[Category-specific deficits in semantic dementia: links between perception and semantic knowledge]

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Synthèse Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 (3) : 327-35 L’altération des connaissances sémantiques est-elle liée à une altération du traitement perceptif ? Étude des atteintes catégories-spécifiques dans la démence sémantique Category-specific deficits in semantic dementia Links between perception and semantic knowledge Guillaume Vallet 12 Martine Simard 1 Claudette Fortin 1 RÉmy Versace 2 StÉphanie Mazza 2 1 École de psychologie, Université Laval, Québec, Canada <[email protected]> 2 Laboratoire EMC, Université Lyon 2, Lyon, France Tir ´ es ` a part : G. Vallet Résumé. Une question fondamentale concernant l’étude des connaissances en mémoire est de savoir si elles relèvent de différentes natures de connaissances ou si toutes les connaissances sont basées sur des traces sensori-motrices. Cette question porte les liens entre la perception et les connaissances, particulièrement sémantiques, au coeur du débat. Ces liens peuvent s’étudier dans la démence sémantique, maladie touchant essentiellement les connaissances sémantiques, et dans le phénomène d’altérations catégories-spécifiques. En effet, les connaissances ne seraient pas altérées de manière uni- forme et présentent le plus souvent un déficit en défaveur des items vivants et concrets. La théorie sensorielle/fonctionnelle (SFT) définit des liens entre les items vivants et les aspects sensoriels afin d’expliquer cette atteinte des items vivants. Cette hypothèse per- mettrait alors de faire le lien entre la perception et les connaissances sémantiques, liens supposés par les approches fonctionnelles de la mémoire dans lesquelles nos connaissan- ces sont modales (sensori-dépendantes). Cette synthèse critique se propose d’étudier plus avant ces liens entre nos connaissances et le traitement perceptif à travers le prisme de la démence sémantique. Le rôle du cortex périrhinal dans l’intégration visuelle de haut niveau permettrait d’expliquer partiellement ces liens. Mots clés : démence sémantique, théorie sensorielle/fonctionnelle (SFT), modèles à sys- tème unique, connaissances sémantiques, perception Abstract. The nature of knowledge and its relationship with the perceptual processes are among the most central issues in the study of human cognition. Should knowledge be abstract, then semantic memory and perception should be relatively independent. On the contrary, if knowledge is sensory-dependent, then memory and perception should be very close. The first view is supported by the multisystem approach of memory, whereas the second view is supported by the single-store memory theories. One way to study these links is through the category-specific impairment and the sensory-functional theory (SFT). Category-specific impairment is generally observed for living items compared to artefacts. The SFT explains this deficit by defining living items as essentially based on perception. In the abstract view of knowledge, a living deficit should be related to a deficit in processing sensory knowledge. On the opposite, the sensory-dependent view states that this deficit results from perception impairment. This article focuses on the relations between know- ledge and perception in semantic dementia (SD). SD is characterized by a progressive loss of semantic knowledge, making it particularly interesting to study. This article first focuses on the SFT, to explain the category-specific impairment. The issue of perceptual processing in SD is then reviewed from the lowest level (senses) to the highest level of perception (mul- timodal integration). The data demonstrated normal perception for these patients. However, visual integration appeared to be impaired for existing knowledge. This result is discussed in relation with a possible involvement of the anterior temporal lobes. These regions are known to be the most vulnerable in SD. Recently these regions have also been shown to be involved in the multimodal integration. Taken together, these data suggest that perception and knowledge could be linked and partially explained by the SFT. Finally, the data support the sensory-dependent approaches of memory. Key words: semantic dementia, sensory/functional theory (SFT), single-system memory, semantic knowledge, perception doi:10.1684/pnv.2011.0276 Pour citer cet article : Vallet G, Simard M, Fortin C, Versace R, Mazza S. L’altération des connaissances sémantiques est-elle liée à une altération du traitement perceptif ? Étude des atteintes catégories-spécifiques dans la démence sémantique. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011; 9(3) :327-35 doi:10.1684/pnv.2011.0276 327

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SynthèseGer Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 (3) : 327-35

L’altération des connaissances sémantiquesest-elle liée à une altération du traitementperceptif ?

Étude des atteintes catégories-spécifiquesdans la démence sémantique

Category-specific deficits in semantic dementiaLinks between perception and semantic knowledge

Guillaume Vallet12

Martine Simard1

Claudette Fortin1

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StÉphanie Mazza2

1 École de psychologie, UniversitéLaval, Québec, Canada<[email protected]>2 Laboratoire EMC, Université Lyon 2,Lyon, France

