visant à l’égalité du point de vue social, et non seulement physiologique – ne soit

mise en œuvre. En effet, une telle politique nécessiterait des frais importants d’aménagement de

l’espace public, et éventuellement des espaces privés dans lesquels évoluent les personnes

déficientes, pour assurer la compensation de leurs disabilities ».

Sur l’application de Capabilités, Nussbaum établi une distinction fondamentale (qu’elle appelle

« le fonctionnement ») qui la met dans la ligne des anti-autoritaires (de certains libéraux et

anarchistes) : les capacités sont rendue possible, mais pas obligatoire143. Sauf dans des cas précis

comme pour les enfants144, les personnes reconnues comme étant dans l’incapacité de s’entretenir

relèvent de mon initiative.

143 MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des 

femmes – Antoinette Fouque. 1.V. Fonctionnement et capabilité. « Est­ce que je donne des instructions au 

gouvernement pour pousser ou presser les gens dans un fonctionnement du genre requis, sans se soucier de leurs 

préférences ? Il est important que la réponse soit « non ». En ce qui concerne les citoyens adultes, la capabilité, 

non le fonctionnement, est l'objectif politique approprié. » C’est à la personne qu’il est laissé le soin de choisir ou 

pas d’employer sa capabilité. Mais ce qui compte, c’est qu’elle est le choix et non qu’on lui en impose un en 

particulier. « Quand nous pensons à la santé, par exemple, nous devrions faire la distinction entre la capabilité, ou 

la possibilité, d'être en bonne santé et le fonctionnement d'être réellement en bonne santé : une société pourrait 

permettre de disposer de la première et également laisser les individus libres de ne pas choisir le fonctionnement 

correspondant. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 

2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. Introduction. §.III

144 « le fonctionnement dans l'enfance est nécessaire pour la capabilité à l'âge adulte […]. De même nous serons

souvent fondés à limiter le champ d'application du choix pour des adultes qui n'ont pas toutes leurs facultés

mentales et morales en favorisant le fonctionnement effectif (par exemple, dans les domaines de la santé, du

logement, de l'intégrité physique) plutôt que la seule capabilité. » MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et 

développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.V. 

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elles-mêmes et les animaux non-humains sous notre responsabilité145 (c’est-à-dire seulement ceux

qui sont en cage, élevage ou domestiqués, pas la faune non incarcérée)146. De cette manière, elle est

fidèle a l’analyse Aristotélicienne qui voit dans les enfants l’incapacité à décider de manière

raisonnable.

Mais peut-on dire aujourd’hui que nous sommes en capacité de faire des choix raisonnables,

quand a chaque fois que nous émettons un avis, on nous oppose des experts, qui eux savent

comment nous devons produire a manger, comment nous devons habiter etc ? Si nous étions

logiques, nous devrions reconnaître qu’aujourd’hui nous sommes sous tutelle au même titre que

certains handicapés mentaux. Rejeter les experts ne changera pas le problème. Soit nous décidons

de changer l’organisation sociale, dont le système de production afin que nous puissions le gérer et

décider nous même, soit nous le conservons tel qu’il est, et alors la critique des experts n’a pas de

sens et nous acceptons de ne plus pouvoir donner notre avis sur les questions alimentaires et

énergétiques (pour n’évoquer que les plus cruciales).

Des intermédiaires légitimes ?

En faisant de certains États les possibles adoptants de ces principes, en leur reconnaissant une

légitimité, elle déroge a sa défense de l’individu contre toutes les entités prétendants s’organiser

pour eux147 (familles, États). Elle soutient de fait, la reconnaissance par des « démocratie » et

Fonctionnement et capabilité.

