Management de la Relation Client-Fournisseur avec un modèle intégré : PRIME© Purchasing...

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Management de la Relation Client-Fournisseur avec un modèle intégré :

PRIME©

Purchasing Relationship Integrated Model for Enterprises

Jean Potage, Cabinet MAT’ACHAT Chargé de cours achats à l’X, HEC, MAI, DESMA

Ancien Directeur Achats Thales

jean.potage.1972@asso-supelec.org

Cet article constitue le premier d’une trilogie sur le Supplier Relationship Management (SRM). Il décrit un modèle de SRM devenu nécessaire pour l’avenir de la

fonction achat; un second article décrira sa mise en œuvre concrète ; un troisième proposera le modèle de maturité achats « unifié » qui lui est associé.

1. Introduction

Le recentrage des grandes entreprises sur leur cœur de métier les conduit inexorablement vers des

sous-traitances à forte valeur ajoutée de la part des fournisseurs.

Cette évolution comporte un double enjeu pour l’entreprise et sa fonction achats : impliquer les

fournisseurs en amont, c’est-à-dire dès les phases de conception (figure 1) mais aussi piloter des

relations nombreuses et complexes avec ces mêmes fournisseurs (figure 2).

Figure 1 : les enjeux achat amont

Figure 2 : cartographie des relations fournisseurs

Ce que l’on appelle le SRM (Supplier Relationship Management) est par là-même devenu stratégique

pour l’entreprise, mais force est de constater que jusqu’à maintenant peu de modèles ont été

proposés. Qui plus est, en présence de différentes industries, différentes perspectives, différentes

cultures, différentes maturités achats, le SRM risque de devenir rapidement une cacophonie et de

notre point de vue une approche « top down » basée sur des modèles et des normes s’impose afin

d’éviter le phénomène de la Tour de Babel du SRM.

2. Un premier constat : l’absence de modèles pour le SRM

2.1. La modélisation ISO

L’ISO élabore des Normes internationales pour tous les secteurs de l'industrie (à l'exception de

l’électrotechnique, couverte par la CEI, et des télécommunications, couvertes par l’UIT), ainsi que pour

diverses disciplines trans-sectorielles ou horizontales (comme la métrologie et les systèmes génériques

de management).

Malheureusement, ces normes sont orientées processus et ne traitent pas explicitement la relation

fournisseur en elle-même.

2.2. Les Modèles de Maturité Achats

Créé en 1998 (Les Achats à Thomson-CSF : vers un nécessaire Modèle de Maturité / Jean Potage,

Revue internationale de l’Achat Vol 18-N°2-1998 p. 11), le concept a été décliné pratiquement selon

deux types de modèles : un modèle « continu » basé sur les pratiques clés du métier achats puis un

modèle « à étages » basé sur une approche achat projet, reflétant davantage l’activité du groupe. Ce

dernier modèle a été repris en 2005 dans l’approche CMMi et intégré dans ce dernier sous

l’appellation CMMi Acquisition. Tous ces modèles visent la maîtrise des pratiques achats aval et

amont, mais ne proposent pas explicitement une modélisation du SRM (cf Profession Achats n° 29,

mars 2008 : Gouvernance de la fonction achat avec un modèle de matutité).

2.3. Les Modèles économiques

Jean POTAGE
Machine à écrire
Article publié dans PROFESSION ACHAT Revue de la Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France, n° 37 mars 2010, page 32

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Les Achats étant par définition une « ligne de dépenses » dans le compte d’exploitation, les Modèles

de performance économique achats ont toujours privilégié l’approche par le « prix d’achat ». La

modélisation par le coût global de possession est implicite dans les comptes, et de ce fait un mauvais

SRM se traduisant par exemple par de la non qualité ou des retards de livraison n’apparaît pas en

lecture directe par des surcoûts dans les comptes. Sans parler des gains des achats et des modèles

associés, vis-à-vis desquels les Directions Financières sont toujours « en délicatesse ».

3. Un deuxième constat : la nécessité de Modèles de SRM

3.1. Un Modèle devenu une nécessité pour l’entreprise étendue

Certaines entreprises ne modélisent pas car elles croient inutile de savoir comment elles font. Ainsi le

nouvel embauché aux achats se forme par imitation des anciens. Le savoir est dans les murs mais non

explicité.

Du fait qu’elle opère dans un écosystème client-fournisseurs très évolutif (concurrence, innovation

technique, réglementation, crises) et qu’elle travaille en réseaux de partenariats avec d’autres

entreprises l’entreprise étendue doit quant à elle impérativement modéliser.