Tires a part :G. Vallet

Résumé. Une question fondamentale concernant l’étude des connaissances en mémoireest de savoir si elles relèvent de différentes natures de connaissances ou si toutes lesconnaissances sont basées sur des traces sensori-motrices. Cette question porte lesliens entre la perception et les connaissances, particulièrement sémantiques, au coeurdu débat. Ces liens peuvent s’étudier dans la démence sémantique, maladie touchantessentiellement les connaissances sémantiques, et dans le phénomène d’altérationscatégories-spécifiques. En effet, les connaissances ne seraient pas altérées de manière uni-forme et présentent le plus souvent un déficit en défaveur des items vivants et concrets.La théorie sensorielle/fonctionnelle (SFT) définit des liens entre les items vivants et lesaspects sensoriels afin d’expliquer cette atteinte des items vivants. Cette hypothèse per-mettrait alors de faire le lien entre la perception et les connaissances sémantiques, lienssupposés par les approches fonctionnelles de la mémoire dans lesquelles nos connaissan-ces sont modales (sensori-dépendantes). Cette synthèse critique se propose d’étudier plusavant ces liens entre nos connaissances et le traitement perceptif à travers le prisme de ladémence sémantique. Le rôle du cortex périrhinal dans l’intégration visuelle de haut niveaupermettrait d’expliquer partiellement ces liens.Mots clés : démence sémantique, théorie sensorielle/fonctionnelle (SFT), modèles à sys-tème unique, connaissances sémantiques, perception

Abstract. The nature of knowledge and its relationship with the perceptual processes areamong the most central issues in the study of human cognition. Should knowledge beabstract, then semantic memory and perception should be relatively independent. On thecontrary, if knowledge is sensory-dependent, then memory and perception should be veryclose. The first view is supported by the multisystem approach of memory, whereas thesecond view is supported by the single-store memory theories. One way to study theselinks is through the category-specific impairment and the sensory-functional theory (SFT).Category-specific impairment is generally observed for living items compared to artefacts.The SFT explains this deficit by defining living items as essentially based on perception. Inthe abstract view of knowledge, a living deficit should be related to a deficit in processingsensory knowledge. On the opposite, the sensory-dependent view states that this deficitresults from perception impairment. This article focuses on the relations between know-ledge and perception in semantic dementia (SD). SD is characterized by a progressive lossof semantic knowledge, making it particularly interesting to study. This article first focuseson the SFT, to explain the category-specific impairment. The issue of perceptual processingin SD is then reviewed from the lowest level (senses) to the highest level of perception (mul-timodal integration). The data demonstrated normal perception for these patients. However,visual integration appeared to be impaired for existing knowledge. This result is discussedin relation with a possible involvement of the anterior temporal lobes. These regions areknown to be the most vulnerable in SD. Recently these regions have also been shown to beinvolved in the multimodal integration. Taken together, these data suggest that perceptionand knowledge could be linked and partially explained by the SFT. Finally, the data supportthe sensory-dependent approaches of memory.

Key words: semantic dementia, sensory/functional theory (SFT), single-system memory,semantic knowledge, perceptiondo

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Pour citer cet article : Vallet G, Simard M, Fortin C, Versace R, Mazza S. L’altération des connaissances sémantiques est-elle liée à une altération dutraitement perceptif ? Étude des atteintes catégories-spécifiques dans la démence sémantique. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011; 9(3) :327-35doi:10.1684/pnv.2011.0276

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. Vallet et al.

’ étude de la cognition est intimement liéeaux connaissances que nous possédons surle monde. Ces connaissances sont appelées

émantiques par opposition à nos souvenirs personnels ditspisodiques. Ces types de connaissance dépendraient deeux systèmes mnésiques distincts que sont la mémoireémantique et la mémoire épisodique [1]. Une organisationultisystémique comme celle-ci suppose que chaque sys-

ème stocke des connaissances de différentes natures. Laémoire sémantique contiendrait des connaissances amo-

ales (abstraites, décontextualisées). Toutefois, la naturemodale de ces connaissances ainsi que leur organisationont des questions fondamentales encore débattues [2] quiont référence au lien entre nos connaissances et la per-eption [3]. Cette synthèse se propose alors d’aborder cesuestions fondamentales relatives à la mémoire à travers

’étude des liens entre perception et connaissances séman-iques. Pour cette étude, il apparaît judicieux de se focaliserur le phénomène d’altérations catégories-spécifiques dans

a démence sémantique.Cette étude est difficile, car ce type d’atteinte est

elativement rare et souvent associé à d’autres déficitsognitifs. Toutefois, la démence sémantique représentene opportunité exceptionnelle, puisque cette pathologiest caractérisée par une altération progressive et relative-ent isolée des connaissances sémantiques [4]. Quelle que

oit l’étiologie, l’altération des connaissances sémantiques’est cependant pas uniforme, comme cela a été démon-ré par le phénomène d’altérations catégories-spécifiques.ne atteinte catégorie-spécifique est un déficit de traite-ent plus marqué pour une catégorie de connaissances

ou à un faible nombre de sous-catégories) par rapportd’autres catégories mieux traitées [5]. Le profil le plus

ouramment constaté est celui d’un déficit dans le traite-ent des items “vivants” - typiquement les animaux- par

apport à ceux “non vivants”, le plus souvent les outils77 % des études de cas publiées selon [6]). Ce phéno-

ène nous questionne à la fois sur l’organisation de nosonnaissances et sur leur nature. Ainsi, des atteintes deifférentes catégories pourraient signifier que nous possé-ons plusieurs stocks de connaissances sémantiques. Maisette différence de profils pourrait également signifier qu’ilxiste des liens étroits entre connaissances sémantiques,erception et motricité, et donc d’associations spécifiques

ntre connaissances sémantiques et propriétés sensori-otrices.