145 Pour eux, Nussbaum propose que l’on intervienne en donnant ce dont il a besoin tout en réduisant la douleur que

ces activités pourraient induire. Cela se traduit par faire une différence entre l’accomplissement de l’activité de

prédation d’un animal (qu’on doit lui permettre de maintenir) et la conclusion de cette activité : faire souffrir un

autre animal (qui doit être diminué voire exclue. La nourriture lui serait donné d’une part, et la prédation remplacé

par un jeu d’autre part). C’est un choix, proche d’une pratique de certains laboratoires dit des 3R (Reduction,

Rafinnement, Remplacement). On trouve une présentation détaillée dans JEAN-BAPTISTE JEANGÈNE VILMER,

Ethique animale. 2008. Ch. 9 §.La règle des 3 R. D’autres théories comme l’impératif hédoniste de David Pearce,

ne font pas cette distinction et conseille d’intervenir entre tous les conflits inter-espèces pour diminuer voire abolir

les souffrances, cela pose non seulement d’autres problème éthique (de quel droit?), mais clairement des problèmes

pratiques (est-il possible de fournir de la viande synthétique, ou in vitro a tous les vivants qui en recherche sur

Terre?).

146 Pour la faune non incarcérée, et les animaux non-humain dont nous ne sommes pas responsables, « Il semble assez

sensé de dire que la communauté humaine a l'obligation de s'abstenir de faire subir des torts indignes aux

animaux, mais qu’elle n’est pas tenue pour autant de protéger le bien-être des animaux, au sens où elle aurait

l'obligation de leur garantir une nourriture appropriée, un abri et des soins de santé. Pour ce qui est du reste, à

savoir l'épanouissement au sein d’une forme de vie, il appartient aux animaux d’y pourvoir par eux-mêmes. »

147 Dans son dernier livre, Nussbaum insiste encore plus sur cette entité comme un utile intermédiaire. MARTHA C.

NUSSBAUM, Creating Capabilities, The Human Development Approach. §.6 The Nation and Global Justice.

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l’inclusion de ses idées dans les politiques internationales de « développement ». Ce qui n’est pas

sans poser quelques problèmes.

La démocratie. Quand on questionne les moyens disponibles pour atteindre son objectif, on

comprend qu’il ne pourra jamais se réaliser, puisque non seulement elle reconnaît que « les

satisfactions sont malléables et que les gens peuvent en arriver à consentir à une situation

dépourvue de dignité148 », voire qu'on ne leur pose tout simplement pas la question. Mais qu’il

faudrait toute fois respecter ceux qui ont été élus149 (alors que le principe de la délégation, ou une

personne parle pour un groupe, va a l’encontre même de son principe de l’individu pris comme fin

en soi).

La démocratie est tellement peu questionnée, que l’on pourrait la comparer a un fétiche. Démo-

cratie est censée signifier le gouvernement du peuple.

À travers l’histoire cependant, on voit que dès sa naissance en Grèce antique qu’elle s’est faite

avec des esclaves. Certains proposent toutefois que la présence d’esclaves était un fait général, non

spécifique a la démocratie.

La démocratie aujourd’hui, peut-être qualifié de réellement-existante pour la distinguer de ces

idéologues et se confronter au fait. L’avènement de cette démocratie pourrait n’être que

« l’adaptation des classes possédantes » aux contingences historiques. Elle réaliserai alors ce tour

de force : « emprisonner le peuple dans la liberté. Elle lui a donné la liberté, mais elle lui a retiré

les moyens de s’en servir. Elle lui permet d’accéder aux plus hautes fonctions, mais elle a élevé des

barrières pour qu’il ne puisse pas y parvenir ; elle a déclaré que tous les individus étaient égaux,

mais elle a maintenu les privilèges qui sont une source d’inégalité ; elle a affirmé que rien ne

pouvait se faire sans son assentiment et sans sa volonté, mais elle a livré au marché de la

concurrence le domaine politique des nations et, même dans les tragédies périodiques engendrées

par les appétits particuliers, la démocratie ne peut rien contre les forces mauvaises qui la dirigent.150 »

La démocratie-réellement-existante est par ailleurs faite non de mandatés impératifs locaux,

mais de représentants. Ces personnes pour être élues ne vont donc pas dire ce qu’elles pensent, mais

148 L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.VII. Justification et mise en 

œuvre : les politiques démocratiques.

149 « Il serait incohérent que quelqu'un qui défend l'approche des capabilités, avec le rôle fort qui est le sien pour les

politiques démocratiques et la liberté politique, recherche une stratégie de mise en œuvre qui contournerait les

délibérations d'un parlement démocratiquement élu ». L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes 

– Antoinette Fouque. 1.VII. Justification et mise en œuvre : les politiques démocratiques.