3.2. Un Modèle pour structurer le SRM en interne au sein de l’entreprise cliente

Eu égard au grand nombre de parties prenantes lorsque les fournisseurs sont impliqués en amont

(Direction Générale, Marketing Ventes, R&D, Manufacturing, Qualité, Comptabilité,…) il est donc

impératif de définir des règles qui « mènent » la relation avec ces fournisseurs, et qui est le chef

d’orchestre ! C’est-à-dire « qui dit quoi à qui, et comment ? ».

Les organisations des donneurs d’ordres étant souvent complexes et régulièrement en (r)évolution il

est devenu nécessaire de piloter le SRM, c’est-à-dire de désigner côté donneur d’ordres les chefs

d’orchestres du SRM. En effet supposons par exemple que nous ayons une dizaine d’entités internes

dialoguant avec une centaine de fournisseurs « amont », cela représente 1 000 « liasons » SRM à

gérer du point de vue cohérence...

3.3. Un Modèle pour structurer les échanges avec les fournisseurs

Le SRM conventionnel des fonctions achats et de la littérature est relativement clair dans sa manière

d’organiser les RFI, les RFQ et les contrats qui en découlent. Lorsque l’on aborde les relations

fournisseurs « collaboratives » inhérentes à la co-conception et/ou au co-développement, un

modèle est d’autant plus nécessaire que les interlocuteurs sont nombreux et les enjeux élevés. A

fortiori dès que l’on va vouloir parler innovation avec les fournisseurs.

4. Le SRM vu selon une approche « Télécommunications »

4.1. le modèle de référence OSI

L'ISO (International Standards Organisation), organisme dépendant de l'ONU et composé de 140

organismes nationaux de normalisation, a développé un modèle de référence appelé modèle OSI (Open

Systems Interconnection). Ce modèle (figure 3) décrit les concepts utilisés et la démarche suivie pour

normaliser l'interconnexion de systèmes ouverts. Un réseau de Télécommunications est ainsi composé de

systèmes ouverts lorsque la modification, l'adjonction ou la suppression d'un de ces systèmes ne modifie

pas le comportement global du réseau).

Un tel modèle ayant fait ses preuves, nous allons en tirer parti et l’appliquer à la relation client-

fournisseur.

4.2. Transposition du modèle OSI au SRM

Le modèle OSI (figure 3) est un modèle en couches fonctionnant de la manière suivante :

1. Une couche doit être créée lorsqu'un nouveau niveau d'abstraction est nécessaire

2. Chaque couche a des fonctions bien définies

3. Les fonctions de chaque couche doivent être choisies dans l'objectif de la normalisation internationale

des protocoles

4. Les frontières entre couches doivent être choisies de manière à minimiser le flux d'information aux

interfaces

5. Le nombre de couches doit être tel qu'il n'y ait pas cohabitation de fonctions très différentes au sein

d'une même couche et que l'architecture ne soit pas trop difficile à maîtriser

Cette modélisation en couches et ses principes ont inspiré la modélisation de la relation client

fournisseur décrite ci-après.

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5. PRIME © :un modèle en couches basé sur une approche globale du SRM

5.1. Choix d’un nombre de couches

Nous avons pris le parti d’avoir un nombre limité de couches : six en l’occurrence et par souci de

pragmatisme. Nous obtenons alors un Modèle intégré et complet PRIME© : Purchasing Relationship

Integrated Model for Enterprises (figure 4).

Figure 3 : le modèle OSI simplifié

Figure 4 : représentation simplifiée de PRIME

© : Purchasing Relationship Integrated Model

for Enterprises

5.2. Fonctionnalités et échanges de chaque couche de PRIME ©

Chaque couche remplit un rôle précis tant du côté client que du côté fournisseur. Ces rôles sont

mentionnés sur la représentation de la figure 5.

Figure 5 A : schéma fonctionel de PRIME ©

Figure 5 B : Descriptif des couches

• La couche Comptable recouvre les échanges purement

économiques. • La couche Transactions recouvre les échanges marchands

(commande, livraison, recette) en exécution d’un contrat

préalable, explicite ou implicite.

• La couche Contrat recouvre la préparation et la signature

d’un contrat

• La couche Communication recouvre tous les échanges

préalables à la mise en œuvre d’un contrat

• La couche Politique recouvre la définition et l’énoncé de la

stratégie et de la politique achat de l’entreprise (au global

et/ou par famille, par projet)

• La couche Valeurs recouvre l’énoncé des valleurs instanciées

par l’entreprise dans le cadre de son SRM

5.3. PRIME © permet de préciser les interfaces côté client et fournisseur

L’intérêt du modèle apparaît ici quant à préciser les rôles et missions des parties prenantes de

l’entreprise dans sa relation avec les fournisseurs (figure 6).