Les liens entre la perception et nos connaissanceseuvent être envisagés selon deux approches opposées,modales ou modales. Dans les approches amodalesconnaissances décontextualisées), la perception joue avantout un rôle d’entrée [1]. Juste après ce traitement de

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as niveau, l’information changerait de nature et devien-rait sémantique et amodale. La seule possible réactivatione la perception se ferait a posteriori lors du rappel deonnaissances épisodiques nécessitant une reviviscence.es approches supposent donc que les connaissances,ien qu’issues de la perception, changent de nature

sémantique, épisodique, etc.) ce qui implique nécessai-ement l’existence de différents systèmes mnésiques.uisque les représentations mnésiques seraient diffé-entes des représentations sensorielles [7], alors les liensntre la perception et les connaissances sémantiqueseraient indirects. Les atteintes catégories-spécifiquesupposeraient alors l’existence de différents stocks deonnaissances.

Au contraire, les approches modales de nos connais-ances définissent un “système unique” de mémoireontenant des traces multiples [3]. Ces traces, et doncos connaissances, seraient modales, c’est-à-dire sensori-épendantes. Autrement dit, ces traces garderaient lesropriétés qui les composent au moment de leurs acqui-itions. Les connaissances pourraient alors émerger sousorme de connaissances sémantiques ou épisodiques, maisur la base de mêmes traces mnésiques sensori-motrices.es traces sont sous-tendues par un large réseau cérébralù chaque composante (visuelle, auditive, etc.) est sto-kée dans la zone cérébrale dédiée à ce traitement [8]. Laerception devient alors indissociable des connaissancesnésiques [9]. Ces liens étroits supposent qu’une altéra-

ion dans le traitement perceptif (de bas ou de haut niveau)evrait se traduire par une altération des connaissancesémantiques [10, 11]. La question qui se pose est alorse savoir si cette atteinte touche les sens ou le traitementensoriel, comme la vision ou l’audition, ou alors le traite-ent perceptif. Une altération sensorielle ou perceptive de

as niveau se traduirait par une altération de la qualité deseprésentations perceptives ou des propriétés liées à ceseprésentations. Une altération du traitement perceptif deaut niveau ou du traitement cognitif se traduirait par uneltération des connaissances elles-mêmes (voir [11] pourne idée similaire).

Cette synthèse se propose d’étudier les liens entre nosonnaissances sémantiques et la perception, et donc laature des connaissances en mémoire, à partir des altéra-ions catégories-spécifiques dans la démence sémantique.près une rapide présentation de la démence sémantique,

es hypothèses explicatives des altérations catégories-pécifiques seront développées. Puis, le coeur de cette

ynthèse traitera de l’étude des liens entre les connaissan-es sémantiques et la perception à travers la présentatione la théorie sensorielle/fonctionnelle (SFT), puis grâce à

’étude du rôle du lobe temporal antérieur.

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Démence sémantique

La démence sémantique (DS) est une maladie neuro-dégénérative rare touchant principalement des personnesâgées de 50 à 65 ans [4]. La principale caractéristique de laDS est une perte progressive de la mémoire sémantique,c’est-à-dire de nos connaissances générales. Cette altéra-tion ne touche pas les aspects moteurs ou sensoriels dulangage (articulation, perception des fréquences auditives,etc.), mais se répercute au niveau fonctionnel par un défi-cit de reconnaissance (modalité spécifique ou non) et par laperte du sens (des choses ou des mots). Cette atteinte estdite sémantique, car elle est valable quelle que soit la moda-lité d’entrée et est appelée agnosie associative sémantiqueou agnosie multimodale. Autrement dit, un problème detraitement de l’item “lion” sera observé suite à la présenta-tion de l’image d’un lion, d’un rugissement ou même d’unedescription orale. La principale altération cérébrale est uneatrophie bilatérale, le plus souvent asymétrique, des lobestemporaux externes [12].

La DS a été décrite pour la première fois en 1989par Snowden et al. [13]. Le consensus sur les cri-tères diagnostiques ne s’est fait qu’en 1998 [14], ce quimontre le caractère récent de son étude systématique.Il est à noter que plusieurs nomenclatures existent, maiscelle de Snowden et al. semble faire actuellement réfé-rence. Selon celle-ci, la DS est intégrée au cadre desdémences lobaires fronto-temporales qui regroupent égale-ment la démence frontale ou l’aphasie progressive primaire.D’ailleurs, l’évolution de la DS se traduit par une altérationdes lobes frontaux et une dégradation des fonctions exécu-tives. Progressivement, le tableau clinique de la démencefronto-temporale et celui de la DS vont ainsi converger. Le

lecteur souhaitant approfondir ses connaissances sur la DSpourra se référer à l’une des nombreuses revues de syn-thèse, tant en anglais [4] qu’en francais [15].

Comme évoqué auparavant, l’atteinte sémantiquen’est pas uniforme. Un des résultats pionniers issu del’observation des patients cérébrolésés, fut l’observationrégulière d’atteintes dites “catégories-spécifiques”.