150 J. Chazoff , art. Démocratie, dans l’Encyclopédie Anarchiste, dirigé par Sébastien Faure.

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dire ce qu’il faut pour gagner des voix : 1.En mettant en avant des promesses qui ne seront jamais

tenues. 2.En défendant des idées suffisamment ambigu, large et floues dans leur application pour

élargir leurs électeurs potentiels. Ces représentants une fois élus on un pouvoir très peu contrôlé par

ceux-là même qui les ont élus, et ils justifient pourtant tout leur actes au nom du peuple, de chacune

de ses parties. Toutes les guerres, toutes les exactions, se font en notre nom.

Selon Platon, ce n’est pas la justice ou la raison qui règne chez ces démocrates, mais la loi du

nombre. Comme si un mensonge énoncé de nombreuses fois devenait vérité, uniquement par

répétition. Dans ces régimes rien n’empêche d’ailleurs le pouvoir et l’élection d’un Hitler ou d’un

Mussolini. Platon y préférait une aristocratie151. Le nombre peu aussi être considéré comme une

force, la ou la corruption d’un petit nombre qui a beaucoup de pouvoir est facile, la corruption d’un

grand nombre dont le pouvoir peut-être par ailleurs relevé ou transmis a tout moment est plus

difficile. La liberté n’est pas le fait de l’indépendance, du pouvoir d’un seul, mais de dépendances

bien partagées.

Le grand nombre ne signifie pas forcément le mensonge ou l’erreur. C’est pourquoi dans la

démocratie, le partage de la connaissance et sa transmission est une pièce essentielle, qui ne doit

pas être réduite a l’unique question de l’École, mais a l’ensemble des situations ou l’on transmet par

la force une information (répétition, imposition) ou qu’elle est prend un pouvoir important (décision

politique et question vitale personnelle). Ceux qui entendent contrôler et gouverner les autres sans

être dérangé on tout intérêt à restreindre le partage de l’information et la transmission de la

connaissance, ce qui a pour conséquence certes d’abbétir, mais cette abétissement ne doit pas

cacher, qu’il s’agit avant tout pour les dominants d’orienter le partage et de contrôler la

transmission, et non de l’annulé complètement. La connaissance et sa transmission, ne constitue pas

en soi, un instrument d’émancipation. C’est bien plutôt, une méthode indépendante, de croisement,

de comparaison, qui permet dans la connaissance le mouvement vers une libération. Sur cette

question, Amartya Sen pense qu’il faut alors s’assurer des droits fondamentaux de liberté

d’expression152, mais on peut aussi ne pas attendre la reconnaissance et s’organiser nous même, sous

151 Bien que sa critique de la démocratie est ironique et non sarcastique. Ce qui laisse penser qu’il la critique « faute de

mieux », pour permettre a d’autre de construire, et non pour simplement détruire cette idée.

152 Par exemple AMARTYA SEN, L’idée de Justice, Ch.15 La démocratie comme raisonnement public. §.Le contenu de

la démocratie. Il donne un exemple des difficultés que l’on peut rencontrer si l’on ne maîtrise pas cette question :

« La difficulté ne réside pas seulement dans la pression politique et répressive que l’on fait subir aux électeurs

pendant le scrutin lui-même, mais dans le silence imposé par la censure à l’expression des opinions publiques,

l’exclusion de l’information, le climat de peur, ainsi que l’élimination de l’opposition politique, la suppression de

l’indépendance des médias et l’absence des droits civils fondamentaux et des libertés politiques. Tout cela épargne

largement aux pouvoirs en place le besoin de recourrir massivement à la force pour assurer en permanence le

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la forme par exemple d’assemblées générales ou syndicale. Voila des instruments d’émancipations.

De même la question de l’accès au vital : la souveraineté alimentaire, reliée aux questions de

l’eau et de l’habitation, sont aussi essentiel, tout échange pour accéder a ces biens peut être

considéré comme du chantage. Les libéraux traditionnels, évacuait la question, d’autres la

reconnaisse un peu, mais en la liant aux questions de croissance économique ou de

« développement ». Une autre possibilité pourrait être l’auto-production et l’accès libre, organisé

localement à travers des assemblées générales pour établir les besoins et répartitions.