A ce stade on vérifie au passage que la fonction achats règne en maître sur les couches 1 à 3, grâce à

une maturité croissante. En revanche et comme précisé ci-après, ce sont bien d’autres fonctions

d’entreprise qui sont à l’œuvre dans les couches 4 à 6 et la fonction achats y est là moins à l’aise…

Figure 6 : Les interfaces de PRIME ©

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5.4. Fonctionnement détaillé de chaque couche

Voyons maintenant comment « fonctionne » le modèle et donc pour chaque couche qui ou quels

sont les « stake holder », les principaux leviers d’efficience, les indicateurs clés (KPI :Key Pricess

Indicators) et les principaux outils. Le modèle étant orienté « télécom » on notera au passage quel

est le mode de communication (bradcast, alternant, duplex…utilisé par l’entreprise) : il est important

de préciser « qui émet « et « quand » sur la fréquence fournisseurs !

5.4.1. Couche 1 : Comptable

5.4.2. Couche 2 : Transactions

5.4.3. Couche 3 : Contrat

5.4.4. Couche 4 : Communication

5.4.5. Couche 5 : Politique

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5.4.6. Couche 6 : Valeurs

6. Utilisation du modèle PRIME © pour structurer et piloter le SRM

6.1. Le pilotage par trois valeurs de base conduit à trois types de fournisseurs

PRIME © permet de décrire le fonctionnement du SRM. Nous allons donc l’utiliser pour décliner les

trois types de valeurs de base qui président les relations marchandes client-fournisseur : la valeur

COMPETITIVITE (pour laquelle les achats créent de la valeur par les fameux “gains achats”), la valeur

CONFIANCE (création de valeur par la collaboration avec les fournisseurs) et la valeur CROISSANCE

(création de valeur par la l’innovation avec un nombre réduit de fournisseurs).

Ces trois valeurs conduisent ainsi à trois types de SRM (SRM type Delta 3, Delta 2 et Delta 1) et donc à

trois types de fournisseurs correspondants, s’agissant de la structure du panel fournisseurs de l’entreprise

(figures 7 A et 7 B)

Figure 7 A : Les 3 valeurs de base du

SRM

Figure 7 B : les 3 types de fournisseurs

6.2 Le pilotage par trois valeurs de base conduit à trois types de SRM majeurs

Ces trois types de SRM sont indiqués sur le diagramme de figure 8 ci-après.

A ce stade un bilan s’impose :

• Les deux dernières décennies ont forgé le SRM Delta 3, et câblé les comportements du SRM

• Le recentrage des grands donneurs d’ordre sur leur cœur de métier fait émerger un SRM de

type Delta 2 : PRIME met alors en lumière tout le travail qui reste à faire sur les couches 4 à

6, de concert entre la fonction achat et les autres fonctions de l’entreprise.

• Enfin, ce même recentrage associé au partage des risques et des coûts de R&D conduit à

jouer la croissance et donc l’innovation avec les fournisseurs, à travers un mode Delta 1 qui

n’en est qu’à ses balbutiements.

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Figure 8 : les trois types de SRM modéliés avec PRIME ©

6.3 Utilisation du modèle pour évaluer le SRM

PRIME © n’est pas seulement un modèle de fonctionnement qui structure les relations du SRM. Il

peut être facilement utilisé pour évaluer la qualité du SRM et l’améliorer si nécessaire et à bon

escient sur chacune de ses couches, soit par des autoévaluations, soit par des évaluations croisées

avec les fournisseurs (figures 9 A et 9B). Une simple échelle de 1 à 5 peut suffire pour mettre en

évidence les interfaces qui vont « frotter » dans les relations quotidiennes et les traiter de manière

appropriée.

Figure 9 A : Autoévaluations du SRM selon

PRIME

Figure 9 B : Evaluations croisées du SRM

selon PRIME

7. Conclusion

Un modèle en couche tel que PRIME © s’avère donc pertinent pour structurer le pilotage du SRM en

interne dans toute l’entreprise, pour convenir des rôles et missions des prescripteurs mais aussi de

chaque Direction, y compris la Direction Générale dont le rôle consiste pricipalement à fixer les

valeurs qui vont « irradier » les différents types de SRM ; ces valeurs induisent en effet les

comportements de tous les acteurs. PRIME © permet également de clarifier les différents niveaux

de relations avec les fournisseurs, tant différents d’un modèle à l’autre, selon que l’on parle de

Compétitivité, de Confiance ou de Croissance ! L’entreprise étendue ne peut à l’évidence fonctionner

avec le seul modèle de compétitivité qui a prévalu jusqu’à maintenant ; les modèles collaboratifs

avec différents types de fournisseurs, de la start up au grand groupe en passant par les PME PMI sont

à construire et la crise que nous traversons rend urgente cette construction.