Tableau 1. Tableau synthétique des trois principales hypothèses explicaable 1. Schematic representation of the three main hypotheses to expla

Domain-specific knowledge

Stock (s) Multiples

Items vivants Stock dans le pôle temporalexterne

Items non-vivants Stock dans des parties pluspostérieures du lobe temporal

Déficit catégorie-spécifique Lésions d’un ou des stocks

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Démence sémantique et traitement perceptif

Atteintes catégories-spécifiques

Une atteinte préférentielle d’une catégorie par rapportà d’autres questionne l’organisation de nos connaissanceset leur(s) nature(s) (tableau 1). Ainsi, des profils d’atteintesvariables pourraient suggérer que nos connaissancesdépendent de stocks de connaissances différents. C’estl’hypothèse défendue par Caramazza et al. [16], connuesous le nom des connaissances domaines-spécifiques(domain-specific knowledge approach). Cette théorie sebase sur la modélisation de la mémoire sémantique OUCH(Organised Unitary Content Hypothesis [17]) et sur l’étudeplus approfondie du profil d’atteinte du cas E.W. [6]. Lesauteurs supposent que la différence entre les catégoriesproviendrait d’une distinction ontologique, donc neuronale,entre celles-ci. Cette distinction ontologique expliqueraitlogiquement l’observation de doubles dissociations dansles atteintes catégories-spécifiques [18]. Cette théorie estessentiellement étayée par des travaux en neuro-imageriequi montrent l’activation de zones cérébrales distinctesen fonction des catégories traitées [19]. Il existerait ainsides stocks de connaissances spécifiques et relativementindépendantes sous-tendus par des zones cérébrales ellesaussi distinctes. Les connaissances vivantes seraient sous-tendues par les lobes temporaux antérieurs, alors que lesconnaissances non vivantes dépendraient de régions pluspostérieures de ce même lobe. Le problème qui se posealors est la multiplication des stocks à chaque nouvelle dis-sociation observée.

La théorie des structures conceptuelles, CSA (Concep-tual Structure Account [20]) s’oppose totalement à celocalisationnisme. Selon la CSA, un seul lexique est défini,mais différents types de relations existeraient entre cer-

tains groupes d’items et de propriétés particulières. Ainsi,les connaissances “vivantes” seraient caractérisées parune plus grande similarité structurale intra-catégorielle queles objets inanimés. La caractéristique “avoir une bouche”est presque toujours associée à la caractéristique “avoirdes yeux”. Les items “vivants” ont donc des proprié-tés structurales relativement constantes. Par contre, ils

tives des troubles catégories-spécifiques.in category-specific deficits.

Conceptual StructuralAccount (CSA)

Sensory/FunctionnalTheory (STF)

Unique Par modalité

Similarité structuraleintra-catégorielle

Traits sensoriels

Liens fonction-forme Traits fonctionnels

Altération traitement similaritéou liens fonction-forme

Altération perceptiveou fonctionnelle

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uraient une corrélation assez faible entre leurs proprié-és structurales (comme leurs formes) et leurs propriétésonctionnelles au contraire des objets non vivants. Ainsi,a forme d’un animal ne permet pas de prédire le compor-ement de l’animal (carnivore, peureux, etc.). Les objetson vivants se caractériseraient, à l’inverse, par une faibleimilarité structurale intra-catégorielle, mais des liens fortsntre la forme et la fonction (par exemple une chaise pour’assoir). Ces liens différenciés entre propriétés structu-ales et fonctionnelles expliqueraient pourquoi des déficitsatégories-spécifiques peuvent être observés selon que

a perturbation du traitement se situe au niveau structuralu alors au niveau de la relation forme-fonction. Ce type’approche se veut connexionniste et, par conséquent, lesonnaissances dépendraient de réseaux très distribués surne grande partie de l’encéphale [21] comme, par exemple,

es aspects visuels sous-tendus par le lobe occipital.

Enfin, la dernière hypothèse que nous présenteronsst celle de la théorie sensorielle/fonctionnelle, SFT (Sen-ory/Functional Theory [22]). Selon cette hypothèse, les

tems “vivants” et les “non vivants” se distingueraient parn rapport différent entre ces items et les propriétés senso-ielles ou fonctionnelles (différents ratios de ces propriétésour les différentes catégories), mais aussi par l’existencee propriétés distinctives. Les items “vivants” seraient sur-out définis par leurs propriétés perceptives, alors que lesnon vivants” seraient surtout définis par leurs propriétésonctionnelles (ce pour quoi ils ont été créés). Par exemple,n lion se distingue des autres animaux par son apparencet son cri, alors qu’un bureau se distingue d’une table ou’une armoire surtout pour sa fonction (travailler, poser desocuments, etc.). Cette différence est à l’origine du nom de

a théorie sensorielle/fonctionnelle. Les dissociations obser-ées seraient alors plus une dissociation en terme de traitsensoriels versus fonctionnels plutôt que de “vivants” ver-us “non vivants”. Cette théorie ne définit pas de substratsérébraux sous-tendant les connaissances, mais supposeu’elles seraient organisées par sous-systèmes séman-iques selon chaque modalité. Selon cette approche, unéficit de traitement visuel serait la cause du déficit de trai-ement des items vivants, car ces items se distingueraientntre eux surtout par leurs propriétés visuelles (les rayuresu la crinière pour différencier un tigre d’un lion).