Les électeurs n’expriment pas leur avis, mais ne peuvent que choisir une personne dans un cadre

limité.

Ce régime démocratique-réellement-existant n’étant lié a aucune égalité économique ou sociale

(les personnes associées a des couleurs non-blanches, celle au genre femme, et ceux qui sont

distingué-e-s comme handicapé-e-s, constitue autant de discrimination envers la diversité des

personnes qui ont toute un droit pourtant égal a vivre en société) ne peut-être qu’un mensonge

concernant l’égalité de pouvoir et donc la conjugaison des libertés153.

Il est hypocrite d’appeler démocratie une organisation qui se distingue par ses privilèges de

pouvoir vis-à-vis d’une population, « d’administré ». Et dont par ailleurs une partie des

« fonctionnaire » de cette organisation a le droit de recourir a la violence et de manière légitime

contre le reste de la population.

Ce gouvernement du peuple... n’est composé en réalité que d’une très petite frange de la

population, dont les études sociologiques montre qu’ils proviennent tous d’une classe économique

et de milieu sociaux similaires, et dont les connaissances et liens d’amitiés sont nombreux non

seulement entre soit disant « opposant », mais qui plus est avec des personnes aux pouvoirs

informels très importants comme les grands groupes industriels et financier et les grands groupes de

presse (presse qui d’une main est toujours prête à se présenter comme fer de lance de la liberté et

qui de l’autre n’a jamais manifesté son opposition a ses propriétaires dont la grande majorité est

composé de marchand d’armes).

Les personnes qui détiennent le monopole du pouvoir informel des symboles, de la propagande

conformisme dans le scrutin lui-même. Quantité de dictateurs dans le monde ont d’ailleurs remporté des triomphes

électoraux colossaux même sans acune coercition ouverte pendant les opérations de vote, essentiellement en

supprimant le débat public et la liberté d’information et en instaurant un climat de peur et d’angoisse. »

153 « Liberté, égalité, fraternité. Mais quelle égalité ? Tant qu’il n’y aura point d’égalité économique et sociale,

l’égalité politique sera un mensonge. .. Fraternité : encore un mensonge. Je vous demande si elle est possible entre

exploiteurs et exploités, entre oppresseurs et opprimés ? Comment ! Je vous ferai suer et souffrir pendant tout un

jour et, le soir, je vous dirai : « Embrassons-nous, nous sommes des frères ! » ». Bakounine, Trois Conférences

faites aux ouvriers du val de Saint-Imier. (1871).

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(journaux, télés) vont favoriser ou simplement relayer les idéaux qui leur permettent de conserver

leurs places154. Les transnationales et des lobbies en tout genre financent des parties, voire pré-

rédige des lois en leur faveur pour faciliter le travail de ceux qui vont les faire passer.

La population, loin de gouvernée, est entièrement occupée à l’exploitation, le temps qui n’est

pas consacré à l’exploitation, quand il n’est pas employé à réparer les productions de mauvaises

qualités, ou a parcourir les trajets journaliers permettant de se rendre sur leur lieu de travail salarié,

n’est certainement pas réservé à la politique, qui demanderai une implication bien plus importante,

mais évidement aux distractions et aux loisirs (qui sont par ailleurs elle-même les exploitations

d’autres personnes).

La politique, le gouvernement, la décision commune est devenu a tel point un sujet qui lui est

étranger, que tout le monde semble trouver raisonnable de ne lui demander de choisir (et non pas

son avis, sauf a l’occasion de référendum155) qu’environ une fois tous les 4 ou 5 ans, une oligarchie

dont le pouvoir est bien existant et réel (comme force de répression notamment) mais lui-même

soumis au capitalisme mondialisée (et a d’autres forces, moins formelle, mais tout aussi puissante,

comme le patriarcat). Selon les pays, certaines démocratie-réellement-existante, laisse plus de place

a la participation populaire que d’autres156, permettant le déclenchement populaire de référendum

(passé un quota de signataire), la révocation d’un président...