Parmi ces explications, la SFT semble être l’hypothèse

ermettant d’interroger le plus directement la question des

iens entre la perception et les connaissances tant poures approches amodales que modales. Ainsi, définir lesiens entre la perception et les items vivants n’exclut pas’existence de représentations abstraites. Comme présen-és auparavant, ces liens seraient alors indirects puisqu’ils

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eraient médiatisés à travers le concept. Par exemple, défi-ir un concept comme “lion”, qui serait abstrait, n’empêcheas qu’il soit relié essentiellement à des propriétés senso-ielles (son apparence, son odeur, son cri, etc.). Néanmoins,n déficit dans le traitement perceptif ne devrait pas inter-érer directement avec ces connaissances, mais altérereulement une partie des propriétés relatives à ces connais-ances. Au contraire, les approches modales supposent que

es liens entre nos connaissances et la perception seraientirects. La connaissance de « lion » serait indissociable desropriétés sensorielles qui lui sont associées. Ainsi, uneltération des connaissances, plus particulièrement concer-ant des items vivants, devrait résulter d’une altération dans

e traitement perceptif. Cette spécificité fait que cette syn-hèse se centrera sur la SFT pour aborder les liens entreonnaissances et perception.

a théorie sensorielle-fonctionnelle

La théorie sensorielle-fonctionnelle (SFT) a été élabo-ée à partir de l’observation de patients présentant deséficits dans le traitement des items vivants associésune perte ou une dégradation des connaissances per-

eptives visuelles [23]. Cette concomitance a conduit à’hypothèse que les items vivants dépendraient de faconrivilégiée des connaissances sensorielles. Par opposition,

es aspects fonctionnels seraient liés aux items non vivantstypiquement les outils). La SFT trouve des appuis dans laeuro-imagerie. Ainsi une méta-analyse d’études en tomo-raphie par émission de positons (TEP) chez le sujet jeuneermettrait d’exclure les autres hypothèses explicatives

24]. En effet, leurs analyses montrent une interaction entrea catégorie (vivant/non vivant) et le type de tâches (séman-ique/perceptive). Lors de tâches perceptives, aucun effete la catégorie n’est observé. Selon la théorie des connais-ances domaines-spécifiques, il ne devrait pas exister’interaction avec le type de tâche puisque les connais-ances dépendraient de stocks distincts. Quant à la théorieSA, elle supposerait une interaction entre la localisation,

e type de tâche et la catégorie. Appliqué à la DS, certainsravaux soutiennent également la SFT [25].

Ces liens supposés entre types de traits et déficitsatégories-spécifiques peuvent être confirmés par une

odélisation computationnelle. Ainsi, Farah et McClelland

26] ont testé cette théorie à partir d’une architecture conne-ionniste relativement simple de la mémoire sémantiqueomposée de deux modules distincts rattachés aux traitsisuels et fonctionnels. La simulation de lésions du moduleisuel a entraîné la simulation d’un déficit pour les items

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vivants. Au contraire, la simulation de lésions du modulefonctionnel a entraîné la simulation d’un déficit pour lesitems non vivants.

Toutefois, cette première version de la SFT a étévivement critiquée suite à l’observation de patients pré-sentant une altération des connaissances sensorielles sansatteinte catégorie-spécifique des items vivants [27] ou asso-ciée à une atteinte préférentielle des items non vivants(par exemple, [28]). La théorie SFT a alors évolué plusrécemment afin de répondre à ces critiques. Ainsi, lestravaux de Borgo et al. [29] ont amené les auteurs àproposer une nouvelle catégorie désignée comme catégo-rie sensori-dépendante, SQC (Sensory Quality Categories).Cette catégorie regrouperait les items inanimés dont lespropriétés caractéristiques sont directement dépendantesdes propriétés sensorielles, comme les liquides, les tex-tures, etc. Ils se distinguent des outils ou même desvéhicules qui sont des inanimés fonctionnels, des animauxou des fruits qui sont des animés sensoriels. Les auteursont montré qu’un déficit de traitement de cette catégorieétait accompagné d’un déficit dans le traitement de celledes animaux.

La SFT rencontre également des limites dans le constatd’un nombre relativement limité d’études rapportant uneatteinte catégorie-spécifique dans la DS (mais voir [30]pour une possible explication). De plus, certaines étudesrapportent aussi des résultats variables [31] ou d’autres dis-sociations comme la dissociation inverse (objets > êtresvivants [18]). Ainsi, il n’existe pas de résultats constants etfiables à propos des troubles catégories-spécifiques dansla DS, ce qui limite la portée de la SFT dans cette maladie.

Une autre limite vient de l’existence de dissociations ausein même des catégories des items vivants et non vivants.Ainsi, des dissociations entre les fruits-végétaux et les ani-maux ont pu être rapportées dans la DS [32], alors que laSFT supposait que tous les items vivants devraient avoirle même comportement. D’autres limites proviennent destravaux en imagerie. Par exemple, en TEP [33], le traitementà la fois d’animaux, mais aussi d’objets (ici des véhicules)était associé à des activations cérébrales des lobes tem-poraux des régions temporales antérieures externes chezdes sujets jeunes et en bonne santé. Ces activations desrégions antérieures temporales correspondent aux zonesles plus atrophiées dans la DS. Cette activation s’observe

pour le traitement sémantique à un niveau spécifique, parexemple entre des exemplaires au sein d’une même caté-gorie (comme un véhicule par rapport à un autre), et non à unniveau général, c’est-à-dire portant sur des propriétés rela-tives à la catégorie (par exemple, est-ce qu’un véhicule peutrouler ?). Les auteurs concluent à l’activation des propriétés

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Démence sémantique et traitement perceptif

sémantiques à travers un hub sémantique qui serait sous-tendu par ces régions. Ce concept de hub, est empruntéau monde du transport aérien et désigne des plateformestournantes ou intégratives. Autrement dit, un hub repré-senterait une zone qui intègre de multiples entrées (quelleque soit la modalité) et qui est capable d’extraire une repré-sentation commune à ces entrées, soit un concept ou uneméta-représentation [34].