Nussbaum entend certainement s'écarter par là du stalinisme (peut-être ce qu'elle qualifie de

154 « Ce n’est pas celui qui mange copieusement qui songe à améliorer l’ordinaire de celui qui vit de rogatons. Ce

n’est pas celui qui habite des appartements luxueux qui songe à introduire quelque aisance, quelque hygiène et

propreté dans le taudis misérable. Ce n’est pas celui qui ne travail pas qui peut se rendre compte des conditions

déplorables dans lesquelles la classe ouvrière travaille et besogne. » SÉBASTIEN FAURE, La pourriture

parlementaire. 1921.

155 Référendum qui en France, même sur des points majeurs comme le Traité Constitutionnel Européen ne sont pas

respecté. La population exprimant sont refus du TCE (à 54, 68 %) le 25 Mai 2005, alors que le gouvernement et les

partis d’oppositions mettent en place son adoption (a plus de 60 % !) à travers le Traité de Lisbonne de 2007 a

2008, allant jusqu’a modifier la constitution française afin de ratifié le texte sans nouveau référendum par la voie

exclusive du Parlement (le 8/02/2008). Montrant une fois de plus le faussé entre les gouvernants et les gouvernés.

156 L’indice de démocratie, peu partiellement nous le montrer. Créé en 2006 par le Economist Intelligence Unit (EIU),

une entreprise du groupe The Economist Group. Il propose d’évaluer un niveau de démocratie sur une échelle allant

de 0 à 10. En distinguant : les démocraties (entre 8 et 10), les démocraties imparfaites (entre 6 et 8), les régimes

hybrides (entre 4 et 6), les régimes autoritaires (inférieur à 4). Il est basé sur « cinq catégories de critères : le

processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation

politique, la culture politique. ». Les pays du Nord de l’Europe sont premier de ce classement. La France arrive

29ième, comme « démocratie imparfaite ». Le rapport en Anglais, pour l’année 2011 :

http://www.sida.se/Global/About%20Sida/S%C3%A5%20arbetar%20vi/EIU_Democracy_Index_Dec2011.pdf

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aristotélisme marxiste) et de l'intégrisme religieux (probablement l’aristotélisme thomiste

catholique). Mais que fait-on quand concrètement quelqu'un est empêché d'avoir le choix ? Pour

Nussbaum il ne semble possible que d’afficher son désaccord avec ceux qui sont opposés à ces

principes et d'attendre les reconnaissances d'un système (qu'il soit représentatif ou même totalitaire).

Non seulement elle n’entend pas s'opposer au totalitarisme (même si elle est en profond désaccord

avec eux), mais en plus sa réponse évasive sur ce qu’est une action réellement humaine n’écarte pas

la possibilité que, comme certains libéraux, elle préfère un despotisme éclairé. Un tel paradoxe

s’observe dans la pratique avec le soutient de libéraux pour la dictature chilienne par exemple en

tant qu'État transitoire nécessaire à l'instauration future d'une société libérale157, au lieu de les

combattre (par le syndicalisme par exemple, ou l'action directe). Tout celà confine l’application

internationale de Capabilité aux relations diplomatiques, à l'intervention humanitaire, ou encore à la

veille et à la reconnaissance de certaines pratiques dans un lieu particulier. Autrement dit à rejoindre

un status-quo libéral plutôt qu’une opposition tranchée (comme pourrait le proposer l’anarchisme).

Elle valide ainsi les pratiques autoritaires réellement existantes (capitalisme, patriarcat,

famillialisme, anthropocentrisme) avec un supplément d’âme.

Il ne s’agit pas de se faire l’apôtre d’un interventionnisme ou d’une ingérence partout, mais de

s’organiser nous même, et d’être solidaire entre groupe autonome, sans attendre que quelqu’un

veuille nous libérer a notre place. La domination, l’exploitation et l’oppression des peuples n’est pas

l’exclusivité d’un gouvernement, ou d’une organisation. Celle-ci peu avoir lieu partout, et l’on ne

va pas attendre sa reconnaissance par une quelconque idéologie ou organisation pour la combattre.

Les « révoltes arabes », les manifestations des indignés (surtout en Grèce et en Espagne), les

mouvements occupy (aux États Unis)158, sont la preuve de l’inefficacité du droit qui agit surtout de

157 « Je dirai que, comme institutions pour le long terme, je suis complètement contre les dictatures. Mais une

dictature peut être un système nécessaire pour une période transitoire. Parfois il est nécessaire pour un pays

d’avoir, pour un temps, une forme ou une autre de pouvoir dictatorial. [...] Personnellement je préfère un dictateur

libéral plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme. Mon impression personnelle est que [...]

au Chili par exemple, nous assisterons à la transition d’un gouvernement dictatorial vers un gouvernement

libéral. » (Entretien avec le quotidien chilien El Mercurio, 12 avril 1981, d’après la documentation de Institut

Hayek). Et que la dictature puisse être sous certaines conditions un état transitoire par ailleurs reconnue comme

légal ne change rien a sa profonde injustice (contrairement a la défense qu'établie la revue libérale Contre-Point

http://www.contrepoints.org/?p=8656). Personne n'a à être embrigadé contre sa propre volonté que ce soit par les

libéraux, les communistes, les nazis ou les fascistes.

158 Ces derniers contrairement au mouvement des indignés en France, on su concrétiser diverses actions politiques et

manifestations de grande ampleur. Une des explications de ses différences de pratique est peut-être du a des

conditions économiques et sociales différentes, il y a pour l’instant encore bien moins de chômeurs en France que

dans ces autres pays.

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manière postérieure, la ou les volontés populaires sont actuelles et immédiates.

Le développement.

Tous les points discutés par Nussbaum nécessiterai la modification de législation déjà existante et

des accords internationaux. Mais le développement en tant que politique à une histoire, dont la

définition donnée en 1949 dans le point IV du discours de Truman s’est toujours opposé a l’auto-

détermination, soit en imposant la croissance (sous couvert de progrès économique159), soit en

créant une dépendance à travers la solvation de problèmes avec des sciences et techniques des pays

industriels160 (qui entraine une dépendance des autres pays, qui ne peuvent pas produire ou

entretenir ces techniques). Si Nussbaum critique effectivemnt la logique de la croissance

économique, pour la croissance économique, elle ne dit absolument rien du second problème. C’est

aussi le principe même de « développement » qui découpe le monde en deux : ceux qui sont

développés qui représenterai un modèle, et les « sous-développés » ou « en voie de

développement » ou encore « émergents » qui doivent suivrent leur voie. Sous ces aspects-la donc,

le développement apparaît comme ce qu’il est vraiment : la continuité du colonialisme par d’autres

moyens : a travers une politique économique et technique capitaliste.

Nussbaum revendique son libéralisme, même s’il ne faut surtout pas le comprendre comme on le

comprend vulgairement en France161, c’est-à-dire uniquement sous sa perspective économique, qui

est précisément celle que Nussbaum critique le plus (en cherchant la libre réalisation, plutôt que le

libre échange)162. Nussbaum retient plutôt son aspect anti-autoritaire en cherchant « un libéralisme

politique, plutôt qu’un libéralisme complet, dans le sens où il nous presse de respecter les

nombreuses conceptions différentes du bien que les citoyens peuvent avoir et de favoriser un climat

politique dans lequel chacun sera à même de recherche le bien (qu'il soit religieux ou moral) en

agissant selon ses principes, tant qu'il ne porte pas tort aux autres.163 »

Sur ce plan Capabilité apparaît essentiellement comme une tentative d’éviter les conséquences

du libéralisme-réellement-existant, sans s’attaquer aux causes (jamais le système de production

159 « Une production plus grande est la clef de la prospérité et de la paix. »

160 « avance scientifique et [...] progrès industriel ».

161 Pour sortir de ces lectures, on peut soit lire les libéraux dans le texte, soit lire, par exemple les critiques qu’en

formule Jean-Claude Michéa.

162 « les besoins économiques ne devraient pas être satisfaits au détriment de la liberté » MARTHA C. NUSSBAUM,

Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette

Fouque. Introduction. §III.