Ces résultats montrent les limites de la SFT danssa forme originale avec des catégories définies a priori(vivants/non vivants) [35]. Toutefois les apports de Borgoet al. [29] ou de Farah et McClelland [26] soulignent davan-tage les propriétés sensorielles ou fonctionnelles de chaquetype d’items. L’essentiel ne serait pas la distinction entre lacatégorie du vivant et celle du non vivant, mais bien entredes stimuli caractérisés par des traits sensoriels versusfonctionnels. Cette distinction rejoint alors les approchescomme la CSA [21] (voir aussi la discussion dans [36]).Ces données ne permettent pas de trancher sur la nautredes liens entre perception et connaissances sémantiquescomme le montre cette hypothèse de hub sémantique amo-dal. Ce hub est toujours lié à la région du pôle temporalantérieur [4], c’est pourquoi cette région apparaît être lazone clé à approfondir.

Perception et “vivants” : rôle dupôle temporal antérieur

La SFT suppose qu’un déficit dans le traitement desitems vivants résulterait de l’altération des connaissancessensorielles. Selon les approches amodales, cette altérationest restreinte aux connaissances sémantiques sensorielles(connaître une propriété sensorielle associée à un itemcomme sa couleur). Au contraire, les approches modalessupposent que cette altération touche le traitement senso-riel ou le traitement perceptif. Toutefois, et comme évoquéedans les limites de la SFT, cette hypothèse ne paraît pasfondée, en particulier pour la DS. En effet, la DS ne secaractérise pas par une atteinte périphérique du systèmenerveux et encore moins du système sensoriel [15]. Parexemple, et contrairement à ce qui est observé dans lecas de la maladie d’Alzheimer, l’olfaction est normale bienque l’identification des odeurs soit altérée [36] ; il en va de

même pour l’audition [37] ou la vision [38]. De plus, de nom-breuses recherches ont utilisé des tests de perception derelativement bas niveau, comme la visual object and spaceperception battery, (VOSP [39]), et les résultats ne montrentpas de déficit particulier chez ces patients [31, 37]. Ainsi,le traitement perceptif ou le traitement des connaissances

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Néanmoins, les approches modales de la mémoire

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. Vallet et al.

erceptives ne semble pas spécifiquement altéré dans laS, ce qui va à l’encontre de la SFT.

Qu’en est-il alors de l’hypothèse d’un déficit dans le trai-ement perceptif de plus haut niveau ? La réponse à cetteuestion passe par l’étude du pôle temporal antérieur. Leremier intérêt d’étudier les pôles temporaux antérieursrovient du fait que ces régions sont spécifiquement alté-ées dans la DS [12]. La deuxième raison de cet intérêt este possible rôle du pôle temporal antérieur dans l’intégrationensorielle [40]. Toutefois, et jusqu’à récemment, cetteypothèse était essentiellement portée par les recherchesnimales. Les recherches chez le primate ont alors montréue le cortex périrhinal (partie du pôle temporal antérieur)

oue un rôle dans la perception, l’identification, mais aussians l’intégration de haut niveau des objets (pour revue

41]). Ces fonctions seraient permises grâce aux très nom-reuses connexions que cette région possède avec d’autrestructures cérébrales comme l’amygdale, l’hippocampe, leortex cingulaire antérieur, le cortex orbito-frontal, etc.

Parallèlement à ces travaux chez les animaux, destudes d’imagerie chez l’humain ont démontré l’implicatione la région du pôle temporal antérieur dans l’imagerie men-ale et le traitement sémantique [42]. Toutefois, l’intégrationisuelle chez l’humain est plus clairement mise en évidencear Devlin et Price [43] en TEP. À partir de paradigmesimilaires, les auteurs ont pu répliquer chez l’humain lesésultats observés chez les primates montrant une plusrande activation du cortex périrhinal pour une tâche néces-itant de l’intégration visuelle. Au contraire, cette région’était pas plus sollicitée pour des tâches de perception delus bas niveau comme la couleur et l’orientation (voir aussi

44]).Le cortex périrhinal apparaît aussi jouer un rôle dans

’intégration multimodale (son-image) pour des itemsonnus [45]. Qu’en est-il pour la DS ? Selon une étudeécente de Barense et al. [46], les patients souffrant deS présenteraient des difficultés particulières pour les

tems caractérisés par une grande ambiguïté perceptive.ar contre, le traitement perceptif de plus bas niveau,out comme le traitement d’items moins ambigus est bienéussi. Enfin, cette difficulté pour les items ambigus n’estbservée que pour les items ayant un sens, c’est-à-dire des

tems déjà existants en mémoire. Ce résultat comporte-ental est en lien avec l’atrophie cérébrale des patientsS, atrophie essentiellement observée au niveau des cor-

ex périrhinaux. Cette étude suppose ainsi l’implication du

ortex périrhinal dans le traitement visuel de haut niveauout comme dans les tâches mnésiques. Par conséquent,’intégration multisensorielle jouerait un rôle décisif dans leraitement des items sémantiques.