163 MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des 

femmes – Antoinette Fouque. 1.III. Les défauts des approches économiques standards.

55/60

n’est questionné). Nussbaum indique clairement qu’elle pense possible la moralisation du

capitalisme mondial164 : « La poursuite effective de nombreux éléments de la liste par de

nombreuses nations exige une coopération internationale ; elle exigera aussi quelques transferts de

richesse des nations riches aux nations les plus pauvres. […] Dans une ère de mondialisation

économique rapide, en particulier, l'approche des capabilité est, de façon pressante, nécessaire

pour donner un fond moral et des contraintes morales aux processus qui se produisent tout autour

de nous sans réflexion morale suffisante.165 ».

La possibilité même, de participer a dévelloper l’approche par les capacités est douteuse. Elle a

été constitué par le haut, en travaillant avec et dans les instances internationales, malgré une analyse

de terrain. Une pratique complètement a revers d’autres mouvements ou approche comme

l’Écoféminisme, les mouvements de libérations de la Terre166, ou encore les organisations politiques

non gouvernementale167. Selon elle, « les militants avisés n’ont qu’une trop faible influence dans les

couloirs du pouvoir.168 » Mais a mon avis, si les auteurs comme Nussbaum touche un grand nombre

de personnes dans ces mêmes couloirs, elles n’ont en réalité que très peu de conséquences (tout

comme le « développement durable » est essentiellement ce qu’en a décidé les grosses entreprises)

comparé précisément aux militants avisés qui change concrètement la réalité du terrain, comme les

printemps arabes ont su le montrer, ou les divers collectifs et manifestations contemporaines169

Cela fait plus de 20 ans que Nussbaum a mis au point sa liste et qu’elle n’a quasiment subit

aucune modification, si ce n’est par elle-même ou en ajoutant celle qui concerne les animaux non-

humain.

Trois problèmes fondamentaux nuisent a la participation a ces questions, et ils ne font jamais

l’objet de questions : a) l’aliénation de la population a travers la fabrication de son opinion par les

industries culturelles170, b) l’aliénation par la vitesse exigée de chacun pour vivre au quotidien et qui

164 Elle rejoint en cela Nicolas Sarkozy, l'association ATTAC et bien d'autres.

165 L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, éd. Des femmes – Antoinette Fouque. 1.VII. Justification et mise en 

œuvre : les politiques démocratiques.

166 Earth Liberation Front, Sea sheperd, Greenpeace, les Amis de la Terre. On peut lire en anglais, une histoire d’une

partie de ces mouvements dans Igniting A Revolution: Voices in Defense of the Earth, par STEVEN BEST et

ANTHONY NOCELLA.

167 Comme ETC Group. www.etcgroup.org/

168 MARTHA C. NUSSBAUM, Capabilités, Comment créer les conditions d’un monde plus juste ? éd. Climat, 2012fr

[2011]. Préface.

169 même la revue Times Magazine (12/2011) a indiqué que pour eux, la personnalité de l’année 2011 était « le

manifestant ».

170 ADORNO & HORKHEIMER, Kulturindustrie, raison et mystification des masses [1944], 1974 fr. On trouve aussi des

passages éclairants chez GUNTHER ANDERS, L'obsolescence de l'homme, sur l'âme à l'époque de la deuxième

56/60

empêche tout raisonnement populaire important171, c) la relégation a un gigantesque système

technique automatisé de décision politique, que l’on fait passer pour des pratiques neutres et

objective, avec en première ligne une armée d’experts et de technocrates qui ne voient pas, ou ne

veulent pas indiquer, ou partage les objectifs, de leur fonctionnement grâce au capitalisme patriarcal

industriel mondialisée172.

révolution industrielle. Encyclopédie des nuisances, 2001 [1956]. D’une manière générale, j’indique que cette

propagande a été d’autant plus facile que les conditions de proximité spatiale des lieux de production et de décision

ont été éloigné. Le problème est avant tout une question pour ainsi dire géographique. On a compensé cette

éloignement par la multiplication d’experts, dont les discours demeurent par ailleurs invérifiables. La télévision et

la radio se sont présenté comme le relais d’une communication, c’est-à-dire d’une forme d’échange réciproque sur

un même médium (comme c’est le cas de la parole), alors qu’il en va tout autrement.