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iscussion

Cet article a questionné l’existence de liens entree traitement perceptif et la DS. Cette problématiquee révèle d’importance pour les approches modales de

a mémoire qui définissent des connaissances sensori-épendantes. Cette question est surtout centrale pourxpliquer l’existence d’altérations catégories-spécifiques àartir de la SFT. Selon cette théorie, les items vivantse distingueraient surtout par les propriétés sensoriellesessentiellement visuelles), alors que les items non vivantseraient surtout fondés sur leurs propriétés fonctionnelles.insi, une altération catégorie-spécifique en défaveur des

tems vivants serait expliquée par une perturbation de’accès aux propriétés perceptives. Néanmoins, les don-ées de la littérature ne permettent pas de valider cetteypothèse, notamment dans la DS. En effet, il n’existe pas’atteinte systématique des connaissances sensorielles.es approches modales ne semblent pas non plus validées,uisqu’il n’existe pas véritablement d’atteinte sensorielle, nie déficit dans le traitement perceptif de bas niveau dans laS. Une conclusion un peu hâtive serait alors le rejet de laFT ou des approches modales afin de rendre compte desltérations catégories-spécifiques.

Toutefois, les données issues des travaux sur les lobesemporaux antérieurs et sur leur(s) fonction(s) offrent deouvelles possibilités afin de rendre compte de ces liensntre perception et connaissances. Ainsi, le cortex péri-hinal serait impliqué dans l’intégration multimodale et’intégration visuelle de haut niveau [40]. Ce rôle intégra-if de haut niveau sous-tendu par ces régions a aussi étéémontré chez l’humain et dans la DS [46]. Ces travauxontrent que cette intégration concerne uniquement les

tems ayant du sens, impliquant donc un traitement séman-ique. Par conséquent, la théorie SFT pourrait trouver uneertaine validation en tant que théorie explicative de la DS,ais à condition de préciser la nature exacte du déficit per-

eptif. Le traitement des items vivants serait alors altéré enaison (au moins en partie) d’une altération de l’intégrationisuelle de haut niveau et non pas en raison de déficitsensoriels de bas niveau. Cette explication serait alors limi-ée au traitement sémantique issu d’une entrée visuelle etette hypothèse ne permettrait pas d’expliquer en quoi lesatients DS présentent un déficit dans le traitement séman-

nt montré que l’activation d’un des composants de larace, par exemple, un son (rugissement), activait auto-

atiquement les composantes associées dans les autresodalités, par exemple, la forme visuelle (lion) [47]. Par

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Démence sémantique et traitement perceptif

Points clés

• Certaines maladies comme la démence sémantiquesont souvent caractérisées par des atteintes catégories-spécifiques avec un déficit dans le traitement des items“vivants” comparativement aux “non vivants”.• Une des hypothèses explicatives populaires, la théo-rie sensori-fonctionnelle, suppose que les items vivantsseraient reliés aux propriétés sensorielles.• Ces liens entre la perception et nos connaissan-ces sont essentiellement définis par les approchesfonctionnelles à système unique de la mémoire danslesquelles nos connaissances sont sensori-dépendantes(modales).• Les données de la littérature montrent qu’il n’existepas d’altération perceptive de bas niveau dans la

conséquent, une connaissance déjà existante impliquant unplus grand chevauchement des caractéristiques visuellesavec les connaissances voisines (comme pour les vivants[20]) devrait être moins bien traitée chez les patients DS,quelle que soit la modalité d’entrée puisque le traitementde n’importe quelle entrée active la forme visuelle associée.Ces approches et ce phénomène d’activation permettentdonc d’expliquer pourquoi l’intégration sous-tendue par cesrégions se limiterait aux items déjà connus (et donc uneactivation visuelle associée à d’autres composantes senso-rielles).

Cette hypothèse explicative se trouve renforcée parl’effet inverse du niveau d’imagerie (imageability effect).En effet, selon la théorie du double codage [48], lesmots concrets, donc imaginables, bénéficient d’un doublecodage, sémantique et visuel. Par conséquent, ils pos-sèdent une meilleure accessibilité en mémoire. Corroborantcette hypothèse, les observations portant tant sur lefonctionnement normal que pathologique, rapportent logi-quement de meilleures performances pour les motsconcrets. Néanmoins, et de manière surprenante, diffé-rentes recherches ont montré un effet inverse du niveaud’imagerie dans la DS [49]. Par exemple, la connaissancedu concept “vache” serait plus facilement perdue que laconnaissance du concept “conscience”. Si la DS est biencaractérisée par une altération dans l’intégration visuelle,il apparaît logique que ces patients présentent cet effetinverse.