171 HARTMUT ROSA, Aliénation et accélération ; vers une théorie critique de la modernité tardive. 2012.

172 Voir des auteurs comme Alexander Grothendieck, Bernard Charbonneau ou Jacques Ellul.

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IV. CAPABILITE UNE CITÉ DÉJA CONDAMNÉE

La babylone Capacité sur le plan de l’effectivité des droits parait bien meilleure que celle qui

règne aujourd’hui, mais ses fondements et son rapport au monde des vivants ne change pas, de

même sa réalisation pratique internationale paraît quasiment sans effet, voir donnerai l’illusion d’un

libéralisme moral. Je ne saurais que trop conseiller aux libréaux et communautarien d’aller y faire

un saut. Le climat de capabilité, permettra aux uns de comprendre la nécessité de l’égalité, et aux

autres, la recherche de liberté. Mais pour tous les autres, les gouvernés, les exploités, les

dépossédés, les sans grades, ceux qui n’ont rien ; Tout ceux qui veulent découvrir, maintenir, et

sauver le monde des vivants et les conditions de leur liberté, je leur conseillerai de ne pas s’y établir

a demeure et plutôt lutter directement ou il se trouve, l’avancée du désert de la civilisation afin de

construire et fédérer des sociétés locales solides (résilientes173) et ouvertes. Mais sur cette

proposition, je ne m’attarderai pas plus, car elle fait résolument parti d’un autre voyage, qui reste

toujours a faire.

173 ROB HOPKINS, Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, éd. Silence, écosociété,

[2008] 2010 fr.

58/60

BIBLIOGRAPHIE

Livres de l'auteur

MARTHA C. NUSSBAUM, Les émotions démocratiques, comment former le citoyen du XXI siècle ? éd. 

Climats 2011 [2010].

MARTHA C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain ; L'approche des capabilités. [2000] 2008 fr, 

éd. Des femmes – Antoinette Fouque.

MARTHA C. NUSSBAUM, Creating Capabilities, The Human Development Approach, The Belknap Press of 

Harvard University Press, 2011.

Articles de l'auteur

NUSSBAUM MARTHA C., Par­delà la « compassion » et l' « humanité », justice pour les animaux non 

humains. Dans H. ­S. AFEISSA ET J. ­B. JEANGÈNE VILMER (textes réunis par), Philosophie animale, 

2010, éd. Vrin.

NUSSBAUM MARTHA C., Martha Nussbaum justice et développement humain, Propos recueillis par Laura

Lee downs, Travail, genre et sociétés, 2007/1 No 17, p. 5-20. DOI : 10.3917/tgs.017.0005

NUSSBAUM MARTHA C., Capabilities and Social Justice, International Studies Review, Vol.4, No 2,

International Relation and the New Inequality (Summer, 2002)

NUSSBAUM MARTHA C., Virtue Ethics : a misleading category ? The Journal of Ethics 3, 1999.

NUSSBAUM MARTHA C., Aristotle, Politics, and Human Capabilities : A Response to Antony, Arneson, 

Charlesworth, and Mulgan. Ethics, Vol. 111, No 1 (October 2000).

Autour du sujet

AMARTYA SEN, L’idée de Justice. [2009] 2010 fr. éd. Flammarion.

Articles de commentaires

FABRICE FLIPO, La capabilité : un composé de nature et de volonté. Article non daté, forcément postérieur à 

2003 d’après la bibliographie.

MICHEL TERESTCHENKO, Amartya Sen, Martha Nussbaum et l’idée de justice. Revue du MAUSS 

permanente, 14/10/2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/spip.php?article719

PHILIPPE SANCHEZ, « Handicap et capabilités » Lecture de Frontiers of Justice de Martha Nussbaum, Revue

d'éthique et de théologie morale, 2009/HS n°256, p. 29-48. DOI : 10.3917/retm.256.0029

Livres de commentaires

PIERRE GOLSTEIN, Vulnérabilité et autonomie dans la pensée de Martha C. Nussbaum, éd. PUF, 2011.

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