Des facteurs méthodologiques doivent également êtrepris en compte dans l’évaluation de la capacité de la SFTà expliquer les déficits catégories-spécifiques. Ainsi, laméthodologie employée afin d’étudier ce phénomène decatégorie-spécificité reste souvent critiquable [50]. Une desconsidérations majeures est le matériel employé puisquecelui-ci n’est que peu ou pas contrôlé pour la fréquence,la complexité, la nature des stimuli (dessin, photographie),etc. De même, les catégories considérées varient énormé-ment selon certaines études qui incluent seulement desanimaux et des outils. Il semblerait aussi pertinent d’inclurela nouvelle catégorie sensori-dépendante [30] au sein descatégories testées afin de distinguer les items inanimés“fonctionnels”, comme les outils, des items non vivants“sensoriels” comme les textures.

Un autre point à considérer est le problème des études

de cas. Comme évoqué auparavant, la DS est une maladierelativement rare, et donc la majorité des travaux reposesur des études de cas multiples ou sur de petits groupeslimitant la puissance statistique. Cette difficulté de recrute-ment entraîne parfois des critères d’inclusion/exclusion pluslarges et donc l’implication possible de variables confon-dantes telles que le genre [51], le degré de sévérité de

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démence sémantique, mais un déficit de l’intégrationvisuelle de haut niveau.• Cette altération de l’intégration de haut niveau en lienavec l’altération catégorie-spécifique est un support auxapproches sensori-dépendantes de la mémoire.

la maladie - tant au niveau cognitif que cérébral (réparti-tion et importance des lésions) - des différents patients.L’absence d’effet catégorie-spécifique pourrait donc pro-venir de maladies à un stade plus avancé ou de lésionsplus étendues chez certains patients. De même, la DS estsouvent caractérisée par une atrophie temporale asymé-trique, mais cette asymétrie n’est pas toujours existantechez les patients DS. Ainsi, une altération temporale quiserait unilatérale permettrait peut-être certaines compen-sations inter-hémisphériques.

Enfin, il a aussi été montré dans la population normaledes effets catégories-spécifiques qui auraient logiquementdes répercussions dans la pathologie [52]. Selon ce typede recherche, les items non vivants seraient naturellementmoins bien traités par rapport aux vivants. Cette difficultéproviendrait de la plus grande variabilité intra-catégorie desitems non vivants comme définis par la théorie CSA. Ainsi,les déficits catégories-spécifiques en défaveur des itemsvivants chez les patients seraient une majoration de cettedifficulté naturelle.

Conclusion

Cette synthèse a étudié les liens entre la percep-tion et la DS. Cette problématique, mise en perspectiveavec l’atteinte catégorie-spécifique en défaveur des itemsvivants, fait écho à la SFT [23]. Cette théorie définit un défi-cit dans les connaissances perceptives afin d’expliquer le

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. Vallet et al.

éficit de traitement des items vivants. Cependant, il esteconnu que les aspects sensoriels tout comme la per-eption de bas niveau sont bien préservés dans la DS (cf.OSP). A contrario, les aspects de haut niveau pourraienttre altérés. Supportant cette hypothèse, les lobes tempo-aux antérieurs, atrophiés dans la DS, seraient des régionsmpliquées dans l’intégration visuelle et multimodale deaut niveau. Cette intégration serait davantage nécessaireour les items vivants, car ils seraient définis par des carac-éristiques visuelles qui se chevauchent, les rendant plusomplexes et moins distincts les uns des autres [26]. Leait qu’il n’existe pas de déficit particulier dans le traitementes aspects sensoriels en général et que cette intégrationoit relative aux items connus seulement va à l’encontre de

a SFT. Celle-ci, dans sa forme première, n’est pas capablee rendre compte de ces liens, mais une révision de ceodèle se centrant sur l’intégration visuelle pourrait peut-

tre être adéquate. Cependant, cette hypothèse en termee chevauchement et de distinction serait plus adéquate-ent expliquée par la théorie CSA. Celle-ci montre que les

tems vivants nécessitent une plus grande intégration, rôlessentiel des lobes temporaux antérieurs, y compris dans

a DS [22].Ce trouble intégratif des aspects visuels est plutôt

n faveur des modèles fonctionnels de la mémoire. Cespproches définissent les connaissances comme ancrées

dans leurs contextes et gardant leurs propriétés (senso-rielles et fonctionnelles). Ces approches viennent remettreen question les approches classiques et ouvrent donc laporte à de nouveaux débats et éventuellement à de nou-velles prises en charge. De récents travaux indiquent quenos connaissances seraient modales, tant pour les adultesjeunes que pour les personnes âgées [11]. L’applicationde ces données à la DS permet d’envisager de nou-velles prises en charge qui se centreraient sur l’intégrationvisuelle de haut niveau et sur l’intégration multimodale avec,par exemple, un travail sur les propriétés exclusives desconnaissances (contrer l’ambiguïté existante). Enfin, et enguise d’ouverture, nous soulignons le fait que par le passéles approches connexionnistes ou à traces multiples, dontsont issues les approches fonctionnelles de la mémoire,ont pu avancer des hypothèses crédibles d’explication destroubles sémantiques en général [53], mais aussi de la DS[54]. Ces travaux ne seront pas détaillés ici, car ils outre-passent la question des liens entre la perception et lesconnaissances sémantiques. Toutefois, ils constituent despistes qui seront à prendre en compte pour les recherchesfutures.

Conflits d’intérêts : aucun.

Source de financement : Guillaume Vallet et Rémy Versace sontsubventionnés par la région Rhône-Alpes dans le cadre du Cluster4 “Handicap, Vieillissement, Neurosciences”.

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